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Ligue des droits de l'Homme

Section du Pays d'Aix-en-Provence

Archives du tag : Prison

Activités en détention : le Conseil d’Etat remet à sa place le ministre de la Justice 21 mai, 2025

Communiqué commun dont la LDH est signataire

Saisi par l’Observatoire international des prisons (OIP), aux côtés de la LDH (Ligue des droits de l’Homme), l’A3D, le Syndicat de la magistrature (SM), le CRI, le SNEPAP-FSU et la CGT Insertion Probation, le Conseil d’Etat a rendu sa décision : l’interdiction générale des activités “ludiques ou provocantes” en détention décrétée par le ministre de la Justice est illégale.

Par une instruction datée du 19 février 2025, Gérald Darmanin avait demandé aux directions pénitentiaires d’interdire toute activité en détention pouvant être considérée comme « ludique » ou « provocante ». Cette décision politique a entraîné l’annulation ou la suspension de plus de 150 activités dans au moins 74 établissements pénitentiaires, au mépris total des objectifs de réinsertion des personnes incarcérées.

Le Conseil d’Etat a censuré cette instruction sur deux points majeurs :

  • l’interdiction des activités “ludiques” est illégale. Elle contrevient directement à l’article R.411-8 du Code pénitentiaire, qui autorise explicitement les personnes détenues à participer à des jeux sans enjeu financier. En outre, le Code impose à l’administration de proposer un large éventail d’activités (culturelles, éducatives, sportives, etc.) visant à la réinsertion. Le Conseil d’Etat souligne ainsi que le caractère éventuellement ludique de ces activités ne saurait justifier leur interdiction ;
  • l’interdiction des activités “provocantes” est fortement restreinte. Si le Conseil d’Etat n’annule pas cette interdiction, il précise que seules peuvent être concernées « les activités qui sont, en raison de leur objet, du choix des participants ou de leurs modalités pratiques, de nature à porter atteinte au respect dû aux victimes », et ce, au cas par cas. Il revient donc aux directeurs d’établissements, sous contrôle du juge administratif, d’évaluer cette éventuelle atteinte – et certainement pas au ministre.

Des suspensions arbitraires à grande échelle

Depuis trois mois, des activités aussi variées que le yoga, les jeux de société, la médiation animale, des concerts, des ateliers théâtre ou encore des séances de boxe ou de danse ont été brutalement annulées, sans que soit précisé si elles étaient jugées ludiques ou provocantes. Cette vague d’interdictions a gravement porté atteinte aux droits fondamentaux des personnes détenues.

Les organisations requérantes appellent à la reprogrammation immédiate des activités illégalement suspendues. Elles resteront vigilantes quant à la mise en œuvre de cette décision de justice dans les établissements pénitentiaires.

Cette décision rappelle que le droit ne s’arrête pas aux portes des prisons, et que l’administration ne peut s’affranchir, au nom d’une politique sécuritaire, de ses obligations légales en matière de réinsertion.

Paris, le 19 mai 2025

Source: Activités en détention : le Conseil d’Etat remet à sa place le ministre de la Justice

Coûteuse, inefficace et source d’indignité, la politique pénale doit radicalement changer ! 30 octobre, 2024

Communiqué commun dont la LDH est signataire

Les nouveaux chiffres de la population carcérale au 1er octobre, publiés hier par le ministère de la Justice, marquent d’énièmes tristes records. Trente-deux organisations du milieu prison-justice dénoncent des annonces politiques insensées qui ne feront qu’aggraver cette situation dramatique. Quant aux orientations budgétaires actuellement discutées au Parlement, elles signent un gaspillage de l’argent public et l’impensé du sens de l’incarcération et de la sortie de prison.

79 631 personnes sont détenues dans les prisons au 1er octobre [1]. Sur les douze derniers mois, c’est la onzième fois que la France bat son propre record. En un an, ce sont 5 300 personnes supplémentaires qui sont incarcérées, et tandis que certains osent encore taxer la justice de laxiste, le ministère de la Justice prévoit que le nombre de personnes détenues dépasse 86 000 en 2027 [2].
Le nombre d’annonces politiques insensées lui, ne se compte plus. L’instauration de peines planchers est de nouveau débattue. Les comparutions immédiates, qui multiplient par huit la probabilité d’être condamné à une peine de prison ferme par rapport à une procédure de jugement classique  [3], seraient élargies aux mineurs, dont l’atténuation de responsabilité serait en outre écartée dans un plus grand nombre de cas. L’augmentation des courtes peines de prison devient le nouvel étendard. Sans parler des aménagements de peine auxquels il faudrait moins recourir alors que, censés être le principe, ils concernaient au 1er août moins de 30% des personnes condamnées et écrouées [4].
Cette dynamique infernale alimente le sentiment d’insécurité de la population française, en dépit des enquêtes de victimation qui font état « d’une certaine stabilité des faits de délinquance dont les ménages ont été victimes » et d’un durcissement de la réponse pénale [5]. Elle a également pour effet de banaliser le recours à un emprisonnement qui, sans accompagnement professionnel, médical et/ou socio-judiciaire, a un impact nécessairement limité en termes de prévention de la récidive, voire contre-productif. Contre les chiffres et les travaux de recherche, le Gouvernement fonde ses projets de politique pénale sur un fantasme, ignorant la réalité carcérale.
La réalité est que près de 70% des personnes détenues sont enfermées dans des maisons d’arrêt, des établissements souvent vétustes et insalubres, infectés de nuisibles et avec un taux d’occupation moyen atteignant 155 % au 1er octobre. La réalité est qu’elles sont entassées dans environ 9 m² dans la promiscuité la plus totale, avec des toilettes ouvertes sur la cellule et des matelas posés au sol sur lesquels sont contraintes de dormir 3 810 personnes incarcérées. Des conditions qui rejaillissent sur l’ensemble des personnels qui travaillent entre les murs.
Les indicateurs de performance de l’administration pénitentiaire, publiés avec le projet de loi de finances, annoncent une aggravation de la situation. En 2025, le taux d’occupation moyen des maisons d’arrêt devrait dépasser 164% (+ 10 points). Cette projection, aussi alarmante soit-elle, n’en est pas moins logique : la construction de nouvelles places de prison, clé de voûte des politiques publiques proposées depuis des dizaines d’années n’a jamais permis de réduire la surpopulation carcérale. Déjà, en 1999, le Conseil de l’Europe recommandait que « l’extension du parc pénitentiaire devrait être plutôt une mesure exceptionnelle puisqu’elle n’est pas, en règle générale, propre à offrir une solution durable au problème du surpeuplement » [6].
Cette obsession pour la construction a un coût exorbitant. En 2025, l’administration pénitentiaire prévoit que la dette accumulée pour la construction de nouvelles places de prison approchera 5,4 milliards d’euros. La réinsertion des personnes placées sous main de justice, dont le nombre ne cesse de croître du fait de l’augmentation simultanée du nombre de personnes détenues et de personnes suivies en milieu ouvert, accuse une baisse d’1,4 million d’euros avec un budget autour de 120 millions d’euros. Aucune création d’emploi n’est prévue, hormis des personnels de surveillance pour les nouveaux établissements pénitentiaires. Autrement dit, le gouvernement se contente, dans les prisons déjà existantes, d’une situation d’inactivité forcée des personnes détenues et de profondes carences en termes d’accompagnement.
Alors que la dette française n’a jamais été aussi importante depuis la Seconde guerre mondiale [7], nos 32 organisations, mobilisées au quotidien sur l’ensemble des sujets relevant des politiques pénales et pénitentiaires, le disent avec gravité : le sens de l’incarcération et la sortie de prison sont des impensés, et l’argent public est gaspillé dans une surenchère sécuritaire aux effets désastreux.
Les orientations budgétaires de l’administration pénitentiaire pour 2025 sont aussi inefficaces qu’incompatibles avec le respect de la dignité humaine et la protection de la société. Mettre fin à la surpopulation carcérale ne devrait rien avoir d’un objectif secondaire. Au Royaume-Uni, face au risque d’atteindre un taux d’occupation de 100%, le gouvernement a engagé un plan d’urgence de libération de milliers de personnes détenues [8]. Il a confirmé qu’une régulation carcérale assumée politiquement n’était pas utopique. Les mesures adoptées en France pendant la crise sanitaire l’ont démontré, et 31 associations, syndicats et institutions françaises du monde prison-justice le soutenaient collectivement il y a un an [9] : il existe des moyens rapides et efficaces de réduire le nombre de personnes détenues. C’est une question de volonté.
Au-delà, nous avons besoin de réformes de fond visant à réduire le recours à l’incarcération et sa durée, fondées sur un changement de regard de la société. La prison ne doit plus être considérée comme la référence du système pénal, et ses alternatives, loin d’être symboliques, doivent se substituer à l’enfermement. Pour une évolution radicale de la politique pénale !

Signataires : A3D (association de défense des droits des détenus),  ACAT-France, ANAEC, Anciens du Genepi, ANJAP, ANVP (Association Nationale des Visiteurs de Personnes sous main de justice), ARAPEJ-41, ASPMP (Association des secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire), Auxilia, une nouvelle chance, Ban public, CASP Arapej, CGT Insertion Probation, Citoyens & Justice,  Clip, CNB (Conseil national des barreaux), CNDPIP (Conférence nationale des directeurs pénitentiaires d’insertion et de probation), Emmaüs France, FARAPEJ, FAS (Fédération des Acteurs de la Solidarité), FNUJA (Fédération Nationale des Unions des Jeunes Avocats), La Cimade, LDH (Ligue des droits de l’Homme), Lire c’est vivre, Lire pour en sortir, La Lucarne d’Ariane, Mouvement National Le CRI, OIP-SF, Possible, SAF (Syndicat des avocats de France), SM (Syndicat de la magistrature), Snepap-Fsu, SNPES-PJJ/FSU, UNDPIP (Union nationale des Directeurs pénitentiaires d’insertion et de probation)

Paris, le 30 octobre 2024

Télécharger le communiqué commun en pdf.

[1] « Statistiques mensuelles de la population détenue et écrouée », Direction de l’administration pénitentiaire, octobre 2024.

[2] Inflation carcérale, Durcir les peines, remplir les prisons, Florence de Bruyn, Cahiers d’études pénitentiaires et criminologiques, mars 2024.

[3] Virginie Gautron et Jean-Noël Retière, La justice pénale est-elle discriminatoire ? Une étude empirique des pratiques décisionnelles dans cinq tribunaux correctionnels, 2013.

[4] Projet annuel de performances, Annexe au projet de loi de finances pour 2025 – Programme 107 « Administration pénitentiaire ».

[5] « Une surpopulation carcérale persistante, une politique d’exécution des peines en question », octobre 2023.

[6] Comité des ministres du Conseil de l’Europe, Recommandation n°R (99) 22 concernant le surpeuplement des prisons et l’inflation carcérale, adoptée le 30 septembre 1999.

[7] JDD, Dette record : la France face à sa pire crise budgétaire depuis 1945, 2 octobre 2024.

[8] Le Monde, « Au Royaume-Uni, le gouvernement va libérer des milliers de détenus pour désengorger les prisons », 12 juillet 2024.

[9] « Surpopulation carcérale : seul contre tous, le gouvernement s’oppose à une solution d’urgence », communiqué de presse inter-associatif, 12 octobre 2023.

Source: Coûteuse, inefficace et source d’indignité, la politique pénale doit radicalement changer !

Réduction des risques en prison : 17 associations réclament que la loi santé soit respectée 28 janvier, 2024

Communiqué commun dont la LDH est signataire

En 2016, le Parlement inscrivait dans la loi Santé l’extension à la réduction des risques (RDR) du principe d’équivalence des soins entre le milieu ouvert et le milieu fermé. Huit ans plus tard, le décret d’application n’est toujours pas publié et la loi n’est toujours pas respectée. En conséquence, l’accès aux outils et dispositifs de RDR est quasiment inexistant en prison, lieu avec une forte prévalence des addictions et des maladies infectieuses. 17 associations réclament la publication du décret d’application de ladite loi sur son volet RDR en prison.

En France, la prévalence des addictions parmi les personnes incarcérées est bien plus importante qu’en milieu ouvert : on estime qu’un tiers des personnes qui entrent en prison présentent une problématique addictive hors tabac et que la quasi-totalité continue à consommer en établissement pénitentiaire[1], dans des conditions qui présentent des risques importants pour leur santé. Ainsi, 40,5% d’entre elles déclarent avoir déjà partagé leur matériel de consommation[2]. La prévalence du VIH et des hépatites virales est aujourd’hui 6 à 10 fois plus importante en prison qu’à l’extérieur[3].

Face à ce constat, le Parlement inscrivait en 2016, dans la loi de modernisation de notre système de santé, un principe simple : « La politique de réduction des risques et des dommages en direction des usagers-ères de drogue s’applique également aux personnes détenues ». Cette politique inclut, entre autres, la distribution gratuite de matériel, notamment des seringues stériles et antidotes en cas de surdose.

Cette loi de modernisation de notre système de santé, qui fêtera ses 8 ans le 26 janvier, n’est pas appliquée. La réduction des risques en prison est encore extrêmement limitée. La distribution de matériel pour les usagers-ères de drogue varie très fortement d’un établissement pénitentiaire à l’autre.

Cette situation bafoue le respect des droits fondamentaux des personnes incarcérées, met en danger leur santé déjà particulièrement fragile et contribue à la propagation des épidémies de VIH et des hépatites.

En l’absence de décret, les associations attaquent l’Etat et interpellent les parlementaires

Depuis l’adoption de la loi de modernisation de notre système de santé le 26 janvier 2016, aucun gouvernement n’a pris le décret nécessaire à son application face à l’urgence sanitaire que représente la réduction des risques en prison.

Pourtant, 8 associations[4] ont déjà alerté sur ce sujet en déposant, le 18 octobre 2022, un recours au Conseil d’État afin de contraindre le gouvernement à appliquer la loi en prison.

Ce 26 janvier, à l’occasion de l’anniversaire de l’adoption de la loi de modernisation de notre système de santé, 17 associations actives dans la réduction des risques, les addictions, les droits des personnes détenues, et la lutte contre le VIH se mobilisent de nouveau.

Nous appelons les parlementaires à :

  • utiliser leur droit de visite dans les établissements pénitentiaires afin qu’ils y observent les conditions d’incarcération ;
  • interroger le gouvernement par des questions écrites ou orales sur la non application de la loi ;
  • ajouter la question de la réduction des risques au plan de travail du groupe d’études prison de l’Assemblée nationale ;
  • saisir la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté.

Nous appelons la direction générale de la santé, la direction de l’administration pénitentiaire et les ministères de la Santé et de la Justice à inclure nos recommandations (disponibles en pièce-jointe) dans la rédaction d’un décret qui pourra ainsi répondre à l’ampleur de la crise sanitaire actuelle en prison.

Nous appelons la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté et le défenseur des droits à contrôler l’application de la loi de santé 2016 sur son volet RDR en prison.

Signataires : Act Up Sud-Ouest, AIDES, ASUD (Autosupport des usagers de drogues), ASUD MARS SAY YEAH, Fédération Addiction, LDH (Ligue des droits de l’Homme), Médecins du Monde, Nouvelle Aube, Observatoire international des prisons, Prométhée, Safe, Sida Info Service, Sidaction, Syndicat des avocats de France, Syndicat de la magistrature, TRT-5 CHV

Paris, le 26 janvier 2024

[1] Protais C., Morel d’Arleux J., Roustide M.-J., Usages de drogues en prison – Pratiques, conséquences et réponses, Paris, OFDT, 2019, 40 p.

[2] Michel L, Gerfaux-Trouiller P, Chollet A, Molinier M, Duchesne L, Jauffret Roustide M. Self-reported injection practices among people who use drugs in French prisons: public health implications (ANRS-Coquelicot survey 2011-2013). Drud and Alcohol Review. 2017

[3] C. Semaille, Y. Le Strat, E. Chiron, K. Chemlal, M.A. Valantin, P. Serre, L. Caté, C. Barbier, M. Jauffret-Roustide, The Prevacar Group. Prevalence of Human Immunodeficiency Virus and Hepatitis C Virus Among French Prison Inmates in 2010: A Challenge for Public Health Policy, 2013

[4] AIDES, Fédération Addiction, Médecins du Monde, Nouvelle Aube, l’Observatoire International des Prisons, le Syndicat de la magistrature, le Syndicat des avocats de France et le TRT-5 CHV.

Télécharger le communiqué en pdf.

Source: Réduction des risques en prison : 17 associations réclament que la loi santé soit respectée

Budget pénitentiaire 2022 : la prison reste le seul horizon 28 octobre, 2021

Communiqué commun dont la LDH est signataire

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2022, les membres de l’Assemblée nationale examinent aujourd’hui, lundi 25 octobre, les crédits de la mission Justice et, parmi eux, ceux dédiés à l’administration pénitentiaire. Une fois de plus, les priorités budgétaires sont aux antipodes des véritables besoins et traduisent une orientation stratégique où la prison reste, encore et toujours, la peine de référence.

Un budget phagocyté par la construction, au détriment des alternatives à la prison

Le budget alloué à l’extension du parc immobilier pénitentiaire concentre l’immense majorité des fonds publics. Aux près de 5 milliards d’euros de dettes de construction à épurer à ce jour[1], le budget pour 2022 prévoit d’ajouter près d’un milliard d’euros d’investissement immobilier[2]. Cette course à la construction, outre qu’elle représente un gouffre financier, grève le budget consacré au parc carcéral. Alors qu’une importante proportion de prisons existantes sont vétustes et insalubres, contribuant largement à l’indignité des conditions de détention, les dépenses d’entretien sont limitées à 80 millions d’euros. Une somme bien négligeable quand les pouvoirs publics estiment à 7 millions d’euros les montants nécessaires aux travaux de rénovation – partiels – pour la seule prison de Nouméa[3].

Surtout, ce budget colossal ne permettra pas de réduire la surpopulation carcérale. Le programme de construction est en effet voué à absorber l’augmentation prévue du nombre de personnes détenues. Le gouvernement en escompte 80 000 à l’horizon 2027, soit 15 000 de plus en six ans, sans lien avec une éventuelle évolution de la démographie ou de la délinquance[4].

Dans le même temps, le budget 2022 alloué aux alternatives à l’incarcération stagne à 39,8 millions d’euros, signe du manque d’ambition de la loi pour la programmation de la Justice (LPJ) dans ce domaine. Seuls 300 000 euros supplémentaires sont injectés dans le placement à l’extérieur. Une avancée dérisoire : en pratique, elle permettra seulement l’ouverture de 26 places supplémentaires[5]. Quant au renforcement des moyens humains, si l’ouverture de 170 postes de conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation[6] est bienvenue, elle reste insuffisante à combler le déficit humain actuel, et donc a fortiori à favoriser la mise en œuvre effective du « bloc peine » de la LPJ.

Les indicateurs d’impact pour 2022 traduisent d’ailleurs clairement l’ineffectivité des politiques mises en œuvre, preuve que le gouvernement ne croit pas lui-même en leur portée. Alors qu’il affiche, à travers la LPJ et aujourd’hui encore avec son projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, un objectif de réduction des très courtes peines de prison, « désocialisantes et n’ayant aucun impact favorable au titre de la récidive, au profit d’alternatives à l’incarcération »[7], le gouvernement prévoit que la part des personnes exécutant des peines de prison de moins de six mois s’élèvera à 21% des détenus condamnés. Une proportion en augmentation par rapport à 2020. Quant à l’impact de ces réformes sur la détention provisoire, le gouvernement affirme qu’il sera « positif sur l’ensemble des indicateurs, en particulier le contrôle judiciaire » tout en présentant des prévisions de performance sans évolution, tant sur le pourcentage des prévenus en détention – actuellement de près d’un tiers – que sur le nombre de contrôles judiciaires.

En ne prévoyant aucune diminution du taux d’occupation des établissements pénitentiaires en 2022 – à savoir 129% en maison d’arrêt et 94% en centre de détention –, le gouvernement anticipe l’échec de ses réformes. Pire, 2023 marquerait une nouvelle hausse. Un constat malheureusement attendu en l’absence de volonté du gouvernement de « tirer les leçons de [l’]inefficacité » des mesures prises depuis trente ans pour enrayer la surpopulation carcérale, comme l’y invitait pourtant le Comité européen pour la prévention de la torture en juin dernier[8].

Dans les prisons, la réinsertion éclipsée

S’il est une ligne du budget pour lequel le gouvernement se donne les moyens de ses ambitions, il s’agit des « évolutions substantielles en matière de sécurisation des établissements pénitentiaires ». C’est à ce poste de dépenses que s’observe la plus importante évolution budgétaire : une augmentation exponentielle de 120%, portant le budget de 60 à plus de 145 millions d’euros.

Un renforcement sécuritaire, qui mobilise les moyens au détriment d’une politique tournée vers la réinsertion et risque en outre d’accroître les tensions. Depuis une vingtaine d’années, le Conseil de l’Europe invite en ce sens à sortir d’une logique purement défensive de la sécurité, au bénéfice d’un modèle dit de « sécurité dynamique » qui mettrait l’accent sur la dignité des conditions de détention et la qualité des relations sociales qui y prennent place, comme le défendait également en 2008 un groupe de travail sur la violence constitué au sein de la direction de l’administration pénitentiaire[9].

À l’inverse, le budget dévolu à la prévention de la récidive et à la réinsertion (91 millions d’euros) reste rudimentaire face à la pénurie d’activités proposées en détention. Une évolution indispensable est certes engagée : la somme allouée à la lutte contre la pauvreté est quasiment doublée, afin de permettre la revalorisation de 10 euros de l’aide versée aux personnes dites sans ressources suffisantes en prison – figée depuis 2013 – et un relèvement des seuils d’indigence. Cette augmentation n’invite cependant malheureusement pas à se réjouir dès lors qu’elle a pour seul objectif « d’atténuer les effets de la très grande pauvreté », elle-même croissante[10].

En janvier 2020, la Cour européenne des droits de l’Homme condamnait la France pour l’indignité de ses conditions de détention et la surpopulation de ses prisons. Près de deux ans plus tard, force est de constater que les choix d’orientation budgétaire ne sont pas à la hauteur des enjeux.

Un communiqué commun de l’A3D, l’Acat, Aides, l’Anaec, l’ASPMP, Auxilia, Ban public, le Casp-Arapej, la CGT Insertion-probation, Citoyens&Justice, la Cimade, le Clip, le Courrier de Bovet, Emmaüs, la Farapej, la FAS, la Ligue des droits de l’Homme (LDH), Lire pour en sortir, l’OIP-SF, Possible, le SNPES-PJJ/FSU, le Syndicat des avocats de France, le Syndicat de la magistrature et le SNPES-PJJ/FSU.

Télécharger le communiqué “Budget pénitentiaire 2022 : la prison reste le seul horizon” en PDF

Paris, le 25 octobre 2021

[1] Somme du remboursement des loyers dus au titre des contrats de partenariat (1 322 millions d’euros) et des crédits relatifs aux opérations immobilières lancées avant le 31 décembre 2020 (3 505 millions d’euros).
[2] Opérations menées par l’Agence publique pour l’immobilier de la justice au titre du programme des 15 000 nouvelles places de prison (autorisations d’engagement à hauteur de 917 millions d’euros).
[3] Devis qui couvrent les travaux de peinture, électricité, plomberie, le remplacement du mobilier, la réfection des réseaux d’assainissement et de distribution d’eau, la prévention des remontées d’égout dans les cours de promenade.
[4] « Jean Castex s’engage sur les 15 000 places de prison supplémentaires », Le Monde, 19 avril 2021.
[5] Une place à l’extérieur coûte 11 432 €/an pour les services pénitentiaires : IGSJ – IGAS – IGF, Rapport sur l’évaluation des politiques interministérielles d’insertion des personnes confiées à l’administration pénitentiaire par l’autorité judiciaire, 2016.
[6] Parmi les 250 ouvertures de postes au sein des services pénitentiaires d’insertion et de probation. Source : CGT Insertion Probation, « Actualités dans les SPIP – Répartition 1500 emplois, déploiement du RPO 1 », 3 mai 2019.
[7] Étude d’impact du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, 13 avril 2021.
[8] Rapport relatif à la visite effectuée en France par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) du 4 au 18 décembre 2019.
[9] Groupe de travail, DAP, Recommandations, 15 octobre 2008.
[10] Le taux de PSRS est passé de 10 % de la population carcérale en 2010 à plus de 20 % en 2020. Source : Budget général – Projet annuel de performance de l’administration pénitentiaire, Annexe au projet de loi de finances 2022.

Source: Budget pénitentiaire 2022 : la prison reste le seul horizon

En finir avec la surpopulation carcérale : après l’espoir déçu, les citoyens appelés à se mobiliser 4 juin, 2021

Communiqué commun dont la LDH est signataire

Le 3 juin 2020, face à une diminution exceptionnelle du nombre de détenus, quelque mille personnalités publiques et professionnels de la justice appelaient Emmanuel Macron à se saisir de cette occasion historique pour mettre fin au surpeuplement des prisons. Aujourd’hui, le constat est amer : le nombre de personnes détenues n’a cessé d’augmenter depuis juillet 2020. Face à la surdité de l’exécutif, des associations et organisations professionnelles du milieu prison-justice invitent les citoyens à interpeler de nouveau, un an après, le président de la République pour l’exhorter à agir.

Au printemps 2020, la conjugaison des mesures de libération et d’une baisse des entrées en détention dans les premiers temps de la crise sanitaire avait marqué une rupture avec l’inflation carcérale et la surpopulation systématique qui en résultait : il y avait alors en France moins de personnes détenues que de places de prison.

Saisissant cette occasion exceptionnelle, près de mille personnes faisaient part, dans une lettre ouverte au président, de leur « fol espoir » que cette décroissance de la population carcérale s’inscrive sur du long terme : cette situation inédite confirmait qu’un moindre emprisonnement était possible et n’était ni déraisonnable ni dangereux, mais au contraire unanimement salué. Se dessinaient ainsi les premiers contours d’une prise en compte de la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme le 30 janvier 2020 pour ses conditions de détention indignes, et de son injonction à prendre les mesures structurelles pour résorber définitivement la surpopulation carcérale.

La lettre ouverte sonnait l’alerte en soulignant l’impérieuse nécessité « de tout mettre en œuvre pour que la population carcérale ne reparte à la hausse dès la menace immédiate écartée ». Mais l’exécutif est resté sourd à cet appel : depuis juillet 2020, elle flambe de manière continue, avec 6 689 personnes détenues supplémentaires au 1er mai 2021.

Le garde des Sceaux, pourtant alors signataire de la lettre ouverte, n’a pas pris les mesures structurelles que l’urgence aurait dû rendre centrales, et porte même des mesures qui risquent d’accroître encore la population carcérale. Pire, le gouvernement a renoncé à inverser cette tendance, escomptant 80 000 personnes détenues à l’horizon 2027[1], soit 15 000 supplémentaires en six ans, sans lien avec une éventuelle évolution de la démographie ou de la délinquance. La France s’inscrit ainsi à rebours de la tendance européenne qui se caractérise par une baisse substantielle de la population carcérale ces dix dernières années[2]. Présentée comme une solution à la surpopulation carcérale, la construction de 15 000 nouvelles places de prison, qui ne semble vouée qu’à absorber l’augmentation du nombre de personnes détenues, s’avère être une réponse coûteuse et inefficace.

Emmanuel Macron l’affirmait lui-même en 2018 : « L’emprisonnement ne cesse d’augmenter, parce qu’au fond cela reste la solution qui contente symboliquement le plus de monde, ce qui évite de s’interroger sur le sens que cela recouvre »[3]. 17 associations et organisations professionnelles, militantes ou syndicales du milieu prison-justice lancent aujourd’hui une mobilisation citoyenne pour exhorter Emmanuel Macron à passer des paroles aux actes. Il est encore temps d’inverser la tendance et de mettre en place une politique volontariste de déflation carcérale. Le surpeuplement des prisons n’est pas une fatalité.

Signataires : A3D (Association des Avocats pour la Défense des Droits des Détenus) ; Acat (Action des chrétiens pour l’abolition de la torture) ; ANAEC (Association nationale des assesseurs extérieurs en commission de discipline des établissements pénitentiaires) ; ANJAP (Association nationale des juges de l’application des peines) ; ARAPEJ 41 (Association réflexion action prison et justice-Loir-et-Cher) ; ASPMP (Association des secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire) ; Auxilia ; Ban Public ; CASP ARAPEJ (Centre d’action sociale protestant – Association réflexion action prison et justice) ; CGT Insertion-Probation ; La Cimade ; Courrier de Bovet ; LDH (Ligue des droits de l’Homme) ; OIP-SF (Observatoire international des prisons-section française) ; SAF (Syndicat des avocats de France) ; Secours catholique/Caritas France ; SM (Syndicat de la magistrature).

Paris, le 3 juin 2021

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[1] « Jean Castex s’engage sur les 15 000 places de prison supplémentaires », Le Monde, 19 avril 2021.
[2] Baisse de 16 points du taux médian d’incarcération sur l’ensemble des pays membre : SPACE 1, Conseil de l’Europe, avril 2021. 
[3] Discours à l’École nationale de l’administration pénitentiaire, 6 mars 2018.

Source: En finir avec la surpopulation carcérale : après l’espoir déçu, les citoyens appelés à se mobiliser

Lettre ouverte aux députés : la société civile s’invite dans les débats sur la prison et l’exécution des peines 18 mai, 2021

Communiqué commun dont la LDH est signataire

Alors que s’ouvrent ce mardi 18 mai les débats relatifs au projet de loi dit « pour la confiance dans l’institution judiciaire » en séance publique de l’Assemblée nationale, 18 associations et organisations intervenant dans le champ prison-justice adressent, dans une lettre ouverte aux députés, leurs observations et recommandations concernant les dispositions relatives à la détention et à l’exécution des peines privatives de liberté.

Cette interpellation collective s’inscrit en réaction à l’absence « de véritable concertation ni avec la société civile, ni avec les professionnels, négligeant ainsi la richesse des débats que les sujets abordés auraient pu susciter » dans le cadre de la préparation et de l’examen du projet de loi. Les signataires soulignent d’abord positivement les quelques mesures visant à réduire le recours à l’incarcération, tout en relevant que ces mesures, timides et dépourvues de caractère contraignant, ne pourront dès lors avoir l’effet escompté. Ils regrettent notamment, en ce qui concerne la détention provisoire, l’occasion manquée de « prendre le problème à la source » alors que la nécessaire refonte en profondeur des textes était attendue. Ils mettent également en garde contre la banalisation de la surveillance électronique et rappellent que la liberté doit toujours lui être privilégiée, si besoin assortie d’un contrôle judiciaire. Ils saluent en outre l’intention de favoriser les libérations anticipées et accompagnées dans le cadre d’une généralisation de la libération sous contrainte, tout en déplorant que certaines catégories de personnes en soient exclues, en particulier les personnes ne disposant pas d’hébergement, qui sont également les plus précaires et isolées.

Les signataires sont en revanche « particulièrement préoccup[és] » par les effets négatifs de la réforme envisagée du système des réductions de peine : « Alors même que la France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’Homme à prendre des mesures urgentes pour résorber de manière définitive sa surpopulation carcérale, le législateur propose un dispositif qui aura nécessairement pour conséquence l’augmentation du nombre de prisonniers ». Ils relèvent également que les conditions cumulatives de bonne conduite et d’efforts sérieux de réinsertion exigées pour l’octroi des réductions de peine « font fi de la réalité carcérale et de l’absence généralisée d’activités proposées par l’administration pénitentiaire dans de nombreuses prisons ».

Par ailleurs, tandis que les personnes détenues sont actuellement exclues du champ d’application du droit du travail, les signataires saluent le fait que le législateur s’empare enfin de cette question et consacre des avancées positives, en particulier en termes de droits sociaux. Mais, outre le caractère inabouti de ces avancées, ils regrettent que le projet de loi entérine la flexibilité du travail en prison « sans prévoir les protections qui doivent venir compenser cette précarité » et que certains sujets centraux comme la rémunération soient passés sous silence. Ils rappellent qu’au-delà du travail, l’ensemble des dispositifs mobilisables en matière de réinsertion restent largement insuffisants et fortement sous-dotés budgétairement.

Enfin, les signataires ne peuvent que déplorer l’absence de réforme concernant l’expression collective des personnes détenues, aujourd’hui interdite. Alors que le projet de loi place la discipline au cœur de l’accès aux nouveaux dispositifs, que ce soit en matière de libération sous contrainte, de réduction de peine ou de travail, il ne reconnaît aux personnes incarcérées aucune place dans la gestion et l’organisation quotidienne de leur détention. « S’il est évident que leur exercice appelle des aménagements, des droits collectifs doivent être reconnus dans leur principe et donner lieu à un encadrement et à des modalités d’exercice compatibles avec l’état de détention », soulignent les signataires qui espèrent que, malgré le temps limité consacré aux discussions du projet de loi, des améliorations pourront être apportées en ce sens dans le cadre des débats à venir à l’Assemblée nationale.

Associations et organisations signataires :
 
–    A3D (Association des Avocats pour la Défense des Droits des Détenus)
–    ANAEC (Association Nationale des Assesseurs Extérieurs en
     Commission de discipline des établissements pénitentiaires)
–    ANJAP (Association nationale des juges de l’application des peines)
–    ANVP (Association nationale des visiteurs de prison)
–    Ban Public
–    Auxilia
–    CASP ARAPEJ (Centre d’Action Sociale Protestant –
     Association Réflexion Action  Prison Et Justice)
–    CGT Insertion Probation
–    Citoyens et justice
–    CLIP (Club informatique pénitentiaire)
–    Courrier de Bovet  
–    Emmaüs-France
–    FARAPEJ (Fédération des Associations Réflexion Action Prison Et Justice)
–    LDH (Ligue des droits de l’Homme)
–    Lire pour en sortir
–    OIP-SF (Observatoire International des Prisons – Section Française)
–    SAF (Syndicat des Avocats de France)
–    Secours Catholique / Caritas France
–    SM (Syndicat de la Magistrature)

Paris, le 18 mai 2021

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Source: Lettre ouverte aux députés : la société civile s’invite dans les débats sur la prison et l’exécution des peines

Violences de surveillants pénitentiaires sur des personnes détenues : l’omerta doit prendre fin 18 mars, 2021

Communiqué commun signé par la LDH

Le 4 janvier 2021, le directeur de l’administration pénitentiaire interdisait la diffusion du numéro 52 du journal L’Envolée dans toutes les prisons françaises en raison d’un dossier consacré au décès de plusieurs personnes détenues dans des conditions suspectes. Dans le même temps, il portait plainte pour diffamation. Il est reproché au journal, relais de la parole des personnes détenues et de leurs proches depuis près d’une vingtaine d’années, d’avoir « allégué des faits de violences volontaires commis par des personnels de l’administration pénitentiaire, dans l’exercice de leurs fonctions » et « imputé aux responsables hiérarchiques des auteurs de ces violences alléguées de ne pas les avoir dénoncées ».

Cette interdiction ne saurait occulter le problème de fond dénoncé par le journal : les violences commises par des agents de l’administration pénitentiaire sur des personnes détenues sont une réalité désormais largement documentée, tout comme les rouages institutionnels permettant qu’elles se perpétuent.
La section française de l’Observatoire international des prisons rapportait ainsi dans un rapport de juin 2019 être saisie de plusieurs témoignages par semaine de personnes détenues ou de leurs proches dénonçant des violences subies de la part de personnels pénitentiaires. Le décès récent de Jimony R. alors incarcéré au centre pénitentiaire de Meaux après avoir été, selon le témoignage d’un surveillant pénitentiaire, « roué de coups » notamment « à la tête (…) alors qu’il était menotté et maîtrisé au sol » vient également rappeler la tragique actualité de cette réalité.

Les mécanismes institutionnels qui permettent à cette réalité de perdurer sont également aujourd’hui parfaitement connus et identifiés : difficultés à réunir les preuves de faits qui se déroulent le plus souvent à l’abri des regards et des caméras de vidéosurveillance, manque d’information sur les modalités de dépôt de plainte et d’accompagnement juridique dans ces démarches, représailles pour les personnes détenues, leurs proches ou toute autre personne qui entendrait dénoncer des violences subies en détention, mutisme des autorités hiérarchiques qui préfèrent bien souvent détourner le regard, manque de diligence des autorités administratives et judiciaires dans la réalisation des enquêtes, et un « parole contre parole » qui tourne presque systématiquement à l’avantage de l’uniforme.

La censure du numéro 52 du journal L’Envolée, pour avoir relayé la parole de personnes détenues et de leurs proches sur cette réalité, est une nouvelle illustration de la chape de plomb que l’administration pénitentiaire met sur un phénomène qui devrait au contraire alerter et inquiéter. Plutôt que de s’en saisir à bras le corps, pour qu’aucune suspicion de comportement violent de la part d’un agent pénitentiaire sur une personne détenue ne puisse plus rester sans suite, l’administration pénitentiaire préfère tenter de faire taire celles et ceux qui s’en font l’écho. Attachées au respect des droits fondamentaux et de la dignité de toute personne, nos organisations continueront à soutenir toutes celles et tous ceux qui œuvrent pour que la lumière soit faite sur une réalité encore trop souvent ignorée et cachée. Pour que l’omerta qui règne sur les violences de surveillants pénitentiaires sur des personnes détenues prenne fin.

Paris, le 16 mars 2021

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Source: Violences de surveillants pénitentiaires sur des personnes détenues : l’omerta doit prendre fin

Lettre ouverte collective pour une véritable politique de déflation carcérale 3 juin, 2020

Lettre ouverte de plusieurs personnalités, dont Malik Salemkour, président de la LDH, concernant la surpopulation carcérale

Monsieur le Président,

Pour la première fois depuis près de vingt ans, il y a en France moins de prisonniers que de places de prison. Conséquence d’une crise sanitaire sans précédent, ce qui était hier impossible est devenu réalité : en deux mois, le nombre de personnes détenues a été réduit de plus de 13 500.
Cette situation fait naître un fol espoir. Car si elle résulte de circonstances exceptionnelles, elle impose une évidence incontestable : réduire la population carcérale, prendre en charge en milieu libre ceux qui peuvent ou doivent l’être, n’est ni déraisonnable, ni dangereux. C’est, au contraire, une mesure de salut public. Ces vingt dernières années, la France a connu une inflation carcérale continue qui a contraint les personnes détenues à vivre dans la promiscuité et l’indignité, et a condamné l’institution pénitentiaire à une quête vaine pour donner du sens à une peine de prison avant tout synonyme de désolation, désocialisation et déshumanisation. La baisse inédite que nous venons de connaître nous rappelle qu’une autre voie est possible. Que la volonté politique alliée à la mobilisation de l’ensemble des acteurs de la justice permet de remettre ou de maintenir en liberté des milliers de personnes sans que cela ne présente de danger en termes de sécurité.

Monsieur le Président, nous appelons à ce que cet espoir ne soit pas tué dans l’œuf. Il est essentiel de tout mettre en œuvre pour que la population carcérale ne reparte à la hausse dès la menace immédiate écartée. Le 30 janvier dernier, la Cour européenne des droits de l’homme condamnait la France pour les conditions de détention indignes qui règnent dans ses prisons et, surtout, sommait le gouvernement de prendre des mesures en vue de « la résorption définitive de la surpopulation carcérale ». Avec l’expiration du délai d’appel, cette décision historique est devenue, ce 30 mai, définitive.

La crise que nous traversons amène chacun à faire la preuve de sa capacité à se réinventer : nous demandons que, dans le domaine des prisons comme dans tant d’autres, les enseignements soient tirés. Qu’à la gestion de l’urgence succède une véritable politique de déflation carcérale à même de garantir l’encellulement individuel et des conditions de détention dignes et de favoriser la prise en charge en milieu libre de ceux qui peuvent ou doivent l’être. Nous attendons de la France qu’elle ne soit plus pointée du doigt par les instances européennes pour les traitements inhumains et dégradants qu’elle inflige aux prisonniers.

En mars 2018, vous affirmiez : « Je sais qu’une nation est jugée aussi à travers ses prisons. Beaucoup ne voudraient plus les voir, considérant que c’est la part maudite d’une nation. Mais nous serons regardés à l’aune de ce que nous ferons de cette part de nous-mêmes. » Le moment est venu, l’occasion est là : ne la manquez pas.

Paris, le 3 juin 2020

Premiers signataires : Estellia ARAEZ, présidente du Syndicat des avocats de France · Pierre-Martin AUBELLE, président de Possible · Aurélien BEAUCAMP, président de Aides · Esther BENBASSA, sénatrice (EELV) · Ugo BERNALICIS, député (LFI) · Delphine BOESEL, présidente de l’Observatoire international des prisons-section française · Philippe de BOTTON, président de Médecins du Monde France · Rachida BRAKNI, comédienne · Guy-Bernard BUSSON, président de l’Association nationale des assesseurs extérieurs en commission de discipline (ANAEC) · Olivier BRUNHES, dramaturge et écrivain · Dr Béatrice CARTON, présidente de l’Association des professionnels de santé exerçant en prison (APSEP) · Yvon CORVEZ, président du Club informatique pénitentiaire (CLIP) · Sorj CHALANDON, écrivain et journaliste · Philippe CLAUDEL, écrivain et réalisateur · Olivier COUSI, bâtonnier de Paris · Cécile DANGLES, présidente de l’Association nationale des juges de l’application des peines (ANJAP) · Marie DARRIEUSSECQ, écrivaine · Benoît DAVID, président de Ban Public · Dr Michel DAVID, président de l’Association des secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire (ASPMP) · Christophe DELTOMBE, président de la Cimade · Xavier DENECKER, président de l’Association nationale des visiteurs de prison (ANVP) · Brice DEYMIÉ, aumônier national protestant · Rokhaya DIALLO, journaliste et réalisatrice · Flore DIONISIO, secrétaire nationale CGT insertion-probation · Marie DESPLECHIN, écrivaine · Katia DUBREUIL, présidente du Syndicat de la magistrature · Éric DUPOND-MORETTI, avocat · Antoine DURRLEMAN, président du Casp-Arapej · Alexandre DUVAL-STALLA, président de Lire pour en sortir · Annie ERNAUX, écrivaine · Didier FASSIN, anthropologue · Éric FASSIN, sociologue · Véronique FAYET, présidente du Secours catholique · Christiane FÉRAL-SCHUHL, présidente du Conseil national des Barreaux · Hélène FONTAINE, présidente de la Conférence des bâtonniers · Bernadette FORHAN, présidente de l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (Acat) · Florent GUEGUEN, directeur général de la Fédération des acteurs de la solidarité · Marie HARDOUIN, présidente du Courrier de Bovet · Nancy HUSTON, écrivaine · Stéphane JACQUOT, fondateur de l’Association nationale pour la justice réparatrice · Grégoire KORGANOW, photographe · Jacqueline LAFFONT, avocate · Guy LARIBLE, président d’Auxilia · Christine LAZERGES, professeure émérite de l’Université Paris 1, ancienne présidente de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) · Henri LECLERC, avocat · Laurence LE LOUËT, co-secrétaire nationale du Syndicat national des personnels de l’éducation et du social-Protection judiciaire de la jeunesse (SNPES-PJJ/FSU) · Pierre LEMAITRE, écrivain · Amélie MORINEAU, présidente de l’association des avocats pour la défense des droits des détenus (A3D) · Florence MORLIGHEM, députée (LREM) · Jean-François PENHOUET, Aumônier national catholique · Franck PITIOT, comédien · Olivier PY, directeur du Festival d’Avignon · Nathalie QUINTANE, écrivaine · Dominique RAIMBOURG, ancien député (PS) · Flavie RAULT, secrétaire générale du Syndicat national des directeurs de prison (SNDP-CFDT) · Laurence RICHARD, secrétaire générale du Syndicat national de l’ensemble des personnels de l’administration pénitentiaire (SNEPAP-FSU) · Sophie ROCHE, vice-présidente d’Emmaüs France · David ROCHEFORT, écrivain · Christian SAINT-PALAIS, président de l’Association des avocats pénalistes (ADAP) · Malik SALEMKOUR, président de la Ligue des droits de l’Homme (LDH) · Lydie SALVAYRE, écrivaine · Alexis SAURIN, président de la Fédération des associations réflexion action prison et justice (Farapej) · Anne SINCLAIR, journaliste · Marielle THUAU, présidente de Citoyens & Justice · Bruno SOLO, comédien · Patrice SPINOSI, avocat · Alain VILLEZ, président des Petits frères des Pauvres · Aumônerie musulmane · Aumônerie bouddhiste des prisons…

Source: Lettre ouverte collective pour une véritable politique de déflation carcérale

Lettre ouverte à Mme Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la Justice 22 novembre, 2018

Lettre ouverte signée par plusieurs organisations dont la LDH

La décision de la direction de l’administration pénitentiaire de ne pas renouveler la convention la liant au Genepi met cette association étudiante en péril. Considérant que « le rôle du Genepi est essentiel pour le respect de la dignité (des personnes détenues) comme pour notre démocratie » de nombreuses associations et personnalités demandent à la garde des Sceaux de rétablir cette convention.

Le Genepi est une association étudiante œuvrant auprès des personnes incarcérées depuis 42 ans. Le 20 septembre 2018, la direction de l’administration pénitentiaire (DAP) a annoncé de manière brutale au Genepi le non-renouvellement de la convention qui les liait. Suite à cette décision, ses bénévoles se sont déjà vu refuser l’accès à de nombreux établissements pénitentiaires dans toute la France entraînant un arrêt des activités auprès des personnes incarcérées. Cette décision menace aujourd’hui la raison d’être, le décloisonnement du monde carcéral, et l’existence même du Genepi en remettant en cause son fonctionnement, sa liberté d’expression et son indépendance.

Cette volonté de faire taire une association qui compte plus de 800 jeunes bénévoles nous choque. Elle constitue un très mauvais signal pour encourager l’engagement de la jeunesse dans les associations.

Il apparaît que le Genepi est la cible d’une sanction politique visant à empêcher les étudiants du Genepi d’entrer dans les établissements pénitentiaires, de témoigner de ce qu’ils y voient et d’alerter sur les conditions de détention des personnes qu’ils y rencontrent.

Alors que 37 établissements ont été condamnés par la Cour européenne des droits de l’Homme et la justice française, que la surpopulation carcérale bat des records et que les conditions de vie des personnes détenues se détériorent gravement, il nous semble que le rôle du Genepi est essentiel pour le respect de leur dignité comme pour notre démocratie.

D’autre part, le Genepi est un lieu d’apprentissage citoyen pour la jeunesse. Depuis 42 ans, elle a permis à des dizaines de milliers d’étudiantes et étudiants de se sensibiliser et réfléchir aux problématiques en lien avec les institutions carcérales et judiciaires. Ces jeunes citoyens, formés et engagés, se retrouvent souvent par la suite dans des parcours professionnels qui croisent ceux de nos organisations, universités ou institutions. Parmi eux se trouvent de futurs acteurs et actrices du monde prison-justice, qui reçoivent ainsi une première formation de qualité dans le cadre d’une structure historique et au contact de la réalité du terrain.

Le non-renouvellement de la convention nationale pourrait signer la mort du Genepi tel qu’il existe depuis 42 ans, alors qu’aucun des gouvernements successifs n’a remis en cause l’utilité publique de l’association ni sa liberté d’expression. Sanctionner une association critique qui est un témoin des conditions de détention au sein des prisons françaises est un fait grave et un déni de démocratie.

Nous vous demandons, Madame la Garde des Sceaux, d’intervenir au plus vite pour rétablir la convention nationale liant le Genepi et la direction de l’administration pénitentiaire, car cette convention est indispensable pour le bon déroulement des actions de ces bénévoles auprès des personnes détenues.

Veuillez agréer, Madame la Ministre, notre considération distinguée.

Associations signataires : A3D, Association des avocats pour la défense des droits des détenus ; ACAT, Action des chrétiens pour l’abolition de la torture ; Afev, Association de la Fondation étudiante pour la ville, Aides ; Anafé, association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers ; Artag, accompagnement social des Gens du voyage, des tsiganes, des voyageurs ; Artogalion ; Bamm, bureau d’accueil et d’accompagnement des migrants ; Ban public ; Bruxelles laïque ; Collectif des associations citoyennes (CAC) ; CGT Syndicat SPIP ; Champ libre ; Coexister ; Comede ; Confluences ; Fédération des acteurs et actrices des danses traditionnelles (FAMDT) ; Fédération des associations réflexion-action, Prison et justice (Farapej) ; Fédération addiction ; Fédération des acteurs de la solidarité ; FièrEs ; Filmogène, Production de films de fiction et de documentaires, courts et longs métrages ; Genepi Belgique ; Gisti, groupe d’information et de soutien des immigré.e.s ; Ingénieurs sans frontières ; La Cimade ; La clé des ondes Bordeaux ; L’Etincelle, pour une éducation populaire politique ; Le Collectif des associations citoyennes ; Le MAG, jeunes LGBT ; Les Désobéissants ; Les Petits frères des pauvres ; Ligue des droits de l’Homme ; Observatoire de l’enfermement des étrangers (OEE) ; OSB IV ; Ovale citoyen ; Radio Campus Paris ; Refeed, Réseau français des étudiants pour le développement durable; RESF, Réseau éducation sans frontières ; Saf, Syndicats des avocats de France ; Secours Catholique ; SNEPAP-FSU, Syndicat national de l’ensemble des personnels de l’administration pénitentiaire ; SNPES-PJJ-FSU, Syndicat national des personnels de l’éducation et du social ; Solidaires Etudiants ; Solidaires Jeunesse et Sports ; Solidaires Justice ; Solidaires national ; SOS pour les prisonniers ; Syndicat Asso-Solidaires ; Syndicat de la magistrature, Syndicat pour la protection et le respect des prisonnier.e.s ; UFISC, Union fédérale d’intervention des structures culturelles ; Unef, Union nationale des étudiants de France.

Personnalités : Cécile Duflot, directrice générale d’Oxfam France, ancienne secrétaire nationale, ministre et députée ; Christian Daniel, Directeur des Services pénitentiaires d’insertion et de probation honoraire ; Etienne Noël, avocat ; Gabriel Mouesca, ancien président de l’Observatoire International des Prisons ; Henri Leclerc, avocat pénaliste ; Marie-Pierre De la Gontrie, sénatrice socialiste, Stéphane Mercurio, cinéaste ; Xavier Renou, des Désobéissants.

 

Source: Lettre ouverte à Mme Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la Justice

ENFERMEMENT DES MINEUR-E-S, JUSTICE DES ENFANTS ET DES ADOLESCENT-E-S : UN ENJEU MAJEUR 3 février, 2018

Communiqué commun

Un anniversaire de plus et toujours rien à l’horizon du côté d’une réforme ambitieuse de l’ordonnance du 2 février 1945 régissant la justice des enfants et des adolescent.e.s. Après les rares modifications adoptées en 2016, ce texte fondateur est promis à une réforme à nouveau parcellaire, perdue dans la loi de programmation pour la justice, bien loin des besoins de la jeunesse.

Et les dispositions éparses qui s’annoncent, encore une fois, ne reviennent pas sur l’enfermement et le contrôle et ne tiennent pas compte de la variété des outils éducatifs. En effet, le projet de simplification de la justice des mineur.e.s avalise la création de 20 nouveaux centres éducatifs fermés. Face, au constat d’échec des prises en charge dans ces structures, il est question d’en « ouvrir les portes », notamment par des possibilités de périodes de placement sous d’autres formes sans peur de l’injonction paradoxale qui en découle. Il prévoit également l’expérimentation sur trois ans d’une activité d’accueil de jour, proposition qui loin d’être une nouveauté maintient le présupposé simpliste qu’en occupant les adolescent.es, en les contenant dans un emploi du temps, on évite la commission d’un nouveau délit, le tout sans les moyens, ni les garanties pédagogiques de rigueur.

Là où la Convention internationale des droits de l’enfant et l’ordonnance de 1945 prévoient le caractère exceptionnel de l’emprisonnement, au 1er décembre 2017, 799 mineur.e.s étaient encore incarcéré.es en France, dans les 44 quartiers mineur.es des maisons d’arrêt et les 6 établissements pénitentiaires pour mineur.es.

Au-delà de ce chiffre déjà inquiétant à lui seul, la population adolescente concernée par l’enfermement est bien plus importante : il faut y ajouter le chiffre « gris » des jeunes majeur.e.s incarcéré.e.s – statistique hélas inconnue – pour des faits commis pendant leur minorité, et qui subissent les conditions de détention des majeurs, sans prise en charge adaptée.

Cette inflation de l’incarcération trouve son prolongement dans l’enfermement dans les 52 centres éducatifs fermés, dont la nature prévaut sur l’éducatif, qu’elles que soient les intentions des professionnel.le.s y exerçant. Enfin, les mesures de probation – largement empreintes, aujourd’hui, de surveillance et de contrôle – prennent le pas sur les mesures éducatives, produisant mécaniquement des situations d’enfermement via la sanction du non respect des mesures. Entre 2005 et 2016, la part de contrôles judiciaires sur les mesures confiées à la Protection judiciaire de la jeunesse suite à la commission d’une infraction est en effet passée de 6,21% à 11,91%.
La Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) a été saisie d’une demande d’avis sur l’enfermement des mineurs. Cela témoigne de la prise de conscience de la ministre de la Justice, que nous avions à plusieurs reprises interpellée sur le sujet. Il est désormais urgent d’agir pour faire cesser cette situation.

Réorienter les moyens exorbitants dédiés aux lieux privatifs de liberté, dont les centres éducatifs fermés, vers les lieux destinés à l’accompagnement éducatif en milieu ouvert, dont les hébergements dits « classiques » et les services d’insertion, préférer les mesures éducatives aux mesures de probation, limiter voir supprimer la détention provisoire, renforcer la spécialisation des acteurs et actrices judiciaires sont autant de pistes à explorer pour remettre efficacement l’action éducative au cœur des prises en charge.

C’est pour raviver l’esprit de l’ordonnance de 1945, à proximité de sa date anniversaire que nous organisons un colloque les 9 et 10 février prochain à la Bourse du travail de Paris, revenant sur les mécanismes à l’œuvre dans les lieux d’enfermement, leurs effets spécifiques sur des adolescent.e.s et les implications sur le travail éducatif effectué avec ces jeunes.

Il ne s’agit pas, ici, de cultiver la nostalgie d’un texte qui, au gré des modifications y a perdu une partie de son essence, mais d’explorer des perspectives de nature à réhabiliter son objet même, contenu dans son préambule : la France n’est pas assez riche d’enfants pour qu’elle ait le droit d’en négliger tout ce qui peut en faire des êtres sains.

 

Paris, le 2 février 2018

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Source: ENFERMEMENT DES MINEUR-E-S, JUSTICE DES ENFANTS ET DES ADOLESCENT-E-S : UN ENJEU MAJEUR