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Ligue des droits de l'Homme

Section du Pays d'Aix-en-Provence

Archives du tag : Revue de presse

1er août 20524 – Tribune de Nathalie Tehio « Des jeux et du spectacle… n’apportent pas les réponses politiques nécessaires » publiée sur Mediapart 6 août 2024

Les Jeux olympiques sont l’occasion d’une grande fête populaire.

Voilà qu’ils deviennent surtout le prétexte à un report sine die de la mise en place d’un gouvernement ! Le président de la République nous explique que la bonne tenue des jeux passe avant la désignation d’un-e Premier-e ministre… qui attendra donc !

Rappelons qu’il a pris la responsabilité (l’irresponsabilité !) de la dissolution de l’Assemblée nationale alors que l’extrême droite paraissait en mesure d’avoir la majorité. L’évidence de l’approche des JO n’avait pas compté.

Ce n’est que grâce à la mobilisation de la société civile, à l’union des partis de gauche, et aux désistements de candidats arrivés en troisième position que le pire a été évité. Il est d’autant plus regrettable que beaucoup de candidats de droite aient refusé de se désister pour le candidat du Nouveau Front populaire mieux placé à l’issue du premier tour, augmentant ainsi le nombre d’élus d’extrême droite.

Malgré cette irresponsabilité de la droite, on voit le président rechercher avant toute autre chose une alliance entre les députés des partis qui le soutiennent et la droite. Pour lui, cette alliance, qui a permis la réélection au perchoir de Yaël Braun-Pivet, devrait maintenant conduire à d’autres continuités au service de politiques pourtant largement rejetées par l’électorat.

L’usage dans la République est que la coalition qui a le plus grand nombre d’élus à l’Assemblée nationale propose un ou une candidate que le président appelle comme Premier-e ministre, quitte à ce que l’Assemblée vote une motion de censure. En l’occurrence, c’est Lucie Castets qui est proposée par le Nouveau Front populaire.

Ajoutant au désordre créé par le président de la République, voici la lettre et l’esprit de l’article 23 de la Constitution détournés au bénéfice d’une interprétation discutable de l’article Lo 153 du code électoral. Au prix d’une confusion entre pouvoirs législatif et exécutif, les ministres qui ont été élu-e-s député-e-s votent comme parlementaires. Pourtant, l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 proclame qu’à défaut de séparation des pouvoirs, la société est sans constitution.

Pendant ce temps, de l’autre côté de la planète, la Nouvelle-Calédonie est toujours en proie à de vives tensions. L’absence d’exécutif en France à même de prendre les décisions nécessaires empêche de réouvrir une perspective de solution politique, dans la ligne de celle qui prévaut depuis quatre décennies maintenant. La visite éclair à Nouméa de la ministre démissionnaire ne pouvait pas trouver de débouché politique.

Il est pourtant urgent de restaurer le dialogue et de trouver une solution politique durable, légitime, rompant avec les approches de fait coloniales. L’économie est à l’agonie, l’usine de nickel du Nord licencie plus d’un millier de salariés, sans compter l’explosion du nombre de chômeurs en raison de la destruction des entreprises.

Le risque d’une guerre civile est là : les discours de haine raciste qui resurgissent de part et d’autre, et la radicalisation des plus jeunes Kanaks qui pratiquent la politique de la terre brûlée, durcissent jour après jour le climat politique. Cela touche désormais l’ensemble du territoire, alors que les destructions ne concernaient que Nouméa et les communes proches au départ. Le président de l’Union calédonienne (l’une des composantes du FLNKS – Front de libération nationale kanak et socialiste), Daniel Goa, a promis la proclamation de l’indépendance pour le 24 septembre 2024 (date anniversaire de la prise de possession de la Nouvelle-Calédonie par la France) avant de la repousser à 2025. La présidente de la province Sud, Sonia Backès, propose une partition de l’île, Nouméa restant française, sous-entendant la séparation des Kanaks des autres communautés. Et, pour la première fois depuis des décennies, les départs définitifs sont massifs.

Quant à la justice, elle ne joue pas son rôle, qui pourrait être pacificateur. Ainsi, elle maintient à 17 000 km de chez eux des responsables politiques indépendantistes. Le fait que deux d’entre eux soient désormais sous assignation à résidence et non plus en détention ne répare pas l’éloignement géographique et familial, qui n’aurait pas dû être décidé. Malgré les accusations de violences des milices privées contre les jeunes Kanaks, le parquet n’ouvre pas d’enquêtes. La justice ne doit pas seulement être rendue, elle doit l’être avec impartialité.

Le droit à l’autodétermination du peuple kanak doit être respecté par l’Etat français. Cette promesse, inscrite dans les accords de Matignon et Nouméa qui fixaient le chemin d’un avenir partagé, a été mise à bas par la décision de tenir un troisième référendum sur l’indépendance sans concertation avec les indépendantistes, puis par le dégel du corps électoral aux élections provinciales. Il est urgent, au sens le plus fort et littéral du terme, que le futur gouvernement abandonne définitivement cette réforme et ouvre un cadre de dialogue pour trouver une voie politique pacifique. L’accord de Nouméa de 1998 portait en germe la possibilité d’une décolonisation permettant aux descendants de colons et aux différentes communautés d’intégrer la nouvelle nation. Il est encore possible de poursuivre le chemin de la décolonisation ouvert en 1988 avec les accords Matignon-Oudinot. Mais jusqu’à quand, alors que le pouvoir présidentiel en France n’inscrit pas ses décisions dans ce cadre ?

En l’absence d’un gouvernement français constitué et de plein exercice, capable de reprendre le rôle d’arbitre, et avec un président qui ne semble pas prendre en compte l’urgence de revenir sur les désordres que ses décisions ont créés, même s’il a reçu les élus de Nouvelle-Calédonie, l’espoir s’éloigne un peu plus chaque jour.

Que le président ne pense pas que le spectacle des jeux nous fasse oublier sa responsabilité première : nommer un-e Premier-e ministre pour que le nouveau gouvernement puisse répondre aux besoins de celles et ceux qui ont toutes raisons de se sentir rejetés, méprisés, niés. Liberté, Egalité, Fraternité, Sororité, Respect… ne sont pas que des mots sur un écran de télévision retransmettant une cérémonie d’ouverture de Jeux olympiques.

Nathalie Tehio, présidente de la LDH

Source: 1er août 20524 – Tribune de Nathalie Tehio « Des jeux et du spectacle… n’apportent pas les réponses politiques nécessaires » publiée sur Mediapart

5 avril 2024 – Tribune collective ” Rwanda : « Seul un accès aux fonds documentaires permettra à la justice d’éclaircir l’engagement de la France au côté des génocidaires »” publiée dans Le Monde 7 avril 2024

Tribune signée par Patrick Baudouin, président de la LDH

Lire la tribune dans Le Monde

Un collectif d’associations qui se sont portées partie civile dans des affaires judiciaires concernant le rôle de la France au Rwanda demande, dans une tribune au « Monde », à Emmanuel Macron, trente ans après le génocide, de permettre à la justice de pouvoir accéder aux pièces et documents demandés dans ces procédures.

Trente ans. Une génération nous sépare du dernier génocide du XXe siècle et trois années depuis que la Commission de recherche sur les archives françaises relatives au Rwanda et au génocide des Tutsi a remis son rapport. Les conclusions de ce travail ont paru implacables quant aux « responsabilités » et à la « faillite de la France ». Pourtant, de nombreuses questions restent en suspens.

Plusieurs fonds d’archives sont toujours inaccessibles et force est de constater que nos institutions judiciaires ne peuvent toujours pas suivre le fil qui mène à des responsables politiques et militaires français de l’époque. Nous nous refusons à attendre la mort de tous les rescapés et de celles et ceux qui portent leurs voix pour que la vérité éclate. Le génocide, c’est aussi le silence des vivants.

A l’occasion du débat parlementaire de novembre 2023 sur la politique africaine de la France, la ministre des Affaires étrangères Catherine Colonna expliquait le besoin de « briser certains tabous » et de « regarder notre passé en face ». « Nous l’avons fait avec le Rwanda », ajoutait-elle justement. Mais peut-on réellement parler d’un tabou brisé quand la justice se heurte encore au mur du secret-défense et qu’aucune instruction n’a abouti à un procès dans les dossiers concernant le rôle de la France ?

Une transparence artificielle

Il est indéniable que le rapport Duclert, de la Commission de recherche sur les archives françaises relatives au Rwanda et au génocide des Tutsi, remis au président de la République le 26 mars 2021, a ouvert une brèche dans le mur du déni qui entoure une des plus atroces compromissions de la Ve République. En permettant à une commission d’historiens d’analyser des milliers de documents d’archives inaccessibles jusque-là, le président a voulu envoyer un signal d’ouverture, de transparence.

Une transparence qui reste pourtant artificielle, nos tribunaux en sont les témoins : pour que justice puisse être rendue, la totalité des archives concernant le Rwanda en 1994, en particulier celles de la mission d’information parlementaire de 1998 et celles des unités et de l’état-major conservées au service historique de la défense, doivent être déclassifiées et rendues réellement accessibles en pratique.

Des zones d’ombre persistent

Seul un accès à l’ensemble des fonds documentaires permettra d’éclaircir les points les plus délicats sur l’engagement de la France au côté des génocidaires, et surtout de comprendre comment certains responsables et représentants de l’Etat ont pu compromettre celui-ci avec ceux qui commettaient l’horreur absolue.

En attendant, les zones d’ombre qui persistent sur le rôle de la France permettent aux « assassins de la mémoire », comme les nommait l’historien de la Shoah Pierre Vidal-Naquet, de raconter une histoire manipulée et de laisser perdurer l’idéologie raciste et xénophobe qui fut à l’origine du génocide des Tutsi du Rwanda en 1994. Les conclusions somme toute floues du rapport Duclert quant à la complicité française esquivent la nécessité de tirer des leçons, sanctionner, réparer, réformer en profondeur.

Emmanuel Macron le déclarait, en mai 2021, dans son discours au Mémorial du génocide de Kigali : « Reconnaître ce passé, c’est aussi et surtout poursuivre l’œuvre de justice. » Il s’agit également d’une mesure préventive : la compréhension des mécanismes ayant mené aux décisions d’engagement de la France auprès d’un régime fasciste doit permettre de prévenir de futures complicités de génocides.

Faire la lumière sur les faits

Trois ans après les conclusions du rapport Duclert, force est de constater que le débat n’est pas clos. Malgré les dénégations, tout tend à montrer que le soutien français actif aux génocidaires n’avait rien d’aveugle. Informée dès l’automne 1990 du projet d’extermination visant les Tutsi, la France pouvait arrêter son soutien matériel et économique au régime extrémiste rwandais.

Notre pays pouvait faire pression sur celui-ci pour enrayer son escalade génocidaire. Il n’en fit rien. Cette coopération matérielle, diplomatique et militaire s’est même poursuivie pendant et après le génocide. Aujourd’hui, des démarches judiciaires tentent de faire la lumière sur ces accusations, documentées, de complicité.

Des instructions – bien trop lentes – sont en cours concernant l’appui de mercenaires français (les fameux « corsaires de la République »), des livraisons d’armes et leur financement par des banques françaises, ou encore la possible complicité dans les massacres qui se sont poursuivis dans les collines de Bisesero, au vu et au su de l’armée française, du 27 au 30 juin 1994. Sur ce point, une audience d’appel contre l’ordonnance de non-lieu est même prévue en pleine période de commémorations, le 27 mai 2024.

Donner de véritables moyens à la justice

Récemment, une requête a été faite par des rescapés et des associations au tribunal administratif contre l’Etat français pour faire reconnaître la gravité des illégalités, et leur caractère fautif, lors du soutien à un régime qui prépare puis exécute un génocide. Monsieur le président, vous avez donné à des historiens la possibilité d’accéder à des documents qui sont toujours refusés à la justice. Comment l’accepter ?

S’il ne vous appartient évidemment pas de vous ingérer dans des procédures judiciaires, nous vous demandons de donner enfin les moyens à la justice, tant administrative que pénale, de faire toute la lumière sur cette complicité de génocide. Cela passe nécessairement, en ce trentième anniversaire, par la dissipation de toutes les zones d’ombre.

Le pouvoir exécutif que vous incarnez doit donc enfin mettre à disposition des juges, sans souffrir la moindre exception, toutes les pièces demandées dans ces procédures, parfois depuis des années. Le refuser encore, trente ans après les faits, ne peut qu’entacher sérieusement les déclarations d’intention politique.

Les signataires de cette tribune sont : Patrick Baudouin, président de la LDH (Ligue des droits de l’Homme) ; Patrice Garesio, coprésident de l’association Survie ; Alain Gauthier, président du Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR) ; Eleonore Morel, directrice de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH)

Source: 5 avril 2024 – Tribune collective ” Rwanda : « Seul un accès aux fonds documentaires permettra à la justice d’éclaircir l’engagement de la France au côté des génocidaires »” publiée dans Le Monde

Tribune d’Agnès Tricoire : “Que certains profitent du contexte artistique pour assouvir un désir sexuel ne peut être généralisé à tout le cinéma d’auteur” publiée dans le monde 7 avril 2024

Tribune d’Agnès Tricoire, présidente de l’Observatoire de la liberté de création et membre du Comité national de la LDH

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Pour Agnès Tricoire, présidente de l’Observatoire de la liberté de création, dont la LDH est membre, le sociologue Eric Fassin, auteur d’une récente tribune au « Monde », se livre à des généralisations abusives à propos du cinéma d’auteur, en le réduisant aux violences sexuelles auxquelles certains réalisateurs se sont livrés.

Qu’est-ce que l’exception culturelle ? Un système par lequel l’Europe a accepté de déroger, en 1993, au dogme de la libre circulation des marchandises qui s’oppose à ce que les pays membres de l’Union protègent leurs marchés intérieurs et aident leurs productions locales. Cette exception a permis à la France d’instaurer une politique protectionniste des œuvres françaises, par le biais de quotas de diffusion et une politique de redistribution confiée au Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) : des taxes sont prélevées sur la diffusion de tous les films, y compris non européens, et redistribuées sous forme d’aides aux créateurs, aux producteurs, aux exploitants et aux distributeurs. Grâce à cela, il existe encore un cinéma français d’auteur, non formaté, quand tant de pays, qui ont moins investi dans leurs politiques culturelles, ont perdu leur cinéma, et le producteur de films n’a pas tous les pouvoirs, contrairement aux Etats-Unis. Le droit d’auteur, en France, est protecteur de la création.

La réalisatrice et scénariste Justine Triet, recevant la Palme d’or, à Cannes en mai 2023, a critiqué à juste titre les menaces contre ce système : « La marchandisation de la culture que le gouvernement néolibéral défend est en train de casser l’exception culturelle française. » Ces remarques lui ont aussitôt valu une volée de bois vert.

Le cinéma d’auteur et l’exception culturelle sont les bêtes noires de l’extrême droite, qui y voit un emploi contestable de fonds publics et un dirigisme politique favorisant les artistes de la critique sociale. Tandis que l’association intégriste Promouvoir s’emploie, depuis vingt ans, à limiter la diffusion des films d’auteur, contestant les visas du ministère de la culture, les élus du Rassemblement national s’opposent par leurs votes aux aides départementales et régionales destinées à la production et à la diffusion des œuvres.

Les films sont donc pris en tenailles entre libéralisme et idéologie morale et identitaire. La liberté de création, qui a force de loi depuis 2016, est un rempart qui protège le droit que les œuvres soient financées et diffusées.

Courage des femmes

Pour autant, elle ne saurait être un paravent pour protéger des comportements déviants et relevant de la loi pénale. Certains hommes ont – ou sont accusés d’avoir – violé, agressé verbalement ou physiquement, battu, manipulé, voire se sont échangé des jeunes femmes : des réalisateurs, Roman Polanski, Benoît Jacquot et Jacques Doillon, mais aussi Gérard Depardieu, comédien qui a tourné dans nombre de films à très gros budget, et Harvey Weinstein, producteur de cinéma hollywoodien. On le sait grâce au courage de femmes qui ont osé briser la loi du silence, malgré les connivences ayant permis que ces rapports de prédation aient lieu et soient tus.

Pour comprendre comment ces comportements individuels et collectifs déviants et critiquables sur le plan légal, moral et politique sont advenus, le cinéma a besoin qu’on l’étudie sérieusement. Dans une tribune au Monde, publiée le 21 mars (« Le cinéma doit en finir avec l’exception sexuelle, sous peine de mettre en danger l’exception culturelle »), Eric Fassin vise les réalisateurs en général, et non ceux, peu nombreux, qui ont commis ces abus, sans étayer son propos par aucune méthode d’analyse et enquête de terrain. Il en oublie ainsi les comédiens et les producteurs déviants ou accusés de l’être pour dénoncer le seul cinéma d’auteur. Pareille démarche ne fait qu’ajouter à la confusion.

L’outrance du trait d’égalité tiré entre exception culturelle et « exception sexuelle », expression par laquelle il désigne de façon générale le cinéma d’auteur, l’outrance de sa désignation du réalisateur, en général, comme coupable d’« appropriation sexuelle », sont d’autant plus contestables qu’elles ne sont étayées par aucun travail scientifique.

Enfin, si la liberté de création n’est pas un paravent pour les crimes, pour autant, contester la distinction entre personne, auteur, œuvre, personnages, de façon générale, ne paraît pas plus fondé. L’autonomie de l’œuvre est élaborée au début du XIXe siècle pour lutter contre la censure morale, religieuse et politique. Alfred de Vigny, critiqué par Sainte-Beuve, revendique le droit de la fiction à ne pas se laisser imposer de règles de représentation. Théophile Gautier, accusé d’être dépravé par le quotidien Le Constitutionnel, conteste, dans la préface de Mademoiselle de Maupin, que les œuvres entraînent au vice : « Je ne sais qui a dit je ne sais où que la littérature et les arts influaient sur les mœurs. Qui que ce soit, c’est indubitablement un grand sot – c’est comme si l’on disait : les petits pois font pousser le printemps…  »

Mécanisme de distanciation

Les spécialistes en analyse filmique ou littéraire s’appliquent à comprendre ce mécanisme de distanciation entre l’auteur, son œuvre et le public. La distinction opérante n’est pas tant celle de l’homme et de l’artiste que celle de l’homme (ou artiste) et l’œuvre.

Faut-il, parce que certains artistes ont commis des crimes, remettre en cause cette distinction ? Le désir de faire œuvre est artistique, esthétique, ou documentaire. Que certains profitent du contexte de création pour assouvir un autre désir, sexuel, ne permet pas pour autant de généraliser et de faire du corps la matrice de l’auteur, comme l’écrit Eric Fassin. Celui qui viole dévie et commet un crime. Il doit être jugé et mis hors d’état de nuire. Au cinéma, les aides du CNC sont conditionnées désormais au respect du code du travail : le producteur doit prendre toutes dispositions pour prévenir les faits de harcèlement sexuel, y mettre un terme et les sanctionner. Le droit progresse.

Prétendre que le même corps filme et viole, c’est l’argument déjà utilisé par certaines féministes contre le J’accuse de Polanski, pour en demander la déprogrammation. Or, il ne vaudrait que si l’œuvre montrait le crime dont l’auteur est accusé, et alors en effet sa diffusion serait très discutable. En dehors de cette hypothèse, chacun doit pouvoir juger s’il est opportun, pour soi, de voir les films des auteurs mis en cause. Enfin, les déviances de certains ne doivent certainement pas abolir de façon générale la distinction entre l’auteur et l’œuvre, nécessaire pour lutter contre la censure ou l’entrave à la diffusion des œuvres.

Paris, le 30 mars 2024

Source: Tribune d’Agnès Tricoire : “Que certains profitent du contexte artistique pour assouvir un désir sexuel ne peut être généralisé à tout le cinéma d’auteur” publiée dans le monde

4 avril 2024 – Tribune “La vision de services publics à vocation universelle est largement remise en cause” publiée dans le monde 7 avril 2024

Tribune à l’initiative du collectif Nos services publics et signée par Patrick Baudouin, président de la LDH

Lire la tribune dans le Monde

Depuis plus d’un mois, des milliers d’enseignants, d’élèves et de parents d’élèves de Seine-Saint-Denis sont mobilisés pour obtenir des recrutements en adéquation avec le nombre d’élèves, des chaises en état et des bâtiments sans fuites d’eau. Depuis plus d’un mois, au Mans, les équipes des urgences du centre hospitalier sont en grève pour un accueil décent de leurs patients en service psychiatrie. Dans le même temps, cheminots et militants écologistes font entendre leur voix pour la défense du fret ferroviaire.

Ces mobilisations sont marquées par un sentiment commun d’être au pied du mur. Elles ne réclament ni plus ni moins que l’essentiel : de la décence dans les conditions de travail et le respect des droits élémentaires des usagers. Mais leur portée va bien au-delà de ces revendications, de leur territoire ou de leur secteur. Elles disent l’attachement, partout en France, à la vocation universelle des services publics et le refus de la dualisation de la société en cours devant ce qu’il est en train de devenir : un service public pour les pauvres, donc un pauvre service public.

Le glissement est enclenché depuis plusieurs décennies déjà. Au-delà même de l’évolution démographique, les besoins de la population ont progressé – hausse du nombre de jeunes allant jusqu’au baccalauréat, augmentation massive des maladies chroniques, urgence climatique –, pourtant, les moyens des services publics, comprimés, n’ont pas suivi cette évolution des besoins. Un écart croissant s’est constitué entre les besoins de la population et les moyens de l’école publique, de l’hôpital ou de la justice, disparaissant ou construisant un espace pour le développement de services privés.

Changement de nature

Les collèges privés sous contrat ont vu la proportion d’enfants de parents diplômés passer de 29 % en 2003 à 40 % en 2021, pendant que la composition sociale des établissements publics restait stable. Les cliniques privées à but lucratif se sont spécialisées dans les actes les plus programmables et les plus rentables – elles effectuent 75 % des actes de chirurgie ambulatoire –, là où l’hôpital public continue d’assurer la majorité des urgences, des soins les plus lourds et de l’accueil des patients précaires. Transports, justice, Sécurité sociale : tous les secteurs sont concernés par cette évolution. Même le domaine régalien de la sécurité, que l’on pourrait penser sanctuarisé, voit se multiplier les emplois de vigiles privés.

Ces transformations vont bien plus loin que la seule dégradation des conditions de travail et d’accueil. Lorsque la possibilité est donnée à une fraction de la population de faire sécession, c’est l’ensemble du service public qui change de nature. Quand le service public n’accueille plus que les moins aisés, il devient un moindre service public. Résulte de ce processus la cristallisation d’une société à deux vitesses. Un service public inaccessible et aux moyens limités pour les moins favorisés, qui demande à ses agents de classer et de contrôler plutôt que d’accompagner, et des offres de services payantes pour ceux qui en ont les moyens. Ces services onéreux n’offrant, au demeurant, pas la moindre garantie de qualité, comme l’ont récemment montré les scandales des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes ou des crèches privées.

C’est ce basculement que refusent les mobilisations actuelles : de moins en moins à même de répondre aux besoins essentiels de la population, les services publics perdent leur capacité à maintenir la cohésion de la société. Les agents en éprouvent tous les jours les conséquences, à rebours de leur éthique professionnelle : tri des patients, sélection des élèves, recul des droits des usagers. Si c’est en Seine-Saint-Denis, dans les zones rurales, auprès des patients atteints de maladies psychiatriques, parmi les personnes étrangères ou celles qui sont le plus éloignées du numérique que cette fragilisation commence à se faire sentir, le mouvement en cours est bien celui d’une fracturation de l’ensemble de notre société. Et les gouvernements successifs ont aggravé cette fracture : d’une main, en faisant de la « baisse des dépenses » l’horizon indépassable des services publics, et, de l’autre, en finançant sur les fonds publics les écoles sous contrat, les cliniques commerciales, ou en favorisant l’accroissement des assurances complémentaires, et parmi elles de celles à but lucratif.

Rendre les droits aux citoyens

Aujourd’hui, la vision de services publics à vocation universelle est largement remise en cause. Des décisions politiques, très concrètes, pourraient au contraire en réaffirmer le caractère essentiel, à rebours des discours et des actes les plus récents : en systématisant la présence de guichets de proximité en complément d’une offre « dématérialisée », en garantissant l’accès à un logement social sur l’ensemble du territoire, en réaffirmant la vocation de mixité sociale et scolaire de l’école publique, en travaillant à un droit, à une alimentation et à une eau de qualité pour toutes et tous, en refusant le vote de lois de préférence nationale, en assurant un accueil digne aux droits à l’aide médicale de l’Etat, à l’asile et au séjour, etc. Revendiquer des services publics universels n’est pas une abstraction : c’est au contraire rendre, très concrètement, leurs droits aux citoyennes et aux citoyens, et leur liberté et leurs moyens de faire leur travail aux agents des services publics.

Les défis auxquels nous faisons face, au premier rang desquels l’urgence écologique, ne pourront être relevés qu’à condition d’une mobilisation réelle pour construire du commun et préparer l’avenir. Les évolutions actuelles des services publics, qui engagent notre société, appellent un débat de société majeur. A rebours de cette nécessité démocratique, les décisions budgétaires passent désormais exclusivement outre le vote du Parlement, par 49.3, voire, à l’instar des récents plans d’économies, par décret. Il nous appartient aujourd’hui de revendiquer cet horizon de services publics pour toutes et tous, et d’organiser le débat dans la société.

Premiers signataires : Patrick Baudouin, président de la LDH (Ligue des droits de l’Homme) ; Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT ; Arnaud Bontemps, coporte-parole du collectif Nos services publics ; Julia Cagé, économiste ; Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France ; Claire Lemercier, historienne, directrice de recherche du CNRS à Sciences Po ; François Molins, ancien procureur général près la Cour de cassation ; Louise Paternoster, enseignante en maternelle et syndicaliste en Seine-Saint-Denis ; Gilles Perret, réalisateur ; Kim Reuflet, présidente du Syndicat de la magistrature ; Florence Rigal, présidente de Médecins du monde ; Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre.

Voir plus de signataires

Source: 4 avril 2024 – Tribune “La vision de services publics à vocation universelle est largement remise en cause” publiée dans le monde

27 mars 2024 – Tribune de Patrick Baudoin “Halte aux semeurs de haine et de violence” publiée sur médiapart 29 mars 2024

Tribune de Patrick Baudouin, président de la LDH

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Selon un rapport du service statistique du ministère de l’Intérieur publié le 20 mars 2024, les crimes ou délits commis en raison de l’ethnie, de la nation, d’une prétendue race ou de la religion ont augmenté en France de 32% en 2023 par rapport à 2022. Ce sont 15.000 infractions à caractère raciste, xénophobe ou antireligieux qui ont été répertoriées sur l’ensemble du territoire français, soit 8.600 crimes ou délits, ainsi que 6.400 contraventions – dont la hausse, de 4%, est plus faible. Le nombre de crimes et délits enregistrés au dernier trimestre 2023 a doublé par rapport à la même période de 2022, cette nette accélération étant due principalement au nombre d’actes antisémites enregistrés depuis les attaques du Hamas du 7 octobre 2023 et la riposte consécutive israélienne. Mais il en va de même d’un accroissement des actes anti-Arabes et antimusulmans. Quant aux étrangers originaires d’un pays africain, ils sont particulièrement touchés, représentant à eux seuls 11% des victimes de délits ou crimes à caractère raciste, alors qu’ils ne constituent que 4% de la population totale.

Ce bilan résumé est d’autant plus alarmant qu’il ne traduit sans doute pas toute la réalité des infractions commises et de leur augmentation, alors même qu’il est noté que seules 4% des victimes portent plainte. La dégradation est manifeste depuis la montée en puissance des idées de l’extrême droite qui se traduit notamment par la libération d’une parole décomplexée, y compris de la part de responsables politiques. On se rappellera les propos tenus à l’Assemblée nationale nouvellement composée par un député Rassemblement national (RN), Grégoire de Fournas, interrompant un collègue noir, Carlos Martens Bilongo, d’une tonitruante injonction « qu’il retourne en Afrique ». C’est un autre parlementaire, Meyer Habib, député des Français établis hors de France, qui interviewé sur une radio qualifie de « cancer » la population palestinienne. C’est Salime Mdéré, vice-président du Conseil départemental de Mayotte, qui s’exprimant à la télévision sur les jeunes « gamins » immigrés n’hésite pas à dire qu’« il faut peut-être en tuer ». C’est Jocelyn Dessigny, député RN de l’Aisne, qui lors d’une cérémonie des vœux fait le lien entre les crimes commis « et l’augmentation de la population subsaharienne qui nous vient d’Île-de-France ». A l’encontre de ces trois derniers élus, la LDH a saisi la justice. Confrontée à une multiplication des propos et des actes à caractère discriminatoire, notre association est impliquée dans de nombreuses autres actions judiciaires, par exemple pour la distribution de tracts, tags, libelles incitant à la haine contre des centres d’accueil des étrangers ou contre des gens du voyage, contenant des propos néonazis, ou invitant, comme c’est le cas à Calvi, à mettre « les juifs dehors »

En présence de telles dérives, génératrices d’un climat de haine et de violence, il importe de ne rien laisser passer, et de rappeler sans cesse que le racisme sous toutes ses formes n’est pas une opinion mais un délit qui doit être poursuivi, pour lequel s’impose une ferme réponse pénale. La responsabilité est d’abord politique. Début 2023, le gouvernement français a rendu public, avec un certain éclat, son plan national quadri-annuel de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations liées à l’origine. Lors de la présentation de ce plan, Elisabeth Borne, alors Première ministre, a affirmé avec force que « Dans notre République, toutes les haines doivent être combattues et toutes les discriminations traquées ». On ne peut que souscrire à la proclamation d’une telle conviction. Le plan proposé comporte lui-même des lignes directrices louables : nommer, mesurer, exploiter les phénomènes de racisme, d’antisémitisme et des discriminations ; mieux éduquer dans le cadre des établissements scolaires et des activités sportives ; mieux former l’ensemble des agents de la fonction publique notamment dans la police ; promouvoir une citoyenneté numérique ; sanctionner les auteurs et accompagner les victimes en améliorant le recueil et le traitement des plaintes. Cependant force est de constater qu’un an plus tard, peu de progrès ont été accomplis et qu’au contraire la situation s’est aggravée. Preuve est faite qu’il ne suffit pas de belles intentions lorsqu’à l’inverse des buts affichés on se complaît dans la stigmatisation des étrangers, comme l’ont montré les débats nauséabonds ayant entouré l’adoption de la honteuse loi sur l’asile et l’immigration.

Un sursaut de toute urgence est nécessaire pour enrayer la progression, à défaut inexorable, de l’antisémitisme, de l’islamophobie, du racisme anti-Noirs et de toutes autres sortes de discriminations. La normalisation des idées d’extrême droite a insidieusement multiplié les doses du poison qui menace notre vivre-ensemble. Le déchirement créé par une résurgence barbare et meurtrière du conflit israélo-palestinien nourrit la recrudescence de propos et actes inadmissibles. La LDH exhorte les pouvoirs publics, en y associant la société civile et les syndicats, à faire du rétablissement de la paix entre les communautés une priorité. Cet impératif exige une détermination absolue à combattre, sans aucune sélectivité, toutes les discriminations racistes, antisémites, xénophobes, sexistes, homophobes, transphobes. Comme toujours dans son histoire, la LDH apportera sa part de contribution à cette lutte contre les semeurs de haine qui mettent en péril notre commune humanité.

Patrick Baudouin, président de la LDH

Source: 27 mars 2024 – Tribune de Patrick Baudoin “Halte aux semeurs de haine et de violence” publiée sur médiapart

26 mars 2024 – Tribune “Il ne faut pas ajouter les origines migratoires de nos parents dans le recensement” publiée sur Libération 27 mars 2024

Tribune de Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, et Patrick Baudouin, président de la LDH

Lire la tribune sur Libération

Nous ne voulons pas que le recensement contribue à une classification «ethnique», par Sophie Binet et Patrick Baudouin

Alors que les informations recueillies par le recensement changent rarement, l’Insee vient de soumettre une demande de modification du texte règlementaire du recensement de la population au Conseil d’Etat pour, revenant sur une position solidement établie, pouvoir demander le pays de naissance des parents lorsqu’ils sont nés à l’étranger. Pour la première fois, le recensement nous classerait, toutes et tous, selon un critère qui ne nous caractérise pas directement, mais qui fait référence à nos parents. Il ajouterait aux données qui nous sont personnelles d’âge, sexe, lieu de naissance, nationalité … le lieu de leur naissance, à eux !

La fonction première du recensement est de compter la population pour chaque collectivité locale. Avec les données qu’il recueille sur les personnes et les logements, il permet aussi d’apporter, jusqu’au niveau territorial le plus fin permis par le secret statistique, les informations de base utiles à la prise de nombreuses décisions (publiques ou privées, nationales ou pour un quartier) comme sur les équipements, les infrastructures, les services publics. Du fait d’un questionnaire qui est volontairement court, le recensement ne se prête pas à l’analyse de phénomènes plus complexes mais, avec ses données de base, il est indispensable pour construire de bonnes statistiques.

Parce que le recensement est une opération qui appartient en propre à l’Etat, ses classements font référence ; il « construit » des catégories qui définissent la perception qu’une société a d’elle-même. En établissant le lien entre chaque personne et la migration d’une génération antérieure comme un élément central de notre identité, il banaliserait une notion dangereuse. Nous ne voulons pas que le recensement contribue à une classification « ethnique » des personnes alors que le débat public est envahi par les préjugés, que l’on y stigmatise sans cesse celles et ceux qu’on considère « venir d’ailleurs », ne pas être « de souche». Le comptage des origines étrangères de la population à des échelons territoriaux fins n’aurait pour premiers usages que de permettre d’en cibler les populations, de chercher à attiser des peurs, à manipuler l’opinion à l’occasion de « faits divers » qui se prêteraient aux discours de rejet et d’exclusion.

Nous affirmons que pour lutter contre les discriminations subies par les descendant.e.s d’immigré.e.s, l’ajout n’est ni pertinent, ni nécessaire. Il est inutile et dangereux.

Nous ne voulons pas de cette question dans le recensement, ni dans des fichiers administratifs, mais il en va autrement pour les enquêtes par sondage de la Statistique Publique : la question y est régulièrement posée. Ces enquêtes fournissent des analyses pertinentes des inégalités et des discriminations parce qu’elles peuvent mettre en relation ces origines géographiques parentales avec les origines sociales, les parcours d’éducation, la date d’arrivée en France, et bien d’autres informations, ce que le questionnaire du recensement ne peut pas faire. Avec ces enquêtes, et aussi avec les testings et observations de terrain, il est possible de mettre en évidence les divers facteurs des discriminations et où ils opèrent. Ces enquêtes sont indispensables et nous les soutenons.

La réponse au recensement a toujours été obligatoire. Pourtant, la Commission Nationale Informatique et Libertés, consultée, a demandé qu’il soit facultatif de répondre à cette nouvelle question et que les personnes recensées en soient clairement informées. C’est une première et cela montre bien que la question est « sensible », mais cela ne répond pas à notre alerte qui va au-delà.

Alors que la même question avait été refusée en 2010 après discussions dans les instances de concertation, aucun débat public n’a eu lieu récemment. Ce débat public est nécessaire pour permettre de faire valoir les arguments. Ainsi, si nous partageons avec la Défenseure des Droits le combat contre les discriminations racistes et la détermination de voir mises en place des politiques publiques efficaces, nous ne partageons pas son soutien à cette nouvelle question dans le recensement.

En tant qu’actrices et acteurs de la société civile, nous déplorons la faiblesse des politiques qui s’attaquent aux discriminations. L’apport très important de connaissances qui existe déjà, issu de la statistique publique et des études de terrain, permet d’en estimer l’ampleur. Ces données peuvent être mobilisées pour un débat public de qualité sur les actions à entreprendre. Alors n’allons pas, avec la modification du questionnaire du recensement au fort potentiel de stigmatisation, à contresens de ce qui est nécessaire.

Source: 26 mars 2024 – Tribune “Il ne faut pas ajouter les origines migratoires de nos parents dans le recensement” publiée sur Libération

28 février 2024 – Tribune de Patrick Baudouin “N’oublions pas l’Ukraine” publiée sur Mediapart 1 mars 2024

Tribune de Patrick Baudouin, président de la LDH

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Il y a désormais deux ans, le 24 février 2022, Vladimir Poutine déclenchait une guerre d’invasion contre l’Ukraine en affichant sa certitude d’une victoire éclair. C’était compter sans la résistance d’un peuple ukrainien uni pour défendre ses droits et sa souveraineté. Mais depuis lors la guerre continue avec son lot effrayant de destructions et de morts, dont le nombre s’élève à des dizaines, voire des centaines de milliers parmi lesquels une large part de victimes civiles. Or devant la durée du conflit, et la prédominance de la situation tragique à Gaza sur la scène internationale, les regards se détournent de l’Ukraine au moment même où ce pays a besoin d’un maximum de soutien.

Comme l’écrit dans une récente tribune Josep Borrell, haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères, cette guerre en Ukraine n’est pas celle de l’Occident contre les autres, mais celle du rejet de la terreur, et de la défense des relations internationales fondée sur le respect mutuel et le droit universel des peuples à la sécurité et à la liberté. La légitimité de la résistance armée des Ukrainiens est incontestable au regard tant du droit international que du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Face à une guerre d’agression, la nécessaire solidarité impose d’apporter à l’Ukraine toutes les aides, financière et militaire, qui lui sont indispensables pour empêcher, au regard de la disproportion des forces en présence, que la victoire ne revienne à l’envahisseur. L’objectif doit être de permettre à l’Ukraine d’inverser le cours d’une situation militaire qui lui devient défavorable. Ce n’est qu’à cette condition que sera crédible l’exigence absolue du retrait sans conditions des troupes russes de l’ensemble du territoire ukrainien.

L’enjeu est d’autant plus important que la résistance du peuple ukrainien va au-delà de la défense d’un territoire, mais reflète aussi ses aspirations légitimes à une société plus égalitaire et plus fraternelle dans la continuité du mouvement Maïdan pour la dignité de février 2014. Ce projet d’une société où le changement est possible se trouve à l’origine de l’offensive poutinienne développant une vision du monde où toute lutte en faveur d’un projet de changement démocratique doit rester vouée à l’échec. Le nouvel ordre mondial prôné par le Kremlin repose sur le rejet des normes et des règles internationales afin que chaque grande puissance puisse exploiter en toute impunité la population et la nature dans sa propre zone d’influence exclusive. C’est une remise en cause de tout l’édifice des principes universels constitutifs de l’ordre international établi après la Seconde Guerre mondiale. La solidarité de la communauté internationale avec la société ukrainienne doit aussi intégrer le soutien aux organisations de sa société civile qui contribuent au combat pour une démocratie vilipendée par Vladimir Poutine.

Une nouvelle illustration édifiante de la véritable nature du régime poutinien vient d’être donnée avec l’assassinat d’Alexeï Navalny. La violence terroriste d’Etat, qui se manifeste aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de la Russie, s’avère une caractéristique majeure d’un pouvoir qui a écrasé Alep sous les bombes, rasé Grozny comme Marioupol, et continue à semer la mort en Ukraine. Cette violence à répétition, dont la gravité a été trop longtemps sous-estimée, contribue largement aux désordres du monde actuel de même que les relations multiformes établies au fil des années entre les extrêmes droites de tous pays et le régime de Poutine. La généralisation de ces violences mises en œuvre par des Etats, sans que la communauté internationale ne soit en mesure de les empêcher ou de les stopper, a des effets dévastateurs pour la crédibilité du droit international et pour les institutions onusiennes en particulier. Afin de contrer la spirale de la barbarie, et de la négation des droits humains, également à l’œuvre dans le conflit israélo-palestinien, il y a urgence à combattre pour la défense de la démocratie, et pour l’établissement des solidarités avec toutes celles et tous ceux qui luttent pour l’effectivité des droits universels.

Un autre enjeu majeur au regard des abominations commises dans la guerre ukrainienne demeure celui de la lutte contre l’impunité. On ne répétera jamais assez que massacres, viols et tortures, bombardements indiscriminés sur les populations civiles et les infrastructures fournissant les biens essentiels perpétrés sans relâche depuis deux années constituent des crimes de guerre, et même, par leur caractère généralisé et systématique, des crimes contre l’humanité. Les enlèvements et déportations d’enfants ukrainiens vers la Russie relèvent de la qualification de crime de génocide, ce qui vaut à Vladimir Poutine d’être poursuivi par la Cour pénale internationale. Celle-ci doit disposer de tous les moyens nécessaires, humains et financiers, pour enquêter sur les crimes de masse commis et documentés en temps réel, aux côtés de la justice ukrainienne, et en lien avec d’autres justices d’Etats tiers sur le fondement de la compétence universelle, pour qu’à tous les niveaux hiérarchiques les responsables de ces crimes abominables soient amenés à rendre des comptes.

En aucun cas il ne faut se laisser gagner par la résignation, le découragement et la lassitude. Aujourd’hui plus encore qu’hier la mobilisation pour la défense de l’Ukraine doit être massive et déterminée. Tout signe de faiblesse ne fera que renforcer Vladimir Poutine dans une politique expansionniste qui menacera l’intégrité territoriale d’autres pays. Contre une guerre destructrice qui met en danger la sécurité mondiale et la stabilité des démocraties, le devoir est celui d’une solidarité active avec une résistance, civile et militaire, admirable de courage, qui se bat pour la liberté de l’Ukraine et pour celle du reste d’un monde globalisé.

Patrick Baudouin, président de la LDH

Source: 28 février 2024 – Tribune de Patrick Baudouin “N’oublions pas l’Ukraine” publiée sur Mediapart

13 février 2024 – Tribune de Patrick Baudouin “Le respect du droit international doit être imposé à Israël” publiée sur Mediapart 16 février 2024

Tribune de Patrick Baudouin, président de la LDH

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Le plan de partage de la Palestine adopté par l’ONU le 29 novembre 1947 prévoyait la création d’un Etat juif et d’un Etat arabe. Si l’Etat d’Israël a pris naissance le 14 mai 1948, il n’en est toujours pas de même d’un Etat de Palestine. Ce constat traduit à lui seul la faillite de la communauté internationale. Alors que l’Etat d’Israël dispose des mêmes droits mais aussi des mêmes obligations que tous les autres Etats, c’est en toute impunité qu’il a pu de façon quasi constante s’affranchir du respect du droit international. Ainsi en va-t-il de l’absence d’application des résolutions du Conseil de Sécurité des Nations-unies, exigeant le retrait des territoires occupés et prônant la mise en œuvre du droit de chacun des peuples de vivre en paix dans des frontières sûres et reconnues.

C’est en violation complète de ces résolutions qu’Israël a poursuivi et intensifié sa politique de colonisation, suscitant des mouvements de révolte des palestiniens et générant des deux côtés un cycle infernal de violences. Israël a passé outre un avis de la Cour internationale de justice (CIJ) du 8 juillet 2004 selon lequel la construction d’un mur de séparation par la puissance occupante dans le territoire palestinien occupé est « contraire au droit international ». Israël a refusé toute coopération avec la Cour pénale internationale (CPI), pourtant compétente pour instruire les crimes relevant de sa juridiction commis depuis le 13 juin 2014 sur le territoire palestinien occupé. Israël a rejeté l’application de la résolution 2334 adoptée le 23 décembre 2016 par le Conseil de Sécurité exigeant qu’il soit mis un terme à l’expansion des colonies de peuplement pour préserver la solution de deux Etats.

A l’encontre de cette résolution, une nouvelle loi fondamentale du 19 juillet 2018 intitulée « Israël Etat nation du peuple juif », outre l’établissement d’un sous statut pour les citoyens non juifs, proclame que « l’Etat considère le développement de la colonisation juive comme un objectif national et agira en vue d’encourager et de promouvoir ses initiatives et son renforcement ». Cette politique d’humiliation et de négation des droits des palestiniens n’a pu qu’entretenir une stratégie de la terreur, en réalité favorable au mouvement fondamentaliste Hamas, amplifiée avec la constitution de l’actuel gouvernement d’extrême droite. L’inexorable explosion qui menaçait est survenue le 7 octobre 2023 dans des conditions aussi horribles qu’imprévues, à la stupéfaction du monde entier. Les milices terroristes du Hamas ont procédé au massacre d’environ 1300 hommes, femmes, enfants, bébés, et à la prise d’au moins 240 otages. Les auteurs de ces actes de barbarie ne sauraient rester impunis. Mais si l’inhumanité des atrocités imputables au Hamas peut justifier une riposte d’Israël traumatisé dans son existence, cela n’autorise nullement le recours à une violence elle-même inhumaine dictée par une vengeance aveugle. Or c’est pourtant, là encore en violation absolue du droit international, la voie choisie par les autorités israéliennes, celle d’une véritable punition collective d’une brutalité inouïe, frappant indistinctement les populations civiles, entraînant la mort ou les blessures de dizaines de milliers d’innocents dont beaucoup d’enfants. Chaque jour, depuis quatre mois, ce sont des centaines de victimes supplémentaires. Les destructions sont massives, n’épargnant pas même les hôpitaux et transformant la zone de Gaza en un champ de ruines. La population, dont deux millions de déplacés font craindre une épuration ethnique, est soumise aux privations d’eau, d’électricité, de carburants, et de nourriture jusqu’à la famine. La situation est décrite comme une catastrophe humanitaire sans précédent par les organisations humanitaires entravées dans les secours.

C’est dans ce contexte que la CIJ saisie par l’Afrique du Sud a rendu une ordonnance fondée sur la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide. La CIJ estime, avant toute décision sur le fond, qu’il y a urgence à prendre des mesures conservatoires de protection au regard d’un risque réel et imminent de préjudice irréparable. Tout en soulignant aussi que toutes les parties sont liées par le droit international humanitaire, et en appelant donc à la libération immédiate et inconditionnelle des otages détenus par le Hamas, la CIJ juge que l’Etat d’Israël doit prendre toutes les mesures effectives en son pouvoir pour prévenir et empêcher la commission de tout acte génocidaire, pour prévenir et punir l’incitation directe et publique à commettre le génocide, pour permettre sans délai la fourniture des services de base et de l’aide humanitaire, et pour assurer la conservation des éléments de preuve relatifs aux allégations d’actes pouvant relever de la Convention sur le génocide.

Cette décision ayant une force contraignante s’impose à Israël. Elle s’impose aussi aux autres Etats parties à la Convention qui ont l’obligation d’apporter leur concours à la prévention du génocide, sous peine de s’en rendre complices. Plusieurs de ces Etats, dont sans surprise les Etats-Unis, au lieu de faire état de leur coopération, ont annoncé de façon choquante une décision précipitée de suspension du financement de l’UNRWA à la suite d’accusations d’Israël dénonçant la participation de 12 membres, sur les 30.000 que compte cette agence onusienne, aux attaques du Hamas du 7 octobre. Or la suppression du soutien financier à l’UNRWA, en contradiction avec la décision de la CIJ, ne peut qu’aggraver la catastrophe humanitaire. La communauté internationale, dont la France au sein de l’Europe s’honorerait d’être un élément moteur, doit exiger de l’Etat d’Israël la mise en œuvre au plus vite de toutes les mesures conservatoires ordonnées par la CIJ impliquant en réalité l’instauration d’un cessez le feu immédiat et durable. Seule cette démarche constructive peut permettre de parvenir à l’impérative libération concomitante de tous les otages, et à l’amorce d’un processus de paix devant permettre aux deux peuples, israélien et palestinien, de vivre à l’intérieur d’Etats aux frontières sûres et garanties. Il est temps enfin de ne plus fermer les yeux sur les violations réitérées du droit international par l’Etat d’Israël, et de mettre un terme à un deux poids deux mesures dévastateur. Israël doit cesser d’être un Etat exonéré de sanctions que ce soit pour la fourniture d’armements ou pour les poursuites pénales des responsables des crimes commis. Loin de garantir la sécurité de la population israélienne, la primauté donnée au droit de la force plutôt qu’à la force du droit ne fait qu’engendrer son insécurité. Il est grand temps d’exiger d’Israël une inversion de ce choix mortifère.

Patrick Baudouin
Avocat
Président de la LDH (Ligue des droits de l’Homme)
Président d’honneur de la Fédération internationale des droits humains (FIDH)

Source: 13 février 2024 – Tribune de Patrick Baudouin “Le respect du droit international doit être imposé à Israël” publiée sur Mediapart

6 février 2024 – Tribune “Hommage à celles et ceux qui ont eu le courage de fuir : ne laissons pas notre idéal européen mourir aux frontières” publiée sur l’Humanité 7 février 2024

6 février 2024 – Tribune “Hommage à celles et ceux qui ont eu le courage de fuir : ne laissons pas notre idéal européen mourir aux frontières” publiée sur l’Humanité

6 février 2024 – Tribune “Hommage à celles et ceux qui ont eu le courage de fuir : ne laissons pas notre idéal européen mourir aux frontières” publiée sur l’Humanité

6 février 2024 – Tribune “Hommage à celles et ceux qui ont eu le courage de fuir : ne laissons pas notre idéal européen mourir aux frontières” publiée sur l’Humanité

6 février 2024 – Tribune “Hommage à celles et ceux qui ont eu le courage de fuir : ne laissons pas notre idéal européen mourir aux frontières” publiée sur l’Humanité

Tribune collective dont Marie-Christine Vergiat, vice-présidente de la LDH

Lire la tribune sur l’Humanité

Mardi 6 février à Briançon est érigé un monument aux morts des frontières. Un cairn gravé des noms des personnes exilées mortes ou disparues entre Oulx, Briançon et Modane depuis 2018. Nous publions l’appel lancé par de nombreuses personnalités à cette occasion.

Un monument pour ne pas oublier qu’à la frontière avec l’Italie dans les montagnes, à Calais, à Vintimille, en Méditerranée, tout au long des parcours de celles et ceux qui prennent la route de l’exil, meurent chaque année des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants. Ils et elles ont un nom et une histoire trop souvent effacés, perdus, gommés par des statistiques déshumanisantes [et des regards froids].

Ne pas oublier. Oui, ce monument aux mort-e-s des frontières leur est dédié. Pour toujours se rappeler que lorsque nos égoïsmes nationaux nous font ériger des murs, notre humanité se perd et des vies en sortent brisées. C’est un lieu pour les victimes et leurs familles, c’est à elles d’en donner le sens. Ce mémorial est aussi dédié aux personnes blessées, traumatisées par leur parcours d’exil. Nous ne laisserons pas notre société les oublier. Ce cairn (objet communément érigé pour guider les personnes en montagne) est une lanterne pour que la France retrouve le chemin de la fraternité.

Ce qui se joue dans le Briançonnais, c’est aussi l’avenir de l’idéal européen. Nous ne pouvons pas accepter que les frontières des pays de l’Union s’enfoncent dans la militarisation et la surveillance. Face à la surenchère sécuritaire, la solidarité s’est organisée depuis des années. Nous apportons notre plein soutien aux associations, aux montagnard-e-s ainsi qu’aux bénévoles venu-e-s de toute la France pour porter assistance aux exilé-e-s qui tentent, malgré tout, de traverser les Alpes au péril de leurs existences dans un geste désespéré de survie.

Non, les mort-e-s aux frontières ne sont pas victimes d’accident, de mauvaises conditions météorologiques, de prises de risques inconsidérées : ils et elles sont victimes de nos politiques de construction de barrières toujours plus hautes. Les frontières ne sont pas géographiques mais sociales, culturelles et administratives. La frontière franco-italienne a déjà fait des dizaines de victimes. Nous n’oublions pas non plus les lois d’exclusion telles que la loi asile et immigration et ce marchandage indigne autour de la santé des personnes étrangères protégées, pour l’instant, par l’aide médicale d’État.

Aujourd’hui, l’ensemble du parcours d’une personne étrangère en France est indigne de notre République. Du passage de la frontière avec la négation d’un certain nombre de droits (documentée par de nombreuses observatrices et de nombreux observateurs), aux solutions d’hébergement précaires en passant par la stigmatisation permanente et par le travail sans droit qui engendrent exploitation et marginalisation : l’absence d’une politique d’intégration digne est un facteur de risque sur la santé des personnes, de précarisation et de désordre dans nos sociétés.

Pour que nous arrêtions de compter les mort-e-s des frontières, il est temps de ne plus céder aux sirènes populistes et réactionnaires dans notre approche des migrations. Regarder la réalité migratoire en face passe par la construction d’une réelle politique d’accueil, d’intégration et de droits pour celles et ceux qui rejoignent notre continent. Un accueil qui permette aux personnes de guérir de leurs blessures et de retrouver du pouvoir d’agir. L’avenir de notre fraternité, le destin de notre idéal européen se joueront aussi dans notre capacité à faire tomber certaines frontières pour ériger des ponts et bâtir un parcours digne.

François Héran, sociologue et anthropologue. Professeur au Collège de France
Didier Fassin, anthropologue sociologue. Professeur à Institute for Advanced Studied, Princeton
Henri Masson, président de la Cimade
Cécile Duflot, directrice Générale d’Oxfam France
Benoît Hamon, directeur Général de SINGA
Céline Meresse, présidente du CRID
Françoise Rigal, présidente de Médecins du monde
Vanina Rochiccioli et Christophe Daadouch, co-président·es du GISTI
Marie-Aleth Grard, présidente d’ATD Quart Monde
Marie-Christine Vergiat, vice-présidente de la Ligue des droits de l’Homme
Michel Rousseau, co-président de Tous Migrants
Cédric Herrou, Emmaüs Roya
Guillaume Meurice, humoriste
Jean-François Bayart, professeur à l’IHEID de Genève
Anne-Claire Defossez, sociologue,  Institute for Advanced Studied, Princeton
Karima Delli, eurodéputée Les Écologistes
Thomas Dossus, sénateur les Écologistes
Mathilde Hignet, députée LFI-NUPES
Marina Mesure, députée européenne LFI
Mathilde Panot, députée LFI-NUPES
Eric Piolle, maire de Grenoble Les Écologistes
Andrée Taurinya, députée LFI-NUPES
Marine Tondelier, secrétaire nationale les Écologistes
Marie Toussaint, candidate aux élections européennes Les Écologistes
Léo Walter, député LFI-NUPES

Autres signataires

Abomangoli Nadège, députée LFI-NUPES de Seine-Saint-Denis
Amiot Ségolène, députée LFI-NUPES de Loire-Atlantique
Amrani Farida, députée LFI-NUPES de l’Essonne
Autain, Clémentine, députée LFI -NUPES de Seine St Denis
Balibar Etienne, philosophe
Balllet-Baz Coline, freerideuse professionnelle
Bayart Jean-François, professeur à l’IHEID de Genève
Bayou Julien, député Les Écologistes
Benarroche Guy, sénateur Les Écologistes
Bex Christophe, député LFI-NUPES de Haute-Garonne
Blanchard Arthur, membre du conseil d’administration de Refuges Solidaires.
Bompard Manuel, député LFI-NUPES des Bouches-du-Rhône
Boumertit Idir, député LFI-NUPES du Rhône
Boyard Louis, député LFI-NUPES du Val-de-Marne
Bukhari-de Pontual Sylvie, présidente du CCFD-Terre Solidaire
Carême Damien, eurodéputé
Carrière Sylvain, député LFI-NUPES de l’Hérault
Chaibi Leïla, députée européenne LFI-GUE
Châtelain Cyrielle, députée, présidente du groupe Les Écologistes
Chikirou Sophia, députée LFI-NUPES de Paris
Clochard Olivier, géographe, directeur de recherche au CNRS, Migrinter, Membre de Migreurop
Clouet Hadrien, député LFI-NUPES de Haute-Garonne
Cormand David eurodéputé Les Écologistes
Coulomme Jean-François, députée LFI-NUPES de Savoie
Couturier, Catherine, députée LFI-NUPES de la Creuse
Daadouch Christophe, co-président du GISTI
Dadrenne Francine, élue d’opposition de Briançon et membre de l’ANVITA
Davy Hendrik, député LFI-NUPES des Bouches-du-Rhône
Defossez Anne-Claire, sociologue, Institute for Advanced Studied, Princeton
Del Baggio Cristina, enseignante chercheurse, université grenoble Alpes laboratoire Pacte, membre de Migreurop
Delbos-Corfiel Gwendoline, eurodéputée les ecologistes
Delli Karima, eurodéputée Les Écologistes
Delogu Sébastien, député LFI-NUPES des Bouches-du-Rhône
Dossus Thomas, sénateur Les Écologistes
Duflot Cécile, directrice générale de OXFAM France
dujmovic Morgane géographe,CNRS/Pacte, membre de Migreurop
Erodi Karen, députée LFI-NUPES du Tarn
Étienne Martine, députée LFI-NUPES de Meurthe-et-Moselle
Fassin Didier, anthropologue et médecin
Faucillon Elsa, députée PCF
Fernandes Emmanuel, député LFI-NUPES du Bas-Rhin
Fiat Caroline, députée LFI-NUPES de Meurthe-et-Moselle, vice-présidente de l’Assemblée nationale
Fournier Charles, député Les Écologistes
Gontard Guillaume, sénateur Les Écologistes
Grard Marie-Aleth, présidente du Mouvement ATD Quart Monde France
Guetté Clémence, députée LFI-NUPES du Val-de-Marne
Guiraud David, député LFI-NUPES du Nord
Hamon Benoit, directeur général de Singa
Hanus Philippe, historien à l’Université pierre Mendes-France, Grenoble
Heller Charles, directeur de recherche Border Forensic
Héran François, sociologue, antrophologue, professeur au Collège de France
Herrou Cédric, Emmaus Roya
Hignet Mathilde, députée LFI-NUPES de Ille-et-Vilaine
Jadot Yannick, sénateur Les Écologistes
Jau Didier, maire 4e et 5e arrondissement de Marseille, Les Écologistes
Kerbrat Andy, député LFI- NUPES de Loire-Atlantique
Lachaud Bastien, député LFI-NUPES de Seine-Saint-Denis
Laisney Maxime, député LFI-NUPES de Seine-et-Marne
Le Gall Arnaud, député LFI-NUPES du Val- d’Oise
Léaument Antoine, député LFI-NUPES de l’Essonne
Leboucher Élise, députée LFI-NUPES de Sarthe
Leduc Charlotte, députée LFI-NUPES de Moselle
Legrain Sarah, députée LFI-NUPES de Paris
Lepvraud Murielle, députée LFI-NUPES des Côtes-d’Armor
Lucas Benjamin, député les écologistes, coordinateur du mouvement Génération.s
Martens-Bilongo Carlos, député LFI-NUPES du Val-d’Oise
Martin Pascale, députée LFI- NUPES de Dordogne
Masson Henri, président de la Cimade
Mathieu Frédéric, député LFI-NUPES d’Ille-et-Vilaine
Maximi Marianne, députée LFI- NUPES du Puy-de-Dôme
Melouli Akli, sénateur Les Écologistes
Meresse Céline, présidente du CRID
Mesure Marina, députée européenne LFI-GUE
Meurice Guillaume, humouriste
Moreau Alexandre, président de l’ANAFE
Obono Danièle, députée LFI-NUPES de Paris
Omarjee Younous, député européen LFI-GUE
Oulaldj Emmanuelle, co-présidente FSGT
Oziol Nathalie, députée LFI-NUPES de l’Hérault
Panot Mathilde, députée LFI-NUPES du Val-de-Marne, présidente du groupe parlementaire
Pilato René, député LFI-NUPES de Charente
Piolle Éric, maire de Grenoble Les Écologistes
Pochon Marie, députée Les Écologistes
Poncet-Monge Raymonde, sénatrice Les Écologistes
Portes Thomas, député LFI-NUPES de Seine-Saint-Denis
Poutou Phillipe, conseiller municipal, conseiller métropolitain Bordeaux Métropole
Rapilly-Ferniot Pauline, conseillère municipale de Boulogne-Billancourt (92) et fondatrice du collectif Ibiza
Regol Sandra, députée Les Écologistes
Rigal Florence, présidente de Medecins du Monde
Rochiccioli Vanina, co-présidente du GISTI
Rome Sébastien, député LFI-NUPES de l’Hérault
Roose Caroline, eurodéputée Les Écologistes
Rousseau Michel, président de Tous Migrants
Rousseau Sandrine, députée Les ecologistes
Rubilora Michelle, 1ère adjointe à la mairie de Marseille
Saintoul Aurélien, député LFI-NUPES des Hauts-de-Seine
Sala Michel, député LFI-NUPES du Gard
Sebahi Sabrina, députée Les Écologistes
Sebillotte Oriane, co-présidente de Paris d’Exil
Senée Ghislaine, sénatrice Les Écologistes
Simonnet Danielle, députée LFI-NUPES de Paris
Spira Alfred, professeur de médecine
Stambach-Terrenoir Anne, députée LFI-NUPES de Haute-Garonne
Sueur Antoine, président d’Emmaüs France
Taurinya Andrée, députée LFI-NUPES de la Loire
Thiollet François, eurodéputé Les Écologistes
Tondelier Marine, secrétaire nationale Les Écologistes
Toussaint Marie, eurodéputée Les Écologistes, tête de liste européennes 2024
Trouvé Aurélie, députée LFI-NUPES de Seine-Saint-Denis
Vannier Paul, député LFI-NUPES du Val-d’Oise
Vergiat Marie-Christine, vice-présidente de la LDH
Walter Léo Député LFI-NUPES des Alpes-de-Haute-Provence

Source: 6 février 2024 – Tribune “Hommage à celles et ceux qui ont eu le courage de fuir : ne laissons pas notre idéal européen mourir aux frontières” publiée sur l’Humanité

Bande de Gaza – La France doit s’assurer du respect de l’ordonnance de la Cour internationale de justice 1 février 2024

19 associations et ONG, dont la LDH, appellent la France à s’assurer du respect de l’ordonnance en mesures conservatoire rendue le 26 janvier par la Cour internationale de justice

En tant qu’associations et ONG, nous appelons la France à s’assurer du respect l’ordonnance rendue le 26 janvier par la Cour internationale de Justice afin de prévenir un crime de génocide à l’égard des Palestiniens de la bande de Gaza. Nous soulignons qu’un cessez-le-feu immédiat et durable est indispensable afin qu’Israël respecte cette ordonnance.

La France doit appeler les autorités israéliennes à mettre en œuvre au plus vite les mesures conservatoires ordonnées par la Cour internationale de Justice, dans l’affaire qui oppose l’Afrique du Sud à Israël pour violation de la Convention contre le génocide. La France a l’occasion de prouver son attachement au respect du droit international et son soutien au tribunal de La Haye en contribuant à assurer le respect de cette ordonnance.

La France se doit d’afficher une interprétation de l’ordonnance de la Cour de Justice Internationale qui comprend un appel clair à un cessez-le-feu permanent comme principal moyen permettant le respect des mesures conservatoires, en particulier la prévention d’actes relevant du champ d’application de la Convention sur le génocide.

Nous appelons la France à s’engager à poursuivre son soutien financier à l’UNRWA, qui joue un rôle essentiel pour répondre aux besoins créés par l’actuel désastre humanitaire dans la bande de Gaza. La Cour internationale de justice a ordonné une action immédiate et efficace pour garantir la fourniture d’une aide humanitaire aux civils à Gaza.

La Cour internationale de justice a ordonné vendredi 26 janvier à Israël de s’abstenir de commettre des actes constitutifs du crime de génocide, de prévenir et punir l’incitation au génocide, de prendre des mesures immédiates et efficaces pour permettre la fourniture des services de base et de l’aide humanitaire, mais aussi de prevenir la destruction et assurer la conservation des éléments de preuve liés à d’éventuelles violations de la Convention contre le génocide. Elle ordonne aussi à Israël de soumettre un rapport, sous un mois, sur l’ensemble des mesures prises pour respecter cette ordonnance.

Signataires : ActionAid France, Amnesty International France, Association France Palestine Solidarité, CCFD-Terre Solidaire, Chrétiens de la Méditerranée, CRID, Culture de Palestine, La Cimade, Les Amis de Sabeel France, LDH (Ligue des droits de l’Homme), Médecins du Monde France, Médecins Sans Frontières, Mouvement de la Paix, MRAP, One Justice, Oxfam France, Plateforme des ONG françaises pour la Palestine, UOSSM GE, UOSSM International

Notes : 

L’ordonnance de la Cour internationale de Justice peut être consultée à cette adresse : https://www.icj-cij.org/sites/default/files/case-related/192/192-20240126-ord-01-00-fr.pdf

Déclaration du ministère des Affaires étrangères à l’ordonnance de la Cour internationale de Justice

Déclaration du ministère des Affaires étrangères concernant l’UNRWA

Source: Bande de Gaza – La France doit s’assurer du respect de l’ordonnance de la Cour internationale de justice