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Ligue des droits de l'Homme

Section du Pays d'Aix-en-Provence

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LA KABYLIE ENNEMI INTERIEUR OU ESPOIR DE LA DEMOCRATIE ALGERIENNE ? 11 novembre, 2012

Depuis l’antiquité la Kabylie occupe une place spécifique dans la mosaïque des disparités régionales et culturelles en Algérie. Les origines berbères (et non arabes) de la population algérienne restent dans cette région plus visibles et plus affirmées qu’ailleurs. Il en résulte une résistance à la culture arabo-musulmane dominante en Algérie et une opposition au régime centralisateur et militarisé en place depuis l’indépendance. Livrée aux exactions des islamistes et à la répression militaire de l’état, la Kabylie paie chèrement ses aspirations à l’autonomie et à la démocratie.

« …le “régionalisme” est un élément constitutif de la politique algérienne. Après l’indépendance du pays, deux groupes d’hommes politiques se sont entre-déchirés pour la prise du pouvoir. Le “groupe de Tizi Ouzou”, représenté par Mohammed Boudiaf et Hocine Aït Ahmed, et le “groupe de Tlemcen” qui s’était formé autour d’Ahmed Ben Bella, le premier président de l’Algérie indépendante. Ce dernier a été renversé par son plus grand promoteur et ministre de la Défense, en l’occurrence Houari Boumediene, lui-même membre du “clan d’Oujda”, dénomination qui désigne les anciens de l’Armée des frontières restée à l’extérieur du pays pendant la guerre d’indépendance et rentrée après la libération pour prendre le pouvoir.

Après la mort suspecte de Boumediene le 27 décembre 1978, ce sont les “TBS” (l’axe de Tébessa-Batna-Souq Ahras), de l’est algérien et dont les figures les plus célèbres sont les généraux Khaled Nezzar, Mohamed Lamari, et Liamine Zeroual qui occupent le pouvoir. En 1998, ce clan perd les commandes du pays au profit du “clan d’Oujda” désormais représenté par Abdelaziz Bouteflika. L’ancien ministre et protégé de Boumediene a nommé un grand nombre de généraux et de ministres issus de Tlemcen. » Extrait d’un article d’Ali Chibani publié sur le site SlateAfrique le 5 mai 2011 : Le régionalisme en Algérie, un obstacle à la démocratie ?

Ce texte révèle à quel point l’identité régionale a engendré des solidarités politiques actives dans la lutte pour le pouvoir, pendant et après la guerre d’indépendance en Algérie. Sans doute faut-il voir là et jusqu’à aujourd’hui, la survivance d’une réalité anthropologique qui a traversé les âges : l’organisation en tribus des populations du Maghreb. La création d’un état nation a certainement affaibli l’influence de l’appartenance régionale dans les rivalités politiques, mais il ne l’a pas supprimée.

Encore faut-il distinguer entre deux variétés du combat régionaliste : d’une part les rivalités politiques intestines, de nature clanique, pour s’emparer du pouvoir central, (ce qu’illustre le texte de Ali Chibani) et d’autre part les luttes de masse, de nature culturelle, pour échapper au pouvoir central, pour s’en séparer. C’est de cette facette du régionalisme, qui s’exprime par des revendications culturelles (linguistique, religieuse, artistique…), l’affirmation d’une identité et l’aspiration à l’autonomie qu’il sera question ici. La question berbère et plus précisément la question kabyle en Algérie renvoie à cette forme de régionalisme ; elle est encore, et restera longtemps, d’une actualité brûlante en Algérie.

Berbères, Kabyles

On appelle berbères les populations autochtones de l’Afrique du Nord. Ces populations ont connu plusieurs invasions dont la plus notable est la conquête arabo-musulmane du 7ème siècle qui a eu pour conséquence principale l’arabisation et l’islamisation des berbères. On peut donc dire que tous les algériens sont des berbéro-arabes. Cependant dans certaines régions la survivance de la langue berbère (tamazight) comme langue maternelle donne aux populations qui y vivent une identité particulière, plus ou moins revendiquée. Parmi tous ces groupes (les touaregs du Sahara, les Chaouis des Aurès, les Chenouis entre Tipaza et Ténès etc.) les kabyles (imazighen) constituent une population à l’identité culturelle particulièrement saillante et vivace, notamment sur le plan linguistique mais aussi sur le plan des traditions, de la musique, de l’art populaire, de la littérature… La Kabylie dont les deux plus grandes villes sont Tizi Ouzou et Bejaïa est un espace géographique et culturel qui s’étend du massif du Djurdjura à la côte méditerranéenne. Il y a bien sûr des kabyles qui vivent dans d’autres régions d’Algérie (Alger compte probablement plus de kabyles que la Kabylie) et dans la diaspora algérienne immigrée : les liens communautaires sont très fort entre eux et avec la région mère.

Leur place dans la société algérienne

Dans leur majorité, les kabyles refusent d’être assimilés aux arabes, qui constituent pour eux une ethnie étrangère qui les a colonisés et s’est imposée par les armes depuis 14 siècles. Certains, très minoritaires, se défendent aussi d’être des musulmans et d’ailleurs c’est en Kabylie que les écarts vis-à-vis des rites de l’islam (jeûne du ramadan par exemple) sont les plus nombreux et que l’appartenance à d’autres religions que l’islam (christianisme, encore plus minoritaire) est la plus répandue. Dans un pays qui se définit comme une entité arabo-musulmane il y a là un facteur de clivage évident. Cette différence culturelle revendiquée a été exploitée par les français pendant toute la période coloniale (1830-1962). Le stéréotype du bon kabyle (blond aux yeux bleus, travailleur, loyal, fier etc.) inventé par les militaires et les administrateurs coloniaux s’est répandu non seulement chez les européens d’Algérie mais également chez les français de l’hexagone.

Le sentiment identitaire très fort des kabyles s’est manifesté dans leur engagement pendant la guerre d’indépendance. C’est de Grande Kabylie qu’est partie l’insurrection de novembre 1954. C’est en Kabylie, que s’est tenu, en aout 1956, le congrès de la Soummam, réunion clandestine des principaux chefs du FLN. Lors de cette réunion se sont confrontées les options politiques et militaires des maquis de l’intérieur (au premier rang desquels les kabyles de la très importante wilaya III) à celles de “l’armée des frontières” force militaro-politique qui menait ou coordonnait la lutte pour l’indépendance depuis la Tunisie et le Maroc. Haut lieu de la lutte contre l’armée française, la Kabylie a apporté au mouvement de libération nationale des chefs militaires ou politiques de premier plan parmi lesquels Abane Ramdane, Amirouche et Krim Belkacem. Dés cette époque les rivalités pour la direction du FLN se sont confondues avec les antagonismes régionaux au sein des forces révolutionnaires. Les trois leaders kabyles cités précédemment devaient mourir assassinés, victimes des conflits fratricides au sein du FLN avant ou après l’indépendance (Amirouche a bien été tué par les militaires français mais à l’instigation de dirigeants du FLN).

Dès 1962, le triomphe au sein du parti de la ligne arabo-musulmane et du principe de parti unique a exacerbé les tensions entre la Kabylie et le nouveau régime algérien incarné par Ben Bella puis Boumediene, des hommes de “l’armée des frontières”. Le destin de Hocine Aït Ahmed est exemplaire à cet égard. Aït Ahmed, né en Kabylie, combattant anticolonialiste dés 1947, a occupé des responsabilités de tout premier plan dans les instances de “l’extérieur” pendant la guerre. Mais déjà pendant cette période il est accusé de “berbérisme” par les autres leaders de la rébellion algérienne. Au lendemain de l’indépendance, il prend la tête de ce que l’on pourrait appeler une opposition démocratique au régime de parti unique soumis aux volontés de l’armée qui se met en place avec Ben Bella. Et le 29 septembre 1963, soit un an seulement après l’indépendance, il crée le Front des forces socialiste (FFS) et prend le maquis en Kabylie avec ses partisans. La répression conduite par le colonel Boumediene fera des centaines de morts chez les dissidents et se conclura par l’arrestation d’Aït Ahmed en octobre 1964, et sa condamnation à mort. Gracié mais maintenu en prison, il s’évade le 1er mai 1966, et se réfugie en Suisse d’où, aujourd’hui, il dirige toujours le FFS, parti légalisé en 1988.

De 1962 à nos jours, une région sécessionniste contre un état répressif.

Depuis l’indépendance, la Kabylie est le théâtre d’événements sanglants toujours liés à la défense farouche de son identité culturelle et son opposition à la mainmise du FLN et de l’armée sur le pouvoir. En réaction aussi à des provocations violentes de la part de ce pouvoir.

Le printemps berbère. Le 10 mars 1980 une conférence de l’écrivain kabyle Mouloud Mammeri sur la poésie kabyle ancienne, qui devait être donnée à l’Université de Tizi Ouzou (haut lieu de la « berbérité »), est interdite sans motif et l’écrivain empêché d’entrer dans la ville. Le lendemain une manifestation d’étudiants à Tizi Ouzou, donne le départ de plusieurs semaines de grèves dans la région et à Alger (où réside une importante communauté kabyle). Le 17 avril le président algérien Chadli Bendjedid envoie l’armée dans la région après avoir déclaré que l’Algérie est un pays « arabe, musulman, algérien » , et que « la démocratie ne signifie pas l’anarchie ». La répression est extrêmement dure, elle frappe le mouvement dans toutes ses manifestations et dans tous les lieux de son expression (universités, hôpitaux, usines). Le 23 avril, le bilan des affrontements est de 32 morts. Le printemps berbère est le premier mouvement populaire spontané d’opposition aux autorités algériennes depuis l’indépendance du pays en 1962. A partir d’octobre 1980, se développe dans la population un intense travail de promotion de la culture kabyle en milieu universitaire et dans d’autres lieux institutionnels ou associatifs. Ce travail de fond pour la valorisation et la reconnaissance de la langue tamazihgt et de toutes les formes d’expression culturelle kabyle, entrainera d’autres revendications qui à leur tour provoqueront une répression féroce.

Le printemps noir. Une vingtaine d’années plus tard, le 18 avril 2001, un jeune lycéen est tué d’une rafale d’arme automatique dans les locaux de la gendarmerie d’un village de Grande Kabylie. Ce sera l’élément déclencheur d’une insurrection qui durera jusqu’en juin (avec des répliques en mars 2002) et fera 126 morts et plus de 5000 blessés.

Ces deux révoltes, commémorées tous les ans en Kabylie et dans le monde par la diaspora kabyle, constituent actuellement des repères historiques et identitaires extrêmement forts à toute une population. Elles ont permis d’arracher au pouvoir algérien quelques concessions, notamment sur le statut de la langue. Mais elles ont surtout donné naissance à une génération intellectuellement et politiquement formée que l’on retrouvera dans le mouvement, national celui-là, de la jeunesse algérienne en octobre 1988, elle aussi réprimée dans le sang (autour de 400 morts).

Et aujourd’hui ?

Aujourd’hui les dirigeants algériens considèrent la Kabylie, et la désigne aux algériens, comme l’ennemi intérieur qui menace l’unité nationale. L’objectif du pouvoir est double.

D’abord décrédibiliser l’opposition démocratique nationale. En effet les deux principaux partis d’opposition démocratiques et laïques, le FFS de Aït Ahmed et le RCD de Saïd Saadi sont tous les deux dirigés par des kabyles et reprennent dans leur programme des revendications régionalistes ou « berbéristes ». Compte tenu des antagonismes régionaux qui existent dans le pays, le pouvoir a beau jeu de ramener l’opposition démocratique en Algérie à l’aventurisme politique d’une clique de séparatistes berbéristes. Et cela marche, aucun des deux partis n’a réussi dans les différentes élections depuis 1988 ou au moment du printemps arabe à entraîner une fraction importante du peuple algérien, sauf en Kabylie.

Deuxième objectif, mettre la Kabylie au pas. La Kabylie est une région montagneuse qui de tous temps a constitué un refuge quasi imprenable pour les maquis et un terrain propice à la guérilla. Les islamistes l’ont bien compris depuis la décennie noire des années 90. Et les populations kabyles des villages ont payé et continuent de payer un lourd tribu (enlèvements, attentats, nettoyage ethnique, racket…) à la furie des fondamentalistes armés du GSPC ou de AQMI. Aujourd’hui encore ces maquis pratiquement disparus du reste de l’Algérie sont actifs en Kabylie. Une des conséquences de cette situation est que l’Etat algérien a entrepris un véritable quadrillage de la région justifié par la lutte antiterroriste. Les habitants de la Kabylie sont pris entre deux feux, affrontés à deux ennemis qui les terrorisent autant l’un que l’autre : le terrorisme islamiste et l’armée algérienne.

Il est possible que les deux objectifs, affaiblir l’opposition démocratique nationale et mettre la Kabylie au pas procèdent d’une même stratégie. L’ancien président algérien, Chadli Bendjedid, n’avait-il pas avoué en 2008 que le Front Islamique du Salut (FIS) a été créé dans le but de susciter une guerre entre les Kabyles et les islamistes pour contenir les militants de l’opposition de l’époque (FFS, RCD), généralement issus de la Kabylie.

L’insécurité permanente qui règne actuellement en Kabylie a des conséquences dramatiques pour son développement économique. Depuis 2009, plus de 70 grands industriels ont décidé de quitter la région ; un exemple parmi d’autres étant cette imprimerie de Tizi Ouzou de 300 salariés que son propriétaire a récemment décidé de fermer après que son fils eût fait l’objet d’un kidnapping. Les entrepreneurs en Kabylie craignent désormais pour leur vie et celles de leurs proches. De crainte de faire l’objet de kidnappings, ils ont ainsi décidé de délocaliser leurs activités pour s’installer ailleurs en Algérie.

Et demain ?

Insécurité chronique, occupation militaire, naufrage de l’économie régionale, destruction orchestrée de l’environnement (cf. les incendies de l’été dernier allumés par l’armée), et maintenant interdiction par l’état civil de mille prénoms amazighe : tout concourt à donner à la population le sentiment d’être lentement vidée de ses forces les plus vives et privée d’avenir. Accusés de faire le lit de l’islamisme, d’être les nouveaux harkis au service de la France et même d’être les alliés objectifs d’Israël, les kabyles ont à se battre sur tous les fronts pour sauvegarder leur image et faire entendre leur voix. La société civile résiste encore sur le terrain culturel et par le biais d’internet (on ne compte plus les sites kabyles en français). Les plus engagés des militants adhèrent au MAK (Mouvement pour l’autonomie de la Kabylie, http://www.makabylie.info/) qui depuis 2003 tente d’organiser la contestation et de lui donner une perspective politique.

Laissons la conclusion à Benjamin Stora. « Bien que les Kabyles soient souvent suspectés d’affaiblir la cohésion nationale en revendiquant pour des droits singuliers, il apparaît en fait que la bataille qu’ils livrent pour la pluralité annonce toujours des moments décisifs de passage à la démocratie. Quand cette région s’embrase, comme ce fut le cas sur des questions sociales en avril 2001, l’Algérie entière se trouve concernée. »Awal, cahier d’études berbères, n°25, Paris, 2002.

Déclaration collective de partis, d’associations et de citoyens aixois 1 octobre, 2012

Exposition Camus

Déclaration collective de partis, d’associations et de citoyens aixois

En mai dernier, l’historien Benjamin Stora était dessaisi de la responsabilité de

commissaire de l’exposition Camus prévue en 2013 dans notre ville. Comme un

grand nombre d’aixois, nous avons été scandalisés par cette éviction, visiblement inspirée par les nostalgiques locaux du temps des colonies. Une décision inadmissible, qui participe de la même volonté de censure que celle qui a conduit la municipalité d’Aix en Provence à interdire dans le même temps les manifestations commémoratives du 50 ème anniversaire de l’indépendance algérienne. L’essayiste Michel Onfray, un temps pressenti pour prendre la place de Benjamin Stora, a finalement renoncé à ce qui aurait été une forme de caution de cet acte de censure.

Mais le mal est fait et l’exposition Camus est aujourd’hui menacée de ne pas se

tenir. Personne ne saurait se satisfaire d’un tel aboutissement. Nous voulons pourtant croire qu’il en ira autrement. Il est encore temps de faire en sorte qu’une exposition digne de l’apport d’Albert Camus à notre patrimoine

intellectuel et culturel se tienne à Aix en Provence. Nous appelons les organisateurs et les institutions parties prenantes de ce projet à reprendre contact avec Benjamin Stora dans cette perspective.


Aix Solidarité – ATTAC – Europe Ecologie Les Verts – Gauche Anticapitaliste – Ligue des Droits de

l’Homme – MRAP 13 – Parti Communiste Français – Parti de Gauche – Partit Occitan – Parti

Socialiste – Unis pour un Monde Solidaire/FASE

Les personnes qui souhaitent s’associer à cette pétition peuvent la signer sur

http://www.petitions24.net/appel_exposition_camus_aix

Anne Marie ALARY (enseignante, ATTAC Pays d’Aix), Gérard AMY (maître de conférences

honoraire, syndicaliste, Université d’Aix Marseille), James ATTALI (restaurateur), Célia BAUDU

(syndicaliste, militante LGTBI), Houda BENALLAL (journaliste), Nejoua BENALLAL (directrice

librairie Forum Harmonia Mundi), Lobna BEN HASSINE (Aix Solidarité), Paul BOUFFARTIGUE

(sociologue, CNRS), Jean CHENU (programmateur de cinéma), Philippe CHOUARD (militant

associatif), Geneviève CIAVAGLINI (médecin retraitée, PG), Annick DELHAYE (conseillère

régionale, EELV), Agnès DESIDERI (enseignante retraitée, CFDT), Jacques DESIDERI (responsable

syndical, CFDT), Jocelyne DUCROCQ (ATTAC Pays d’Aix), Michèle GALLY (professeur de littérature

française, Université d’Aix Marseille), Hervé GUERRERA (conseiller régional et municipal, POC),

Bernadette GUERRY (éducatrice de jeunes enfants), Pierre GUERRY (peintre), Françoise

GUICHARD (professeur de lettres classiques en CPGE, lycée Cézanne), Gérard GUIEU (ingénieur

CEA, syndicaliste, UMS/FASE), François HAMY (conseiller municipal, EELV), Geneviève HAMY

(secrétaire EELV Pays d’Aix), Dominique HELIES (professeure d’espagnol retraitée, syndicaliste,

intervenante CIMADE à la Maison d’arrêt de Luynes), Claudie HUBERT (avocate, Aix Solidarité),

Benoît HUBERT (avocat, Aix Solidarité), Jean Marie JACONO (maître de conférences, musique,

Université d’Aix Marseille), Rémy JEAN (universitaire et consultant, responsable UMS/FASE),

Philippe JONATHAN (architecte), Guy Laurent LAGIER (délégué syndical CGT AREVA TA), Bernard

LAGUNE (co-président ATTAC Pays d’Aix), Hélène LEBEL (enseignante en CPGE, lycée Cézanne), Marc LE TIRILLY (enseignant retraité, militant associatif), Mireille LE TIRILLY (enseignante

retraitée, militante associative), Patrick MAGRO (vice-président Marseille Provence Métropole,

PCF), Joëlle MAIRE (retraitée, Cité du Livre), Alexandre MEDVEDOWSKI (conseiller général,

président du groupe d’opposition municipale « Tous Ensemble Pour Aix »), Horiya MEKRELOUF

(présidente MRAP 13), Anne MESLIAND (universitaire, conseillère régionale Front de gauche

PACA, PCF), Rossana PANCANI (professeur collège-lycée), Gérard PERRIER (professeur de lettres

retraité, syndicaliste, fondateur de l’Université Populaire et Républicaine de Marseille), Vincent

PORELLI (ancien député, UMS/FASE), Gérard SAINT ARROMAN (ingénieur CEA), Michèle SAPEDE

(retraitée), Sylvie SARAFIAN (enseignante), Philippe SENEGAS (président LDH Aix), Mireille

SERRANO (professeur d’espagnol en CPGE), Jean SICARD (retraité Education Nationale, PG), Odile

SISSOKO (retraitée fonction publique hospitalière), Gilbert SOULET (cadre honoraire SNCF),

Simone SOULLIERE (conseillère d’orientation psychologue, ATTAC), Cécilia SUZZONI (chaire

supérieure Lycée Henri IV, présidente ALLE), Catherine TEISSIER (maîtresse de conférences,

allemand, Université d’Aix Marseille).

3 mois de sursis pour les Roms de Velaux : avançons vers des solutions durables ! 6 septembre, 2012

Le Collectif aixois pour les Droits et la Dignité des Roms, des Immigrés et des Sans-papiers (CADDRIS) prend acte de la décision du juge des référés du TGI d’Aix-en-Provence rendue le 04/09/2012 concernant les Roms installés à Velaux et à Vitrolles suite à leur expulsion et à la destruction de leur campement de l’Arbois.

Il note que le délai d’expulsion de trois mois, accordé sur le site de Velaux, va permettre de mieux s’organiser pour faire face aux besoins des personnes présentes sur le site. Il se félicite que le tribunal se soit déclaré incompétent pour la demande formulée par la Ville de Vitrolles.

Il demande aux collectivités territoriales, en l’absence de toute alternative, de ne pas lancer de procédure d’expulsion contre les campements de fortune. S’ils ne constituent en rien une alternative crédible ils sont aussi et hélas, pour les miséreux qui y trouvent refuge, le seul abri possible.

Le CADDRIS interpelle l’Etat, garant de la solidarité et de la cohésion sociale pour que soit organisé, au plus tôt, un dialogue concret qui aboutisse rapidement. Il appelle les conseillers Généraux et Régionaux concernés, le Député Maire de Velaux, les communes de Marseille et d’Aix-en-Provence, à l’origine de ces procédures d’expulsion autant inefficaces qu’inhumaines, à s’asseoir à la table des négociations et à concrétiser les attentes.

Il est urgent, avant l’hiver et en cette période de rentrée scolaire, de trouver un lieu qui permette de donner un vrai sens à l’accueil et l’insertion. L’expulsion des campements ne fait pas disparaître les personnes présentes. Elle les contraint simplement à trouver un nouveau refuge dans des conditions toujours plus précaires.

Il est temps de tourner le dos à des pratiques sans lendemain et travailler sur le long terme. Les associations, les travailleurs sociaux, les bénévoles sont prêts. Il appartient à l’Etat, à l’Europe et aux collectivités de leur donner les moyens d’avancer vers des solutions enfin durables.

Juillet-août 2012 en Algérie 5 septembre, 2012

« Qui peut accepter dans ces temps de canicule, en plein mois de Ramadan, un quotidien fait de prix exorbitants, de délestages répétés, d’incendies ravageurs qui détruisent oliviers et forêts et menacent nos villages, de pénurie d’eau sous des chaleurs suffocantes ? » (Ali Laskri, premier secrétaire du FFS, 24/08/2012)

Emeutes et mouvements sociaux

Emeutes de l’électricité

Les coupures d’électricité sans préavis, quotidiennes, longues parfois de plusieurs jours ont provoqué cet été des émeutes dans un grand nombre de communes du pays y compris dans les grandes villes : le 9 juillet à El Bouni (près d’Annaba), le 11 juillet à Tolga (près de Biskra), le 14 juillet à Biskra, le 15 juillet à El Kantara, le 31 juillet à Ghardaïa, le 4 août à Boukhadra (Annaba) le 7 août à Constantine, le 13 août à Alger (quartier de Bachdjarah) etc. Chaque été, depuis maintenant plusieurs années, c’est le même scénario qui se répète : le fournisseur public d’énergie, Sonelgaz, confronté à de fortes consommations, opère des délestages et coupe le courant dans plusieurs régions du pays. Un réseau vétuste et l’insuffisance de centrales électriques sont à l’origine de cette pénurie. Les foyers des régions qui ont subi des pannes électriques ont également été privés d’eau car les unités de pompage qui fonctionnent au courant électrique ont été paralysées. Par des températures dépassant les 40 degrés et en pleine période de ramadan, les épreuves subies par les victimes de ces coupures d’électricité et d’eau (particuliers, commerçants, services publics…) ont été particulièrement dures ; leurs réactions dans la rue aussi.

Emeutes du logement

Le 3 juillet à Mascara, le 9 juillet à Freha (Tizi Ouzou), le 23 juillet à Batna, le 22 août à El Tarf, le 26 août à Alger (quartier de Baraki)…A El Tarf, la population excédée par les difficultés de logement mais aussi par les sempiternels problèmes de pénurie d’eau, de coupures de courant, d’éclairage public, les ordures ménagères, les eaux usées qui se déversent dans le lac Oubeïra, les chaussées complètement défoncées qui n’ont pas été revêtues depuis 40 ans etc., a bâti un mur de briques barrant la rue principale du village.

Le mouvement des gardes communaux

En 1996, un décret portait création du corps de la garde communale, dans lequel des milliers de citoyens furent armés pour lutter contre le terrorisme aux côtés des forces de l’ordre et de l’armée. Depuis, le terrorisme a reculé dans le pays mais il reste encore 94.000 gardes communaux sur le terrain. Ils sont les premiers au contact des groupes armés qui sévissent toujours dans plusieurs régions du pays. Ils en sont aussi les premières victimes. Assimilés maintenant à des agents administratifs, ils refusent la dissolution de leur corps et réclament de meilleurs salaires (actuellement 140 € par mois) et plus de reconnaissance. Leur mouvement, ininterrompu depuis deux ans, a pris une envergure nationale au début du mois de juillet. Deux marches sur Alger ont été réprimées par les forces de l’ordre. Les récentes négociations avec la tutelle ont été décidées après que la coordination nationale du mouvement a mis fin à sa mobilisation en détruisant le camp de fortune de Boufarik où les gardes communaux ont passé près de la moitié du mois de ramadan.

Incendies

Plus de 50.000 hectares de forêts ont brûlé en quelques semaines en Algérie cet été. Les températures exceptionnellement hautes (jusqu’à 50°) de cette période sont un facteur majeur de ces catastrophes, mais dans le climat de tensions sociales et politiques actuelles, outre la dénonciation d’un système de protection et d’intervention obsolète, les interprétations sur l’origine des incendies n’ont pas manqué. La rumeur, parfois relayée par la presse, a mis en cause les gardes communaux mais aussi les militaires de l’ANP. Ainsi, selon certains, l’incendie volontaire serait utilisé par l’armée pour déloger les terroristes de leurs repères, alors que pour d’autres, le bras de fer entre l’état et les militaires conduirait ces derniers à pousser les populations à la révolte, notamment en Kabylie où les incendies ont été particulièrement nombreux et destructeurs.

Hausse des prix

Les prix à la consommation ont augmenté de plus de 8% au mois de juillet dernier par rapport à la même période de 2011, accentuant ainsi le rythme d’inflation en glissement annuel qui a atteint 7,5% contre 7,3% en juin dernier, selon l’Office national des statistiques. Tous les produits alimentaires frais ont connu des hausses, notamment la viande ovine (30,3%), les fruits frais (28,7%), les légumes (5,66%), la viande de poulet (16,3%), les poissons frais (15,5%) et la viande bovine avec plus de 8%.

Après les élections législatives

Trois mois après les législatives, l’Algérie attend toujours son nouveau gouvernement. Depuis le 10 mai, en effet, six départements se retrouvent sans ministre. Il s’agit des ministères de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique, des transports, de la Poste et des technologies de l’information, des travaux publics, du travail et de la sécurité sociale, et enfin du ministère de l’Environnement et de l’aménagement du territoire. Par ailleurs, la situation actuelle provoque de sérieux dysfonctionnements, particulièrement en raison de l’incertitude qui entoure l’avenir du premier ministre Ahmed Ouyahia. Le parti de M. Ouyahia, le Rassemblement national démocratique (RND) a été laminé aux élections législatives, ce qui a placé le premier ministre dans une position très inconfortable vis-à-vis de ses ministres. Ceci altère gravement la cohésion et la discipline au sein d’un gouvernement où certains ministres, considérés comme proches du chef de l’Etat, ne reconnaissent pas l’autorité du chef du gouvernement. L’opinion publique s’interroge sur les raisons de la léthargie qui frappe le pays, et l’absence prolongée et surtout inexpliquée du chef de l’Etat qui n’a pas vu la nécessité de s’adresser à ses concitoyens à l’occasion de la timide célébration du 50e anniversaire de l’indépendance. Enfin, l’opacité qui règne sur la prochaine révision de la Constitution (aucune consultation des partis politiques et de la société civile) confirme que les méthodes de gouvernance n’ont pas changé et annonce un rafistolage de plus.

L’opposition, toutes tendances confondues, ne se prive pas de dénoncer cette léthargie institutionnelle qu’elle met sur le compte des luttes intestines au sein de la majorité FLN – RND, artificiellement maintenue au pouvoir à l’issue d’une consultation électorale truquée. Mais cette opposition n’est, elle-même, pas sortie indemne des législatives. Le FFS, principal parti démocratique et laïque d’Algérie ayant participé aux élections, traverse une grave crise. La décision de participer aux élections et le choix des candidats avaient divisé les cadres du parti et des voix critiques s’étaient faites entendre sur cette stratégie. Une fois les élections passées, des sanctions ont été prises à la demande de Ait Ahmed, le leader charismatique de la formation depuis 1963. En réponse, courant juillet, une vingtaine de cadres dirigeants du parti ont démissionné et envisagent de créer un nouveau parti. Les tensions dans les sections du FFS sont vives. La mouvance islamiste, regroupée pour les législatives en une alliance « verte », a volé en éclat à la suite de sa déroute électorale ; de nouveaux micro-partis voient le jour dans la perspective des élections municipales, fin novembre.

La grande mosquée à la gloire de Bouteflika

Tout homme de pouvoir cherche à laisser une trace de son passage au pouvoir. Le président algérien a choisi de se construire la plus grande mosquée du monde. La nouvelle mosquée d’Alger, Djamaâ El Djazaïr, aura un minaret de 270 m de hauteur avec 25 étages, le plus grand du monde, devant celui de la Grande mosquée Hassan II à Casablanca, long de 210 m. Le tout construit sur 20 hectares dans l’est de la capitale, face à la baie d’Alger. La salle de prière pourrait selon l’AFP accueillir au moins 120.000 fidèles. Les travaux ont commencé le 16 août dernier. Coût estimé : un milliard d’euros. À cela s’ajouteront plusieurs millions d’euros annuels d’entretien et de salaires pour les employés qui y travailleront. Comme pour la plupart des grands chantiers BTP en Algérie, des milliers d’ouvriers chinois sont arrivés pour accomplir les travaux, la réalisation de la grande mosquée ayant été confiée à la société chinoise China State Construction Engineering Corporation (CSCEC). La plupart des algériens ont du mal à admettre qu’il y avait là une priorité pour le pays.

Droits de l’homme

Mohamed Smaïn, incarcéré le 19 juin dernier pour avoir dénoncé des crimes odieux commis à Relizane durant la décennie 1990 au nom de la lutte antiterroriste (cf Eclairage 11), a été libéré ce vendredi 6 juillet, à la faveur de la traditionnelle grâce présidentielle du 5 juillet. « J’ai été gracié comme tout le monde avec les gens détenus pour des délits de droit commun », a-t-il déclaré quelques heures après sa libération. Les 18 jours passés en prison n’ont toutefois pas entamé sa volonté de poursuivre sa lutte pour la défense des droits de l’Homme. Mohamed Smaïn tient absolument à dénoncer les conditions dans lesquelles vit la population carcérale en Algérie. « Les personnes sont traitées comme des bêtes et sont violentées quand elles réclament leurs droits… Vous avez par exemple une salle de détention conçue pour une quinzaine de personnes mais où on en entasse une cinquantaine. Elles dorment alors à tour de rôle », raconte t il.

Abdelkader KHERBA, membre du comité national pour la défense des droits des chômeurs affilié au SNAPAP et militant des droits de l’homme a été arrêté mardi 21 aout à KSAR EL BOUKHARI après un rassemblement de protestation contre les coupures d’eau.

Est-ce une conséquence des élections ? La Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l’Homme (Cncppdh, présidée par Farouk Ksentini) régulièrement désignée dans cette rubrique comme une officine du pouvoir algérien, vient de publier son rapport annuel dans lequel, et c’est une surprise, un bilan très critique des droits de l’homme en Algérie est présenté. Voici comment le journaliste Mustapha Hammouche présente ce rapport dans l’édition du 26 août 2012 du quotidien Liberté

« Il a fallu cinq ou six mois pour que la CNCPPDH se résolve à rendre public le rapport 2011 sur les droits de l’Homme remis au président de la République à la fin du premier trimestre 2012. À moins que l’on ait attendu cette fin d’été caniculaire, éloquente quant au déficit de gestion politique du pays, pour autoriser la commission à diffuser son procès-verbal. Mais s’il ne révèle rien qui ne soit connu d’une gestion ruineuse, le rapport est accablant quant à une faillite politique, économique et sociale que la rente n’arrive plus à masquer. Il faut croire que Farouk Ksentini a fini par renoncer à toute ambition politique pour assumer enfin un rapport qui renferme des vérités établissant le fondement politique des fléaux qui sanctionnent l’économie du pays et hypothèquent ses chances d’amorce de développement. Il est, ainsi, significatif que la CNCPPDH appelle à une lutte “effective et sans relâche” contre la corruption, posant, pour la première fois dans un document, la présomption que la lutte contre la corruption n’est pas effective et qu’elle n’est donc que fictive. Mieux, la commission précise les modalités d’encouragement et de protection des castes autorisées à l’enrichissement par la corruption  : elle consiste en ce que la sanction ne menace que des personnes “secondaires”. Si l’État venait à se résoudre à une lutte “effective” contre ce fléau, celle-ci devrait toucher, aux termes du rapport de la CNCPPDH, même les hauts fonctionnaires exerçant dans les hautes institutions étatiques.

Pour l’heure, “la volonté politique” ne suffit pas face à “une administration dirigée, aux différents échelons et dans une large mesure, par des personnes pistonnées, imposées ou cooptées qui sont au service de leurs propres intérêts et de ceux de leurs ‘’bienfaiteurs’’ et non au service exclusif du peuple”. En d’autres termes, la commission établit que la hiérarchie administrative a fait de l’État un instrument au service des intérêts de ses dirigeants “pistonnés, imposés et cooptés” et de leurs “bienfaiteurs” qui ont le pouvoir — politique — de nommer de hauts cadres. Même si le document concède que “la volonté politique pour ancrer les droits de l’Homme dans la vie quotidienne des citoyens existe”, il bat, ici, en brèche cette concession. Le système est conçu pour servir les intérêts des castes avant l’intérêt du peuple. Pire, “les fonctions au service des institutions de l’État sont devenues une source d’enrichissement et un moyen de servir des intérêts privés”. Ainsi, le détournement politique des prérogatives fonctionnelles au profit de l’enrichissement personnel et clanique a fini par diffuser cette culture prédatrice à l’ensemble de la société ; celle-ci a “miné le tissu social” et “essaimé dans l’ensemble du territoire national” et a fini par détruire les valeurs fondamentales du travail, de la compétence, du savoir, de la crédibilité et de la citoyenneté en Algérie, explique le document. Qu’importe que ce document préserve “la volonté politique”, réduite d’ailleurs à “un discours politique” et “de bonnes intentions” (qui) à eux seuls ne suffisent pas. Le rapport confirme l’origine politique de la pratique de la corruption en Algérie et confirme que nous sommes bien dans le cas d’un État soumis, dans son fonctionnement, à la production de la corruption. »

Mai et juin 2012 en Algérie 13 juillet, 2012

Mouvements sociaux en Algérie

Le rythme et la violence des émeutes, n’ont pas baissé en ce printemps algérien qui était aussi, en principe, un moment démocratique de campagne électorale et d’élections législatives. En fait, les élections du 10 mai elles-mêmes ont été la cause de manifestations et protestations plus ou moins importantes ; ce fût le cas dans de nombreux endroits où les règles électorales ont été ouvertement bafouées (manque de bulletins de certains partis, bourrage des urnes etc.). Mais les affrontements les plus durs ont eu lieu à Saharidj, commune située à plus de 50 km au nord-est de Bouira (Kabylie). Dès le début de la journée, des dizaines de jeunes ont barricadé la route principale de la commune par des blocs de pierres et des pneus en feu puis ont pris d’assaut six bureaux de vote. Les manifestants ont saccagé les urnes et les documents qui s’y trouvaient. Les affrontements entre émeutiers (dont le nombre s’est accru d’heure en heure) et forces de l’ordre ont duré toute la journée et le scrutin n’a pas eu lieu dans la plupart de bureaux de vote. De nombreux blessés parmi les manifestants et les policiers. Le taux des suffrages exprimés le 10 mai dans cette commune est de 6 %, soit le plus faible du pays.

Emeutes du logement

15 mai. Des centaines d’habitants de Theniet El Had (Tissemsilt) ont fermé la route vers Alger (pneus brulés, troncs d’arbres et blocs de pierre), pour protester contre la liste des bénéficiaires de logements sociaux rendue publique la veille. Des manifestants ont squatté des logements neufs sous le regard des forces antiémeute, pendant que d’autres assiégeaient la mairie.

25 juin. A Annaba, des habitants du bidonville d’ El Firma ont bloqué les routes de cette zone, pour manifester leur colère quant à la précarité de leurs conditions de vie. Demandeurs déjà recensés de logements sociaux qui n’arrivent pas, les occupants du bidonville ont été rejoints par ceux des quartiers populaires environnants (dont les revendications sont identiques). Les affrontements avec les forces de l’ordre ont duré toute la nuit.

26 juin. A Ouled Djellel (Biskra), l’évacuation musclée d’un groupe de personnes occupant des logements neufs dont la liste des bénéficiaires avait été affichée dans la matinée, a provoqué de violents affrontements : 19 policiers blessés et 20 personnes arrêtées. Le chef de la sûreté locale a été atteint par un cocktail Molotov alors qu’il tentait de négocier avec les protestataires. Grièvement brûlé sur tout le corps, il a été transporté à l’hôpital de la ville.

Emeutes de l’électricité

20 juin. A Taghit (95 km au sud de Béchar), après une coupure d’électricité de plus de 24 heures, paralysant toute l’activité de la ville et même l’alimentation en eau potable, les habitants, pour la plupart des jeunes, ont fermé les routes et mis le feu à deux bâtiments publics, les sièges de la commune et de la daïra (intercommunalité). Les émeutes ont duré 48 heures.

Après l’arrestation d’un jeune vendeur de sable

20 juin. A Ouaguenoun (Kabylie), nombreux sont les jeunes qui vivent et font vivre leurs familles de la vente du sable de construction qu’ils ramènent de l’oued Sébaou. L’extraction étant interdite, un jeune arrêté avec sa cargaison de sable a été condamné à 16 mois de prison. Cette condamnation a été le déclencheur le 20 juin d’un déferlement de centaines de jeunes qui pendant une semaine ont occupé la ville, assiégé les bâtiments publics et pris d’assaut le siège de la Brigade mobile de police judiciaire (Bmpj). Les émeutes ont fait plusieurs blessés dont un grave. Fin juin, le calme n’est toujours pas revenu à Ouaguenoun où une assemblée populaire s’efforce de rechercher un terrain d’entente entre les jeunes et les autorités. Les émeutiers demandent le départ de trois agents de la Bmpj indésirables, la libération de leurs camarades arrêtés et la garantie de ne plus être poursuivis en justice. Réponse des autorités le 2 juillet.

Immolation par le feu

6 juin. A Mascara (100 km au sud-est d’Oran), un homme de 36 ans est venu en plein centre-ville s’arroser d’essence et s’enflammer, quelques heures après le retrait de son permis de conduire par un agent de police. Il est décédé deux jours plus tard des suites de ses brûlures. On sait que ces immolations se sont multipliées depuis janvier 2011 en Algérie après les émeutes contre la vie chère qui avaient fait cinq morts.

Guérilla en Kabylie

Douze membres des forces de sécurité (policiers et militaires) sont morts ces deux derniers mois en Kabylie, à la suite d’attentats attribués à AQMI ou au GSPC : le 30 avril, 4 policiers tués à Mekla (Tizi Ouzou) ; le 4 mai, 2 militaires tués à Keddara (Boumerdès) ; les 15, 16 et 17 mai, 3 militaires tués à Azzefoun (Tizi Ouzou) ; le 15 juin, 2 policiers tués aux Ouacifs (Tizi Ouzou) ; le 21 juin 1 policier tué à Bouira. D’autres attentats n’ont fait que des blessés comme la bombe sur la route reliant Tizi Ouzou à Alger contre une patrouille de la gendarmerie le 20 juin.

De leur côté les forces de l’ordre revendiquent l’élimination d’une vingtaine de terroristes. L’opération la plus spectaculaire a entrainé la mort de onze maquisards lors d’un accrochage au cours de la nuit du 19 au 20 juin près du barrage de Taksebt, toujours en Kabylie.

Depuis des années, alors que la pression des maquis islamistes a considérablement baissé dans le reste de l’Algérie, la Kabylie reste un foyer important d’attentats et de guérilla : les services de sécurité, évaluent le maquis de Tizi Ouzou à 250 combattants, celui de Boumerdès à 80 et celui de Bouira à une cinquantaine. Certains militants du mouvement régionaliste kabyle voient dans l’insécurité persistante de leur région, le laxisme volontaire d’un état algérien désireux de voire la Kabylie, terre d’opposition, s’enfoncer dans le chaos.

Les élections législatives et après

Aux législatives du 10 mai 2012, les deux partis au pouvoir depuis 2004, le FLN (221 sièges) et le RND (70 sièges) ont renforcé leur position au parlement (l’APN) avec 291 sièges sur 462. L’alliance verte des islamistes, y compris les modérés (MSP) qui participaient au gouvernement dans la législature précédente ne totalise que 48 sièges, auxquels on peut ajouter 18 islamistes qui ne se présentaient pas sous les couleurs de la coalition. C’est un triomphe pour les nationalistes (et derrière eux l’armée et la sécurité militaire) et un échec pour les islamistes qui selon les pronostics (il n’y a pas de sondages en Algérie) devaient, comme en Tunisie et en Egypte, conquérir ou partager le pouvoir par la voie des urnes. Le FFS, pratiquement seul parti démocratique présent lors de ces élections entre au parlement avec 21 sièges.

Quand on connaît la longue tradition de fraude électorale en Algérie, ces résultats ne sauraient être considérés comme absolument fiables. La Commission nationale de surveillance des élections législatives (Cnisel) composée de représentants des 44 partis qui ont participé au scrutin, a conclu son rapport par la phrase suivante « La commission considère que les élections ont perdu leur crédibilité « . Les représentants du FLN et du RND dans la commission n’ont pas signé le rapport…

L’abstention de 57% ajoutée à la reconduite des partisans de Bouteflika révèle sans doute à la fois l’incrédulité et la peur du peuple algérien à l’égard de tout changement ; une analyse qu’on avance depuis deux ans pour expliquer l’exception algérienne restée en marge du mouvement populaire au Maghreb. L’échec des islamistes à conquérir le pouvoir par l’élection, pourrait affaiblir l’audience politique de cette mouvance mais risque aussi de faire revenir une partie de ses adeptes à des formes plus violentes de militantisme.

Cinquante jours après les élections, le pays a le même premier ministre qu’avant le scrutin (Ahmed Ouyahia, chef de file du RND), mais le gouvernement n’est toujours pas formé et l’Assemblée Nationale Populaire ne s’est toujours pas réunie. Avec l’arrivée de l’été, cette assemblée dont la principale tâche devait être de réviser la constitution, n’est apparemment pas près d’aborder les problèmes cruciaux que connaît le pays.

Le 18 juillet Laurent Fabius doit se rendre en visite officielle en Algérie. Le 28 juin, Le Monde a publié un texte de notre ministres des affaires étrangères, préconisant un « accompagnement de la nouvelle citoyenneté » qui émerge à la faveur du « printemps arabe ». Sur la même page, Dominique de Villepin prêche une « réconciliation historique » avec l’Algérie (« …comme nous l’avons fait avec l’Allemagne.  » écrit-il), clé d’une nouvelle politique arabe de la France. F. Hollande ne devrait pas tarder à traverser la Méditerranée.

Du côté des droits de l’homme

Ci-dessous, de larges extraits d’un article du journal Liberté présentant, le 26 mai 2012, le rapport sur la situation des droits de l’homme dans le monde en 2011, par Amnesty International. Rappelons que les enquêteurs d’AI sont interdits de séjour en Algérie depuis 2005.

Le rapport annuel d’Amnesty International

Dans son 50e rapport annuel sur la situation des droits de l’Homme dans le monde, Amnesty International (AI) souligne que “la situation des droits de l’Homme en Algérie est négative”…. AI estime qu’en Algérie, malgré la levée de l’État d’urgence en vigueur depuis 1992 “le gouvernement a maintenu des restrictions sévères sur la liberté d’expression, d’association et de réunion ainsi que sur les pratiques religieuses”. Allusion faite aux derniers textes de réformes de la loi sur l’information et les associations, que AI considère comme “un recul dans le respect de ces droits élémentaires.”

“Les autorités continuaient de restreindre la liberté d’expression et de prohiber les rassemblements publics non autorisés”, dénonce le rapport, qui rappelle que les manifestations du mois de janvier 2011 “ont été dispersées violemment par des milliers d’agents de la police antiémeutes et autres forces de sécurité”. Et de préciser qu’après la levée de l’état d’urgence, “les manifestations sont devenues légales dans tout le pays, hormis dans la capitale, sous réserve de l’obtention préalable d’une autorisation”.

Cette levée de l’État d’urgence qui entre dans le cadre des “réformes politiques” engagées par Bouteflika ne répond pas aux attentes des Algériens en matière des droits de l’Homme. Pour AI, “il ne sert à rien d’engager des réformes afin d’améliorer la situation socioéconomique des citoyens, et restreindre en même temps le champ de la libre expression, d’association et de réunion”. AI rappelle qu’en février 2011, un décret présidentiel a conféré à l’armée le pouvoir de lutter contre le terrorisme, dans le même temps qu’il levait l’état d’urgence.

Un autre décret présidentiel modifiant le Code de procédure pénale “a conféré aux juges le pouvoir d’astreindre pour plusieurs mois consécutifs les personnes soupçonnées d’actes de terrorisme à demeurer dans des résidences protégées, dont l’emplacement était tenu secret” ; ceci permettait, constate AI “le maintien en détention secrète pendant de longues périodes”.

Concernant la situation de la femme, le rapport indique que la femme algérienne continuait de subir des discriminations dans la législation et dans la pratique. “Aux termes du Code de la famille de 2005, les droits des femmes étaient subordonnés à ceux des hommes en matière de mariage, de divorce, de garde d’enfants et d’héritage”, estime-t-on.

“Des chrétiens, parmi lesquels des convertis, ont été persécutés pour exercice de cultes sans autorisation, aux termes de l’Ordonnance n°06-03 qui réglemente les croyances autres que la religion d’État, l’islam”, souligne encore le rapport.

Ajoutons que, après Amnesty International et le Conseil des Nations unies aux droits de l’Homme, la Confédération syndicale internationale (CSI) a dénoncé, dans son rapport 2012, les violations des droits syndicaux en Algérie commis en 2011. Ces violations, lit-on dans ce document, ont été commises aussi bien par l’État que par les employeurs. Ces atteintes vont de l’arrestation de syndicalistes au licenciement de travailleurs ayant montré leur volonté d’exercer leurs droits syndicaux, en passant par les menaces et diverses autres pressions de la part de l’État comme de certaines entreprises.

Des militants des droits de l’Homme devant la justice

Le Réseau euroméditerranéen des droits de l’Homme (Remdh), la Fédération internationale des droits de l’Homme et l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) ont condamné, hier, l’intensification des actes de harcèlement judiciaire à l’encontre des militants et défenseurs des droits de l’Homme en Algérie. Cette déclaration fait suite à la convocation par le tribunal de Bab El-Oued de quatre militants et défenseurs des droits de l’Homme. Il s’agit de Yacine Zaïd, syndicaliste et président de la section de Laghouat de la Laddh, de Abdou Bendjoudi, l’un des responsables du Mouvement des jeunes indépendants pour le changement (Mjic) et de Lakhdar Bouzini, membre du Syndicat national autonome des personnels de l’administration publique (Snapap), Othmane Aouameur, membre du Réseau de défense de la liberté et des dignités (RDLD). Les quatre mis en cause sont poursuivis pour “incitation à un rassemblement non armé !”

Disparus de la décennie noire : emprisonnement de Mohamed Smaïn, membre du bureau national de la LADDH (Sur la question des disparus de la décennie noire, voir l’Eclairage de ce mois-ci)

Mohamed Smaïn (69 ans), a été arrêté et emprisonné le 19 juin à Relizane, dans l’ouest algérien. M. Smaïn est connu pour son combat inlassable aux côtés des familles de victimes de la guerre civile des années 90 En particulier, c’est lui qui a révélé dés 1999, l’existence d’une douzaine de charniers à Relizane contenant des centaines de cadavres (1). Ces massacres attribués aux islamistes par les autorités algériennes, Smaïn et les habitants de Relizane en ont, preuves à l’appui, désigné le responsable : Mohamed Fergane, maire de Relizane entre 1994 et 1998, qui, à la tête d’une « milice de patriotes » a fait régner une terreur censée contrebalancer celle des islamistes dans la région. Il faut également rappeler qu’une plainte pour actes de torture et de barbarie et crimes contre l’humanité avait été déposée en octobre 2003 à Nîmes en France par la FIDH et de la Ligue française des droits de l’Homme et du citoyen (LDH), soutenue par la Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme (LADDH), section Rélizane, contre deux membres des milices de Relizane. M. Smaïn avait été appelé à se constituer partie civile dans cette affaire.

Depuis 2001, M. Smaïn subit les assauts de la justice de son pays à la suite d’une plainte pour « dénonciation de crimes imaginaires » déposée contre lui par Fergane et ses acolytes. Pendant 10 ans les procès se sont succédés ; en octobre 2011, la Cour suprême a confirmé la condamnation de M. Smaïn à deux mois de prison ferme, 50 000 DA d’amende et 10 000 DA de dédommagement en faveur de chacun des plaignants. Une demande de surseoir à l’exécution de la peine de prison, a été déposée, faisant suite à une demande de grâce auprès du ministère de la Justice introduite par Mohamed Smaïn pour raisons de santé. C’est dans ce contexte que Mohamed Smaïn a été arrêté dans la matinée du 19 juin dernier par des agents des Brigades mobiles de la police judiciaire de la Wilaya de Relizane, sans mandat d’amener ni mandat d’arrêt. Cette arrestation fait suite au défaut de présentation de M. Smaïn, destinataire de deux convocations du Parquet général de Relizane pour se soumette à une contre expertise médicale. Or, d’après M. Smaïn, lesdites convocations ne lui sont jamais parvenues.

(1)Mohamed Smaïn (2004). Relizane : silence on tue. Editions Bouchène

ECLAIRAGE 11: Les « disparitions forcées » pendant la décennie noire en Algérie 13 juillet, 2012

Pendant la décennie noire des années 90 la pratique des enlèvements a fait partie des méthodes de guerre, comme cela avait été le cas pendant la guerre d’indépendance : environ 8000 personnes ont été officiellement portées « définitivement disparues » par l’état algérien. Un chiffre largement sous-estimé selon la Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme (LADDH) et d’autres ONG qui évaluent à 18.000 le nombre de disparus. Il y a peu de doutes que la quasi totalité de ces disparus sont en fait morts et gisent dans des charniers creusés à travers tout le pays.

Depuis 1998, tous les mercredis, quelques dizaines de femmes algériennes se rassemblent devant le siège de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l’homme (CNCPPDH) à Alger, avec les photos de leurs disparus à bout de bras. La CNCPPDH est la commission dont l’état s’est doté en espérant convaincre le peuple algérien et les organismes internationaux que la question des droits de l’homme est au cœur de sa politique. Celles qu’on appelle les mères de disparus demandent à l’état de répondre à leurs questions : où est mon fils (mari, frère…) ? Fait-il partie des corps qu’on trouve à chaque fois qu’un charnier est découvert ? Qui l’a enlevé ? Comment est-il mort ? Pour toute réponse elles ont droit aux barrages de policiers ou aux dispersions violentes de leur rassemblement comme ce fut le cas en aout 2010. Elles ont droit aussi aux déclarations à la presse de Farouk Ksentini, le président de la CNCPPDH installé par Bouteflika. Selon Ksentini « la plupart de ces disparus ont pris le maquis, ce sont des terroristes » ; le même accuse les familles de vouloir ressortir d’anciens dossiers qui peuvent nuire à la ’’notoriété de l’état Algérien’’.

Qui sont les auteurs des enlèvements ? Les représentants de l’état ne peuvent pas nier certains dérapages de la part des forces de sécurité ou des milices anti-islamistes, mais la thèse officielle est que la quasi-totalité des enlèvements et des assassinats de civils ont été commis par des terroristes. En fait, on estime à 5000 le nombre de personnes enlevées par les groupes islamistes et dont les corps n’ont pas été retrouvés. Différentes associations, comme Somoud, cherchent la vérité sur ces disparitions. Mais pour d’autres associations comme Jazaïrouna, SOS disparus ou le Collectif des familles de disparus algériens (CFDA) et pour des ONG comme Algeria-Watch(1), une partie importante des disparitions des années 90 sont en réalité des « disparitions forcées » définies comme « l’arrestation, la détention, l’enlèvement ou toute autre forme de privation de liberté par des agents de l’État ou par des personnes ou des groupes de personnes qui agissent avec l’autorisation, l’appui ou l’acquiescement de l’État, suivi du déni de la reconnaissance de la privation de liberté ou de la dissimulation du sort réservé à la personne disparue ou du lieu où elle se trouve, la soustrayant à la protection de la loi » (cette définition est extraite d’un article de Wikipédia sur les disparitions forcées dans le monde, article dans lequel le cas algérien est présenté de façon très documentée http://fr.wikipedia.org/wiki/Disparition_forc%C3%A9e). Ces organismes réclament des enquêtes sur les circonstances de ces disparitions forcées, et s’efforcent de les faire reconnaître par des instances internationales. La multiplication des plaintes pour disparition forcée devant ces instances contribue à maintenir la pression sur l’état algérien. Ainsi, en 2011, le Comité des droits de l’Homme de l’ONU a, pour la septième fois, condamné l’Algérie pour disparition forcée pendant la décennie noire.

Que s’est-il passé dans les années 90 ? Il est notoire en Algérie qu’à la terreur pratiquée par les islamistes, les forces de sécurité ont répondu par une terreur équivalente en commettant des massacres imputés aux maquisards et en liquidant des sympathisants islamistes ou supposés tels avec les mêmes méthodes que ces derniers. Une enquête coordonnée par plusieurs ONG (cf l’article de Wikipédia cité plus haut) a porté sur 477 cas de disparitions bien documentés ; les auteurs des enlèvements, identifiés par des témoins (les familles le plus souvent), sont les forces spéciales combinées dans 152 cas, l’armée seule dans 119 cas, la police dans 105 cas, la gendarmerie dans 14 cas, les services de sécurité militaire opérant en civil dans 21 cas, les forces de sécurité accompagnées de civils dans 16 cas, les Gardes de Légitime Défense dans 9 cas etc. On ne s’étonnera pas que la police, la gendarmerie ou l’armée ne se soient pas vues confiées de telles enquêtes.

Et que s’est-il passé après ? Cela a déjà été évoqué dans cette rubrique (cf Eclairage n°6 : L’islamisme algérien), l’action du président Bouteflika s’est orientée dès 1999 vers une politique de réconciliation nationale. Clairement, il s’agissait d’aboutir à une amnistie générale permettant tout à la fois d’alléger autant que possible les peines encourues par les combattants des maquis islamistes (dans la perspective de prochaines alliances) et de protéger l’armée et la police contre toutes poursuites pour les exactions commises pendant la guerre civile. La « Charte pour la paix et la réconciliation nationale » adoptée par référendum et promulguée sous forme de loi en février 2006 répondait à cet objectif. Or l’article 45 de la charte stipule l’irrecevabilité par les tribunaux de toutes les plaintes ou dénonciations déposées contre les forces de sécurité et leurs agents. L’évocation de culpabilité d’un agent de l’état, par d’autres moyens écrits ou verbaux est sanctionnée par des peines de prison de 3 à 5 ans et des amendes selon l’article 46. Dans ce contexte, 6448 familles (contre l’abandon de toute poursuite judiciaire et l’engagement à ne plus porter plainte et parfois contraintes de signer des formulaires attestant que leur parent disparu a été enlevé par des « terroristes » ou qu’il a rejoint les maquis) ont fini par accepter de clore les dossiers, et ont perçu une indemnisation et un certificat de décès, sans obtenir la moindre information sur le sort de leur père, mari, frère ou fils. L’impunité garantie aux islamistes et aux forces de sécurité, conduit les familles de victimes à côtoyer au quotidien les bourreaux de leurs parents disparus.

Il existe des milliers de charniers dans tout le pays. Dans beaucoup d’endroits la police et l’armée ont fait en sorte de les démanteler et de détruire les corps pour rendre toute identification impossible. Car la demande principale des familles est celle de l’identification des cadavres retrouvés, qui leur permettrait d’être certaines de la mort de leur proche et de leur donner une sépulture décente. Cette revendication s’est vue opposer l’argument selon lequel l’identification par l’ADN reviendrait trop cher.

Le combat mené à Relizane par Mohammed Smaïn est exemplaire de ce que l’état redoute le plus : la mise à jour des charniers et la revendication des familles concernées que toute la lumière soit faite sur l’identité des personnes retrouvées et sur les circonstances de leur mort. A Relizane, une seule famille et ses alliés ont dirigé les milices de la wilaya et ce dès 1994, alors que les Groupes d’auto-défense n’ont été officialisés par décret qu’en janvier 1997. Parallèlement à ces fonctions paramilitaires, les membres de cette famille avaient été désignés comme délégués exécutifs communaux (DEC) en remplacement des maires élus qui avaient été destitués après le coup d’État en janvier 1992. Ces miliciens-maires régnaient en maîtres sur la plupart des mairies de la région de Rélizane, et terrorisaient la population. Mohammed Smaïn a entrepris dès 1995 des enquêtes sur leurs agissements et a pu dresser une liste non exhaustive de plus de 200 personnes disparues, dont la plupart ont été enlevées par des miliciens, souvent en compagnie de militaires, d’agents du DRS ou de gendarmes. Aujourd’hui Mohamed Smaïn est en prison.

(1)Algeria-Watch, association de défense des droits humains en Algérie, poursuit un important travail de recensement des disparus ; voir un excellent article sur la question à l’adresse

http://www.algeria-watch.org/fr/mrv/mrvdisp/cas_disparitions/disparitions_introduction.htm

Les Roms du bidonville de Vasarély ont été expulsés par la force publique ce 26 juin au matin. 26 juin, 2012

Le recours à la force pour expulsion, rendu possible par la décision du juge des référés, a été mis en place ce jour. Même si la police a traité les populations présentes avec humanité le CADDRIS condamne, très fermement, cette opération.

Personne n’avait de solution pour les populations présentes qui demandaient désespérément un endroit pour se réfugier. Personne ne savait quoi répondre à ses mères qui réclamaient un abri pour leurs enfants et leurs bébés. Rien n’a été prévu pour la centaine de personnes qui depuis ce matin, sept heures, déambulent désespérées à quelques mètres de leur campement que des pelleteuses ont mécaniquement détruit. Le CADDRIS a tout fait pour éviter une telle impasse.

Il lance maintenant un appel pour que le même scénario soit évité sur l’Arbois. Le campement de l’Arbois est au moins trois fois plus important que celui de Vasarély, 300 personnes, environ, sont concernées. Les conditions d’évacuation à proximité d’une voie rapide, pour un nombre si conséquent d’individus, sont tout particulièrement périlleuses.

Avec une intervention policière, dans la droite ligne d’un discours de Grenoble que l’on avait cru révolu, et un soutien, de fait, aux errances politiques de la municipalité JOISSAINS « qui ne veut plus un seul Rom sur sa commune » le nouveau pouvoir ne sort pas grandi. Le CADDRIS demande néanmoins à l’État et au Conseil Général des Bouches-du-Rhône (en partie propriétaire des terrains de l’Arbois), de créer une solution d’accueil digne avec de l’eau, de l’électricité et des sanitaires.

A un mois de l’échéance d’expulsion de l’Arbois, prévue autour du 23 Juillet, il est temps de retrouver le sens commun. Plus que jamais les pouvoirs publics (ville, conseils général et régional, État, Europe) doivent coopérer et arrêter des solutions durables.

En matière de solidarité, il est vraiment urgent de changer. Ce matin nous avons vu ces mêmes pelleteuses qui en Août 2010 ont détruit, une première fois et pour rien, le campement de Vasarély. Nous ne voulons plus jamais les revoir !

Collectif Aixois pour les Droits et la Dignité des Roms, des Immigrés et des Sans-Papiers (CADDRIS)

Claudie Hubert – Philippe Chouard – Hervé Guerrera – Philippe Sénégas – Marc Durand

Photos Didier Bonnel

Pièces jointes

Campements Roms de l’Arbois et de Vasarely : mêmes sanctions, mêmes combats ! 20 juin, 2012

20 juin 2012 – Le jugement dans l’affaire du référé d’expulsion des Roms présents sur les campements de l’Arbois vient de tomber. Le juge, comme il l’a fait pour Vasarély, ordonne l’expulsion dans un délai d’un mois et ouvre le recours à la force publique.

Le jugement note pourtant explicitement un certain nombre de points qui laissent à penser que la situation est parfaitement bien comprise. Ainsi il est reconnu que les expulsions risquent d’aggraver une situation de précarité, que le droit au logement garanti, prévu par la loi, n’est pas respecté. Ou plus loin il est fait état des questions de discriminations envers les minorités, de non respect des conventions internationales signées par la France, d’atteintes à l’intérêt supérieur de l’enfant.

Mais tous ces arguments, ces très graves manquements aux obligations légales, françaises et européennes, ne pèsent pas lourds face au trouble à l’ordre public invoqué par la Mairie.

Et même s’il n’existe aucun dispositif d’hébergement d’urgence et que l’occupation des lieux est ancienne, ce que reconnaît aussi explicitement le jugement, l’expulsion est prononcée.

Peu importe ce que deviendront ces gens, y compris les enfants scolarisés ce n’est visiblement pas le souci de la justice qui dit, sans doute, le droit mais se révèle d’une grande inhumanité et s’exonère de tout un contexte. Notamment des déclarations d’une ex députée qui, dans une logique désormais sanctionnée de rapprochement avec l’extrême droite, ne voulait plus voir un seul ROM sur SA commune et a multiplié les procédures pour atteindre ce but.

Au delà de ce jugement, qui ne règle rien au fond, nous ne pouvons accepter la seule logique de répression dans laquelle s’enferment les pouvoirs locaux.

D’ores et déjà le CADDRIS s’organise pour faire face à une éventuelle intervention policière sur Vasarély.

Nous en appelons à l’Etat, dont la responsabilité est explicitement relevée, afin qu’il refuse le recours à la force publique. La table ronde, qu’il annonce au niveau départemental doit permettre de mettre rapidement en œuvre – avec le soutien des associations, des collectivités, des travailleurs sociaux et des populations concernées – des solutions d’accueil et d’insertion dignes et durables.

En matière de solidarité aussi il est urgent de changer !

Le Collectif Aixois pour les Droits et la Dignité des Roms, des Immigrés et des Sans-Papiers (CADDRIS) : Aix écologie, Aix-Solidarité, Alternatifs 13, Amnesty groupe 133 d’Aix en Provence, Association de Solidarité avec les Travailleurs Immigrés, Association des Travailleurs, Maghrébins de France, ATTAC Pays d’Aix, CFDT du Pays d’Aix, EMMAUS Cabriès, Europe Ecologie Les Verts Pays d’Aix, Féminin(s) Pluriel(s) en Pays d’Aix, Jeunesse Communiste d’Aix-en-Provence, Les Jeunes Ecologistes Aix-Marseille, Ligue des Droits de l’Homme, MAIS International, MRAP Aix, Nouveau Parti Anticapitaliste, Parti Communiste Français – Aix, Parti de Gauche, Partit Occitan, Parti Socialiste, Rencontres Tsiganes, Réseau Education Sans Frontières 13, Syndicat des Avocats de France, Syndicat de la Magistrature, Tous Ensemble Pour Aix, Union des Étudiants Communistes, Union Pour Aix, Union locale de la Confédération Nationale du Logement du Pays d’Aix, Unis pour un Monde Solidaire…

Pièces jointes

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