Les associations nationales d’hébergement et de lutte contre l’exclusion ont été réunies aujourd’hui par le ministre de l’Intérieur et le ministre de la Cohésion des territoires pour une présentation du projet gouvernemental d’examen de la situation administrative des étrangers présents dans les centres d’hébergement accueillant les sans-abri.
Cette orientation prévue par circulaire répond à la volonté de l’Etat d’identifier, dans les centres d’hébergement, les personnes étrangères dont le statut administratif est précaire, notamment les personnes sous statut Dublin ou déboutées du droit d’asile. Des équipes mobiles, constituées d’agents de l’OFII et des préfectures, feront des visites de contrôle dans les centres d’hébergement.
Lors de cette rencontre ce matin, les associations ont dit aux ministres que cette réunion ne pouvait en rien se substituer à la demande de rendez-vous avec le Président de la République qu’elles ont saisi par courrier le 14 novembre 2017.
Dans un contexte d’extrême saturation du parc hébergement, les associations ont réaffirmé les principes et priorités de leur action vis-à-vis des étrangers :
▶ L’accueil inconditionnel de toute personne en situation de détresse présente sur le territoire est un principe socle du code de l’action sociale et des familles : il s’oppose au tri des sans-abri en fonction de leur situation administrative. Ce principe qui constitue l’ADN des associations de lutte contre l’exclusion n’est pas négociable. C’est également un marqueur fort des valeurs de solidarité et républicaines de notre pays.
▶ Les services de police ne peuvent intervenir dans les centres d’hébergement en dehors de l’application d’une décision de justice.
▶ La Cnil encadre strictement la transmission d’informations individuelles : les associations veilleront scrupuleusement au respect de ce cadre légal.
▶ le renforcement des mesures de contrôle des personnes dans les lieux d’hébergement va précariser les personnes, dont des familles avec enfants, les éloigner des structures d’accueil en favorisant ainsi la reconstitution de squats et campements indignes, particulièrement dans les grandes villes.
Enfin les associations rappellent que l’Etat a toujours la possibilité de requalifier le statut des personnes sous Dublin afin qu’elles puissent demander l’asile en France et bénéficier des conditions d’hébergement et d’accompagnement garanties par le droit commun.
Sur ces principes – notamment le respect du principe d’accueil inconditionnel dans l’hébergement et le respect des missions d’accompagnement des associations en faveur des personnes en situation de précarité, quelle que soit leur situation – les associations réitèrent leur demande d’être reçues et entendues par le chef de l’Etat.
Paris, le 8 décembre 2017
Associations signataires :
Fédération des acteurs de la solidarité /// Fédération entraide protestante /// Cimade /// Fondation de l’armée du salut /// Emmaüs France /// Emmaüs Solidarité /// Fondation Abbé Pierre /// Médecins du monde /// Secours catholique /// Uniopss /// Samu Social de Paris /// Dom’asile /// Ligue des droits de l’Homme /// Association des cités du Secours Catholique /// Le Refuge /// Amicale du nid /// Centre Primo Levi /// JRS France /// France Terre d’asile
Lettre ouverte de plusieurs organisations, dont la LDH, concernant les conditions d’accueil des étrangers en France
Monsieur le Président de la République, Les associations qui hébergent, accompagnent et favorisent l’accès aux droits des personnes précaires souhaitent vous saisir de leurs vives inquiétudes face à l’évolution de l’accueil des étrangers sur notre territoire, notamment du dispositif d’accueil des demandeurs d’asile et du rôle attribué aux associations dans l’orientation de ces publics.
L’arrivée depuis quelques années d’un nombre plus important de migrants, en situation de grande précarité sociale et sanitaire, oblige à repenser une politique d’accueil respectueuse des droits et des besoins fondamentaux des personnes.
Nos missions associatives nous obligent à réagir envers celles et ceux qui arrivent, quel que soit leur statut administratif, et qui nous sollicitent pour un hébergement, un accès aux soins, une aide, un accompagnement sur les difficultés qu’ils rencontrent au quotidien.
Nos associations se sont mobilisées, certaines avec les services de l’Etat, de l’OFII, de l’OFPRA pour accueillir au mieux ces migrants pour tenter de répondre le mieux possible à leurs besoins ; mais nous constatons la dégradation des conditions d’accueil qui leur sont proposées. Ainsi se sont multipliés particulièrement en Ile de France à la suite des évacuations de campements, les accueils en gymnase ou dans des salles collectives dans des conditions peu respectueuses de l’intimité et de la dignité. Dans le même temps, les actions à l’encontre de l’installation des migrants et de leurs soutiens se multiplient également à Calais, près de la frontière italienne, dans le nord-est de Paris sans que l’Etat n’assure l’accès aux prestations humanitaires et aux droits fondamentaux des personnes. L’installation d’un campement de plusieurs centaines de personnes à Metz illustre également l’urgence de la situation.
Le premier accueil des demandeurs d’asile reste quant à lui également très défaillant sur plusieurs points du territoire avec des délais anormalement longs d’enregistrement de la demande d’asile (jusqu’à 5 mois alors que la loi prévoit 3 jours). Ceux-ci retardent l’orientation des personnes vers l’hébergement et l’ouverture des droits à l’allocation pour demandeur d’asile. Cette situation, contraire aux dispositions de la loi de juillet 2015, contraint les personnes en demande de protection à vivre dans une situation d’extrême précarité, à la rue et sans ressources, laissant les seuls acteurs associatifs et bénévoles subvenir à leurs besoins fondamentaux. Le dysfonctionnement du premier accueil sur les territoires nuit à la solidarité territoriale et renforce aujourd’hui la situation d’arrivée massive en Ile de France, seule possibilité pour les personnes d’accéder plus rapidement à la demande d’asile.
Par ailleurs, la réforme de l’asile avait porté le modèle CADA comme pivot du dispositif national d’accueil. L’annonce de créations de places CADA et CPH sont des avancées positives. Cependant nous constatons aujourd’hui que, face à l’insuffisance des capacités d’accueil, se développent massivement des dispositifs dérogatoires au CADA, qui abaissent les conditions matérielles d’accueil (CAES à Calais, CPO, Pradha…). Ces dispositifs complexifient le parcours des personnes dans l’asile sans prendre en compte leurs besoins de protection et rendent illisible la politique d’accueil et le rôle des associations dans leurs missions d’accompagnement de ces publics.
En effet, la spécialisation en cours de centres d’hébergement dédiés à l’accueil des personnes sous statut Dublin et la généralisation des mesures d’assignation à résidence, en vue du transfert des personnes vers l’Etat responsable de leur demande d’asile sont des mesures contestables avec un faible niveau de transfert effectif, notamment vers les pays du Sud de l’Europe. Elle place les associations gestionnaires de ces capacités d’accueil dans des missions de contrôle contraires à la déontologie du travail social qui nécessite confiance et adhésion au projet de la personne. Les demandeurs d’asile sous statut Dublin ont les mêmes besoins de protection que les autres demandeurs d’asile et ont par conséquent droit à des conditions matérielles d’accueil dignes et à un accompagnement en fonction de leurs besoins, notamment en matière de santé et d’accès à la procédure d’asile. Dans certaines situations, Leur demande peut être requalifiée pour qu’ils accèdent à cette procédure d’asile en France. Plus globalement les accords de Dublin se révèlent peu applicables et la France doit demander leur renégociation, au niveau européen, en renforçant la solidarité entre les Etats membres et en priorisant le respect des droits fondamentaux des personnes.
Enfin, nous sommes inquiets des orientations annoncées dans le cadre de la prochaine loi asile qui va durcir les mesures à l’encontre des personnes sous statut Dublin ou qui sont déboutées du droit d’asile. La reconduite « massive » des personnes déboutées est peu réaliste. Nous pensons en particulier que l’accès à un titre de séjour des personnes présentes depuis plusieurs années sur le territoire national, dont l’éloignement n’est plus envisageable, doit être privilégié. Cette mesure permettrait de donner des perspectives de sortie de l’hébergement à des milliers de familles et atténuerait de ce fait l’extrême saturation de ces dispositifs.
Nous vous rappelons enfin que le socle de nos missions se fonde sur le principe d’accueil inconditionnel qui prévoit que toute personne en situation de détresse présente sur le territoire, a le droit à un hébergement et un accompagnement. Les associations n’envisagent pas d’intervenir dans un autre cadre et s’opposent clairement au tri des personnes sans abri en fonction de leur statut administratif pour refuser leur prise en charge. Ce principe de sélection serait contraire aux missions du travail social et entrainerait la reconstitution de campements et d’habitats indignes, souvent en présence d’enfants, avec tous les risques de santé publique qui en découleraient. Le Défenseur des Droits a également récemment pointé les menaces pour les droits fondamentaux d’une remise en cause de l’inconditionnalité. Mobilisés sur le respect des droits fondamentaux des personnes qui demandent la protection de la France et des conditions de vie dignes, nous sommes à votre disposition pour un échange sur ces sujets sensibles.
Nous vous prions de croire Monsieur de Président de la République, en l’expression de notre respectueuse considération.
Associations signataires : Louis Gallois, président de la Fédération des Acteurs de la Solidarité ; Laurent Desmard, président de la Fondation Abbé Pierre ; Patrick Doutreligne, président de l’Uniopss ; Pierre Coppey, président d’Aurore ; Nicolas Noguier, président Le Refuge ; Thierry Kuhn, président d’Emmaüs France ; Paul Duprez, président d’Emmaüs solidarité ; Hélène de Rugy, déléguée générale de l’Amicale du nid ; Véronique Fayet, présidente du Secours catholique ; Geneviève Jacques, présidente de La Cimade ; François Soulage, président du Collectif Alerte ; Eric Pliez, président du Samu Social de Paris ; Françoise Sivignon, présidente de Médecins du Monde, Malik Salemkour, président de la Ligue des droits de l’Homme ; Antoine Ricard, président du Centre Primo levi ; Jean-Marie Dru, président de l’Unicef France ; Jacques Mercier, président de Dom’Asile ; Michel Croc, président du Service Jésuite des Réfugiés France ; Thierry Le Roy, président et Pierre Henry Directeur général France terre d’asile ; Antoine Durrleman, président du CASP, Centre d’action sociale protestant ; Jean-Michel Hitter, président de la Fédération de l’Entraide Protestante
Pour seule réponse, les pouvoirs publics ont développé un discours alliant « humanité et fermeté » et, sur le terrain, des politiques qui ne répondent pas, voire aggravent, la situation des étranger-e-s. La chasse aux migrants continue dans les Alpes, près de Calais et partout en France, tandis que les procès de citoyens solidaires se succèdent. Quant à la concertation réclamée, elle s’est limitée jusqu’à présent à des rencontres ponctuelles bilatérales avec quelques acteurs de la société civile…
Début septembre, le Président Macron a annoncé la préparation et le débat prochain d’un projet de loi « sur l’immigration », dont les maîtres-mots devraient être la sélection accrue entre « bons » et « mauvais » migrants, l’accélération des reconduites aux frontières, et l’externalisation renforcée de la politique de contrôle migratoire, en Libye, au Tchad ou au Niger.
Associations et collectifs citoyens ont décidé de s’organiser pour que leurs constats, leurs demandes et leurs propositions soient entendus.
Lors de cette conférence de presse, elles dresseront un premier bilan des 6 mois passés, en rendant compte des expériences et des situations constatées dans plusieurs régions de France.
Elles annonceront le lancement des États généraux des migrations, qui se traduiront par :
Des concertations décentralisées partout en France ;
Des actions d’interpellation et de mobilisation citoyenne en réaction au projet de loi ;
Un événement national au printemps 2018.
Cette dynamique et ses objectifs seront présentés avec et par :
– Cédric Herrou, de La Roya citoyenne, et Pierre-Alain Mannoni, de Solidarité migrants 06, tous deux condamnés pour « Délit de solidarité »
– Nan Suel, co-présidente de Terre d’Errance, à Norrent-Fontes, dans le Pas-de-Calais
– Bénédicte Chauvet, militante du collectif parisien Les P’tits déj à Flandre
– Michel Rousseau, pour Mouvement citoyenTous migrants ! à Briançon
– Thomas Dessalles, inspecteur du travail, CGT-SNTEFP représentant la Campagne « Contre le travail dissimulé, pour la régularisation des sans-papiers »
– Jean-Claude Mas, secrétaire général de La Cimade
– Nathalie Péré-Marzano, déléguée générale d’Emmaüs International
Seront également présent⋅e⋅s des membres d’associations nationales (Amnesty International, CCFD-Terre solidaire, CRID, Emmaüs France, Gisti, Fasti, Ligue des droits de l’Homme, Médecins du Monde, le Secours catholique, notamment) et de collectifs locaux impliqué⋅e.s dans le processus des États Généraux des Migrations.
Appel pour que la solidarité ne devienne pas un délit, signé par Malik Salemkour, président de la LDH
Chaque jour des dizaines de migrants fuyant la guerre, la misère ou l’oppression tentent de demander asile à la France au bout d’un long parcours de cauchemar.
Notre pays, au regard de son histoire et de ses responsabilités internationales, se devrait de les accueillir dans le respect de leur dignité, avec la bienveillance et le réconfort qui leurs sont dus.
Au lieu de cela, dans la vallée de la Roya, des migrants et particulièrement des mineurs, sont systématiquement rejetés en Italie. La loi est ainsi bafouée et piétinée. Alors de simples citoyens de cette vallée qui n’acceptent pas ce règne de l’inhumanité font face, avec honneur, aux défaillances de l’État. Ils accueillent, nourrissent, soignent, logent ces personnes affaiblies et souvent exténuées.
Parmi ces justes, un jeune agriculteur, Cédric Herrou, a mis sa ferme à disposition. Il a été condamné à 4 mois d’emprisonnement avec sursis et risque aujourd’hui la prison parce qu’il refuse d’abdiquer ce qu’il appelle son « devoir d’hospitalité ». C’est également le cas du chercheur niçois Pierre-Alain Mannoni et de bien d’autres de la Roya citoyenne.
Nous n’acceptons pas que la solidarité, l’hospitalité, la fraternité, dont ils font preuve, deviennent des délits. Nous n’acceptons pas que le courage et le désintéressement soient criminalisés.
Ces valeurs sont les seules qui vaillent pour construire une société et un monde pacifiques, plus justes et humains. Que deviendraient nos enfants si nous leurs apprenons que la solidarité, l’entraide, le soin de l’autre sont punis par les tribunaux ?
Nous demandons au gouvernement qu’il prenne toute sa part de l’accueil des migrants et que cessent les harcèlements. Nous demandons l’arrêt des poursuites contre Cédric Herrou et ses compagnons… Ou alors, poursuivez-nous, toutes et tous, pour délit d’humanité ! Premier-e-s signataires :
Dans le zèle qu’ils mettent à toujours accueillir moins et expulser plus, plusieurs préfets ont allègrement franchi le cap de la violation délibérée de la loi.
Ce sont les « dubliné-e-s » qui en font les frais, ces demandeurs et demandeuses d’asile auxquel-le-s il est imposé de retourner effectuer cette démarche dans le premier pays européen d’accueil, en application du règlement dit « Dublin III ».
Par un arrêt du 15 mars 2017 [1], la Cour de justice de l’Union européenne a jugé que celles et ceux qui doivent être transféré-e-s dans ce premier pays d’accueil ne peuvent être préalablement placé-e-s en centre de rétention que si la loi nationale a déterminé les critères objectifs permettant de craindre qu’ils-elles prennent la fuite. Et par un arrêt du 27 septembre 2017 [2], la Cour de cassation a jugé « qu’en l’absence [dans la législation française] de disposition contraignante de portée générale, fixant les critères objectifs sur lesquels sont fondées les raisons de craindre la fuite du demandeur d’une protection internationale qui fait l’objet d’une procédure de transfert », un tel placement en rétention était illégal.
Et pourtant, nombre de ces hommes et femmes « demandeurs d’une protection internationale » sont encore convoqué-e-s dans les préfectures pour y être interpellé-e-s et placé-e-s en rétention, avant d’être ensuite rapidement transféré-e-s dans un autre pays avant même qu’un juge ait pu constater l’irrégularité de la procédure.
Autrement dit, ces préfets pratiquent la privation de liberté en dehors de tout cadre légal.
Faut-il rappeler que les personnes concernées n’ont commis aucun délit, qu’elles sont parmi les plus vulnérables, qu’elles ont fui leur pays pour préserver leur liberté ou sauver leur vie, et qu’elles attendent simplement que l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) – ou tout autre organisme équivalent dans un pays de l’Union européenne – statue sur leur cas ?
Le gouvernement organise-t-il la violation de la loi en ordonnant aux préfectures d’organiser des procédures aussi illégales qu’expéditives, ou s’agit-il d’initiatives individuelles de préfets zélés qui, coïncidence troublante, décideraient au même moment de s’opposer aux décisions des plus hautes juridictions ?
Dans un cas comme dans l’autre, un retour à l’Etat de droit s’impose. C’est pour que ses exigences soient fermement rappelées que les associations de défense des droits et les avocats qui défendent les personnes demandeuses d’asile s’adressent solennellement au gouvernement.
Paris, le 25 octobre 2017
Signataires : Acat, ADDE, Ardhis, Centre Primo Levi, Droit d’urgence, Fasti, Gisti, Genepi, JRS, La Cimade, Ligue des droits de l’Homme, Mrap, Observatoire citoyen du CRA de Palaiseau, OEE, revue Pratiques, Saf, SMG, Syndicat de la magistrature.
Communiqué de l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme et de la LDH
L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme (un partenariat FIDH-OMCT) et la Ligue française des droits de l’Homme (LDH) condamnent fermement la multiplication des cas de harcèlement à l’encontre des personnes solidaires et défenseurs des droits des migrants et réfugiés.
Le 2 octobre 2017, le Tribunal de grande instance de Nice a une nouvelle fois condamné un individu pour avoir « aidé l’entrée, la circulation et le séjour irrégulier d’un étranger en France » aux termes de l’article L.622-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda). M. Raphaël Faye Prio, étudiant de 19 ans, a été condamné à trois mois de prison avec sursis pour avoir transporté quatre personnes en situation irrégulière depuis la gare de Saorge au domicile de M. Cédric Herrou, alors que ceux-ci n’avaient pas de toit où passer la nuit.
« L’assistance portée par Cédric Herrou, Pierre-Alain Mannoni, Raphaël Faye Prio et toutes les autres personnes condamnées relevait de la responsabilité des autorités françaises et ne devrait pas être incriminée par celles-ci. Ces personnes ont agi là où les autorités ne le font pas, pour garantir la dignité de personnes migrantes et réfugiées » ont déclaré nos organisations.
Dans une note conjointe publiée aujourd’hui, l’Observatoire et la LDH dénoncent la multiplication des cas de harcèlement et appellent les autorités à garantir une protection efficace contre les poursuites visant des actions « humanitaires et désintéressées » en amendant les dispositions imprécises de l’article L.622-4 du Cedesa ayant donné lieu à des interprétations permettant la poursuite pénale de personnes pour avoir mené des actions « humanitaires et désintéressées ».[1]
« En assumant une telle politique de criminalisation, les autorités françaises fragilisent le statut des défenseurs des droits humains. C’est un déni du fondement de la déclaration sur les défenseurs adoptée à Paris en 1998 selon laquelle ‘défendre les droits humains est non seulement un droit pour tous mais aussi une obligation’ ».
La LDH et l’Observatoire s’indignent à nouveau de voir la solidarité envers les migrants et les réfugiés être jugée comme un délit et réaffirment leur totale solidarité avec Raphaël Faye Prio, Cédric Herrou, Pierre-Alain Mannoni et tous les défenseurs des droits des personnes migrantes et réfugiées en France.
L’Observatoire, partenariat de la FIDH et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’Homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible. La FIDH et l’OMCT sont membres de ProtectDefenders.eu, le mécanisme de l’Union européenne pour les défenseurs des droits de l’Homme mis en œuvre par la société civile internationale.
Créée en 1898 à l’occasion de l’affaire Dreyfus, la Ligue des droits de l’Homme (LDH) s’est donnée pour objectif de défendre toute personne ou groupe de personnes victimes d’injustice ou d’atteintes à leurs droits. Association laïque, généraliste et politique, quoique non partisane, elle entend lutter contre les atteintes aux droits de l’individu, dans tous les domaines de la vie civique, politique et sociale. Elle veut aussi promouvoir la citoyenneté politique et sociale de tous et garantir l’exercice entier de la démocratie. C’est en ce sens qu’agissent ses 9 500 adhérents, dans plus de 300 sections en France.
L’ Association européenne pour la défense des droits de l’Homme (AEDH) appelle le gouvernement belge et tout autre Etat membre concerné à cesser immédiatement toute collaboration avec la dictature soudanaise.
Théo Francken, Secrétaire d’Etat belge à l’asile et la migration, a fait appel à des agents soudanais pour effectuer des contrôles d’identification dans le Parc Maximilien, à Bruxelles, où de nombreux migrants ont trouvé ‘refuge’. L’Association Européenne pour la Défense des droits de l’Homme (AEDH) condamne avec la plus grande force ce recours à des agents soudanais au service du régime dictatorial du Président Omar Hassan Ahmad el Béchir, lui-même visé par deux mandats d’arrêt internationaux pour génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre. Cette identification des ressortissants soudanais et les retours forcés qui s’en suivront mettent en péril la vie de ces personnes et de leurs familles. Cette situation est non seulement inquiétante mais aussi inacceptable parce que contraire, notamment, à l’article 19 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Cette disposition interdit le renvoi de toute personne vers un Etat où il existe un risque sérieux qu’elle soit soumise à la peine de mort, à la torture ou à d’autres traitements inhumains ou dégradants. L’AEDH appelle le gouvernement belge et ceux de tous les États membres concernés à cesser immédiatement toute collaboration avec la dictature soudanaise.
Pour répondre à cette polémique, les déclarations du gouvernement belge se sont, jusqu’à présent, limitées à arguer que d’autres Etats membres recourent aux mêmes pratiques. En effet, des missions d’identification de ressortissants soudanais similaires ont également eu lieu en France, et des retours forcés vers le Soudan sont pratiqués depuis l’Allemagne, l’Italie et la Suède. Rappelons que la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a condamné la France (2015) et la Suisse (2017) à l’occasion du renvoi de Soudanais dans leur pays.
Par ailleurs, le Premier ministre belge Charles Michel a affirmé qu’il ne s’agit pas d’un accord avec le Soudan mais d’un « cadre technique de durée temporaire » découlant du Processus de Khartoum, initié par l’UE en 2014 et concrétisée suite au Sommet de la Valette sur la migration, qui vise à renforcer les coopérations entre pays d’origine, de transit et de destination. Suite à la demande de députés belges pour une mise à disposition des accords passés entre l’UE et le Soudan, Charles Michel a répondu qu’il « ne dispose pas d’un document car il n’y a pas eu de décision formelle du conseil des ministres ».
En tout état de cause, l’AEDH tient à rappeler l’obligation pour la Belgique et pour tous les Etats de l’UE de respecter les conventions internationales en matière de droits fondamentaux. S’associer avec le Soudan, un pays connu pour les violences perpétrées à l’égard de sa population et les violations répétées des droits fondamentaux, est indigne et inacceptable de la part de tout gouvernement européen. L’AEDH exhorte tous les gouvernements des États membres à stopper toute collaboration avec le Soudan.
L’AEDH manifeste également son profond désaccord à l’égard de la politique intensive de retours menée par l’UE, au dépend de la vie de milliers de personnes cherchant refuge.
Nouvelles informations FRA 001 / 0817 / OBS 092.1 Garde à vue / Libération / Harcèlement France
14 septembre 2017
L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, partenariat de la FIDH et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), a reçu de nouvelles informations et vous prie d’intervenir de toute urgence sur la situation suivante en France.
Nouvelles informations :
L’Observatoire a été informé par la Ligue des droits de l’Homme (LDH) de la poursuite du harcèlement judiciaire de M. Cédric Herrou, militant engagé dans des actions d’aide et d’accueil des personnes migrantes et réfugiées notamment dans la vallée de la Roya, région des Alpes Maritimes qui borde la frontière italienne, et membre du conseil d’administration de l’association « Roya citoyenne », une association de défense des migrants de la vallée franco-italienne de La Roya. M. Herrou dénonce particulièrement le refoulement illégal de migrants, notamment des mineurs, des Alpes Maritimes vers l’Italie.
Selon les informations reçues, le 12 septembre 2017 vers 9h, M. Cédric Herrou et un demandeur d’asile qui vit chez lui se sont rendus à la gendarmerie de Breil suite à une convocation donnée sans explications. A leur arrivée, ils ont été arrêtés et mis en garde à vue pour « violences » et « séquestration ». Vers 10h, 15 policiers ont mené une perquisition sur le terrain de M. Herrou, et ont fouillé la caravane où vit le demandeur d’asile. Au cours de cette perquisition, des dégâts ont été occasionnés sur une caravane et trois tentes ont été déchirées. M. Herrou et le requérant d’asile ont ensuite été transférés de la gendarmerie de Breil à la police aux frontières de Menton puis à la caserne de police Auvare à Nice. Les deux n’ont été libérés qu’aux environs de 16h le 13 septembre, après plusieurs interrogatoires et une confrontation.
Cette nouvelle procédure fait suite à une plainte déposée par un trafiquant d’êtres humains dénoncé par M. Herrou fin juillet et condamné à huit mois de prison ferme dans la foulée. En effet, fin juillet, M. Herrou avait découvert un passeur parmi les personnes qu’il hébergeait et qui avait reconnu les faits. M. Herrou et son équipe avait alors contacté la gendarmerie vers 11h du matin. En attendant l’arrivée de cette dernière, M. Herrou et ses bénévoles se sont relayés sur le canapé à côté du passeur pour éviter qu’il ne s’échappe. Pendant cette attente, il a pu avoir de l’eau, le droit d’aller aux toilettes, et des repas. Vers 19h, alors que la gendarmerie ne s’était toujours pas déplacée, M. Herrou et son équipe l’avaient conduit à la gendarmerie, où il a été arrêté. Aucune violence n’a été exercée pendant cette période. Le demandeur d’asile placé en garde à vue le 12 septembre en compagnie de M. Cédric Herrou avait également participé à son arrestation par la police.
L’Observatoire rappelle que M. Herrou est régulièrement convoqué par la police, et qu’il s’agit de sa septième garde à vue depuis 2016. Son domicile a quant à lui été perquisitionné à cinq reprises. D’autres procédures pénales visant M. Herrou sont par ailleurs actuellement en cours (voir le rappel des faits).
M. Herrou n’est pas le seul militant harcelé en France pour son soutien aux personnes migrantes et réfugiées. Plusieurs se sont plaints de la multiplication des cas de convocations au commissariat, de gardes à vue et de poursuites pour aide au séjour irrégulier ou autres délits. Le 11 septembre 2017, le défenseur des droits des migrants Pierre-Alain Mannoni a été condamné à deux mois de prison avec sursis pour avoir aidé et transporté à l’intérieur du territoire français trois jeunes migrantes dont une mineure.
L’Observatoire s’indigne du harcèlement judiciaire continu dont M. Cédric Herrou fait l’objet en ce qu’il ne vise qu’à le punir pour ses activités légitimes et pacifiques de défense des droits humains, et particulièrement son action en faveur des personnes migrantes et réfugiées dans la vallée de la Roya. L’Observatoire appelle les autorités françaises à mettre un terme à toute forme de harcèlement, y compris au niveau judiciaire, à l’encontre de M. Cédric Herrou et celle de l’ensemble des défenseurs des droits humains visés dans le cadre de leurs actions en faveur des personnes migrantes et réfugiées en France.
Plus généralement, l’Observatoire appelle les autorités françaises à garantir une protection efficace contre des poursuites visant des actions « humanitaires et désintéressées ». En effet, la formulation des dispositions de l’article L. 622-4 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda) est si imprécise qu’elle peut donner lieu à des interprétations jurisprudentielles contradictoires, en fonction de la nature des actes de solidarité incriminés.
Cédric Herrou vient de subir sa septième garde à vue. Au prétexte d’une plainte déposée par une personne que Cédric Herrou avait dénoncée comme passeur, les services de police ont pratiqué une perquisition « afin de rechercher des armes » et placé Cédric Herrou en garde à vue pour vérifier s’il n’avait pas commis « des violences et des tortures » ! Certes, nul n’est au-dessus de la loi et même une personne poursuivie pour être un passeur a le droit de déposer plainte contre celui qui l’a dénoncée. Mais le choix du procureur de la République de recourir à une perquisition et à une garde à vue contre un militant connu pour sa non-violence en dit long sur la volonté d’intimidation qui a présidé à cette décision.
Plus généralement, après que le préfet a été désavoué par deux fois par le tribunal administratif, exposant par là sa responsabilité pénale, le harcèlement dont est l’objet Cédric Herrou atteste d’une dégradation de l’Etat de droit qui engage la responsabilité du ministre de l’Intérieur et de l’institution judiciaire.
C’est la démocratie qui est atteinte lorsque, détournant la loi ou refusant de l’appliquer, celles et ceux qui ont en charge de la faire respecter s’en prennent à un individu qui se borne à revendiquer le droit d’agir en tant que citoyen.
La LDH est solidaire de Cédric Herrou et elle ira jusqu’au bout des recours possibles à l’encontre des responsables de ces agissements.
L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme (un partenariat FIDH-OMCT) et la Ligue des droits de l’Homme (LDH) dénoncent la condamnation du défenseur des droits des migrant-e-s Pierre-Alain Mannoni à deux mois de prison avec sursis et s’inquiètent de la multiplication des cas de personnes harcelées en France pour leur soutien aux personnes migrantes.
Le 11 septembre 2017, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a condamné M. Pierre-Alain Mannoni à deux mois de prison avec sursis pour avoir aidé et transporté en France trois jeunes migrantes dont une mineure. Fin août, la même cour avait condamné un autre défenseur, Cédric Herrou, à quatre mois de prison avec sursis.
Depuis près d’un an, M. Pierre-Alain Mannoni fait l’objet d’un harcèlement judiciaire suite à son interpellation le 18 octobre 2016 par la gendarmerie de Grasse alors qu’il transportait dans son véhicule trois jeunes femmes d’origine érythréenne. Celui-ci les avait pris en charge à Saint-Dalmas-de-Tende, alors qu’elles se trouvaient dans un bâtiment abandonné, investi par un collectif d’associations. Face à leur situation de dénuement, M. Pierre-Alain Mannoni les avait accueillies à son domicile, avant de les conduire à une gare.
Pierre-Alain Mannoni a alors été poursuivi pour violation de l’article L.622-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda), avant d’être relaxé par le tribunal correctionnel de Nice, concluant à son immunité pénale, l’assistance en question n’ayant donné lieu à aucune contrepartie directe ou indirecte. Le procureur a ensuite fait appel de la décision.
La LDH et l’Observatoire s’indignent de voir à nouveau la solidarité envers les migrant-e-s être jugée comme un délit. Cette nouvelle condamnation fragilise le statut des défenseurs des droits des personnes migrantes en France, qui font face à une multiplication des cas de convocations au commissariat, de gardes à vue et de poursuites pour aide au séjour irrégulier ou autres délits[1].
« La décision de l’Etat de faire appel de la première décision de relaxe témoigne d’un réel harcèlement des pouvoirs publics envers les femmes et les hommes engagé-e-s de manière désintéressée à apporter aide et assistance à celles et à ceux réfugié-e-s que l’Etat abandonne dans les rues. Cette décision de justice sera pourvue en Cassation pour apprécier le statut des secours aux plus précaires », ont déclaré nos organisations.
La LDH et l’Observatoire regrettent cette décision de justice qui fragilise les acteurs de la solidarité et réaffirment leur totale solidarité avec Pierre-Alain Mannoni, tout en appelant les autorités françaises à garantir une protection efficace contre des poursuites visant des actions « humanitaires et désintéressées » en amendant les dispositions de l’article L. 622-4 du Ceseda[2].
Paris-Genève, le 11 septembre 2017
L’Observatoire, partenariat de la FIDH et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’Homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible. La FIDH et l’OMCT sont membres de ProtectDefenders.eu, le mécanisme de l’Union européenne pour les défenseurs des droits de l’Homme mis en œuvre par la société civile internationale.
Créée en 1898 à l’occasion de l’affaire Dreyfus, la Ligue des droits de l’Homme (LDH) s’est donnée pour objectif de défendre toute personne ou groupe de personnes victimes d’injustice ou d’atteintes à leurs droits. Association laïque, généraliste et politique, quoique non partisane, elle entend lutter contre les atteintes aux droits de l’individu, dans tous les domaines de la vie civique, politique et sociale. Elle veut aussi promouvoir la citoyenneté politique et sociale de tous et garantir l’exercice entier de la démocratie. C’est en ce sens qu’agissent ses 9 500 adhérents, dans plus de 300 sections en France.
[1]Cf. dossier web du Groupe d’information et de soutien des immigrées (Gisti) sur la recrudescence du délit de solidarité : http://www.gisti.org/spip.php?article5179
[2] Cf. l’avis n°0131 du 4 juin 2017 de la CNCDH, Avis : mettre fin au délit de solidarité, disponible sur https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000034851164