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Ligue des droits de l'Homme

Section du Pays d'Aix-en-Provence

Archives de l'auteur : LDH Aix

ROMS – NOUVELLE INTERPELLATION DES POUVOIRS PUBLICS 4 février, 2013

Le Collectif Roms de Gardanne
et communes voisines
invite à une
Conférence de Presse du mardi 5 février à 11 heures
Devant la Sous-Préfecture – 24 rue Mignet – Aix-en-Provence

Début septembre dernier, le Maire de Gardanne a accepté d’accueillir sur le territoire de la Commune 11 familles Roms, représentant 62 personnes. Cet accueil s’est fait sur le « carreau » d’un ancien puits de mine, le « Puits Z », que le Maire avait préalablement fait sécuriser en urgence, et sur lequel les familles disposent du minimum décent : eau et électricité. Des « habitats mobiles » (caravanes et mobile-homes) ont plus tard été installés, grâce au concours de la Fondation Abbé Pierre.

Le Maire de Gardanne, faisant ainsi preuve d’une humanité et d’un courage politique demeurés à ce jour uniques dans le département des Bouches du Rhône, a dès ce moment indiqué clairement que le nombre de familles accueillies serait limité, même s’il a par la suite accepté d’accueillir quelques personnes supplémentaires étroitement liées aux précédentes, portant cet effectif à 80 personnes environ.

Dès l’automne, de nombreuses associations, dont celles qui étaient à l’origine de la demande d’accueil adressée au Maire de Gardanne, se sont constituées en collectif, et ont entrepris un considérable et constant travail avec les familles du Puits Z : alphabétisation et scolarisation des enfants, suivi sanitaire et social, aide matérielle (vêtements, nutrition), …

Tout ceci s’est fait en liaison étroite et en parfaite intelligence avec les services de la Mairie (CCAS, Police Municipale, Service Jeunesse), de l’Éducation Nationale (dont les membres ont accompli un travail exemplaire), des structures hospitalières et services médico-sociaux des environs, et de divers organismes caritatifs qui ont tous pris une part importante à ces actions.

Des personnes surnuméraires ont afflué au Puits Z, modestement d’abord, puis de façon plus importante récemment, suite à diverses « évacuations » sans solutions opérées dans le département, en des lieux très proches ou un peu plus lointains. Face à cette situation qu’il considérait comme « ingérable », le Maire de Gardanne a entamé une procédure en référé auprès du TGI d’Aix en Provence, lequel a rendu le 29 janvier une ordonnance accordant aux familles concernées, pour quitter le Puits Z, un délai de deux mois.

Puis, devant cette ordonnance du Tribunal, le Maire a pris le 31 janvier un arrêté municipal enjoignant aux familles Roms « surnuméraires » de quitter les lieux sous 24 heures, avec recours à la force publique si nécessaire. La Gendarmerie Nationale et la Police Municipale se sont rendues au Puits Z le 1er février pour appuyer cette injonction et, sans doute, en préparer l’exécution.

Le Collectif Roms de Gardanne n’a jamais contesté sur le fond ni le courage du Maire de Gardanne, ni la légitimité de sa volonté, clairement affichée dès le début, de limiter le nombre de personnes accueillies à Gardanne.

Le Collectif, cependant, ne peut accepter que ne soit pas appliqué en l’occurrence le principe « Pas d’expulsions sans solutions », selon une formule du candidat Hollande, aujourd’hui Président de la République.

Cette formule semble très clairement validée dans son principe général, mais aussi de façon circonstanciée, par la circulaire interministérielle du 26 août 2012 qui stipule notamment dans ses titres 2 et 3 que doivent être opéré un « diagnostic », comme le « repérage des personnes fragiles (personnes malades, jeunes enfants) » et prises des mesures telles que « préalablement à l’évacuation, le recours à l’hébergement d’urgence », « l’aménagement d’un site d’accueil provisoire » etc.

Nous rappelons en outre que, dans sa décision rendue publique le 21 janvier 2013, le Comité Européen des Droits Sociaux (CEDS) du Conseil de l’Europe condamne fermement la France, et pour la quatrième fois, pour « violations manifestes de droits et d’accès aux droits des populations Roms ». Le gouvernement français et plus largement toutes les autorités concernées devraient donc enfin prendre des mesures concrètes et effectives pour lutter contre l’exclusion sociale des Roms et leur garantir les mêmes droits qu’à tous.

Dès la fin du mois de novembre, le Collectif Roms de Gardanne s’est adressé aux Maires de 25 communes environnantes et à divers élus locaux et nationaux, dans l’espoir que des solutions soient trouvées. Le Collectif a réitéré sa démarche avec plus d’insistance début janvier, s’adressant aux mêmes, puis à nouveau il y a quelques jours, s’adressant également au Préfet de Région et au Sous-Préfet d’Aix. Les très rares réponses que le Collectif a reçues à ce jour étaient hors sujet.

Est-il besoin de rappeler que si quelques communes des Bouches-du-Rhône acceptaient d’accueillir sur leur territoire ne serait-ce que quelques personnes, une famille, ce qui ne nécessite pas de bien grands moyens, le « problème » ne se poserait plus ?

Les familles concernées vont-elles se retrouver expulsées, comme c’est le cas général, errant dans des conditions de dénuement extrême de lieu précaire en trottoir d’où elles se feront « éjecter » sans sommation, à n’importe quel moment du jour ou de la nuit, avec peut-être les violences auxquelles nous n’avons que trop souvent assisté impuissants ?

Nous avons tenté d’attirer l’attention du Préfet sur ce qui pourrait découler d’une expulsion intervenant dans d’aussi brefs délais, particulièrement en ce qui concerne l’accompagnement sanitaire d’un certain nombre de personnes, notamment enfants en bas âge, dont certains présentant des pathologies graves, et que notre collectif a pris en charge en les accompagnant régulièrement dans les structures hospitalières d’Aix et de Marseille où ils sont suivis.

Tout le travail concernant la scolarisation des enfants, que nous avons effectué depuis des mois, chaque semaine au puits Z, se retrouverait ainsi, également, totalement annihilé.

C’est pourquoi le Collectif Roms de Gardanne interpelle une fois de plus les autorités de la République, et plus largement l’ensemble des pouvoirs publics, des collectivités locales à l’Union Européenne, pour que soit mis fin
- à des discriminations d’ordre racial et culturel,
- à des situations de misère indigne et sans issue,
- à des traitements humainement inacceptables

et que soient enfin appliqués aux Roms les principes relevant « du droit commun », notion fondamentale en démocratie, et de l’égalité républicaine, particulièrement s’agissant de ressortissants de l’Union Européenne.

Quelles solutions l’État a-t-il prévues pour l’accueil des familles qui vont quitter le Puits Z de Gardanne et, plus généralement, des populations Roms expulsées de divers lieux du département ? Quand l’État se décidera-t-il à proposer des solutions pérennes à un problème qui, pour l’essentiel, est de son ressort ?

Le Collectif demandera une entrevue à Monsieur le Sous-Préfet d’Aix en Provence, et lui remettra à cette occasion un nouveau courrier.

Gardanne, le 3 février 2013

EN MEMOIRE D’ABDELHAKIM AJIMI 10 janvier, 2013

MOBILISATION À AIX-EN-PROVENCE LUNDI 14 et MARDI 15 JANVIER 2013
Devant et dans la Cour d’appel 20, place de Verdun – 13616 Aix-en-Provence

POUR MÉMOIRE

Le 9 mai 2008 à Grasse, Abdelhakim Ajimi est mort suite à son interpellation par la police. Apostrophé dans la rue, Abdelhakim Ajimi n’est ni armé, ni dangereux, ni même menaçant. Il est immobilisé par 2 agents de la Brigade Anti Criminalité (BAC), rejoints par des officiers de la police municipale et nationale. Pieds et mains menottés, ventre contre terre, Abdelhakim Ajimi subit durant 15 à 20 mns une clé d’étranglement (dont l’usage est condamné par la Cour européenne des Droits de l’Homme) associée à une importante compression thoracique et à de violents coups de poings et de pieds. Voyant l’état critique du jeune homme, des témoins tentent d’intervenir. En vain.

DES POLICIERS JUGÉS, CONDAMNÉS MAIS IMPUNIS…

Après 4 années de procédure judiciaire particulièrement pénibles pour la famille Ajimi, le procès des 7 policiers impliqués dans la mort d’Abdelhakim Ajimi s’est tenu du 16 au 20 janvier 2012. Le 24 février 2012, le verdict du tribunal correctionnel de Grasse tombait : les 7 policiers, dont l’ « inhumanité » et la « responsabilité » ont été soulignées au cours du procès, ont bénéficié de la complaisance du tribunal.

Walter Lebeaupin et Jean-Michel Moinier, les 2 agents de la BAC, ont été reconnus coupables et condamnés à des peines de 18 et 24 mois de prison pour homicide involontaire et non assistance à personne en péril sur la personne d’Abdelhakim Ajimi. Jim Manach, policier municipal, a été condamné à 6 mois de prison pour non assistance à personne en péril. Pourtant ces peines ont été prononcées avec sursis. Quant à M. Authier-Rey, A. Bekhira, B. Julien et P. Locatelli, agents de Police secours qui avaient transporté Abdelhakim Ajimi sans lui prêter assistance, tous ont été relaxés.

L’impunité est flagrante. L’absence de commune mesure entre les faits, avérés, et la condamnation a été immédiatement dénoncée par la famille Ajimi, le comité Vérité et Justice pour Abdelhakim Ajimi et leurs soutiens.

… ET TOUJOURS EN POSTE !

Par voie de presse, le 26 mars 2012, la famille Ajimi apprenait en revanche que « Les policiers de la brigade anti-criminalité de Grasse J.-M. Moinier et W. Lebeaupin [… venaient] officiellement de changer de service. Les deux agents ne font plus partie de la BAC grassoise. Toutefois, ils continueront de travailler au sein du commissariat. »

PAS D’IMMUNITÉ POUR LES POLICIERS LES 14-15 JANVIER 2013

W. Lebeaupin, J.-M. Moinier et J. Manach, condamnés par le Tribunal de Grasse à des peines de prison avec sursis, ont fait appel devant la Cour d’Aix-en-Provence. L’audience aura lieu lundi 14 et mardi 15 janvier 2013. Maître Leclerc et maître de Vita, avocats de la famille Ajimi, seront présents pour que justice soit rendue à Abdelhakim Ajimi, pour que les policiers soient redevables de leurs actes comme tout citoyen. Les séances sont publiques :

RESTONS MOBILISÉS

AUX COTÉS DE LA FAMILLE AJIMI

Comité Vérité et Justice pour Abdelhakim Ajimi

Contact : comite_hakim_ajimi@riseup.net

Lettre ouverte à M. le Président de la République française, à l’occasion de sa visite officielle en Algérie 2 janvier, 2013

A l’occasion de la visite d’Etat de F. Hollande les 19 et 20 décembre en Algérie, plusieurs organisations de défense des Droits de l’Homme, françaises, algériennes et internationales ont attiré l’attention du président français sur la situation des Droits dans ce pays. Ils l’ont fait sous forme d’une lettre ouverte, intégralement reproduite dans cet Eclairage.

Lettre ouverte à M. le Président de la République française, à l’occasion de sa visite officielle en Algérie

Paris, le 17dé́cembre 2012

A l’attention de : M. François Hollande, Président de la République Française

Monsieur le Président de la République,

Vous vous apprêtez à effectuer une visite officielle en Algérie – visite qui a pour ambition de « rétablir une relation politique de confiance à la hauteur des ambitions de nos deux peuples et tournée vers l’avenir ». A cette occasion, nous, organisations signataires, souhaitons attirer votre attention sur les questions relatives aux droits de l’Homme, y compris les droits économiques, sociaux et culturels, et aux libertés fondamentales dans le cadre des relations entre la France et l’Algérie.

Nous tenons, tout d’abord, à saluer votre décision de reconnaître le massacre, le 17 octobre 1961, de manifestants algériens, en plein cœur de Paris. Cette décision, nous l’espérons, sera suivie d’une dénonciation du système colonial et des crimes qu’il a engendrés alors, afin de permettre notamment un travail de mémoire conjoint et apaisé sur l’Histoire commune, une plus grande capacité des nouvelles générations d’origine algérienne à assumer leur citoyenneté française ainsi que l’établissement de relations normalisées entre la France et l’Algérie. Nous sommes également convaincus que le droit de vote aux élections locales accordé aux étrangers établis en France, ce qui concerne donc les Algériens y vivant, devrait contribuer positivement à cette évolution.

Monsieur le Président, parmi les « 60 engagements » de votre projet présidentiel, vous vous promettez de « [développer] la relation de la France avec les pays de la rive sud de la Méditerranée sur la base d’un projet économique, démocratique et culturel […] en proposant une relation fondée sur l’égalité, la confiance et la solidarité » . Cette visite officielle en est une première étape. Nos organisations croient que cette « relation de confiance » que vous souhaitez développer pendant votre présidence avec les autorités algériennes doit se faire au bénéfice de certains progrès en matière de droits de l’Homme et des libertés démocratiques, ainsi que de tous les acteurs de la société civile indépendante en Algérie.

Or, depuis l’annonce des réformes politiques en avril 2011, la répression à l’encontre des défenseurs des droits de l’homme et des militants syndicaux n’a fait que s’amplifier en Algérie. En contradiction avec la Constitution du pays et les conventions internationales que l’Algérie a ratifiées, le harcèlement judiciaire à l’égard de défenseurs des droits de l’homme et de militants syndicaux, la répression policière, l’interdiction injustifiée de manifestations et réunions publiques, le recours à des pratiques administratives abusives entravant la création et le fonctionnement des associations et des syndicats autonomes élèvent des obstacles considérables à l’action de la société civile algérienne. Plusieurs lois promulguées en janvier 2012 et présentées comme des “réformes démocratiques” sont en réalité une régression des libertés publiques, en particulier la loi n° 12-06 qui rend plus difficile la création, le financement et le fonctionnement quotidien des associations et la loi n° 12-05 sur l’information qui entrave l’indépendance des journalistes et la liberté d’opinion et de publication. Par ailleurs, plusieurs demandes de création de nouveaux syndicats autonomes dans différents secteurs se heurtent à un refus d’enregistrement non motivé. De plus, l’impunité des auteurs de disparitions forcées et d’autres violations graves et massives des droits de l’Homme commises durant les années 90 reste toujours de mise, malgré les nombreuses condamnations formulées par différents organes du Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations unies.

À l’occasion de votre visite, nos organisations vous demandent d’inclure en priorité, dans toute négociation avec les autorités algériennes, la question du respect et de l’application réelle des conventions internationales relatives aux droits de l’Homme ainsi que des conventions de l’Organisation internationale du travail (OIT), ratifiées par l’Algérie. A cet égard, nous tenons également à vous faire part des obstacles à la délivrance de visas que nos organisations comme d’autres organisations internationales des droits de l’Homme ou syndicats étrangers rencontrent et qui ont pour effet d’entraver le travail sur le terrain avec les organisations algériennes. Nous croyons, par ailleurs, que la France serait mieux entendue si elle cessait de pratiquer une politique entravant la liberté de circulation des algériens à l’intérieur de ses frontières, comme dans les autres pays européens. Ces entraves qui touchent tous les secteurs de la population sont ressenties comme autant de manifestations de mépris. Enfin, nos organisations vous invitent, Monsieur le Président, à saisir l’occasion de votre visite pour rencontrer la société civile afin d’entendre l’intense aspiration démocratique des Algériennes et des Algériens. Nous espérons que celle-ci sera en outre l’occasion de mettre en place des mécanismes qui permettent de consulter et d’associer la société civile indépendante des deux pays au renouveau de la coopération entre la France et l’Algérie.

Confiants de l’attention que vous voudrez bien porter à notre requête, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de notre haute considération.

Signataires :

M. Pierre Tartakowsky, président de la Ligue des Droits de l’Homme (LDH)

Mme Souhayr Belhassen, présidente de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH)

M. Michel Tubiana, président du Réseau Euro-Méditerranéen des Droits de l’Homme (REMDH)

M. Halim Derbal pour le Bureau de l’association Agir pour le Changement Démocratique en Algérie (ACDA)

Mme Nassera Dutour, porte-parole du Collectif des familles des disparu(e)s en Algérie (CFDA)

M. Stéphane Enjalran, président du Comité International de Soutien au Syndicalisme Autonome Algérien (CISA)

Me Noureddine Benissad, président de la Ligue Algérienne pour la Défense des Droits de l’Homme (LADDH)

M. Rachid Malaoui, président du Syndicat National Autonome du Personnel de l’Administration Publique (SNAPAP)

Me Amine Sidhoum, coordinateur du Réseau des Avocats pour la Défense des Droits de l’Homme (RADDH)

«On a un pacte avec le président Bouteflika» (F. Hollande) 2 janvier, 2013

« Cette année 2012 n’a pas été seulement celle des scandales de corruption. Elle a été aussi celles des plus grands ratages politiques annonciateurs de nouvelles difficultés pour le pays, (…) Le scrutin législatif du 10 mai a été boudé par les électeurs, entaché de fraude et a permis au FLN de rempiler de nouveau. Inédit et plus grave, l’argent sale a servi à acheter des sièges à l’Assemblée où siègent désormais des illettrés. Et les élections locales ont obéi aux mêmes standards. Le gouvernement avait avoué que l’Algérie n’avait pas un fichier électoral exploitable, mais Paris et Washington ont salué la “réussite” de ces deux consultations. Dans le fond, ces félicitations américaines et françaises sont un affront à l’Algérie » Extrait de 2012, quel bilan ? Éditorial du Matin DZ du 31 décembre 2012.

La question du logement en Algérie concentre une bonne partie des problèmes de la société : manque d’emplois, manque de revenus, loyers inaccessibles, sur-occupation des appartements, confinement de la jeunesse, stagnation des jeunes adultes chez leurs parents, difficulté des études, vétusté et insalubrité des immeubles, accroissement des bidonvilles, insécurité, rivalités entre les plus démunis, tensions sociales, impact environnemental…

Émeutes du logement

Le mois de novembre a commencé par de violents affrontements à Seybouse, près d’Annaba, entre les forces de l’ordre et les habitants d’un immense bidonville de plus de 200 constructions illicites. Le 3 novembre les bulldozers sont entrés dans le bidonville sous haute surveillance policière. Les autorités locales n’ayant prévu aucune solution pour le relogement des habitants, la colère et le désespoir se sont transformés en violences. Une trentaine de personnes ont été interpelées. Les émeutes du logement, quotidiennes à travers tout le pays, sont généralement consécutives à la publication des listes de bénéficiaires de logements sociaux. Le 25 novembre à Draâ Ben Khedda (wilaya de Tizi Ouzou) des centaines de personnes ont manifesté pour protester contre la corruption qui conduit souvent à écarter des listes des bénéficiaires en attente parfois depuis plus de 10 ans, au bénéfice de demandeurs connus pour n’être pas dans le besoin (et qui sous-loueront les logements sociaux). Le 3 décembre, ce sont les habitants d’un bidonville de Tizi Ouzou (cité Mokadem, 165 familles) qui sont venus faire le siège de la sous-préfecture (barricades, pneus enflammés, jets de pierres) pour protester contre l’affectation à des familles d’une autre cité des logements qu’on leur avait promis pour dans deux ans. Ils ont été dispersés sans ménagement par les forces anti-émeutes. Le 9 décembre siège et fermeture (une forme d’action qui se développe actuellement) de plusieurs mairies et sous-préfectures dans le nord-est du pays, consécutives, encore une fois, à la publication de listes de bénéficiaires d’aide à l’habitat rural jugées insuffisantes et partiales par ceux qui s’appellent eux-mêmes les “candidats recalés”. Les heurts les plus violents ont eu lieu à Beïnem entrainant neuf blessés. Au centre ville de Constantine, 600 familles d’une cité délabrée (construite en 1958) attendent leur relogement depuis 1996. Le 16 décembre des centaines de jeunes de cette cité, armés de gourdins et de cocktails Molotov, ont barré les rues, incendié des pneus et se sont heurtés aux forces de sécurité toute la journée. Enfin, entre le 20 et le 26 décembre, dans la région d’Annaba on a dénombré une dizaine d’émeutes dans différentes communes, toutes provoquées par la colère de la population après la publication de listes de bénéficiaires de logements sociaux.

Des rivalités du mal-vivre. De même que les “recalés” développent de l’animosité à l’égard de ceux dont les noms figurent sur les listes de promis au relogement, les rivalités entre cités, entre bidonvilles, entre quartiers, entre villages se multiplient. C’est ainsi que la guerre est déclarée entre les étudiants logés dans des logements sociaux promis aux habitants de Bgayet (Kabylie) et ces mêmes habitants qui dénoncent par ailleurs les comportements indécents et attentatoires aux mœurs des étudiants. Les affrontements sont quotidiens. Autre exemple, le 19 novembre les protestations (routes barrées etc.) des habitants d’un village de la wilaya de Tlemcen (Zelboun) ont provoqué une réaction hostile du village d’à côté (Beni Mester), les jeunes des deux villages se sont affrontés durement. Les mêmes types d’affrontement ont régulièrement lieu entre habitants de cités délabrées et bidonvilles les uns reprochant aux autres d’être favorisés par les pouvoirs publics en matière de relogement.

Les élections locales et sénatoriales

Le 29 novembre se sont déroulées les élections aux assemblées municipales (communes) et départementales (wilaya). Taux de participation officiel : 44%. Aux élections municipales, sur les 44 partis présentant des candidats, le FLN avec 26% des voix et le RND avec 22% des voix ont obtenus la majorité des sièges, les 42 autres partis se répartissant le reste des sièges avec des scores inférieurs à 6% des suffrages. Aucune majorité ne se dégage dans 1150 communes sur les 1541 que compte le pays. Il faudra donc dans la plupart des cas que des majorités de coalition se forment pour donner un maire à la commune. La désignation des maires au sein de chaque assemblée devait être close le 14 décembre. A la fin de ce mois aucun résultat national définitif n’est encore disponible mais il semblerait que le FLN n’obtienne pas le nombre de communes qu’il espérait.

Ces élections aussi ont donné lieu à un grand nombre de fraudes avérées (voir une vidéo sur You Tube Fraude électorale à Bir Dheb Tébessa Algérie 29.11.2012 : http://youtu.be/H5s7cTnNmc0) et à des centaines d’affrontements, prises d’assaut de bureaux de votes, destructions d’urnes : un des motifs parmi beaucoup d’autres étant la dénonciation du vote des militaires que l’on a fait voter dans les régions où il sont casernés (des régions “à problèmes”, comme la Kabylie) et pas chez eux, en violation de la loi électorale. Ces affrontements ont fait des centaines de blessés.

Le 29 décembre ont eu lieu les élections au Conseil de la Nation (Sénat). 48 sièges (un par wilaya) étaient à pourvoir, les électeurs étant les membres des assemblées populaires de wilaya (assemblées départementales) élus le 29 novembre. Le FLN, malgré ses 8 000 élus locaux, n’a obtenu que 17 sièges à ces élections. Au sein du parti, certains ont dénoncé une « trahison interne » mais on parle beaucoup dans la presse de tractations mettant en jeu des sommes d’argent considérables (voir l’article de Libération du 19 décembre http://www.liberation.fr/monde/2012/12/19/en-algerie-meme-les-mairies-s-achetent_868970). Avec 24 sièges, le RND, parti du premier ministre dans le gouvernement d’avant les législatives est donc le parti majoritaire au Sénat.

Ces deux élections consacrent la position majoritaire de l’alliance présidentielle dans le paysage politique algérien, mais elles ont donné lieu avant, pendant et après les scrutins à des luttes internes aussi bien au sein du FLN qu’au sein du RND qui ouvrent les grandes manœuvres en vue de l’élection présidentielle de 2014.

Droits de l’Homme

Voir l’éclairage n° 14 mis en ligne en même temps que cette rubrique : plusieurs organisations de défense des droits de l’Homme, dont la LDH et la FIDH, ont attiré l’attention du président François Hollande, sur la situation des droits en Algérie à l’occasion de sa visite officielle du 19 au 20 décembre.

Par ailleurs, Le rapport annuel 2012 sur la situation des droits de l’homme en Algérie qui sera « bientôt » soumis par la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l’homme (CNCPPDH, ou commission Ksentini) au président Bouteflika, indique que le système judiciaire demeure un « point noir » qui entrave la réalisation de l’État de droit. Rappelons que cette commission a été créée par Bouteflika.

Terrorisme

Début décembre, un rapport publié par l’institut américain Institute for Economics and Peace (IEP, basé à New York) affirme que l’Algérie, les États-Unis et la Colombie sont les pays qui ont réalisé « la meilleure progression » au cours des dix dernières années en termes de baisse de l’impact du terrorisme. Ainsi en 2011 l’impact des actes terroristes en Algérie s’est traduit par 25 décès, alors qu’il était de 200 en 2002. On ne connaît pas les chiffres de 2012 mais rien que dans la dernière semaine, dans la région de Boumerdés, un terroriste a été abattu par les forces de sécurité dans la nuit du vendredi 28 décembre et un membre de l’ex-GSPC a été éliminé et un militaire tué dans la soirée de samedi 29. Victimes collatérales de la lutte anti-terrorisme, dans la soirée de vendredi à samedi, cinq jeunes kabyles de Vgayet se trouvant à bord d’un véhicule ont été pris pour cible par un groupe de militaires qui disent les avoir confondus avec des terroristes. Deux jeunes ont été tués par les éléments de l’armée algérienne et deux autres ont été blessés.

Hollande en Algérie

Les 19 et 20 décembre, F. Hollande a effectué un voyage d’État en Algérie. Une visite minutieusement préparée et dont l’objectif principal était de “déminer” le terrain du contentieux historique franco-algérien et de passer aux choses sérieuses : l’alliance diplomatique, la coopération économique, le partenariat commercial.

Il fallait tourner la page du traité d’amitié signé par Chirac et Bouteflika en 2003 mais jamais ratifié, de l’attitude de Sarkozy (considérée comme raciste par l’opinion algérienne) vis-à-vis de l’immigration, du vote de l’Assemblée nationale française en 2005 sur les « aspects positifs de la colonisation » etc. Le signal avait été donné le 17 octobre dernier par F. Hollande reconnaissant la répression sanglante de la manifestation du 17 octobre 1961 à Paris et saluant la mémoire des dizaines de manifestants algériens (peut-être 200) tués par la police française sous l’autorité du sinistre préfet Maurice Papon.

A Alger, après l’hommage rendu au mathématicien communiste Maurice Audin (arrêté, torturé et sans doute tué par l’armée française), le moment fort du “déminage” a été la première partie du discours de F. Hollande devant les deux chambres réunies du parlement algérien. Avec clarté (« Pendant 132 ans, l’Algérie a été soumise à un système profondément injuste et brutal […] Ce système a un nom : c’est la colonisation et je reconnais ici les souffrances que la colonisation a infligées au peuple algérien » ), avec précision (« les massacres de Sétif, de Guelma, de Kherrata » ), sans dérobade (« la France manquait à ses valeurs universelles »), ce discours qui donnait la position de la France appelait (habilement diront certains) une attitude symétrique de l’Algérie : s’en remettre aux historiens pour établir la vérité sur le passé et sur la guerre (« La paix des mémoires à laquelle j’aspire repose sur la connaissance et la divulgation de l’histoire » , « La vérité, elle doit être dite aussi sur les circonstances dans lesquelles l’Algérie s’est délivrée du système colonial », « l’histoire, même quand elle est tragique, même quand elle est douloureuse pour nos deux pays, elle doit être dite », « une lecture objective de l’histoire loin des guerres de mémoires et des enjeux conjoncturels », « il est nécessaire que les historiens aient accès aux archives »).

Mais F. Hollande ne se rendait pas en Algérie uniquement pour solder les comptes de la période coloniale. La deuxième partie du discours devait dessiner les orientations pour le futur des relations franco-algériennes : « un nouvel âge », « une nouvelle page », « des temps nouveaux », des formules déjà beaucoup entendues ces cinquante dernières années. Ces orientations ont été formalisées dans un document signé par les deux parties : la Déclaration d’Alger sur l’amitié et la coopération entre la France et l’Algérie. Un partenariat stratégique y est exposé et décliné dans quatre directions : Dialogue politique, Dimension humaine (mobilité des ressortissants des deux pays), Culture et éducation, Coopération économique. Ce document cadre de partenariat sur la période 2013-2017, s’est concrétisé par l’adoption commune d’instruments d’approbation de l’accord de défense, d’un mémorandum de coopération financière, d’une convention de partenariat dans les domaines de l’agriculture, du développement rural et de l’agroalimentaire, d’une déclaration conjointe pour un partenariat industriel et productif…Une intense activité de coopération et de business dont l’avenir dira si elle profite, et comment, aux deux pays. Et surtout si elle profite au peuple algérien.

D’autres questions, à peine évoquées dans le discours du président français justifiaient aussi cette rencontre car elles étaient objet de contentieux entre les deux états : en particulier la question Syrienne et la crise du Mali. S’agissant du conflit du Mali et plus largement de la crise du Sahel, l’Algérie ne voulant pas rompre ses relations avec certains des belligérants du Nord-Mali est favorables à une solution négociée alors que la France défend l’option d’une solution militaire encadrée par l’ONU. Officiellement les positions des deux pays se seraient rapprochées et le Conseil de Sécurité a pris dans les dernières heures du déplacement de Hollande en Algérie une résolution sur le déploiement d’une force internationale au Mali.

Pour finir, on aura noté que F. Hollande n’a pas fait la moindre allusion dans son discours à la question de la démocratie et des droits de l’homme en Algérie pas plus qu’aux souffrances du peuple algérien. En revanche il a vanté à plusieurs reprises dans les interviews la stabilité du régime algérien. Les observateurs ont noté également que le Président Bouteflika s’est très peu exprimé pendant la visite et à ce jour n’a rendu publique aucune appréciation de l’état algérien sur la venue du président français et ses conséquences pour l’avenir. Un indice cependant. A Tlemcen, dans des échanges impromptus avec les journalistes, la question a été posée aux deux présidents :

Quel est votre bilan de cette visite ?

Hollande : On a un pacte avec le président Bouteflika.

Lequel ?

Bouteflika : Il fait des compliments sur moi et j’en fais sur lui (rires).

Dans la presse algérienne certains n’écartent plus l’hypothèse, encore invraisemblable il y a quelques mois, d’une candidature de Bouteflika à un quatrième mandat aux présidentielles de 2014. Quoiqu’il en soit, le président algérien a été officiellement invité à se rendre en France en 2013.

Enfin à RUSF on a retenu cette phrase du président français « Je pense aussi aux universitaires, à ces 25.000 Algériens qui étudient en France mais aussi à tous ceux qui s’intéressent en France à l’Algérie et qui veulent, là encore, nouer des relations à un niveau d’excellence. Mais, j’insiste, je souhaite que l’on accueille mieux et davantage les étudiants algériens ». On verra…

OUI, LA LIGUE DES DROITS DE L’HOMME FAIT DE LA POLITIQUE ! 22 décembre, 2012

Au cours de la réunion du conseil municipal du 17 décembre, M Gérard Bramoullé, adjoint aux finances, a tenté de justifier la diminution de la subvention accordée à notre section avec des arguments contestables. Voici la lettre que Philippe Sénégas, président de la section, vient d’adresser à la maire d’Aix, Mme Joissains, et en pièce jointe l’écho qu’en a donné La Provence.

Madame le maire,

M’ont été rapportés par des conseillers municipaux et ont été cités dans la presse des propos tenus par votre adjoint, Gérard Bramoullé , au cours du conseil municipal du 17 décembre, au sujet de la subvention accordée à la section d’Aix-en-Provence de la Ligue des Droits de l’Homme, subvention déjà très faible jusqu’à présent (1000 €) et que vous avez décidé de diminuer cette année de 20 % pour l’établir à 800 €.

Pour justifier cette baisse M Bramoullé aurait utilisé plusieurs arguments :

-  La réduction des « flux budgétaires » conduisant à diminuer les subventions : sur un budget total de près de 13 millions € de subventions accordées aux associations (d’après le récapitulatif 2011) les 1000 € que nous demandions représentent peu de choses et situent la LDH parmi les associations les moins aidées, et de loin ; par ailleurs je n’ai pas constaté dans les subventions de 2012 beaucoup de diminutions.

M Bramoullé invoque, d’après La Provence, deux autres arguments :

-  « Le problème de cette ligue, ce n’est pas qu’elle ait adopté la déclaration (des Droits de l’Homme) de 1789, mais celle de 1948 ». Cette affirmation laisse perplexe : la Déclaration universelle des Droits de l’Homme de 1948 (que certains s’accordent à trouver nettement moins « révolutionnaire » que la déclaration de 1789) a été votée à l’unanimité des membres de l’ONU ; seuls se sont abstenus l’Afrique du sud (au nom de l’apartheid), l’Arabie Saoudite (qui refusait l’égalité homme-femme) et quatre Etats d’Europe de l’Est (au motif d’un différend sur la définition de l’universalité) ; la France, bien sûr, l’a votée.

-  La « vraie » raison de M Bramoulé est donc la suivante : «  La LDH a eu des prises de position idéologiques, ouvertement politiques, regardez ce qu’ils font, écoutez ce qu’ils disent ». Je suis, Madame le Maire, extrêmement choqué, outré même, par de tels propos. Oui, la Ligue des Droits de l’Homme fait de la politique quand elle défend les droits civils, sociaux, économiques ; oui elle participe ainsi à la vie et à la gestion de la cité ; c’est notre honneur d’être auprès de ceux qui souffrent d’inégalité, d’injustice, de pauvreté ou de violences ; c’est notre honneur de combattre pour tous les droits reconnus par les déclarations des droits de l’Homme, qu’il s’agisse de celle de 1789 ou de celle de 1948, et par les instances internationales.

Dois-je comprendre dès lors que la municipalité module ses subventions sur des critères politiques ? Cela explique-t-il les subventions très élevées de certaines associations et la faiblesse d’autres ? Ou bien, plus précisément, s’agit-il de sanctionner ceux qui ont cherché tout au long de cette année à apporter aide et assistance aux populations Roms que vous vous êtes efforcée de bannir du territoire aixois ? Ces subventions ne sont-elles pas payées grâce à l’impôt de tous les citoyens ?

Je veux croire qu’il s’agit d’un malentendu et que vous accepterez de revenir sur les propos de votre adjoint et de rétablir la subvention de la LDH à son niveau antérieur, à défaut d’accepter l’augmentation demandée.

Puisqu’il s’agissait lundi dernier d’un débat public vous comprendrez que je rende publique la demande que je vous adresse.

Je vous prie de croire, Madame le Maire, à l’assurance de ma considération citoyenne.

Philippe Sénégas

Pièces jointes

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La section d’Aix-en-Provence de la Ligue des Droits de l’Homme demande aux parlementaires du Pays d’Aix de s’exprimer publiquement sur le vote des étrangers extracommunautaires à l’élection municipale. 26 novembre, 2012

La moitié des pays de l’Union européenne accordent le droit de vote aux élections locales à tous les résidents étrangers sur leur sol depuis un certain temps. En France, il y a trente ans que cette mesure figure au programme des candidats de gauche.

Elle faisait de nouveau partie des propositions de F. Hollande : « J’accorderai le droit de vote aux élections locales aux étrangers (non communautaires) résidant légalement en France depuis cinq ans ».

Pourtant aujourd’hui le pouvoir recule. Comment interpréter les propos de F. Hollande, de J. M. Ayrault, de M. Valls qui déclarent que ça n’est pas le moment, que la loi ne sera pas adoptée avant les municipales de 2014, que la société française n’est pas prête etc.?

La Ligue de droits de l’Homme ne baissera pas les bras sur cette revendication de justice et d’équité. La décision à prendre nécessite une révision de la Constitution ; les parlementaires sont donc directement concernés (puisqu’il apparaît que le référendum, autre modalité pour y parvenir, ne sera pas retenu).

Voici la lettre que la section d’Aix-en-Provence vient d’adresser à ce sujet à JD Ciot, député de la 14ème circonscription des Bouches-du-Rhône, Ch Kert (11ème), FM Lambert (10ème) et à S Joissains, sénatrice.

Pièces jointes

docx/Lettre_Droit_de_vote_des_etrangers_-_D_S.docx Télécharger

Septembre-octobre 2012 en Algérie 11 novembre, 2012

Une des plus grandes réserves de gaz naturel au monde, des besoins en développement énormes avec une réserve de change de 200 milliards de dollars à dépenser, une armée nombreuse et bien équipée à la frontière du Mali… les grandes puissances adorent l’Algérie en ce moment. Avec les USA, la France est au premier rang des courtisans. Il n’est pas sûr qu’elle sera payée de retour.

Et pourtant les grandes puissances ne peuvent l’ignorer : l’Algérie est aussi un pays dont un citoyen sur 3 vit au dessous du seuil de pauvreté, dont 40 % des jeunes adultes sont au chômage, d’où 150 000 personnes émigrent chaque année, où la corruption est érigée en système de gouvernance et où les droits de l’homme sont bafoués quotidiennement.

Emeutes

2 septembre à Constantine. Les membres d’une quarantaine de familles écartées du plan de relogement établi en 2010 ont encerclé le siège de la wilaya. En janvier dernier, ils avaient investi le pont suspendu de Sidi M’Cid, menaçant de se donner la mort en se jetant dans les gorges du Rummel. Ils se disent victimes d’une opération de relogement « arbitraire » et réclament une réhabilitation « urgente et immédiate ». L’intervention des policiers anti-émeute a été suivie d’affrontements ; bilan : 3 policiers blessés et 4 jeunes interpellés.

9 septembre à Bouira. Les opérations de démantèlement des baraques des commerçants informels ont entraîné une réaction violente de ces « trabendistes » dont le commerce de rue est l’unique moyen de survie. Des dizaines de jeunes ont barricadé la voie principale de la cité de l’Ecotec, à l’aide de pneus enflammés et autres blocs de pierres. Les brigades de l’Unité républicaine de sûreté (URS), dépêchées sur les lieux, ont procédé à 9 arrestations au terme de 48h. d’assauts très musclés contre les manifestants qui s’en prenaient également à plusieurs édifices publics.

13 septembre à Madinat el Hayet. (région de Bouira). Luttant depuis des mois contre l’implantation d’une décharge publique au milieu de leur cité, les habitants du quartier ont tenté une nouvelle fois d’empêcher la voierie de déposer les ordures ménagères. Les forces anti-émeute et la gendarmerie ont utilisé des bombes lacrymogènes et des balles en caoutchouc pour disperser les manifestants. Une dizaine de personne ont été hospitalisées, 10 manifestants ont été arrêtés.

17 septembre à Mizrana. (région de Tizi Ouzou). Des dizaines d’habitants, des villages de Mizrana et d’autres communes limitrophes, ont saccagé et brûlé les tout nouveaux locaux de la future brigade de gendarmerie nationale dont l’inauguration était prévue pour les jours suivants. Ils ont justifié leur acte par le fait que « la localité est dans le dénuement total, et qu’au lieu d’ériger une brigade de gendarmerie à coup de milliards de dinars, les autorités devaient plutôt se pencher sur les problèmes que nous vivons au quotidien, notamment le problème de l’eau, de l’état de nos routes, du manque dont nous souffrons, que ce soit dans le transport, l’éducation, la santé… ». Deux émeutiers ayant été arrêtés et enfermés dans les locaux de la sûreté de Makouda (localité mitoyenne) les manifestants ont ensuite assiégé ce bâtiment, jusqu’à la libération de leurs camarades.

9 octobre à Mascara. A la suite de son interpellation par une patrouille de police, Ahmed Sahnoun, 30 ans, est décédé des violences dont il a été l’objet dans les locaux de la sécurité (la version des policiers est très différente…). Pendant 3 jours des manifestations de rue et des assauts contre les bâtiments publics ont opposé des groupes de jeunes et la brigade anti-émeute, faisant des blessés parmi les forces de l’ordre et les manifestants, dont quelques-uns ont été arrêtés. Un document sur ces événements est accessible sur YouTube.

http://youtu.be/dyWjUh4PGDA

Nouveau gouvernement

Il aura finalement fallu près de quatre mois pour qu’Abdelaziz Bouteflika mette fin, début septembre, aux fonctions du premier ministre Ahmed Ouyahia et nomme à sa place Abdelmalek Sellal, un homme du système, ministre sans discontinuer depuis 1998 et ex-directeur de campagne du président algérien. Son mandat est clairement de préparer les présidentielles de 2014, c’est-à-dire la succession de Bouteflika. Les portefeuilles clés restent aux mains des mêmes ministres que dans le gouvernement précédent. Les espoirs de changement politique sont relativement modérés.

Mali

Au printemps 2012, profitant de la vacance du pouvoir à Bamako à la suite d’un coup d’État militaire, plusieurs groupes islamistes (AQMI, Ansar Dine et le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’ouest MUJAO), ont pris le contrôle des 2/3 du Mali avec l’aide du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), groupe armé touareg plutôt laïc, mais résolument indépendantiste. Depuis le début de la crise, l’Algérie, principale force militaire de la région et qui a 1 300 km de frontière commune avec le Mali, affiche sa volonté d’un règlement négocié de la question du Nord Mali. Cette position s’explique de différentes façons. D’une part les dirigeants d’AQMI au Mali sont quasiment tous des salafistes algériens repoussés au-delà de la frontière entre les deux pays ; Alger craint qu’en cas d’intervention militaire de l’Union africaine et de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’ouest (CEDEAO) ces bandes armées reviennent en Algérie. D’autre part, l’Algérie a des otages aux mains des islamistes regroupés au Mali, or Alger continue d’avoir des contacts avec les islamistes maliens d’Ansar Dine, contacts qu’une intervention armée interromprait certainement. Enfin la participation de l’armée algérienne à une intervention internationale au Mali mettrait l’Algérie en porte à faux sur deux plans : a) L’Algérie s’était opposée à une intervention armée multinationale du même genre en Lybie, b) participer à une telle opération amènerait l’armée algérienne à se trouver dans une même coalition militaire avec la France au moment ou l’Algérie renouvelle sa demande d’« une reconnaissance franche des crimes perpétrés à son encontre par le colonialisme français ».

Le 12 octobre, la résolution 2071 déposée par la France à l’ONU, autorisant les autorités maliennes et ouest-africaines à fixer les modalités d’un déploiement militaire au Nord Mali, a été adoptée. Ce plan d’action qui doit être arrêté le 26 novembre devrait mobiliser 3000 soldats issus des pays de la CEDEAO, aidés au plan logistique par la France et les États-Unis. S’il est peu probable que l’Algérie envoie ses propres troupes au Mali, elle pourrait en revanche apporter une aide précieuse aux forces de la CEDEAO en mettant à sa disposition les connaissances de ses services secrets et en sécurisant sa frontière avec le Mali ; 35000 soldats algériens sont d’ores et déjà déployés le long de la frontière. La France et les USA exercent de fortes pressions sur l’Algérie, mais aussi, en contrepartie, lui donnent des gages de reconnaissance internationale et de légitimité comme jamais auparavant, en particulier en matière des droits de l’homme (voir plus loin). Il semblerait que l’Algérie soit sur le point de se laisser convaincre.

Relations Algéro-françaises

Annoncée depuis quelques mois puis repoussée par les algériens, la visite de F. Hollande en Algérie est prévue les 19 et 20 décembre. Elle aura été précédée d’un défilé ininterrompu de ministres français à Alger. Après le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, en juillet, sont venus officiellement en Algérie ces dernières semaines : la ministre déléguée en charge de la Francophonie, Yamina Benguigui, la ministre du Commerce extérieur, Nicole Bricq, le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, la ministre du Logement, Cécile Duflot… La visite de Manuel Valls rappelle qu’en France c’est le Ministre de l’intérieur qui est en charge des questions d’immigration. Or d’après l’Insee les Algériens constituent la première communauté étrangère en France ; ils étaient 578 000 à détenir un titre de séjour en 2010, sans compter les binationaux. Pour réduire le flux migratoire des algériens vers la France, Nicolas Sarkozy voulait revenir sur les accords de 1968 relatifs à la circulation, à l’emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leur famille. Il souhaitait imposer « à tous ceux qui veulent venir au titre du regroupement familial ou du mariage avec un Français l’obligation : 1. d’avoir un logement, 2. d’avoir un revenu, 3. d’apprendre le français et les valeurs de la République avant d’entrer sur le territoire national ». Les algériens qui n’entendaient pas revenir sur cet accord on été satisfaits d’entendre M. Valls déclarer qu’il n’était pas question de le remettre en cause. Le ministre, également ministre des cultes, a rencontré le ministre des affaires religieuses qui l’a assuré que l’Algérie a la « volonté » d’aider les musulmans de France à pratiquer leur culte dans la « sérénité » en dépêchant dans ce pays, a-t-il été précisé, des imams « formés » et « qualifiés ».

En novembre 2011, à propos de l’Algérie, Valls disait ressentir de « grandes inquiétudes quant à l’avenir de la jeunesse, à la situation économique malgré les richesses du pays »”et que ces inquiétudes étaient inspirées aussi par « la difficulté à renouveler les dirigeants »(Déclaration au quotidien algérien Liberté). Un an plus tard, le ton a changé. Ces grandes manœuvre diplomatiques et commerciales sont justifiées par le projet français d’établir un « partenariat stratégique » (pas un « traité d’amitié », les algériens n’en veulent pas) dans les domaines économique, éducatif, énergétique, militaire.

Mais rappelons aussi qu’actuellement six otages français (Pierre Legrand, Marc Féret, Thierry Dole, Daniel Larribe, Serge Lazarevic et Philippe Verdon) et trois otages algériens sont aux mains des groupes islamistes au Mali, alors que trois membres d’AQMI sont dans les prisons algériennes. Une donnée qui n’est pas sans influence sur les relations algéro-françaises.

Droits de l’Homme

Le soutien de l’ONU au régime de Bouteflika

Le rapprochement franco-algérien évoqué ci-dessus est un témoignage parmi d’autres de la cour dont l’Algérie est actuellement l’objet au niveau international. Les Etats Unis et l’ONU ont entrepris, en direction de l’Algérie, une grande campagne de séduction, notamment sur la question des droits de l’Homme. On ne surinterprètera pas le fait que le 10 septembre l’Algérien Bouzid Lazhari a été réélu au comité des droits de l’homme de l’ONU pour un mandat de 4 ans. Mais on notera la déclaration du Conseil de la Nation algérien (équivalent de notre Sénat) à cette occasion : « le retour en force de l’Algérie se confirme de nouveau au plan des relations internationales notamment dans le domaine des droits de l’homme duquel elle a été longtemps exclue pendant des années en raison des effets de la décennie noire ». Une semaine après, la Haut Commissaire des Nations unies aux droits de l’Homme, Navi Pillay, en visite en Algérie, tout en annonçant une mission de l’ONU sur les disparition forcées de la décennie 90 (cf. Eclairage n° 11) et en appelant les forces de sécurité à « un peu de retenue » à l’égard des représentants de la société civile, a fait des déclarations qui ont surpris les chancelleries et la presse internationale. Elle a salué en effet les « énormes progrès » de l’Algérie en matière de droits de l’homme, elle s’est dit « rassurée » sur la volonté de l’Etat algérien d’œuvrer à l’exercice plein et entier des droits de l’homme en Algérie. Et pour faire bonne mesure elle a qualifié Bouteflika de « défenseur des droits de l’homme ».

Mme Pillay a aussi déclaré : « L’Algérie est sur la bonne voie pour devenir leader des droits des femmes dans la région d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient ». Elle n’avait certainement pas remarqué que le nouveau gouvernement algérien de 36 membres compte seulement trois femmes alors que les femmes ont remporté presque le tiers des sièges de députés aux élections législatives. Elle n’avait sans doute pas connaissance non plus du rapport 2012 sur les écarts entre sexes, publié par le Word Economic Forum ; en matière de différences hommes femmes dans le domaine économique, l’Algérie est classée 131ème sur 135 pays évalués.

La répression sur les militants de la LADDH

Quelques jours après le passage de Mme Pillay à Alger, le 1er octobre exactement, Yacine Zaïd, 41 ans, syndicaliste et président de la section de Laghouat de la LADDH a été arrêté à un barrage de police à l’entrée d’Hassi Messaoud. Fiché et surveillé Y. Zaïd avait, deux semaines plus tôt, été contrôlé à l’aéroport d’Alger. L’arrestation du 1er octobre a été suivie de brutalités policières exercées sur le militant menotté, attestées par des certificats médicaux. C’est pourtant sous le chef d’inculpation « d’agression d’un agent de l’ordre public » (et là aucun certificat médical à l’appui de l’accusation) que Y. Zaïd a été condamné à six mois de prison avec sursis et une amende de 10.000 DA (100 €).

Abdelkader Kherba est un membre actif de la LADDH. Il a été condamné en mai dernier à un an de prison avec sursis et 200 euros d’amende pour « incitation à attroupement et usurpation d’identité », après avoir participé à un rassemblement de greffiers, alors en grève, devant le Palais de justice d’Alger. Dans une autre affaire, il avait observé une grève de la faim de 22 jours après avoir été inculpé pour « outrage à corps constitué » avant que le tribunal de Ksar El Boukhari (sud-ouest d’Alger) ne l’acquitte le 11 septembre.

Le 16 octobre, Yacine Zaïd et Abdelkader Kherba, encore eux, se trouvaient parmi les manifestants venus soutenir un militant syndicaliste poursuivi devant le Tribunal de Sétif. Ils ont été arrêtés et tabassés une nouvelle fois…

Mme Pillay semble ignorer leur existence, mais il y a en Algérie des militants des droits de l’Homme qui ne désarment pas malgré une répression impitoyable.