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Ligue des droits de l'Homme

Section du Pays d'Aix-en-Provence

Archives de l'auteur : psenegas

Non à la fermeture du Secours populaire ! 13 octobre, 2016

Un maire FN veut expulser le Secours Populaire de sa commune à Hayange. C’est un scandale !

Il reproche à cette association caritative de venir en aide aux réfugiés, alors que c’est le coeur de leur mission que d’aider les plus démunis – y compris les réfugiés qui ont dû quitter leur pays en proie à la guerre et à la misère. Le Secours Populaire joue un rôle fondamentale pour la solidarité en soutenant toutes les familles victimes de la pauvreté et de l’exclusion. Il faut l’y aider et non l’arrêter !

Aujourd’hui, l’expulsion a été ordonnée, mais les responsables associatifs ont refusé de rendre les clés de leur local. Apportons-leur notre soutien pour qu’ils continuent à secourir les plus démunis à Hayange. C’est maintenant qu’ils en ont besoin!

 

Signez la pétition en ligne !

Source: Non à la fermeture du Secours populaire !

Défendre la laïcité aujourd’hui 26 septembre, 2016

Nous reprenons ici un article de Daniel Boitier, co-animateur du groupe de travail Laïcité de la LdH, paru en novembre 2014 et repris sur le site de la section de Toulon. Il est toujours d’actualité.

 

La référence à la laïcité prend un tour mécanique dans le débat politique aujourd’hui. Pire, ce n’est pour certains qu’un moyen de désigner implicitement nos concitoyens de culture musulmane.

C’est parfois en abusant de fausses évidences qu’elle est détournée. De condition d’égalité et de liberté, la laïcité devient un outil d’exclusion.

 

Dans un document de campagne de 2014, la LDH opposait à la laïcité défigurée que nous dénoncions, l’idée que : la laïcité, c’est le contraire de l’exclusion. Notre résolution du 77ème congrès de Clermont-Ferrand (21-22-23 mars 1997) alertait déjà à propos « la laïcité détournée de son objet ».

Nous nous situions dans la droite ligne de l’article 10 de la Déclaration de 1789. Nous pouvons dire que d’un principe de liberté (déjà exprimé dans la Déclaration de 1789 : « nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi »), la laïcité détournée nous amène à une affirmation identitaire (d’ailleurs double : laïcité et catholicité, certains parlent de catho-laïcité) qui exclut.

Nous nous situions aussi dans une fidélité à la loi de 1905. Et faire retour sur les quelques idées fausses qui soutiennent le détournement de la laïcité et la Nouvelle laïcité initiée par le rapport Baroin de 2003, c’est d’abord relire attentivement la loi de 1905.

Il faut donc préalablement rappeler l’esprit de la loi de 1905, voulue telle par Briand, Jaurès et de Pressensé.

RAPPEL

La loi de 1905 s’est construite sur deux refus : celui d’une laïcité anti religieuse et celui d’une laïcité gallicane. Les amendements de Maurice Allard, pour qui la liberté de conscience ne peut valoir pour les religions qui ne sont qu’oppression des consciences, sont systématiquement repoussés et Combes a vu son projet abandonné.

La loi de 1905, s’est élaborée selon une méthode fondée sur un large et calme débat qui évite les dérives (exemple de l’amendement de Charles Chabert pour interdire le port de la soutane dans l’espace public, amendement rejeté massivement), débat où l’on discute avec l’opposition elle-même. Il s’agissait de sortir des « anathèmes stériles ».

Le cœur du débat peut être explicité par deux questions :

1- D’abord une question philosophique et politique : Soit « la République assure la liberté de conscience » (article 1) mais quid d’une liberté individuelle et d’un droit collectif ? Dans le débat les « radicaux » se distinguent des socialistes, pour Pressensé et les socialistes dont Jaurès, l’individu se réalise dans un collectif. Ce débat oppose Jaurès et Buisson qui sera mis en minorité : pour Buisson aucune reconnaissance ne doit être accordée aux religions, seul compte le citoyen français… Question que l’on formulerait aujourd’hui en interrogeant la fonction des communautés dans le processus de constitution des sujets.

On sait que l’article 1 poursuit : « elle (la République) garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public ».

2- Ensuite une question juridique (mais lourde d’enjeux), celle de savoir si l’Etat a ou non à reconnaître les spécificités des organisations religieuses ? Pressensé emprunte aux anglo-saxons le concept de « associations cultuelles ». La réponse à la question se trouve dans l’article 4, il concerne la propriété des biens mobiliers et immobiliers qui devront « être transférés aux associations qui, en se conformant aux règles d’organisation générale du culte dont elles se proposent d’assurer l’exercice, se seront légalement formées… ».

Pourtant d’idées approximatives en idées fausses, s’est dessiné l’espace de ce détournement. Nous envisageons dans la suite 12 propositions qui dessinent l’espace d’un détournement.

1- LA LAICITE S’OPPOSE AUX RELIGIONS :

La loi de 1905 est une loi de séparation des Eglises et de l’Etat et non d’éradication du fait religieux [1]. Le débat sur la loi a montré que Briand, Jaurès ou Pressensé ont cherché des formulations acceptables par leurs adversaires en faisant droit à ce qui pouvait constituer pour les catholiques un noyau non négociable.

L’article 1 affirme la liberté « sous les seules restrictions édictées dans l’intérêt de l’ordre public ».

La loi de 1905 s’est construite dans le refus d’une laïcité anti religieuse. Les amendements de Maurice Allard pour qui la liberté de conscience ne saurait valoir pour les religions qui ne sont qu’oppression de conscience, sont d’abord repoussés. Comme est d’abord abandonné le projet de Combes.

2- LA LAICITE DEFEND LA LIBERTE DE CONSCIENCE MAIS PAS LA LIBERTE DE CULTE.

Il est vrai qu’historiquement le mouvement de sécularisation est passé par une étape manifestant une méfiance envers les effets d’une liberté de culte (Spinoza, « traité politique »).

Mais la loi de 1905 est claire :

Article 1 : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes. »

En conséquence, l’article 2 introduit une exception au non subventionnement des cultes : « pourraient être inscrites aux budgets des dépenses relatives à des services d’aumônerie et destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics tels les lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons. » .

Plus philosophiquement, on devra s’interroger sur la liberté de conscience en tant que liberté individuelle ou droit collectif.

3- L’ETAT LAIQUE IGNORE LES RELIGIONS

La difficulté est conceptuelle. L’article 2 de la loi de 1905 dit « La république ne reconnait aucun culte ». Ce qui veut dire que la loi rompt avec le Concordat et les « religions reconnues ».

Mais l’article 4 spécifie que la République remet les édifices cultuels aux seules associations qui se « conforment aux règles générales (de) leur culte ». Pour parler comme le juriste Patrice Roland : l’Etat ne « reconnait » pas les religions mais il les « connait » et en connait (et accepte) les règles de fonctionnement. Donc à l’inverse de ce qu’imposaient le Concordat ou la Constitution civile du Clergé, l’article 4 de la loi de 1905, prend en compte l’organisation des religions existantes. Cet article fut rejeté par le plus grand nombre des députés « radicaux ».

4- LA LAICITE S’APPLIQUE DE LA MEME FACON SUR TOUT LE TERRITOIRE FRANÇAIS

Il existe en France huit régimes cultuels différents dont six pour l’outre-mer. A côté du régime concordataire de l’Alsace Moselle, existent des régimes hérités de l’histoire à Mayotte, en Nouvelle Calédonie, en Polynésie Française, aux îles Wallis et Futuna, à Saint Pierre et Miquelon, en Guyane.

Une décision récente du Conseil Constitutionnel (QPC du 21 février 2013) consacre que la Constitution ne s’oppose pas à des régimes dérogatoires au principe de laïcité.

Cette décision définit de plus les cinq composantes constitutionnelles de la laïcité :
- neutralité de l’Etat,
- non reconnaissance de quelque culte que ce soit,
- respect de toutes les croyances,
- égalité devant la loi,
- garantie de libre exercice des cultes et absence de financement de culte.

Autrement dit : la laïcité ne s’applique pas de la même façon sur tout le territoire et de plus, elle est le produit d’une série de lois, mais aussi d’une pratique juridictionnelle, de la loi de 1882 sur l’enseignement primaire jusqu’à la loi de 2004 sur les signes religieux dans les Ecoles, les collèges et les lycées publics ».

On pourra ironiser sur la manière dont on introduisit et pratiqua la laïcité dans les colonies. En Algérie par exemple, selon Raberh Achi- « La séparation des Eglises et de l’Etat à l’épreuve de la situation coloniale » (cité dans L’affaire Baby loup ou la Nouvelle laïcité, p. 27) : « à l’échelle algérienne ce dispositif fut souvent orienté par l’unique objectif de maintenir les seuls ministres du culte ayant fait preuve de loyalisme en leur octroyant des indemnités. Cela prit la forme d’une gestion administrative et politique du culte, contraire aux principes énoncés par la loi de 1905, dans le but de contrôler la population indigène musulmane ».

5- LA LAICITE INTERDIT LES TENUES RELIGIEUSES DANS L’ESPACE PUBLIC

Il y a bien eu un débat à l’occasion de la séance parlementaire du 26 juin 1905 sur le port de la soutane. C’est Briand qui s’oppose à son interdiction. Alors que Chabert, député de la Drôme, plaidait pour qu’on en libère les prêtres parce « la vie du prêtre ne doit pas être ce qu’elle est ». L’amendement Chabert est rejeté par 391 voix contre 184.

La question des signes religieux dans l’espace public est souvent liée à une lecture superficielle de l’article 28 de la loi de 1905. Cet article concerne les « signes et emblèmes religieux » « élevés ou apposés sur les monuments publics », avec la réserve des édifices servant au culte, aux terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires, des musées et des expositions , il est interdit à l’avenir d’en apposer sur les emplacements publics.

La question des sphères publiques et privée est complexe : voir Jean Pierre Dubois : Pluralisme, laïcité, sphères publiques, sphère privée qui montre l’insuffisance de l’opposition privé/public. Voir aussi pages 78 et 79 de l’affaire Babyloup ou la nouvelle laïcité. Pour un effet d’ironie : dans le Parlement qui vote la loi de 1905, on trouve des prêtres en soutane. Quand l’abbé Pierre entre au Parlement, c’est en soutane.

6- LA LAICITE RENVOIE LES RELIGIONS DANS LA SPHERE PRIVEE

Avis sur la laïcité du 26 septembre 2013 de la CNCDH : « La séparation des Eglises et de l’Etat ne doit pas être comprise comme visant à l’éviction hors l’espace public de toute manifestation de conviction religieuse » ;

La CNCDH le conclut de l’article 1 de la Constitution qui « assure la liberté de conscience » et du respect de « toutes les croyances » et de l’article 1 de la loi de 1905.

La CNCDH rappelle l’arrêt du 5 septembre 2012 de la Cour de justice de l’Union Européenne qui estime que certaines formes d’atteinte à la manifestation de la religion en public peuvent constituer une persécution en raison de la religion. Et donc que la liberté doit être la règle et ses limitations, l’exception.

La formule du Président François Hollande : « En 1905, la laïcité était simplement la séparation de l’Etat et des cultes. Aujourd’hui, elle est une frontière entre ce qui relève de l’intime, qui doit être protégé, et ce qui appartient au public, qui doit être préservé », qui justifie la Nouvelle Laïcité, se construit sur

  1. Une confusion entre public comme espace de l’Etat et espace de tous ;
  2. Et une promotion de la notion de l’intime qui sonne comme une trace d’augustinisme. Dans les Confessions d’Augustin, l’intime comme ce qu’il y a de plus intérieur est l’espace où Dieu peut descendre.

7- LA LAICITE, C’EST LA NEUTRALITE

CNCDH, Avis du 26 septembre 2013 : La neutralité de l’Etat est la première composante de la laïcité. Ce qui implique l’égalité devant la loi de tous les citoyens « sans distinction d’origine, de race ou de religion » (article 2 de la Constitution).

Dans le service public, la neutralité s’impose à tout agent du service public. Selon les normes constitutionnelles, internationales et législatives les usagers ne sont pas soumis à cette règle de neutralité. Des restrictions peuvent se légitimer par des impératifs d’ordre public (sécurité, santé, salubrité, hygiène) selon un principe de proportionnalité.

Donc neutralité de l’Etat et pas de la société et encore moins de tous les citoyens.

Reste que selon la CNCDH des difficultés peuvent apparaître « qui proviennent moins du principe de laïcité lui-même, que de l’identification du service public. »

Sur l’idée de neutralité, Madeleine Rebérioux rappelait l’invitation de Jaurès aux instituteurs : « être laïque c’est poser aux enfants les grands problèmes de société : la grève, la colonisation, la guerre, la religion ». Elle ajoutait : « renoncer à un sentiment de supériorité du pays des droits de l’Homme, respecter les autres individus en tant que porteurs d’autre civilisations. » (Hommes et Libertés, n°113-114. P.31).

8- LA LOI N’AUTORISE PAS LES CARRES MUSULMANS (ou juifs)

La cadre juridique républicain est établi antérieurement à la loi de 1905 qui l’a confirmé. La loi du 14 novembre 1881 fait des cimetières un lieu a-religieux, celle du 28 décembre 1904 confie l’organisation des funérailles aux communes.

La loi du 15 novembre 1887 veille à la liberté des funérailles et attribue la possibilité d’organiser par avance ses funérailles. La notion de volonté du défunt est centrale.

La création de carrés confessionnels est préconisée par les circulaires ministérielles du 28 novembre 1975 et 14 février 1991.

(La loi du 8 janvier 1993 supprime le monopole de l’Etat et instaure la libre concurrence).

Notons que les volontés de certains croyants trouvent un obstacle dans des impératifs d’hygiène et de sécurité (la sépulture à même le sol).

9- LA LAICITE S’OPPOSE AUX COMMUNAUTES

Cette question est au cœur du débat parlementaire de 1905. Les radicaux s’opposent aux socialistes sur la question de savoir si on doit s’en tenir au seul citoyen ( Buisson) ou si on doit penser que l’individu se réalise à travers des collectifs, des communautés. Avec la sous question de savoir si les droits sont individuels ou collectifs. Jean Pierre Dubois concluant l’Université d’Automne de la LDH (Individus, communautés et République) soutenait :

  1. « nier les communautés, c’est renvoyer le désir d’appartenance aux replis identitaires communautaristes »
  2. « nul n’accède à l’universel par la négation du singulier et des singularités ».

(Hommes et Libertés n°140, sept, oct, nov 2007, p.59). En refusant à la fois le culturalisme identitaire et l’abstraction républicaine, il s’opposait à la fois aux assignations identitaires et à une intégration par arrachement.

Il serait intéressant de se reporter aux travaux de Monique Pinçon- Charlot et Michel Pinçon. Dans Le Ghetto du Gotha, ils montrent la grande bourgeoisie dans son action « militante ». De la protection de « l’entre-soi » à l’institutionnalisation de « cercles, associations, comités, commissions (se) concentrent les agents sociaux dotés des attributs du pouvoir efficace » (p. 268). La sociologie de cette « classe en soi et pour soi » qu’est la grande bourgeoisie montre à l’œuvre un communautarisme identitaire.

10- LA LAICITE LIBERE LES FEMMES

Il est juste de dire que l’Egalité Hommes/Femmes est exigée par le mouvement d’émancipation voulu par les Lumières et associé à la sécularisation de la société (loi sur le mariage civil, loi sur le divorce).

Reste que la temporalité de la laïcisation de l‘Etat et celle de la construction de l’égalité hommes /femmes n’a pas été synchrone.

L’ordre matrimonial napoléon (Code Civil) et son principe de complémentarité hiérarchique des sexes ont résisté bien au-delà de la neutralisation de l’Etat.

Il est vrai que le Concordat et le Code Civil napoléonien manifestent une régression par rapport à la politique de la Révolution, mais la République n’y porte pas remède de la même manière. Le premier verrou de cet ordre hiérarchique saute bien avec la loi de 1912 qui autorise la recherche en paternité, mais persiste jusqu’à la fin du 20ème siècle la hiérarchie dans le couple.

C’est probablement une explication à une certaine timidité dans le combat « laïque » pour le « mariage pour tous » où la laïcité est parfois invoquée (de manière peu laïque) comme renvoi du religieux hors de l’espace du débat public.

Autre référence utile aux travaux des Pinçon : on trouve dans la bourgeoisie une anthropologie conjugale qui sans constituer le mari en « dominus » ne l’établit pas moins en « senior »

11- LA LAICITE S’OPPOSE AUX DROITS DE L’HOMME

Le rapport de la République à la Déclaration de 1789 est moins simple que l’on ne le dit. Ce n’est que la quatrième République qui plaça la Déclaration en préambule et ce n’est qu’en 1971 (avec le rôle prépondérant du Conseil Constitutionnel) que clairement la Déclaration prend sa place dans la hiérarchie du droit.

Reste que pour la LDH défendre la laïcité est inséparable de la liberté d’expression, y compris religieuse. Pressensé, président de la LDH, se place dans cette position en 1908 au moment de l’Affaire des officiers de Laon qui avait été sanctionnés pour avoir (en civil) assisté à un office : « La liberté, quand on la menace sur un seul point, elle est violée dans tous les autres ». Voir Emmanuel Naquet « Pour l’humanité » presses universitaires de Rennes 2014, p. 193-194.

« La Nouvelle laïcité » de François Baroin (rapport de mai 2003) pour devenir une « valeur de droite » (sic) proclame que « laïcité et droits de l’Homme » sont incompatibles … Dans leur livre sur l’Affaire Baby Loup, Stéphanie Hennette Vauchez et Vincent Valentin déconstruisent la Nouvelle Laïcité de Baroin « les droits de l’Homme, dont est issu le principe de non-discrimination, empêcheraient de s’opposer à l’expression d’une religion en particulier, en l’occurrence l’Islam, seule religion vue comme menaçant le socle républicain ». Nos auteurs poursuivent : « On passe ainsi d’une laïcité fondée sur l’égale liberté de tous les individus, à une laïcité fondée sur la défense d’une identité culturelle et politique ».

A l’inverse à la LDH, on ne sépare jamais combat pour la laïcité et lutte contre les discriminations. D’où nos réserves sur la loi de 2004.

La LDH a depuis 2001, de congrès en congrès, rappelait que la défense de la laïcité ne pouvait non seulement pas « devenir un prétexte aux exclusions » (7 mai 2001) mais était un complément nécessaire à la devise de la République. Résolution du Congrès d’Evry : Liberté, Egalité, Fraternité, Laïcité ».

Notre résolution du 2 avril 2011 manifeste notre inquiétude face aux déguisements de la laïcité conduisant à stigmatiser nos compatriotes de religion musulmane et réaffirme notre attachement à la laïcité qui refuse « la hiérarchie des civilisations et l’inégalité des cultures ».

12- LA LAICITE EST UNE PARTICULARITE FRANÇAISE

La notion et le mot laïcité n’apparaissent pas dans les textes internationaux. Cependant ces textes affirment la liberté de pensée, de conscience et de religion, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction tant individuellement que collectivement, en public, en privé, par le culte, l’enseignement et l’accomplissement des rites (DUDH, 10 décembre 1948, article 18). A quoi d’autres textes internationaux ajoutent le droit de changer de religion. (article 18 du Pacte international des droits civils et politiques, 16 décembre 1966).

On dira cependant la spécificité française d’une laïcité qui est plus que la séparation des Eglises et de l’Etat. On sait que pour Jaurès, la loi de séparation devait permettre de sortir du conflit des « deux France » et de « passer au social »… La République laïque est aussi la République sociale.

Pour une approche globale, il est nécessaire d’articuler la laïcité à quatre piliers :
- La souveraineté du peuple tout entier qui exclut que quiconque soit privé de ses droits en raison de ses convictions…
- la liberté d’opinion.
- l’égalité des droits
- la fraternité universelle.

En cela, la fragmentation de la société, son ethnicisation sont des menaces pour la République et les Droits de l’Homme, leur indivisibilité et leur universalité. Il s’agit de comprendre que le communautarisme n’est pas seulement le produit de replis mais un outil de prise ou de maintien de pouvoir comme dans les formes de la laïcité dite « ouverte » organisant une tolérance aux archaïsmes communautaires et reconnaissant sous un mode quasi néo colonial l’existence des communautarismes.

Draguignan, le 15 novembre 2014

Daniel Boitier
Co-animateur avec Alain Bondeelle
du Groupe de travail Laïcité de la LDH

Notes

[1] Comme l’a relevé le Conseil d’Etat dans Réflexions sur la laïcité, rapport public en 2004 : « Pour les pères fondateurs de la loi de 1905, puis de celle de 1907 sur les cultes, la laïcité n’est pas le refoulement des religions ou de leurs manifestations de l’espace public vers la sphère privée. C’est le refus de l’accaparement de l’Etat et de la société par les religions et inversement de la mainmise de l’Etat sur celles-ci. »
Référence : http://www.conseil-etat.fr/index.ph…, page 263.

 

La LDH demande au tribunal administratif l’annulation de la charte de la laïcité d’Aix-en-Provence 22 septembre, 2016

Le Conseil municipal d’Aix-en-Provence a adopté le 18 juillet dernier une « Charte du respect des valeurs de la République, de la laïcité et de la neutralité ». Dans un communiqué du 22 juillet nous nous élevions contre la volonté de la ville d’imposer aux associations la signature de cette charte et donc de respecter un devoir de « stricte neutralité », contraire à la Constitution, au droit communautaire et à la Convention européenne des droits de l’Homme. Les associations sont des organismes de droit privé et personne ne saurait leur dicter leur mode de fonctionnement.

La Ligue des droits de l’Homme a décidé de requérir du Tribunal administratif de Marseille l’annulation de cette délibération au motif que la Commune porte atteinte à la liberté d’association en imposant des règles de fonctionnement, en méconnaissant le principe de laïcité et en portant atteinte à leur liberté d’opinion et de conscience.

Maître Claudie Hubert est l’avocate de la LDH.

Section d’Aix-en-Provence de la LDH

Etat d’urgence en Turquie 5 août, 2016

Déclaration conjointe AEDH, EuroMed Droits, FIDH, HRFT et IHD

EuroMed Droits, l’Association Européenne pour la défense des Droits de l’Homme (AEDH), la Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme (FIDH), la Fondation Turque des Droits de l’Homme (HRFT) et l’Association des Droits de l’Homme pour la Turquie (IHD)sont extrêmement préoccupés par l’état d’urgence décrété en Turquie pour une période de trois mois à la suite de la tentative de coup d’État du 15 juillet, au cours de laquelle des centaines de civils, de soldats et de policiers ont perdu la vie. L’état d’urgence permet au président et au Conseil des ministres de gouverner par décret, sapant ainsi les principes démocratiques. Cet état d’urgence suspend également « en tout ou en partie » l’exercice des droits humains et des libertés fondamentales, y compris les obligations de la Turquie en vertu de la Convention européenne des droits de l’Homme.

Nos organisations réaffirment que la stabilité ne peut être restaurée qu’en maintenant les droits humains et l’État de droit. Le gouvernement turc devrait respecter rigoureusement les principes de légalité, de nécessité et de proportionnalité et honorer en tout temps ses engagements internationaux à l’égard des droits humains. D’autres sources de préoccupation menacent l’avenir des droits humains en Turquie, notamment le débat au sujet de la réintroduction de la peine de mort pour les personnes accusées d’avoir fomenté le coup d’État et le projet visant à modifier la constitution. Conformément au droit international des droits humains, des mesures de sécurité peuvent être prises en temps de crise, mais seulement dans le prolongement de l’État de droit.

Les coupables doivent être traduits en justice à l’issue d’une enquête indépendante, impartiale, rapide et approfondie. Les poursuites doivent être menées en accord avec les standards internationaux du procès équitable et la présomption d’innocence doit être respectée. Les personnes pour lesquelles aucune preuve d’actes répréhensibles n’a été établie ne devraient pas faire l’objet d’enquêtes sans fondement et de mesures restrictives. Nos organisations expriment leurs préoccupations quant aux représailles aveugles du gouvernement tant à l’encontre du personnel militaire et judiciaire, avec l’arrestation expéditive de plusieurs milliers de personnes prétendument impliquées dans le coup d’État, que des journalistes et des voix critiques au sein de la société civile turque, avec notamment l’interdiction générale de voyager pour les universitaires.

Jusqu’à présent, environ 50 000 fonctionnaires publics ont été suspendus de leurs fonctions et plusieurs écoles, fondations et universités ont été prises en charge par le gouvernement. De la même manière, des dizaines d’associations et de médias ont fermé leurs portes. Toute personne arrêtée doit se voir reconnaître ses droits tels qu’entérinés par le droit international et les autorités turques doivent être tenues responsables de leur sécurité et de leur protection. Des enquêtes doivent être réalisées dans le respect de l’État de droit. Les voix critiques doivent continuer de pouvoir s’exprimer librement dans l’espace public.

Cette tentative de putsch s’inscrit dans un contexte de graves violations des droits humains et de l’État de droit par les autorités turques : limitation de la liberté d’expression et de la liberté de la presse, perte d’immunité et menaces de poursuites de l’opposition parlementaire, criminalisation de la dissidence, projets de concentration du pouvoir entre les mains du président, volonté de transformer la religion en arme du gouvernement et mise en œuvre d’une répression violente dans le sud-est.

Bien que condamnable, la tentative de coup d’État ne doit pas servir de prétexte aux autorités turques pour fragiliser la démocratie, l’État de droit et les droits humains, ainsi que pour renforcer l’autoritarisme actuel et affaiblir davantage la situation des migrants sur son territoire.

Nous en appelons à la communauté internationale, en particulier à l’Union Européenne, à rester en alerte et à exhorter la Turquie à se conformer à ses obligations internationales. Les intérêts géostratégiques ne doivent pas prendre le pas sur le respect de l’état de droit et des droits humains.

Bruxelles, Paris, Ankara 5/8/2016

Une procédure d’exception pour une loi d’exception 21 juillet, 2016

Communiqué LDH

Les assauts de démagogie qui ont présidé aux débats sur la prolongation de l’état d’urgence ne peuvent dissimuler que les mesures décidées par le Parlement à l’initiative du gouvernement restreignent nos libertés, sans pour autant être un gage d’efficacité dans la lutte contre les actes de terrorisme.

La loi prorogeant pour une quatrième fois l’état d’urgence, qui va être adoptée cet après-midi, n’est pas seulement inutile, elle est dangereuse.

Elle est dangereuse parce qu’elle pérennise une situation d’exception, parce qu’elle laisse à la discrétion du gouvernement le droit de manifester et accroît les pouvoirs de la police au point de justifier de retenir un enfant pendant quatre heures et de saisir les données personnelles sans réel contrôle puisqu’une nouvelle fois, le juge judiciaire est écarté.

Mais cette loi est aussi une atteinte directe au processus démocratique. En y intégrant des modifications pérennes du Code pénal, les parlementaires et le gouvernement ont institué une nouvelle manière de légiférer, dans la précipitation et au mépris de toute règle démocratique. Bien entendu, comme on peut s’y attendre, cette négation des principes du débat parlementaire ne sera pas soumise à l’appréciation du Conseil constitutionnel.

La LDH condamne absolument une loi d’exception adoptée par une procédure d’exception.

Paris, le 21 juillet 2016

Source: Une procédure d’exception pour une loi d’exception

NON, Madame Joissains, ce n’est pas ça la laïcité ! 20 juillet, 2016

Non, Madame Joissains, ce n’est pas ça la laïcité !

La laïcité n’impose pas à chacun de taire ses opinions politiques, syndicales ou religieuses

C’est le contraire, non seulement elle en autorise l’expression, mais elle la facilite.

 

Le Conseil municipal d’Aix-en-Provence vient d’adopter (lundi 18 juillet 2016) une « Charte du respect des valeurs de la République, de la laïcité, de la citoyenneté et de la neutralité ». Et cette charte est présentée comme une déclinaison de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, de la loi sur la séparation de l’Église et de l’État et de la Constitution quand elle proclame : « la France est une république indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle en respecte toutes les croyances ».

Sous de tels auspices, et en n’ignorant pas l’intolérable pression mise par l’extrême-droite à l’égard d’association de soutien aux travailleurs immigrés, nous ne pouvons que nous réjouir qu’une charte prétende les mettre en œuvre avec les associations. Nous sommes bien sûr d’accord avec le rappel des textes fondateurs de notre République.

La ville entend faire signer cette charte à toute association demandant une subvention (sous peine de ne pas la lui accorder).

Regardons d’un peu plus près. L’article 1er demande aux associations de « mettre en œuvre, promouvoir et diffuser les principes constitutionnels qui imposent un devoir de stricte neutralité, de traitement égal de tous les individus et de respect de la liberté de conscience ». Non Madame la Maire : la laïcité est un principe constitutionnel qui implique la neutralité de l’État, des services publics et des collectivités territoriales mais qui garantit aux citoyens la liberté de conscience et celle de manifester ses convictions dans les limites de l’ordre public. Les associations sont des organisations de droit privé : on ne saurait leur imposer un devoir de « stricte neutralité » complètement contraire à la Constitution, au droit communautaire et à la Convention européenne des droits de l’Homme. Ce principe de neutralité ne saurait pas plus être imposé dans les statuts et le règlement intérieur des associations. Une telle disposition s’oppose en réalité au principe de laïcité (qui, rappelons-le toujours, garantit la liberté de conscience et d’expression) et ouvre la voie à d’éventuelles discriminations

Et l’article 2 insiste en demandant aux associations de « s’abstenir de toute manifestation de convictions religieuses ou politiques… ». Cela veut-il dire que les associations chrétiennes ne recevront plus de subventions de la ville pour leur activité ? La Ligue des droits de l’Homme, quant à elle, combat les injustices, le racisme, l’antisémitisme, le sexisme et les discriminations de toutes sortes, elle défend la laïcité contre les instrumentalisations xénophobes, elle promeut les libertés, l’égalité des droits et la fraternité ; elle s’intéresse à la citoyenneté sociale et agit pour une démocratie forte et vivante ; elle se revendique comme citoyenne, et fait de l’ensemble de ces actions une activité politique, au sens de sa participation au débat citoyen, au débat publicCela signifie-t-il, Madame la Maire, que parce qu’elle est politique (et non partisane) la section d’Aix-en-Provence de la LdH ne serait plus susceptible de recevoir une subvention de la ville ?

Vous en jugerez. Pour ce qui nous concerne nous poursuivrons nos combats pour la liberté, l’égalité, la fraternité et la laïcité au sens où cela vient d’être dit, et nous continuerons de demander à la Ville une subvention. Car, comme bien d’autres, nous pensons être utiles au débat public, ce qui justifie, nous semble-t-il, que quelques deniers publics viennent l’y aider (oh pas grand-chose, nous en sommes à 5/100 000ème du budget total des subventions !) Cet argent public, c’est celui de tous les citoyens de la ville, et les associations selon la loi de 1901 y ont droit.

Madame la Maire, évidemment nous ne signerons pas cette charte. Nous revendiquons de ne pas être neutre.

 

 

 

Pétition pour dissoudre l’Action Française et les autres groupuscules d’extrême droite ! 6 mai, 2016

Signez la pétition pour dissoudre l’Action Française et les autres groupuscules d’extrême droite !

 

Les populations d’Aix-en-Provence, Pays d’Aix, Marseille sont, depuis maintenant plusieurs mois, victimes d’agissements de factions d’extrême droite radicales et violentes. Stimulés par le poids électoral du FN ces groupuscules décomplexés n’hésitent plus à faire le coup de poing, ni à hurler des injures racistes, xénophobes, antisémites… sur nos places et dans nos rues. Un bref rappel de ces trop nombreuses exactions :

  • En 2014, un commando fait irruption dans le local du PCF aixois. Dégradations, agression de militants. Une tentative d’incendie avait eu lieu quelques mois plus tôt
  • Des fanatiques rompent, à plusieurs reprises, le Cercle de Silence aixois.
  • En Décembre 2015, des activistes font irruption dans une conférence du PS, sur la montée de l’extrême droite à l’IEP d’Aix.
  • Des extrémistes provoquent une bagarre lors des vœux du député Jean David Ciot, qui a demandé en Décembre 2015 la dissolution «d’Action Française ». Dégradation de l’entrée du théâtre, blessures et menaces de mort à l’adresse du député.
  • A Marseille, les locaux de l’Action Française sont sources de nombreuses provocations, de multiples incidents et d’une gêne manifeste pour les habitants.

L’Action Française, ligue de triste mémoire, a, de tout temps, employé des méthodes de tension permanente. Leur but avoué est de supprimer les libertés républicaines au nom desquelles nous nous exprimons et qui sont le fondement de notre vivre ensemble. Face à leur violence haineuse nous opposons une voix humaniste, pacifiste et déterminée à combattre tous les totalitarismes.

 

Les formations démocratiques qui ont organisé la riposte citoyenne, en rassemblant un millier de personnes, le 19 Mars 2016 disent « NON AUX VIOLENCES DE L’EXTREME DROITE ». Elles s’adressent aujourd’hui à l’Etat pour demander :

 

  • de dissoudre l’Action Française et de veiller à l’efficience de cette mesure dont nous serons tous garants.
  • D’identifier les autres groupuscules identitaires qui harcèlent la vie démocratique aixoise et de leur appliquer la même mesure de dissolution.

 

Avec elles, exigez cette interdiction !

https://www.change.org/p/ministre-intérieur-pétition-pour-dissoudre-l-action-française-et-les-autres-groupuscules-d-extrême-droite

 

Premiers Signataires: Aix Solidarité, Ensemble ! , EELV,  FSU 13, Mouvement des Jeunes Socialistes 13, LDH, Osez Le Féminisme 13 ! , Partit Occitan, PCF, PS, Union des Démocrates et des Écologistes,

Concours des écrits pour la fraternité. Palmarès du jury aixois. 14 avril, 2016

Le jury aixois du concours des Ecrits pour la Fraternité s’est réuni lundi 11 avril. Il a examiné les oeuvres (toutes collectives) des élèves et en a sélectionné 7. Les premières de chaque catégorie seront envoyées au jury national.

CONCOURS DES ECRITS POUR LA FRATERNITE

RESULTATS DE LA DELIBERATION DU JURY (11/4/2016)

CATEGORIE : GRANDE SECTION, CP , CE1

  1. « Donnons-nous la main », école Sextius, Aix.

  2. « On ne devient pas citoyen si on ne fait rien », école Sextius, Aix. (chanson)

  3. « Petits citoyens en herbe », école Jules Payot, Aix.

CATEGORIE : CE2 , CM1, CM2

  1. « L’arbre citoyen », école Sextius, Aix.

  2. « Et toi, tu fais quoi ? », école Sextius, Aix. (chanson)

  3. « Dis mamie… », école Sextius, Aix.

CATEGORIE : LYCEES

« Petit manuel à l’usage des apprentis citoyens », Lycée des Métiers Célony, Aix.

SELECTION :

Les premières œuvres de chaque catégorie seront envoyées à Paris pour être présentées au jury national.

Pièces jointes

L’Action française hier et aujourd’hui 7 mars, 2016

Voici  un document qu’André Koulberg présente sous l’égide de la LDH, section d’Aix-en-Provence. Intitulé « L’Action française hier et aujourd’hui » (mars 2016)  il développe un historique de ce mouvement et de ses valeurs anti-démocratiques, anti-républicaines, racistes et antisémites. Il fournit un argumentaire précieux pour nos militants.

 

L’Action française, une résurgence. Mais de quoi ?

Depuis près de deux ans, un groupe de jeunes gens, se réclamant de l’Action française, cherche à perturber un certain nombre de réunions ou de manifestations politiques, culturelles, associatives, ouvertes et pacifiques, en usant de la provocation et quelquefois de violence envers les personnes présentes. Ils ont ainsi perturbé une réunion publique de l’association Résister aujourd’hui qui se déroulait au théâtre Toursky en février 2014, s’en sont pris physiquement à des militants communistes dans le local du Parti communiste aixois en octobre 2015, ont hurlé des slogans hostiles en face, puis à l’intérieur, du Cercle du silence d’Aix en septembre 2015, ont manifesté pour réclamer l’arrêt d’une exposition d’art contemporain à Marseille réclamant « la corde » pour les artistes traités de « pédophiles » en septembre 2015, ont interrompu violemment une réunion publique, consacrée à la question du Front national, organisée par le Parti socialiste en décembre 2015, ont fait intrusion au théâtre d’Aix où le député Jean-David Ciot présentait ses vœux, brutalisant plusieurs personnes et hurlant « à mort Ciot », ont perturbé le déroulement d’une réunion publique des Jeunes républicains en février 2016, etc.
Au cours de leur intervention contre le Cercle du silence ceux qui subissaient leur démonstration virile les ont entendus ironiser sur l’âge des participants à ce Cercle. Eux sont jeunes. Mais leurs idées et leurs pratiques ne le sont pas. Elles sont vieilles de plus d’un siècle.
En se rendant au cimetière de Roquevaire pour se recueillir sur la tombe de Maurras (et commémorer le 6 février 34), les militants royalistes se sont explicitement référés à ce vieil héritage. Ce mouvement dont le dirigeant a été condamné à la dégradation nationale et à la réclusion à perpétuité en 1945 est-il donc si séduisant ?
L’Action française, avant de devenir groupusculaire après guerre, a été de 1899 au milieu des années 30 le principal mouvement d’extrême droite en France. Pour l’extrême droite, elle représente un passé prestigieux, avec ses écrivains célèbres (Maurras, Léon Daudet, l’historien à succès Jacques Bainville…), ses campagnes nationales tonitruantes, sa longévité avant le discrédit, etc.
Ce long processus historique, ainsi que les prises de position de Charles Maurras, son prolixe dirigeant qui n’a jamais cessé de s’expliquer et d’argumenter, nous ont laissé un abondant matériau qu’il peut être utile d’analyser pour comprendre en quoi consiste cet héritage aujourd’hui réactualisé. Sans prétendre étudier exhaustivement ce mouvement en quelques pages nous pouvons, malgré tout, rappeler quelques éléments décisifs qui éclaireront la démarche des jeunes disciples contemporains. Maurras nous servira de guide.
La haine de la république et de la démocratie

AF image

Une caricature de Forain dont Maurras s’est servi pour exprimer sa haine de la république, de la démocratie, des protestants et des juifs

La vision du monde très singulière de l’Action française ne se résume pas à une simple prise de position royaliste. Elle est d’abord un rejet violent de la démocratie, de la république et de tout ce qui s’y rapporte : les valeurs démocratiques, les droits de l’Homme, etc. Pour en prendre la mesure, observons une caricature de Forain que Maurras a insérée dans l’ Enquête sur la monarchie . Sous le titre ironique « La Belle Jardinière », Forain dessine une femme hideuse. C’est la République. Maurras commente longuement cette œuvre. Elle l’inspire…
Comment sait-on que la jardinière est effectivement une représentation de la République ? Cela se voit, assure Maurras, non seulement au fait qu’elle est coiffée d’un bonnet phrygien mais à sa laideur physique (signe d’une laideur morale). Eléments clefs de cet enlaidissement, un nez énorme et crochu désignant une « République enjuivée ». Le commentaire du leader de l’Action française prolonge le trait du dessinateur : Pour l’arroseuse, à défaut du bonnet phrygien, ce nez crochu, ce gros œil bombé de juive trentenaire feraient reconnaître notre troisième République. Laide à susciter l’horreur (je vous fais horreur), incarnation de la bêtise (je suis la bêtise), la jardinière avouerait par la voix de Maurras : je suis bien cette juive que vous appelez République. Et avec de tels attributs, nous devinons que cela est affreux.

La démocratie
Cette exécration de la république atteint son point culminant au moment où est évoqué le plus détesté de ses fondements : la démocratie. C’est lorsqu’il s’agit de la démocratie que Maurras choisit les images et les comparaisons les plus dégradantes, les plus susceptibles de susciter dégoût et mépris. Oui, te voilà Démocratie ! épais arrière-train et croupe de bête mystique, grave accumulation de ce poids de bassesses qui te tirent, à chaque instant, un peu plus près de ton élément naturel ! La démocratie est représentée par l’élément de l’anatomie traditionnellement désigné comme le plus bas, le plus indigne, prenant en outre une forme d’énorme protubérance dans la caricature. La démocratie, c’est dégoûtant !
En octroyant cette place de choix au sein de ses détestations, pourtant particulièrement nombreuses, Maurras nous met sur la voie : le plus grave dans une république c’est qu’elle est démocratique. Une république totalement élitiste, gouvernement des « meilleurs », pourrait être, à la rigueur, tolérée, mais une république démocratique, mal général, œcuménique et planétaire, ne peut tendre qu’à la mort .

La souveraineté du peuple
Sur quoi se fonde cette vision démoniaque de la démocratie ? L’œuvre de Maurras apporte tous les éclaircissements voulus. C’est l’ensemble des institutions, des principes, des valeurs démocratiques qui provoquent la rage de l’Action française. A commencer en tout premier lieu par cette idée saugrenue d’une possible souveraineté du peuple, cette doctrine de mythologie politique en vertu de laquelle la volonté populaire est souveraine .
Le peuple n’a ni les compétences ni la dignité nécessaire pour participer aux décisions collectives. Maurras ne cache pas son mépris : Un régime qui vit des « volontés du peuple » est le paradis des crétins. Seule l’élite, et, au dessus de l’élite, le roi, ont la légitimité et les compétences pour gérer les affaires publiques. Même indépendant, même probe, même intelligent (même : on devine qu’il s’agit d’un cas de figure exceptionnel), l’électeur sera toujours incompétent sur la plupart des sujets qui lui seront soumis. Cette incompétence le rend violent et aveugle ou hésitant et versatile, souvent même ceci et cela à la fois. Le citoyen est sommé d’abandonner ses droits politiques, il abandonnera par un fidei-commis solennel et irrévocable à la branche survivante de la famille capétienne l’exercice de la souveraineté . Ce n’est plus un citoyen, c’est devenu un sujet.

Le pluralisme
Deuxième élément des démocraties perçu comme intolérable et constamment vilipendé par Maurras et ses acolytes : le pluralisme. Que ce soient les initiatives des individus , l’existence d’une pluralité de partis , la « lutte des classes » (terme très large englobant jusqu’à la simple revendication syndicale) , etc. toutes les velléités de pluralismes sont rejetées.
Mais l’Action française, objectera-t-on, ne défend-elle pas une conception décentralisatrice ?
L’idée de décentralisation, héritée des doctrines monarchistes traditionnelles, aurait effectivement pu faire exception, mais, justement, pas dans l’interprétation qu’en fait Maurras. Là où nous imaginons une pluralité de communes, de régions, de « provinces » (en langage maurrassien) où régnerait le débat démocratique, en leur sein aussi bien qu’entre elles ou avec l’Etat, Maurras ne voit qu’un désordre anarchique. C’est la principale raison pour laquelle, selon lui, la décentralisation ne peut être envisagée en « république démocratique » : Si par miracle la décentralisation se faisait, la France, tiraillée entre les grandes compagnies divergentes, disparaîtrait en tant qu’unité politique, faute d’un organe vivant et puissant de l’intérêt général. La décentralisation fantasmée par Maurras n’a rien à voir avec cette libre diversité, elle constitue au contraire un ordre rigide composé de « cercles » concentriques allant de la famille à la nation sans aucune confrontation et sans anicroche, une pyramide de pouvoirs pénétrant dans l’intimité des foyers et, à la fois, dirigée tout en haut par un roi. Un ordre parfait.
La diversité n’est pas perçue ici comme le signe d’un système pluraliste mais comme l’organisation parfaite d’un système de pouvoir immuable.

Les valeurs
Enfin, cette furie antirépublicaine vise l’ensemble des valeurs fondamentales de la démocratie, en tout premier lieu la liberté et l’égalité (et la fraternité, évidemment, les haines de Maurras en représentent l’antithèse absolue) : La République démocratique consiste en premier lieu à n’avoir pas de tête, et en second lieu, à loger un peu partout dans son corps la plus haute dose possible de déraison. La liberté d’abord ou l’absence de chef ! Ensuite l’égalité ou le manque d’ordre !
On imagine aisément qu’un tel ressentiment antidémocratique conduira Maurras et l’Action française à prendre constamment pour cible les droits de l’Homme. Et, effectivement, dès le premier numéro du journal « L’Action française » en 1899, ses fondateurs Pujo et Vaugeois affirmaient : Il est temps de renoncer à mettre l’abstraction des « droits de l’homme » à la place des droits historiques de notre belle race française. Cette condamnation des droits de l’Homme restera une constante tout au long de l’histoire du mouvement.
Les inégalités de droit et de statut deviennent sous la plume de Maurras si « naturelles » qu’il en vient à jeter un regard complaisant sur les dominations les plus extrêmes comme l’esclavage. Ainsi, croit-il pouvoir affirmer, le visage de l’esclave était ami au maître (…) en vertu de la réciprocité des services, l’esclave se tenait pour un membre secondaire, mais nécessaire, de la famille. Touchant tableau familial !

La logique antidémocratique et ses conséquences
Cet acharnement contre la démocratie, ses références à une souveraineté populaire, son pluralisme, ses libertés et ses droits fondamentaux, toutes ses valeurs, n’est pas anodin. Cela explique l’ ambivalence et, plus d’une fois, le soutien de l’Action française au fascisme italien, pourtant étatiste et fort peu décentralisateur. Cela explique ses discours sur la nécessité d’une dictature qui, à l’imitation de tous les postulants dictateurs, est présentée comme temporaire. Les auteurs du manifeste « dictateur et roi » (Maurras et son ami Amouretti), affirment (…) que le gouvernement du roi de France ne peut manquer d’être répressif et vengeur dans ses premiers actes de dictature, afin de pouvoir être réparateur dans ceux qui suivront. Les prétendants au trône ont raison d’affirmer que le chef de la Maison de France leur apparaît Dictateur nécessaire autant que roi légitime . Le texte, bien que très général, prévoit d’ailleurs un régime clairement autoritaire : l’anarchie politique et ses théoriciens seront donc surveillés, et s’il existe des confessions religieuses qui tendent à cette anarchie, elles seront soumises à cette surveillance, qui est de droit naturel . Cela explique enfin que le régime autoritaire du maréchal Pétain soit apparu à Maurras, malgré l’antigermanisme viscéral de l’Action française, comme une « divine surprise ».

Le sens des violences d’hier et d’aujourd’hui
L’Action française n’a jamais eu le pouvoir, même si, indirectement, de nombreuses mesures prises par le gouvernement de Vichy sont d’inspiration incontestablement maurrassienne, illustrant parfaitement les dérives et les politiques criminelles auxquelles peuvent conduire ces idées. Mais même dans le cadre que lui imposait son statut de simple opposant au sein de la République, elle affichait ses options et manifestait ses inquiétantes potentialités par son style et ses pratiques.
Outre ses manifestations, souvent violentes, elle se singularisait d’abord par les nombreuses campagnes qu’elle menait contre des personnes (et non seulement contre des idées). Dans bien des cas cela consistait à mener des campagnes de calomnies et des chasses aux sorcières, laissant derrière elles existences et réputations en lambeaux Ainsi, par exemple, la campagne menée, avec d’autres journaux d’extrême droite, contre Roger Salengro en 1936, accusé à tort d’avoir été un déserteur, qui l’accula au suicide ; ou celle menée contre l’ex-président du conseil Joseph Caillaux, accusé à tort d’avoir trahi la France en temps de guerre, qui conduisit à son incarcération en 1918 et son jugement par la Haute cour en 1920, dont il ne sera amnistié qu’en 1925.
Dès sa naissance en 1899, le mouvement s’acharna sur le capitaine Dreyfus, mêlant sa voix à celle des antidreyfusards les plus fanatiques. Ce type d’attaques personnelles, de cibles en cibles, ne s’est jamais arrêté..
Une autre action caractéristique de l’Action française, dont s’inspirent encore aujourd’hui les jeunes agitateurs aixois, consistait à intervenir collectivement et brutalement pour faire taire, ou au minimum perturber les paroles, débats, manifestations culturelles et expressions de toute sorte qui ne leur plaisaient pas. Qu’il s’agisse de perturber des cours ou des conférences universitaires dont le contenu ne leur convenait pas, s’acharnant, par exemple, contre les conférences à la Sorbonne de François Thalamas professant des idées non conformes sur Jeanne d’Arc ; de frapper quelquefois des professeurs ; de saccager les locaux de journaux défendant d’autres points de vue que les siens ; d’interrompre la projection de films ou de pièces de théâtre ; de molester les hommes politiques aux idées opposées aux leurs … toutes ces exactions et ces brutalités expriment chaque fois la même visée : agresser et réduire au silence des individus exprimant des opinions autres que celles de l’Action française, et quand l’occasion se présente, de les humilier, de les rabaisser (le goudron, l’huile de ricin…).
De la propension de Maurras à menacer de mort ses adversaires (ou perçus comme tels) à ces violences répétées contre qui pense autrement, règne le même esprit. Dans cette vision du monde il n’existe pas de débat démocratique ou d’opposition, les opposants sont une maladie, des traîtres, l’anti-France, des assassins…la rhétorique de l’Action française y revient constamment. Il faut donc les mettre hors d’état de nuire sans égard pour leur personne et commencer par leur couper la parole, les faire taire. Ce lourd héritage s’est manifestement transmis à ses émules provençaux contemporains. Ceux-ci auraient pu chercher à défendre leurs idées en participant aux débats, ouverts à tous, les débats qu’ils ont interrompu. Mais au lieu de participer à une discussion publique où chacun peut s’exprimer tout en respectant la liberté de parole des autres, ils s’imposent de force, arrêtent brutalement les débats, introduisant la violence et l’intimidation dans des réunions ouvertes et pacifiques. Oui, de ce point de vue, ils sont bien les héritiers des Camelots du roi et des diverses milices d’extrême droite des années 30 qui voulaient imposer un ordre nouveau dont la démocratie serait définitivement bannie. Leurs violences en constituent les prémices, une sorte de préfiguration.

La haine des protestants et des autres
Continuant à interpréter le dessin de Forain en y projetant ses exécrations, Maurras poursuit : Le bouquet de vieux poils enroulé tumultueusement sur la nuque fait sans doute quelque allusion à cet idéalisme protestant qui assaisonne les démarches et les discours de la mauvaise fée ; à la sottise naturelle elle ajoute ce grain de folie religieuse, acquis à l’école primaire. Que signifie cette phrase étonnante ? Pour l’essentiel, que les idées des protestants sont sottes et follement désordonnées à l’image des cheveux outrageusement mal coiffés de la « belle jardinière » et que l’école laïque, fortement influencée par le mode de pensée protestant selon Maurras, diffuse ces manières de penser pernicieuses jusque dans les cerveaux innocents des petits Français.
Tout ce qui constitue la spécificité du protestantisme, aux yeux de Maurras, est haïssable. Sa néfaste doctrine du « libre examen » génératrice d’individualisme et d’anarchisme effréné ainsi que ses tendances démocratiques en font un ferment de rébellion contre les autorités traditionnelles immuables et indiscutables, celle de l’Eglise, celle des rois… Nous n’excuserons plus la séparation d’avec Rome ni ces longues rébellions dont le trait commun a été de produire toutes les idées qui ébranlèrent notre unité : libéralisme, parlementarisme, République, démocratie, romantisme, on peut même dire hervéisme et dreyfusisme.
Les protestants sont avant tout des destructeurs. Ils sont l’autre. Bien que Français, ils sont constamment décrits comme des représentants de l’étranger. Leurs idées « anti-romaines » sont « plus ou moins sorties des forêts de la Germanie » .
Le pluralisme religieux s’avère finalement aussi illégitime que le pluralisme politique. Ceux qui s’écartent du catholicisme romain le plus intransigeant sont aussitôt accablés d’injures et accusés des pires turpitudes. L’historien Gabriel Monod, protestant et de surcroît en désaccord intellectuel avec Maurras, en a fait l’amère expérience. L’auteur de l’Enquête sur la monarchie lui a consacré un texte incroyable, un véritable monument de haine. Maurras ne discute quasiment pas son œuvre qui est pourtant substantielle, se contentant de la qualifier de « nullité » et son auteur d’imbécile … Il l’attaque par ses origines, cherchant à le disqualifier par un récit malveillant centré sur la famille Monod depuis plusieurs siècles. Il n’est que le représentant d’une « horde » peuplée de « fous » à face de « singe » , de non catholiques déloyaux, hostiles « aux intérêts et aux traditions de la France » , des sortes de traîtres, des Allemands dissimulés parmi nous, Maurras dénonçant en Gabriel Monod « cet Allemand secret » . Et il trouve même au sein de cette famille une « féministe » !
L’altérité, dans cette conception du monde, est devenue une abomination. Du constat d’une différence on passe sans transition aux accusations les plus graves. Et à chaque nouvelle divergence les mêmes dénonciations rageuses ressurgissent. L’intolérance est au fondement de l’Action française.

L’intolérance
Dans la France du XXème siècle, les personnes et les courants politiques ou culturels qui ne se conforment pas au modèle brandi par l’Action française (royaliste autoritaire, catholique intransigeant, vomissant la démocratie…) sont légions. Et ils sont effectivement légions à être non seulement critiqués mais couverts d’insultes et accusés d’ourdir les projets les plus criminels contre la France et les Français. Rappelons deux cas, canoniques dans le corpus de l’Action française. Les romantiques (ainsi que tous ceux qui peuvent y être associés), en rupture avec le classicisme cher à Maurras, sont accusés d’être une forme d’ « invasion étrangère ». Quant aux francs-maçons, leur anticléricalisme est lu comme une « ardente haine militante pour le prêtre catholique », leur esprit critique comme une « entreprise de destruction » génératrice de la pire d’entre elles selon Maurras : la Révolution française.
Cette intolérance furieuse, transformant tout écart aux dogmes maurrassiens en crime inexpiable, ne se lit pas seulement dans les diatribes acerbes du leader royaliste et de ses amis. Elle transparaît tout autant dans leurs prises de position d’apparence les plus conciliantes. Quelques protestants échappent à cette vindicte. Faisant exception, ils sont tolérés. Qu’ont-ils de particulier ? Ils sont « patriotes » (c’est-à-dire nationalistes), « royalistes », ils ont rejoint L’Action française… Maurras veut bien reconnaître une personne autre lorsqu’elle s’est dépouillée de sa singularité, de son altérité, lorsqu’elle est devenue exactement comme lui. La tolérance de Maurras s’arrête à lui-même. Sa manière d’être tolérant est un comble d’intolérance.

La haine des Juifs
Dans la caricature de Forain, nous l’avons vu, les traits hideux qui exhibent la laideur de la république sont en tout premier lieu les traits classiques désignant les juifs dans les caricatures antisémites. Ce qui fait de la république un régime odieux, c’est d’abord le fait qu’elle est une république « enjuivée ».
Un simple coup d’œil à la caricature, avec à l’esprit les commentaires de Maurras, suffit à réduire à néant tous les efforts de certains de ses disciples pour présenter son antisémitisme comme un antisémitisme modéré. La célèbre distinction entre antisémitisme de peau (l’antisémitisme biologique des nazis) et antisémitisme d’Etat (celui de l’Action française), ne signifie pas que Maurras ne haïrait pas les Juifs et ne leur voudrait pas de mal. Non seulement ses prises de position sont souvent particulièrement malveillantes mais, à un moment où les enjeux humains sont dramatiques, sous l’occupation, il cautionne (et comment ! ) la politique criminelle de Vichy envers les Juifs. Nulle compassion pour les victimes, il approuve bruyamment les mesures discriminatoires, multipliant les surenchères verbales au moment même où se déroulent les persécutions.
Réagissant au premier statut des Juifs, il commence par minimiser, voire nier totalement l’oppression et la souffrance des victimes : Il ne s’agit nullement, en effet, d’une persécution et rien n’est plus sage que d’interdire aux Juifs les postes d’administration, de direction, de formation des intelligences . En effet, insiste Maurras, Il n’est écrit nulle part, entre les étoiles du ciel ni dans les profondeurs de la conscience, qu’il soit offensant pour une personne humaine de ne pouvoir accéder à la direction ou à la gérance d’un théâtre ou d’un cinéma, d’une publication ou d’une université .
Ce ne sont pas ces peccadilles (les malheurs d’autrui) qui préoccupent le vieux dirigeant, mais le fait que certains risquent d’échapper à la pleine rigueur de ces mesures, les Juifs ne sont-ils pas rusés et dissimulateurs ? Les Juifs nous ont tant roulés . Le « maître » de Martigues relaie l’inquiétude de ceux qui pensent que les Juifs sont malins, qu’ils ont bien caché leur trésor . Ils ont raison de s’inquiéter mais au lieu de se décourager ils devraient se mettre en chasse résolument pour récupérer ces dépouilles . Encore en 1944, ce qui inquiète le leader de l’Action française c’est que peut être certains Juifs pourraient échapper à la répression. On serait curieux de savoir si la noble famille (juive) est dans un camp de concentration, ou en Angleterre, ou en Amérique, ou en Afrique, — ou si par hasard elle a gardé le droit d’épanouir ses beaux restes de prospérité dans quelque coin, favorisé ou non, de notre Côte d’Azur ? (…) si la tribu nomade était restée en France, il faudrait faire cesser à tout prix une hospitalité scandaleuse et une tolérance qui touche à la folie. Dans la suite du texte, Maurras propose d’appliquer la loi du talion aux hordes juives soupçonnées de violences de parole et d’attitude .
Les vociférations haineuses du vieux leader royaliste ne sont pas des vociférations dans le vide, elles ont accompagné et soutenu l’oppression des Juifs (ainsi que beaucoup d’autres victimes de ces temps barbares), avec une ardeur sans faille.
En une période décisive l’antisémitisme de l’Action française a été un pousse au crime. Il n’avait rien d’anodin.

Le racisme
Les Juifs ne sont pas perçus ici comme des individus ayant fait des choix mais comme les représentants d’une ethnie, étroitement déterminés par cette origine . L’antisémitisme de Maurras, même s’il ne s’exprime pas en termes biologiques à la façon de Gobineau et des nazis, a tout les traits du racisme : individu déterminé par son origine ethnique, identités ethniques éternelles, séparation absolue entre populations issues d’origines différentes, etc. Et le racisme est effectivement un autre fondement de la pensée d’Action française. Si le racisme anti-Juif est le plus obsessionnel il est loin d’être le seul. Un exemple, tout à fait caractéristique suffira à le suggérer.
En avril 1910 plusieurs journaux relatent un fait divers particulièrement choquant. Des marins blancs embarqués sur un bateau, la Moulouya, ont déserté , prétextant qu’ils ne pouvaient supporter la proximité avec les « chauffeurs » (chargés d’entretenir la chaudière) noirs. Un certain nombre de journalistes s’indignent devant cette manifestation de racisme primaire. Maurras, au contraire, prend la défense des marins. S’ils ont eu tort de déserter, leur protestation contre la situation qu’on leur imposait était légitime. Il oppose ces revendications légitimes de citoyens français aux pirouettes des pédants qui crient au racisme : Un travailleur français n’a pas le droit de se sentir chez lui sur un vaisseau français (…)Il ne lui est même pas permis de trouver qu’un nègre sent mauvais. Maurras, lui, se le permet sans que ça lui pose le moindre problème de conscience. Au contraire, de cette agression olfactive supposée, il tire des conséquences ségrégatives radicales : la cohabitation avec les Noirs est impossible. Des Français blancs n’ont pas à supporter la promiscuité des indigènes, il y a des différences à respecter.
Les Noirs aussi sont affligés collectivement d’une différence disqualifiante qui justifie les discriminations, la ségrégation, rejoignant la cohorte de toutes les communautés, peuples, ethnies, confessions, courants politiques, littéraires, artistiques… que Maurras abomine et qu’il voudrait exclure, censurer, discriminer, réprimer, etc.

L’Action française hier et aujourd’hui
On pourrait ironiser sur cet homme autoritaire qui hait tout ce qui n’est pas lui Mais ce n’est pas qu’un homme, c’est tout un mouvement politique qui a réagi pendant de nombreuses années ainsi. Et nous savons que la haine de la démocratie, des droits de l’Homme, les tentations autoritaires, l’intolérance exacerbée, le racisme obsessionnel, ensemble ou séparément, ont parsemé l’histoire d’épisodes dramatiques et sanglants. Ces haines ont déjà souvent frappé.
Nous ne nous demanderons pas comment des jeunes gens du début du XXIème siècle ont pu prendre cet ensemble d’idées morbides et paranoïaques pour des idées fraiches et joyeuses pleines de promesses mais leurs agissements donnent à penser que, même s’ils n’ont pas lu les 25 fascicules du Dictionnaire politique et critique de Maurras, ils s’efforcent de marcher sur les traces de leurs aînés. Leurs slogans « A bas la République », « vive le roi » ainsi que les attaques répétitives contre la démocratie sur les différents sites de l’Action française sortent tout droit de la naphtaline maurrassienne. La dénonciation véhémente de «la politique immigrationniste qui détruit la France par sa haine de notre pays » correspond parfaitement aussi à la vision du monde que nous avons décrite dans les chapitres précédents. Mais c’est surtout leur style d’intervention négateur du débat, du pluralisme, des personnes, cherchant à briser la vie démocratique et à imposer, ne serait-ce qu’un instant, leur ordre par la force, qui témoigne de leur état d’esprit Action française. Leur royalisme, comme celui de leurs sinistres prédécesseurs, ne consiste pas seulement à remplacer un régime républicain par un roi, c’est, en profondeur, tout ce qui constitue la vie démocratique qui est visé, nos valeurs, nos droits fondamentaux.
Haine de la démocratie, haine de l’étranger, haine du différent , etc. la vieille
ritournelle a trouvé de nouveaux adeptes.

 

Pièces jointes

Le Conseil constitutionnel persiste à banaliser un régime d’exception 20 février, 2016

Source: Le Conseil constitutionnel persiste à banaliser un régime d’exception

Communiqué LDH

Comme on pouvait s’y attendre, le Conseil constitutionnel a validé, pour l’essentiel, le régime d’exception qu’impose l’état d’urgence en matière de manifestations et de fermetures de lieux de réunion. Il a aussi considéré que les perquisitions ordonnées par l’autorité administrative n’affectent pas « la liberté individuelle au sens de l’article 66 de la Constitution » et considère qu’un simple recours indemnitaire contre l’Etat, sans annulation de la mesure elle-même, constitue une voie de recours. Certes, le Conseil constitutionnel a émis un avis négatif sur les saisies en matière informatique pratiquées à l’occasion des perquisitions administratives. On doit s’en féliciter et inciter, en conséquence, les personnes qui en ont été victimes à entamer les recours nécessaires. Cependant ces décisions du Conseil, comme les précédentes, entérinent la mise à l’écart du juge judiciaire et rendent inutile toute constitutionnalisation de l’état d’urgence tant elles cautionnent déjà l’arbitraire et l’impunité de l’Etat. La LDH ne cessera pas, pour autant, son action de telle manière à ce que la France respecte ses engagements internationaux et que l’Etat de droit retrouve pleinement sa place.

 

Paris, le 19 février 2016