Twitter Facebook Accueil

Ligue des droits de l'Homme

Section du Pays d'Aix-en-Provence

Archives de l'auteur : psenegas

NON AUX INTIMIDATIONS DE RECONQUÊTE ! LIBERTÉ DE CRÉATION ET DE DIFFUSION ! 19 septembre 2023

Communiqué de la section LDH du Pays d’Aix

N’en déplaise au mouvement Reconquête et donc à ses représentants locaux, on ne demande pas l’annulation d’un concert sans raison juridique valable et impérieuse.

La loi pose en effet le principe de liberté de création et de diffusion des œuvres. Pourtant Reconquête demande l’annulation d’un concert du rappeur Médine qui se tiendra à Aix-en-Provence au 6Mic vendredi 22 septembre. Au motif, selon la presse, que « M Médine est un porteur de valises de l’islamisme » et pour « trouble à l’ordre public ».

Curieux arguments car aucune chanson de Médine ne fait à notre connaissance l’apologie de l’islamisme. Et il s’est par ailleurs excusé à plusieurs reprises d’un propos jugé antisémite qui a fait polémique. L’argument du trouble à l’ordre public ne manque pas de sel quand ceux qui l’invoquent le menacent eux-mêmes « si on n’arrive pas à se faire entendre ».

Voilà des censeurs autoproclamés, qui tirent à boulets rouges sur la liberté de création, sans s’interroger sur ce que leur demande de censure a de néfaste pour la création artistique et le débat démocratique. Ils jugent et décident en lieu et place du public et veulent faire leur propre loi.

En l’espèce, au-delà de la question artistique, c’est de culture et de vivre ensemble qu’il s’agit. La stigmatisation d’un chanteur musulman et par conséquent de son public risque en effet de provoquer le résultat inverse de celui affiché. C’est ce à quoi conduit le mouvement Reconquête ; rappelons que son chef, Éric Zemmour, a été condamné à plusieurs reprises par la Justice pour propos racistes et incitation à la haine raciale.

LDH-Pays d’Aix-en-Provence

  • apporte son soutien au 6Mic qui a toute liberté pour décider, en pleine connaissance de cause, de sa programmation.
  • demande instamment à la maire d’Aix de ne pas suivre les injonctions de Reconquête.
  • continuera de se battre contre tous ceux qui provoquent à la haine raciale et agitent l’épouvantail de l’islamisation de la France comme E Zemmour le fait régulièrement.

Aix, le 18 septembre 2023

Partout, manifestons le 28 septembre pour défendre le droit à l’avortement 16 septembre 2023

Appel à rassemblement signé par la LDH

Le 28 septembre est la journée internationale pour le droit à l’avortement.

Il y a un an, la Cour Suprême des États Unis portait un coup redoutable contre ce droit fondamental. En Europe, Malte et Andorre interdisent totalement l’IVG. En Pologne et en Hongrie, les restrictions majeures confinent à l’interdiction. En Italie et en Espagne, l’application de la loi est considérablement entravée par des professionnel-le-s, s’abritant derrière leur clause de conscience, ou par les moyens restreints alloués aux systèmes de soins.

De nombreux pays dits démocratiques, poussés par la progression des extrêmes droites, se désengagent de ce droit fondamental pour les femmes. De fait, ils désagrègent les démocraties.

Le 28 septembre, nous afficherons haut et fort  notre solidarité avec toutes les femmes du monde et en particulier celles des pays qui interdisent totalement ou partiellement le droit à l’avortement !

Nous affirmerons que les extrêmes droites sont partout un danger immédiat pour les femmes et les droits humains !

En France, le respect des droits des femmes exige de la part du gouvernement, non des discours emphatiques, des effets de manche ou des postures, mais des actes constructifs et des budgets conséquents.

Nous réclamons :

– l’inscription réellement protectrice du droit à l’avortement dans la Constitution française et dans la Charte européenne des droits fondamentaux pour que ce droit des femmes partout en Europe soient respectés et garantis ;

– la parution des décrets d’application de la loi Gaillot de février 2022 permettant aux sages-femmes de pratiquer des IVG instrumentales ;

– des choix politiques qui augmentent les budgets pour la santé.

Le 28 septembre, nous descendrons dans la rue partout en France pour exiger aussi:

– l’accès aux soins pour toutes sur tous les territoires avec la réouverture des CIVG fermés, des maternités et hôpitaux de proximité ;

– une politique publique de production des médicaments essentiels, de premier recours, incluant les produits nécessaires à l’IVG, pour éviter toute pénurie et rupture d’accès aux soins. Cela passe par la création d’établissements pharmaceutiques nationaux et européens avec financement public qui produiront, diffuseront les médicaments et géreront la constitution des stocks ainsi que leur maintien ;

– la disparition de la double clause de conscience spécifique à l’IVG ;

– la garantie pour les femmes du choix des méthodes pour l’IVG et la contraception ;

– des campagnes publiques d’informations sur les droits sexuels et reproductifs ainsi que les séances d’éducations à la vie affective et sexuelle en milieu scolaire prévues par la loi du 4 juillet 2001 relative à l’IVG et à la contraception ;

– la pénalisation des activistes anti-IVG et la dissolution de leurs associations qui vont à l’encontre des droits des femmes et fragilisent la démocratie.

Le Collectif « Avortement en Europe, les femmes décident » appelle à se mobiliser.

Paris, le 13 septembre 2023

Télécharger le communiqué “Partout, manifestons le 28 septembre pour défendre le droit à l’avortement” au format pdf

Source: Partout, manifestons le 28 septembre pour défendre le droit à l’avortement

“Un boulot de dingue !” : Reconnaître les contributions vitales à la société 16 septembre 2023

Rapport interassociatif soutenu par la LDH

“Notre système de protection sociale est organisé autour du « travail-emploi », du travail salarié principalement. L’emploi est le pilier sur lequel on s’appuie pour générer de la valeur et des revenus, comme pour organiser la Sécurité sociale face à la maladie, les accidents, la vieillesse… Pourtant, dès que l’on s’intéresse à la vie des personnes et à leur quotidien, on prend conscience de bien d’autres formes d’activités et de contributions que celles réalisées dans le travail-emploi : on s’occupe de son conjoint malade, on élève ses enfants, on est dans des associations, on organise des événements, on cuisine un plat pour son voisin, on fait de l’aide aux devoirs pour les collégiens du quartier, on jardine au potager collectif… Chacun d’entre nous contribue au quotidien à prendre soin de soi et des autres, de la société et du vivant, dans des cadres privés, associatifs ou informels.

L’engagement quotidien des personnes – notamment celles qui vivent la précarité – dans l’entraide, le soin et la solidarité est une réalité indéniable. Ce « boulot de dingue » réalisé par les aidants, les bénévoles, les « sans travail », les femmes dites « au foyer » n’est pas anecdotique. Cette « protection sociale rapprochée » dont parle Robert Castel5 apparaît même comme un maillon essentiel pour faire face, comme société, aux difficultés de la vie. Elle devient encore plus vitale face aux crises sanitaires, climatiques qui adviennent.

Pour autant, l’injustice est là. Celles et ceux qui contribuent dans le hors-emploi n’ont pas le même accès à la retraite, à la formation, au revenu que celles et ceux qui contribuent dans l’emploi. Les formes de reconnaissance économique, sociale, symbolique font défaut et les effets de ces activités sont rendus de ce fait invisibles aux yeux de tous. À cela s’ajoutent une stigmatisation des plus pauvres, qui coûteraient « un pognon de dingue » du fait de notre système de protection sociale, et de nombreuses idées reçues sur le « non-travail » et la supposée oisiveté des personnes. Cette vision a des conséquences importantes pour les personnes, leur dignité et leur place dans la société.

Sans remettre en cause la place et le rôle du travail rémunéré – y compris dans ce qu’il porte comme possibilité d’indépendance, d’autonomie et de réalisation de soi –, notre propos ici est simple : reconnaître et faire reconnaître la réalité et l’importance, le bénéfice pour chacun d’entre nous, et pour la société, de cette entraide et de ces contributions bénévoles. Nous sommes lucides sur le contexte dans lequel ce rapport est publié. Nous savons que ces affirmations sont aujourd’hui totalement à rebours des représentations et des discours qui président aux politiques publiques d’« activation » des personnes et de conditionnalité du RSA à la réalisation d’heures d’activités obligatoires. Mettre en lumière les activités du hors-emploi présente même désormais un risque, alors que nous sommes fermement opposés à toute forme de contrepartie au minimum vital qu’est le RSA : celui de soumettre au contrôle social ces activités
pour justifier l’accès au RSA.

Avec ce rapport, nous voulons poser le débat en de tout autres termes : Comment notre système de protection sociale, qui a fait du « travail-emploi » sa clé de voûte, peut-il sécuriser et reconnaître les personnes dans les activités qu’elles réalisent pour leurs proches, pour la société et le vivant, en dehors du champ du « travail-emploi », afin que ces activités continuent d’exister et de jouer leur rôle de cohésion et de prévention sociale ? À partir d’un travail de recherche de dix-huit mois avec des personnes actives hors du marché du travail, nous partageons ici un récit du monde du hors-emploi, une analyse et des propositions concrètes pour renforcer notre système de protection sociale en prenant mieux en compte la sécurisation des personnes qui agissent utilement dans le soin et l’entraide.”

Paris, le 14 septembre 2023

Télécharger le rapport “Un boulot de dingue !” au format pdf

Source: “Un boulot de dingue !” : Reconnaître les contributions vitales à la société

Urgence absolue à restaurer un service public de santé d’égale qualité partout pour toutes et tous ! 16 septembre 2023

Communiqué LDH

La LDH (Ligue des droits de l’Homme) a pris l’initiative, début juillet 2022, de lancer en ce sens un appel précis et argumenté, cosigné par cinquante-sept associations et collectifs concernés directement par les questions de santé, incluant des préconisations portant aussi sur l’amont du soin, en particulier la santé environnementale et les inégalités sociales de santé.

Un an et un ministre plus tard, au-delà de l’appellation « prévention » ajoutée au nom du ministère, de la reconnaissance officielle de l’ampleur des déserts médicaux (contestée auparavant) et de quelques belles promesses, la crise sanitaire a perduré et la pénurie de professionnels de santé épuisés et découragés n’a pas été enrayée.

Pire, il ne s’est pas passé de semaine sans fermetures partielles ou totales de services dans des hôpitaux publics, seuls garants de l’égalité d’accès aux soins, tandis que se multipliaient les ouvertures d’établissements privés à but lucratif par de grands groupes financiers multinationaux, et que se poursuivait l’externalisation vers le privé lucratif de pans entiers des services publics de santé, le tout générant des surcoûts pour la Sécurité sociale.

Stopper les dégradations en cours et envisagées

Alors qu’aurait été pleinement justifié un projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2023 rectificatif pour inciter au retour des soignants démissionnaires et stopper la détérioration du service public de santé, les premières informations sur le futur PLFSS 2024 laissent craindre de nouvelles dégradations qui pourraient encore accroître les inégalités sociales et territoriales, en particulier par de nouvelles limitations de remboursement des dépenses par la Sécurité sociale, dont les budgets sont par ailleurs grevés par les exigences de rendement financiers des actionnaires de multinationales qui s’accaparent le monde de la santé.

Dans ce contexte, la LDH appelle à soutenir le « Tour de France pour la santé[1] », qui encourage des initiatives citoyennes diversifiées sur les différents territoires sous la responsabilité des organisations pouvant s’impliquer localement. La LDH souhaite que cela puisse amplifier l’indispensable débat public sur la santé dans lequel elle porte depuis plusieurs années les grands principes suivants :

– la santé n’est pas un commerce, sa protection est un droit fondamental ;

– la démocratie en santé est une nécessité à dynamiser ;

– l’acte de soin, l’accompagnement des patientes et patients, est une relation humaine et un enjeu de lien social à valoriser ;

– la dignité de la personne doit être respectée tout au long de son parcours de santé comme dans sa fin de vie.

Pour leur concrétisation et l’effectivité des droits, la LDH réaffirme la nécessité de priorités pour l’action publique :

– réduire les inégalités en matière de santé et d’accès aux soins ;

– garantir l’accès à un service public hospitalier de qualité pour toutes et tous ;

– préserver et développer la solidarité en matière de prise en charge des soins ;

– garantir l’égalité territoriale en santé ;

– développer une politique de prévention publique agissant mieux sur l’ensemble des déterminants de santé ;

– assurer les ressources publiques permettant la liberté, l’indépendance et l’essor de la recherche menée dans le respect des règles éthiques ;

– amplifier la vigilance pour le respect de la vie privée et la protection des données personnelles de santé.

Paris, le 15 septembre 2023

Télécharger le communiqué “Urgence absolue à restaurer un service public de santé d’égale qualité partout pour toutes et tous !” en format PDF

[1] Cartographie des événements du Tour de France de la santé

Source: Urgence absolue à restaurer un service public de santé d’égale qualité partout pour toutes et tous !

Loi Kasbarian-Bergé : la Constitution, dernier refuge des personnes sans domicile et mal-logées 11 juillet 2023


Communiqué commun dont la LDH est signataire

Nos 35 associations, syndicats et collectifs de personnes concernées appellent le Conseil constitutionnel à censurer la loi « visant à protéger les logements contre l’occupation illicite » qui piétine le droit au logement en le subordonnant à une conception dévoyée du droit de propriété.

À cette fin, nos organisations lui adressent ce jour une contribution extérieure (« porte étroite ») démontrant que la criminalisation de la pauvreté et du mal-logement, l’accélération des expulsions ou encore l’entrave aux libertés associatives et syndicales sont contraires à la loi fondamentale et aux engagements internationaux de la France.

Saisi par des député·e·s, le Conseil constitutionnel se prononcera d’ici à la fin du mois de juillet sur la loi, définitivement adoptée par le Parlement le 14 juin dernier.

Pour rappel, la loi Kasbarian-Bergé :

  • Condamne jusqu’à 2 ans de prison et 30 000 € d’amende les personnes et familles qui, faute d’hébergement d’urgence, se mettent à l’abri dans des logements inhabités, des bureaux vides, des bâtiments industriels ou agricoles désaffectés, ainsi que les salarié·e·s qui occupent leur lieu de travail dans le cadre d’un mouvement social ;
  • Accélère la procédure d’expulsion locative, court-circuite les dispositifs de prévention déjà fragiles et retire au juge le pouvoir de suspendre l’expulsion quand il l’estime possible et nécessaire;
  • Alourdit d’une amende de 7 500 € l’endettement des locataires victimes de la cherté du logement ou d’un accident de la vie, s’ils se maintiennent dans les lieux après une décision d’expulsion ;
  • Entrave le travail d’information, de témoignage et d’accompagnement des associations et collectifs intervenant auprès des personnes vivant en lieux de vie informels par la création d’un nouveau délit de propagande ou de publicité facilitant le squat, puni de 3 750 € d’amende.

Alors que notre pays s’enfonce dans la crise du logement, que la file d’attente du logement social ne cesse de s’allonger, que les expulsions locatives sont en nette augmentation et que des milliers de personnes sont laissées à la rue chaque soir, la loi Kasbarian-Bergé soumet les personnes sans domicile et mal-logées au droit du plus fort et met gravement en péril notre pacte social.

Le texte ne se contente pas de dénier le droit à un logement décent et indépendant aux personnes sans-abri et mal-logées, il bafoue au-delà les principes cardinaux de fraternité et de solidarité, de nécessité et de proportionnalité de la loi pénale, d’égalité devant la loi, les droits de la défense et à un recours effectif, et la liberté d’expression.

Dernier rempart contre la promulgation d’une loi qui nous déshonore, le Conseil constitutionnel a la responsabilité solennelle de rappeler que toutes les libertés fondamentales, y compris le droit de propriété, doivent s’incliner devant l’obligation de respecter la dignité de la personne humaine.

Lire la contribution extérieure collective

Signataires : ACDL – Association des Comités de Défense des Locataires, AITEC, ANVITA – Association nationale des Villes et Territoires accueillants, Association Nationale des Compagnons Bâtisseurs, Association DALO, ATD Quart Monde, ATTAC, Bagagérue, Caracol, CGT, CNDH Romeurope, CNL – Confédération Nationale des Locataires, Collectif Les Morts de la Rue, Construire, CSF – Confédération Syndicale des Familles, Convergence nationale des services publics, Emmaüs France, FAPIL, Fédération des Acteurs de la Solidarité, Fédération Droit au Logement, FNASAT – Gens du voyage, Fédération Nationale des Samu Sociaux, Fondation Abbé Pierre, FSU, La Cloche, LDH (Ligue des droits de l’Homme), Les Enfants du Canal, Médecins du Monde, Secours Catholique – Caritas France, Solidaires, Solidarités Nouvelles pour le Logement, Syndicat de la magistrature, Syndicat des avocats de France, UNHAJ – Union Nationale pour l’Habitat des Jeunes, UNIOPSS – Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux.

Paris, le 7 juillet 2023

Source: Loi Kasbarian-Bergé : la Constitution, dernier refuge des personnes sans domicile et mal-logées

Sortir de l’impasse pour la libération de Georges Abdallah 11 juillet 2023


Lettre ouverte signée au président de la République

Le militant communiste libanais Georges Ibrahim Abdallah est emprisonné en France depuis près de 40 ans. Sa libération, prononcée il y a dix ans, n’a pu être effective du fait du refus du ministre de l’Intérieur de prononcer son expulsion vers le Liban. Dans une lettre ouverte au président de la République, 14 organisations demandent le respect de la séparation des pouvoirs et de l’indépendance du juge d’application des peines, ainsi que la signature de l’arrêté d’expulsion de Georges Abdallah.

Le 10 juillet 2023,

Monsieur le président de la République,

Nous souhaitons attirer votre attention sur le cas de M. Georges Ibrahim Abdallah, condamné en 1987. Libérable depuis 1999, il est toujours en prison, alors que le tribunal de l’application des peines s’est prononcé par deux fois pour sa libération. En nous adressant à vous, nous nous plaçons sur le strict terrain du Droit.

En l’absence d’une décision d’expulsion par le gouvernement français, les décisions de la Justice pour sa libération conditionnelle n’ont pas pu être appliquées. Il est aujourd’hui le prisonnier politique le plus ancien dans une prison française, et l’un des plus anciens en Europe. Cette situation est totalement contraire à la tradition de la France en matière de droits humains.

Rappelons qu’en 2012 le tribunal de l’application des peines s’était prononcé pour la libération de Georges Ibrahim Abdallah, sous réserve de son expulsion. Par la voix du ministre de l’Intérieur de l’époque, l’exécutif français, soumis à de fortes pressions internationales, avait refusé de signer l’arrêté d’expulsion. C’est donc le pouvoir exécutif qui, en dernier ressort, a rendu impossible la libération d’un détenu décidée par la Justice, une situation totalement anormale dans un système démocratique de séparation des pouvoirs.

Les spécificités juridiques du dossier de George Ibrahim Abdallah, dont la peine n’avait pas été assortie d’une interdiction de territoire sur l’ensemble du territoire français, font que sa libération ne pourra intervenir que si un arrêté d’expulsion (en l’occurrence vers le Liban comme il le demande) est pris à son sujet.

Le 8 juin dernier, Georges Ibrahim Abdallah a formulé une nouvelle demande de liberté conditionnelle. Dans ces conditions, nous vous demandons de faire prendre sans tarder, par le ministre concerné, son arrêté d’expulsion vers le Liban. En prenant cette décision bien avant le jugement du tribunal de l’application des peines, en la mettant à l’abri de toute pression, vous en rétablirez le caractère purement technique. Une fois ces conditions réunies, c’est à la Justice qu’il appartiendra, en toute responsabilité, en toute indépendance et de manière pleinement effective, de se prononcer sur sa libération.

Monsieur le Président de la République, nous vous demandons solennellement de ne pas manquer cette occasion d’en finir avec une détention dont la durée est une honte pour la France. Par la signature rapide d’un arrêté d’expulsion, le pouvoir exécutif n’a pas à décider sur le fond de la libération de Georges Ibrahim Abdallah. Il remettra simplement la décision entre les mains de la Justice. Et permettra de sortir enfin d’une impasse qui est un déni de justice et qui ternit l’image de la France.

Signataires :
Bertrand Heilbronn, président de l’Association France Palestine Solidarité
Patrick Baudouin, président de la LDH (Ligue des droits de l’Homme)
François Sauterey, co-président du Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les peuples Mouvement de la Paix
Union Juive Française pour la Paix
Une Autre Voix Juive
Confédération Générale du Travail
Fédération Syndicale Unitaire
Union syndicale Solidaires
Syndicat national des enseignements de second degré
Confédération paysanne
Parti Communiste Français
Parti de Gauche
Ensemble ! Mouvement pour une alternative de gauche, écologiste et solidaire

Source: Sortir de l’impasse pour la libération de Georges Abdallah

Glyphosate : après le nouvel avis de l’EFSA, 33 organisations exigent que la France défende la fin du glyphosate cette année 7 juillet 2023

Communiqué commun et pétition dont la LDH est signataire

L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a rendu aujourd’hui son nouvel avis très attendu sur les risques du glyphosate. Cette évaluation doit permettre à la Commission européenne et aux Etats membres de l’UE de décider ou non de la ré-autorisation du glyphosate, substance active du célèbre Roundup de Monsanto-Bayer, pesticide le plus vendu au monde, d’ici la fin de l’année. Une trentaine d’organisations de la société civile mobilisée depuis des années sur ce sujet, avec plus d’un demi-million de citoyen-ne-s via leur pétition commune, exigent que la France joue un rôle moteur et sans ambiguïté pour faire interdire en 2023 le glyphosate en Europe. Alors que des doutes subsistent sur la position que portera la France au niveau européen, il est urgent d’en finir avec cette substance classée « cancérogène probable » pour l’homme par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC/ONU).

La très attendue évaluation de l’Autorité européenne de sécurité des aliments « de l’impact du glyphosate sur la santé humaine, les animaux et l’environnement. n’a pas permis d’identifier de domaines critiques », informe l’EFSA. Cependant, « les conclusions de l’EFSA font état de certaines lacunes dans les données (…) que la Commission européenne et les États membres devront prendre en considération lors de la prochaine étape de la procédure de renouvellement de l’autorisation. Parmi les questions qui n’ont pas pu être finalisées figurent l’évaluation d’une des impuretés du glyphosate, l’évaluation des risques alimentaires pour les consommateurs et l’évaluation des risques pour les plantes aquatiques ».

Cet avis va maintenant permettre aux Etats membres de l’Union européenne de décider du sort du glyphosate d’ici la fin de l’année. L’enjeu est énorme et porte sur une ré-autorisation (ou non) pour 15 ans.

Alors que le président Macron s’était engagé à sortir du glyphosate en France « au plus tard » début 2021, il n’a pas tenu cette promesse. Au niveau européen, la substance active déclarée du Roundup de Monsanto-Bayer avait été ré-autorisée pour 5 ans fin 2017, malgré de nombreux scandales : Monsanto papers, manipulation de données scientifiques, dissimulation d’informations aux autorités, rémunération de spécialistes pour rédiger des tribunes et études scientifiques favorables (ghostwriting), opération de propagande, menaces et intimidation de scientifiques et d’organisations publiques chargées d’étudier le cancer, procès outre-Atlantique, fichage illégal.

Fortes d’une mobilisation d’un demi-million de citoyen-ne-s en France et d’une initiative citoyenne européenne réunissant le million de signataires nécessaires, les organisations exigent aujourd’hui que la France défende l’interdiction du glyphosate en Europe en 2023. Pour ces organisations de la société civile : « Compte tenu des risques largement documentés pour l’environnement et la santé humaine, il est plus qu’urgent d’appliquer le principe de précaution inscrit dans les textes européens et la Constitution française pour en finir avec le glyphosate et amorcer enfin une vraie transition agricole et alimentaire ».

La coalition d’une trentaine d’organisations de la société s’appuie pour cela sur de récentes études scientifiques accablantes :

– le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), une agence de l’Organisation mondiale de la santé (ONU) a classé le glyphosate comme « cancérogène probable » pour l’homme en 2015. Pour le CIRC, le glyphosate génère un stress oxydant et est génotoxique ;

– des données scientifiques attestent également du potentiel génotoxique du glyphosate – dans son analyse de 2021, l’Inserm affirme qu’ « une analyse des études toxicologiques montre que les essais de mutagénicité sur le glyphosate sont plutôt négatifs, alors que les essais de génotoxicité sont plutôt positifs, ce qui est cohérent avec l’induction d’un stress oxydant. » ;

– l’INRAE, dans une étude de mai 2023 portant sur la pollution des sols par les pesticides, démontre que « les molécules les plus fréquemment détectées sont le glyphosate et l’AMPA, son métabolite principal, présents dans 70 % et 8 3% des sols prélevés » ;

– l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) a alerté en 2022 sur les conséquences du glyphosate sur plusieurs générations de truites, suggérant un effet perturbateur endocrinien ;

– l’EFSA a identifié des risques pour les espèces vertébrées non ciblées suite à l’exposition aux produits à base de glyphosate en 2015 ;

– l’Inserm a souligné en 2021 que « le glyphosate peut présenter des propriétés de perturbation endocrinienne qui ont un impact sur la fonction de reproduction ». Ces propriétés ont été mises en évidence dans plusieurs études (ici et ici) faisant le lien entre une exposition durant la grossesse et la hausse des naissances prématurées, un faible poids à la naissance et le développement anormal des organes reproductifs des nourrissons ;

– l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) a, elle, souligné la toxicité chronique de la substance sur les espèces aquatiques en 2022.

Dans une lettre remise ce 5 juillet à la Première ministre, nos organisations rappellent tous les effets néfastes avérés de cet herbicide, les raisons pour lesquelles la France et plus largement l’UE ne devrait pas autoriser cette substance toxique.

Signataires :

Agir pour l’environnement, Alerte des Médecins sur les Pesticides, Amis de la Terre, Attac France, Bio Consom’acteurs, Bloom, Cantine sans plastique France, CCFD-Terre-Solidaire, Commerce équitable France, Confédération paysanne, Ekō, FNAB, Fondation pour la Nature et l’Homme, foodwatch France, France Nature Environnement, Générations Futures, Greenpeace France, Ingénieurs sans frontières agriSTA, Institut Veblen, Justice Pesticides, LDH (Ligue des droits de l’Homme), Noé, Notre affaire à tous, Réseau Action Climat, Réseau Environnement Santé, RESOLIS, Secrets Toxiques, SOL, Terre & Humanisme, Terre d’abeilles, Union Nationale de l’Apiculture Française, Vrac, WECF France, WeMove Europe.

Sources

Paris, le 6 juillet 2023

Source: Glyphosate : après le nouvel avis de l’EFSA, 33 organisations exigent que la France défende la fin du glyphosate cette année

3 juillet 2023 – Tribune “« Les cours criminelles départementales contribuent à perpétuer l’invisibilisation des crimes de viol »” publiée dans le Monde 4 juillet 2023

Tribune commune signée par Patrick Baudouin, président de la LDH

Lire la tribune dans le Monde

Avec la généralisation des cours criminelles départementales, le viol n’est plus jugé par une cour d’assises. Dans une tribune au « Monde », une centaine de responsables associatifs ou membres des professions du droit et du monde judiciaire, réunis par le collectif #NousToutes, dénoncent ce recul des droits des femmes et appellent les députés à supprimer ces nouvelles juridictions.

Depuis le 1er janvier 2023, les viols sont symboliquement devenus des crimes de « seconde classe », réduisant à néant le long combat de Gisèle Halimi pour qu’ils soient jugés comme des crimes à part entière, mais aussi celui de toutes celles et ceux qui luttent contre les violences sexistes et sexuelles.

En effet, face au manque de moyens alloués à la justice et au nombre d’affaires de viol devant être jugées, la seule réponse du gouvernement a été l’instauration des cours criminelles départementales, expérimentées dans plusieurs départements depuis 2019. Or ces cours ne permettent pas une prise en compte adaptée, par la justice, du problème public des violences sexistes et sexuelles.

Pour rappel, selon l’Observatoire national des violences faites aux femmes, on compte en France 94 000 femmes majeures se déclarant victimes de viol ou de tentative de viol par an, soit une toutes les six minutes. Malgré les nombreuses voix qui se sont élevées contre cette réforme et les carences constatées dans le rapport rendu par le comité d’évaluation en octobre 2022, les cours criminelles départementales sont à présent les seules juridictions chargées de juger toute personne majeure accusée d’un crime puni jusqu’à 20 ans de réclusion criminelle, hors récidive.

En pratique, les affaires jugées par ces cours sont, dans près de 90 % des cas, des affaires de viol. Présentées par le gouvernement comme une alternative permettant d’éviter la correctionnalisation des viols – pratique consistant à disqualifier le viol pour le juger comme un délit d’agression sexuelle devant un tribunal correctionnel sans jurés, dans une optique de gain de temps –, les cours criminelles départementales, en écartant le jury populaire, s’apparentent pourtant à une forme de correctionnalisation.

Cette réforme est un non-sens démocratique

Le viol n’est en effet plus jugé par une cour d’assises comme les autres crimes. Poursuivant une logique gestionnaire, le gouvernement a souhaité faire des économies en supprimant le jury populaire, les cours criminelles étant exclusivement composées de magistrates et de magistrats professionnels. Ces prétendues réductions de coût se font au détriment des citoyennes et des citoyens, de la démocratie et du traitement judiciaire des crimes de viol.

Nous, citoyennes et citoyens engagés, femmes et hommes appartenant à des associations et collectifs féministes, à des organisations de la société civile, aux professions du droit et du monde judiciaire, considérons que cette réforme est un non-sens démocratique ainsi qu’un recul des droits des femmes et des minorités de genre et nous dénonçons l’instauration de ces cours criminelles.

D’un point de vue pratique, les objectifs des cours criminelles départementales n’ont pas été atteints. Selon le dernier rapport d’évaluation, ni la correctionnalisation, ni le temps d’audiencement, ni la durée des audiences n’ont été significativement réduits. En tout état de cause, l’objectif de réduction du temps d’audience poursuivi par la réforme est un retour en arrière dans l’attention portée aux femmes victimes et à leur traumatisme.

En outre, le taux d’appel des décisions des cours criminelles témoigne de l’insatisfaction des justiciables sur la manière dont les audiences s’y déroulent : 23 % pour les affaires de viol jugées par les cours criminelles départementales, contre 17 % devant les cours d’assises. D’un point de vue social et psychologique, elles empêchent les victimes de viol de faire entendre leur voix largement.

Reléguer le crime de viol au second plan

L’espace de parole donné aux victimes est d’autant plus important qu’il s’agit d’un crime caractérisé par la loi du silence qui empêche encore trop de victimes de demander justice : en 2016, seulement 12 % des victimes d’agressions sexuelles portaient plainte, selon les chiffres relayés par le gouvernement.

D’un point de vue démocratique, ces cours criminelles soustraient le crime de viol à la connaissance des jurys citoyens amenés à siéger en cour d’assises. Les citoyennes et citoyens sont désormais mis à l’écart de l’œuvre de justice en matière de violences sexuelles. Cela prive donc une partie de la population d’une sensibilisation à la réalité de ces crimes et de la possibilité de participer à la manière dont ils sont jugés. Cela contribue à la perpétuation de l’invisibilisation des crimes de viol.

D’un point de vue juridique et politique, faire juger les viols par une juridiction criminelle distincte revient à les disqualifier et ne résout pas le problème éminemment éthique et juridique de la correctionnalisation. Faire juger les crimes sexuels par une juridiction compétente pour connaître des crimes dits « les moins graves » minimise le crime de viol dans l’esprit du plus grand nombre. Elle relègue le crime de viol au second plan par rapport aux autres crimes.

Préserver le jury populaire et sauver les assises

Alors que le projet de loi de programmation et d’orientation de la justice 2023-2027 est actuellement débattu à l’Assemblée après avoir été voté par le Sénat, nous appelons les députés à voter les amendements à l’article 3 qui visent à supprimer les cours criminelles départementales, préserver le jury populaire et sauver les assises !

Nous demandons aux pouvoirs publics de prendre la mesure de la gravité et de la singularité du crime de viol. Nous demandons une augmentation du budget alloué à la justice et au programme de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes pour lutter efficacement contre les violences sexistes et sexuelles et pour que les procès qui en découlent se déroulent dans le respect des droits des victimes et des principes fondamentaux de notre République.

Nous demandons le recrutement de personnels judiciaires supplémentaires pour le jugement des violences sexistes et sexuelles. Le viol doit faire l’objet de réformes à la mesure de la gravité et de l’ampleur du problème public qu’il représente. Voter pour qu’il ne devienne pas un crime de « seconde classe » est indispensable.

Parmi les signataires : Agnès Aoudai, coprésidente du Mouvement des mères isolées (MMI) ; Patrick Baudouin, président de la LDH (Ligue des droits de l’Homme) ; Sandrine Bouchait, présidente de l’Union nationale des familles de féminicides (UNFF) ; Claire Dujardin, présidente du Syndicat des avocats de France (SAF) ; Benjamin Fiorini, universitaire, président de Sauvons les assises ! Jérôme Pauzat, président de l’association A.M.O.U.R de la Justice (Association des magistrats, personnels et usagers de justice œuvrant pour l’unité et la réforme) ; Emmanuelle Piet, présidente du Collectif féministe contre le viol (CFCV) ; Kim Reuflet, présidente du Syndicat de la magistrature (SM) ; Laurence Roques, présidente de la commission Libertés et droits de l’homme au Conseil national des barreaux (CNB) ; My-Kim Yang-Paya, présidente d’honneur d’Avocats femmes violences (AFV).

 

 

Source: 3 juillet 2023 – Tribune “« Les cours criminelles départementales contribuent à perpétuer l’invisibilisation des crimes de viol »” publiée dans le Monde

Drôle d’anniversaire pour les associations ! 1 juillet 2023

Communiqué LDH

Alors que la loi sur la liberté associative de 1901 fête son anniversaire le 1er juillet, le Conseil d’Etat vient de lui porter un coup de canif en validant le contrat d’engagement républicain : il a refusé de censurer même partiellement le décret qui en fixe les termes, car il les juge suffisamment précis.

Pourtant, la loi « séparatisme », rebaptisée « confortant le respect des principes de la République », qui sert de fondement à ce dispositif, entretient depuis deux ans un climat trouble de suspicion et de mise sous contrôle des associations.

Celles qui, revendiquant des positions différentes des autorités, reçoivent une aide quelconque d’une collectivité territoriale ou de l’Etat sont montrées du doigt ou portées à s’autocensurer pour éviter une remise en cause de la mise à disposition d’un local ou d’une subvention, ou même une dissolution.

A l’heure où le tissu associatif démontre son importance pour la société, que ce soit dans les liens de proximité ou le mouvement social, contrastant avec la crise des institutions et la solitude croissante du pouvoir, le Conseil d’Etat avalise le choix du gouvernement de verrouiller toute parole de contestation, que ce soit en matière de libertés publiques, d’environnement ou de lutte contre le racisme.

Nous allons continuer le combat contre cette loi inique, dont trop peu ont pris la mesure des conséquences à venir.

Paris le 1er juillet 2023

Télécharger le communiqué LDH en pdf.

 

Source: Drôle d’anniversaire pour les associations !

France : vers un vote historique pour juger efficacement les responsables de crimes contre l’humanité, crimes de guerre et génocide ? 29 juin 2023

Communiqué commun LDH, FIDH, Amnesty International France et CFCPI

Le projet de Loi d’orientation et de programmation de la justice 2023-2027 sera débattu en séance publique au sein de l’Assemblée nationale à partir du lundi 3 juillet. À cette occasion, plusieurs des verrous restreignant encore la compétence universelle de la justice française seront débattus et pourraient enfin être levés. Il est en effet temps que la France adapte son arsenal législatif afin de pouvoir poursuivre et juger les auteurs de crimes internationaux, dès lors qu’ils sont présents sur le territoire, comme demandé depuis de nombreuses années par les ONG et les associations de victimes.

Paris, le 29 juin 2023 — Dans le cadre de ce projet de loi au Sénat, le Sénateur Jean-Pierre Sueur a déposé un amendement qui ouvre à nouveau les débats sur les conditions de mise en œuvre de la compétence universelle.

« Plusieurs affaires récentes ont démontré la difficulté de la France à mener à leur terme certaines procédures judiciaires emblématiques, en raison de la présence de conditions très restrictives dans la loi française. Nous demandons donc aux députés de supprimer les verrous restreignant la poursuite des criminels internationaux » a déclaré Patrick Baudouin, Co-Président de Coalition Française pour la Cour Pénale Internationale (CFCPI).

Plusieurs groupes parlementaires, y compris les groupes Renaissance et apparentés, se sont déclarés favorables au dépôt d’amendements visant à la suppression de deux des conditions présentes dans la loi : la condition de double incrimination et celle de résidence habituelle sur le territoire français, au profit d’une simple présence. En effet, ces verrous, dénoncés de longue date par toutes les associations engagées dans la lutte contre l’impunité des crimes les plus graves , entravent grandement l’exercice effectif de poursuites contre les responsables de crimes internationaux.

Toutefois, la position du gouvernement reste incertaine, laissant craindre qu’il continue de s’opposer à la suppression de la condition de résidence habituelle voire même qu’il institue un régime encore plus restrictif que celui en place actuellement, en définissant les contours de cette notion.

« Au vu des récentes actualités, il serait incompréhensible que le gouvernement s’oppose une nouvelle fois à la levée des verrous à la compétence des juridictions françaises en matière de poursuite des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et du crime de génocide » a déclaré Clémence Bectarte, Co-Présidente de la CFCPI et avocate de la FIDH.

La condition de résidence habituelle n’est d’ailleurs pas exigée pour d’autres crimes internationaux tels que le crime de torture ou le crime de disparition forcée pour lesquels la simple présence de l’individu sur le territoire français au moment du déclenchement des poursuites suffit à fonder la compétence des juridictions françaises.

« Cette différence de régime est incompréhensible et permet donc à des auteurs présumés de crimes contre l’humanité, crimes de guerre ou encore de génocide de séjourner sur le territoire français en toute impunité » a déclaré Jeanne Sulzer, responsable de la Commission justice internationale d’Amnesty International France.

Mais l’exercice effectif et efficace de la compétence universelle par le juge français impose aussi de supprimer les deux autres restrictions présentes dans la loi : le monopole des poursuites confié au parquet et la subsidiarité des poursuites, qui impose au procureur de vérifier, avant d’ouvrir une enquête, l’absence de poursuites diligentées par la CPI ou une autre juridiction internationale ou nationale.

« Cette exigence procédurale, contraire au statut de Rome, fait peser sur le parquet une charge incompatible avec la réactivité qui peut être nécessaire pour éviter le risque de fuite et la déperdition des preuves.  Combinés, ces deux derniers verrous compromettent gravement la capacité de la Justice française à poursuivre et à réprimer les auteurs de ces crimes » a déclaré Brigitte JOLIVET du Syndicat de la magistrature.

Alors que la guerre en Ukraine fait rage aux portes de l’Europe et que, dans de nombreuses situations contemporaines, des crimes internationaux continuent d’être perpétrés, la nécessité de lutter contre l’impunité de ces crimes apparaît plus que jamais évidente. Il est ainsi urgent que la France se mette en adéquation avec ses engagements sur la scène internationale en donnant les moyens nécessaires à sa justice pour poursuivre et juger efficacement les crimes les plus graves en vertu d’une loi sur la compétence universelle digne de ce nom.

Paris, le 29 juin 2023

Source: France : vers un vote historique pour juger efficacement les responsables de crimes contre l’humanité, crimes de guerre et génocide ?