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Ligue des droits de l'Homme

Section du Pays d'Aix-en-Provence

Archives du tag : Politique de l’immigration

Sauvetage des migrants en mer : lettre ouverte à Emmanuel Macron sur le rôle des ONG 31 juillet, 2018

Lettre ouverte de plusieurs organisations françaises au président de la République

Monsieur le Président,

Le 26 juin, vous avez notamment déclaré, à propos des ONG qui sauvent en mer des migrants, qu’elles « font le jeu des passeurs ». Nos organisations, et l’ensemble de la communauté des ONG françaises, nos 250.000 militants bénévoles, salariés et volontaires, et les millions de citoyens qui soutiennent nos actions, ont été heurtés par vos propos.

Monsieur le Président, le premier rôle d’une ONG humanitaire est de sauver toute vie lorsque celle-ci est en péril, sans aucune distinction et cela ne peut se négocier. La solidarité ne se divise pas. Elle ne peut sélectionner les personnes auxquelles elle se doit de porter secours. Ou alors, ce n’est plus de la solidarité.

C’est en revanche le rôle des États d’assurer des voies légales et sûres pour la migration et l’accueil des personnes en danger. C’est le rôle de notre pays que de continuer à porter une parole courageuse en faveur des réfugiés. C’est le rôle de notre pays enfin que de porter une voix généreuse et solidaire.

Et nul ne peut faire porter sur les ONG la responsabilité des échecs tragiques de la communauté internationale à rétablir la paix au Moyen Orient ou en Afrique. Nul ne peut faire porter aux ONG la responsabilité de la pauvreté endémique qui continue de miner des territoires entiers en Afrique subsaharienne ou l’accroissement abyssal des inégalités partout dans le monde y compris dans nos territoires. Les ONG ne sont pas responsables du volume scandaleux de l’évasion fiscale qui mine le développement de nombre de pays. Elles ne sont pas plus responsables de l’accroissement du réchauffement climatique qui met sur les routes de l’exil forcé nombre d’hommes et de femmes dont les territoires de vie deviennent proprement invivables.

Monsieur le Président, nos organisations militent et agissent au quotidien et dans des conditions de plus en plus difficiles, pour apporter assistance aux personnes en danger, pour tisser des liens de solidarité et de coopération entre nos territoires et des territoires du monde. Elles portent et appellent sans cesse à la responsabilité collective pour réduire les inégalités et la pauvreté, engager les transitions écologiques et démocratiques nécessaires et investir dans le dialogue entre les peuples. Ces actions permettent le plus souvent de réduire les fractures, d’apaiser les tensions, de faire renaitre l’espoir et de contribuer à la paix au moment où les discours de haine, de peur et de défiance envahissent les relations internationales.

Nous sommes entrés depuis quelques années dans un contexte européen et mondial qui voit, mois après mois, le basculement de pays lointains et bien plus proches vers des régimes de plus en plus autoritaires et liberticides. Dans un nombre croissant de pays, tous les jours des lois sont votées, des directives données pour réduire la liberté de parole de la société civile, pour restreindre le droit d’association, voire pour criminaliser tout engagement associatif. Ainsi le recul des droits humains s’accentue et celui de la capacité à s’en indigner régresse tout autant. Chaque pouce perdu sur ce terrain est un revers pour tout ce qui a fait notre histoire et pour les valeurs qui fondent nos propres institutions.

C’est une lame de fond qui nous alerte au plus haut point, et oblige tous les démocrates convaincus que l’heure désormais doit être à la résistance et à la fermeté sur le terrain des droits humains et de l’aide humanitaire parce que c’est un impératif consubstantiel de ce que sont nos sociétés. La France peut et doit porter cette voix dans le monde, et éviter d’ajouter par des déclarations intempestives, de la confusion à la confusion. Faute de quoi, cette tendance risque également de nous emporter.

Monsieur le Président, nos causes sont justes et attendent de vous un soutien sans ambiguïté, plein et entier.

Paris, le 26 juillet 2018

 

Signataires : Acting for life Bertrand Lebel, directeur ; Action contre la faim Thomas Ribémont, président ; Action contre la faim Véronique Andrieux, directrice générale ; Action santé mondiale Patrick Bertrand, directeur ; Action-Aid France Birthe Pedersen, présidente ; ADTTF Abdoulaye Bah, président ; Agrisud international Yvonnick Huet, directeur ; Agronomes et vétérinaires sans frontières – AVSF Frédéric Apollin, directeur ; Aide et action France-Europe Charles-Emmanuel Ballanger, directeur ; Aides Aurélien Beaucamp, président ; ASAH Yves Knipper, directeur ; Asmae-association sœur Emmanuelle Alain Barrau, président ; Asti Christian Bulot, bénévole ; Avocats sans frontières France Vincent Fillola, co-président ; C4D Sophie Nick, directrice ; Care France Philippe Lévêque, directeur ; cartONG Charlotte Pierrat, présidente ; CCFD-Terre Solidaire Benoît Faucheux, délégué général ; Ciedel Catherine Delhaye, directrice ; CNAJEP François Mandil, président ; Collectif des associations citoyennes (CAC) Jean Claude Boual, président ; Comede Didier Fassin, président ; Comité d’accueil 72 Amélie Polachowska, membre ; Comité français pour la solidarité internationale Yves Le Bars, président ; Commerce équitable France Julie Stoll, déléguée générale ; Coordination humanitaire et développement Xavier Boutin et Thierry Mauricet, co-présidents ; Coordination SUD Philippe Jahshan, président ; CRID Emmanuel Poilane, président ; ECPAT France Emilie Vallat, directrice ; Electriciens sans frontières Hervé Gouyet, président ; Entraide médicale internationale, EMI Alain Roussel, président délégué ; Etudiants et développement Vincent Pradier, délégué général ; Fédération artisans du monde Anne Chassaing et Daniel Beauchêne, coprésident-e-s ; Fondation Danielle Mitterrand France libertés Emmanuel Poilane, directeur général ; Fondation GoodPlanet Henri Landes, directeur général ; Forim Thierno Camara, président ; Frères des Hommes Bernard Cabut, membre du Conseil d’administration ; Frères des Hommes Luc Michelon, président ; GERES (Groupe Energie Renouvelable environnement et solidarité) Laurence Tommasino, déléguée générale ; Gevalor Jean-Michel Royer, président ; Grandir dignement Hélène Muller, directrice ; GREF Agnès Riffonneau, présidente ; Gret – Professionnels du développement solidaire Olivier Bruyeron, directeur ; Groupe initiatives Pierre Jacquemot, président ; Habitat-cité Annabella Orange, directrice ; Handicap international/humanité et inclusion Manuel Patrouillard, directeur général ; IECD Tobias Hartig, directeur ; Ingénieurs sans frontières Sébastien Gondron, président ; La Chaîne de l’espoir Jean-Roch Serra, directeur général ; Ligue des droits de l’Homme Malik Salemkour, président ; Maison des citoyens du monde de Loire-Atlantique Jean-Clair Michel, président ; Medair France Annick Balocco, directrice ; Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples – Mrap Jean-François Quantin, co-président ; Oxfam France Cécile Duflot, directrice ; Partage Nicolas Lenssens, directeur général ; Peuples solidaires – Action aid (groupe Le mans-la Suze) Patrick Brossard, président ; Plateforme d’associations franco-haitïennes Jimitry Annexile, chargé de missions ; Première urgence internationale Thierry Mauricet, directeur général ; Ritimo Danielle Moreau, co-présidente ; Secours islamique France Rachid Lahlou, président ; Sherpa Sandra Cossart, directrice ; Sidaction Florence Thune, directrice générale ; Solidarité laïque Roland Biache, délégué général ; Solidarités international Alexandre Giraud, directeur général ; SOLTHIS Louis Pizarro, directeur général ; SOS Villages d’enfants Isabelle Moret, directrice générale ; SOS Villages d’enfants France Gilles Paillard, directeur général ; Vision du monde Camille des Boscs, directrice générale.

Source: Sauvetage des migrants en mer : lettre ouverte à Emmanuel Macron sur le rôle des ONG

La fraternité est un principe constitutionnel ! 10 juillet, 2018

Communiqué LDH

En rappelant que la fraternité n’est pas qu’un mot mais bien une réalité juridique, le Conseil constitutionnel conforte celles et ceux qui tentent de la faire vivre aux côtés des étrangers.

La LDH se félicite de ce rappel. Elle espère que le gouvernement, le parquet et les juridictions de l’ordre judiciaire se plieront à la lettre et à l’esprit de cette décision en cessant de poursuivre abusivement ces hommes et ces femmes qui mettent en œuvre le principe de fraternité.

Paris, le 6 juillet 2018

 

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Source: La fraternité est un principe constitutionnel !

NON à l’adoption du Projet de Loi Asile et Immigration ! 3 juillet, 2018

Communiqué commun dont la LDH est signataire

Le projet de loi asile-immigration porté par le ministre de l’Intérieur, adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 22 avril dernier, dans le cadre d’une procédure d’urgence, est sécuritaire, discriminatoire, xénophobe et liberticide. Il vise principalement à accélérer les procédures de demandes d’asile  en opérant des contrôles plus stricts, des tris cyniques entre les migrant-e-s, en favorisant l’enfermement et en orchestrant une régression de l’accès aux droits.  Parmi les mesures les plus scandaleuses, ce projet consacre dans les textes le principe de délation organisée prévu par la circulaire Collomb du 12 décembre 2017, qui commande aux intervenant-e-s du 115 et des différents centres d’accueil et d’hébergement d’adresser mensuellement la liste des personnes hébergées qui sont réfugiées ou dans l’attente de leur demande d’asile à l’OFFI (Office français de l’immigration et de l’intégration). Il double la durée maximale de rétention qui passe ainsi de 45 à 90 jours pour soit disant rendre plus efficace l’éloignement du territoire, quand bien même, il est  désormais établi que cette mesure est totalement inefficace : les statistiques démontrent que la grande majorité des expulsions ont lieu durant les 15 premiers jours.

De fait, des milliers de personnes sont ainsi enfermées uniquement parce qu’elles sont pauvres et étrangères et que l’administration souhaite garantir leur éloignement du territoire, en les privant ainsi de façon disproportionnée de leur liberté. Avec elles, leurs enfants sont de plus en plus nombreux à être retenu-e-s et donc enfermé-e-s dans ces structures. Le projet de loi, s’il est adopté en l’état, amplifiera encore cette situation.

Les travaux sénatoriaux ont encore durci considérablement le contenu, notamment en supprimant la carte pluriannuelle de quatre ans, en supprimant la possibilité des frères et sœurs mineur.e.s d’accéder au titre de séjour par le regroupement familial, en ramenant à 7 jours au lieu de 15 le délai de recours pour les « dublinés » (personnes passées par un autre pays de l’accord Dublin avant d’arriver en France)

Nous, organisations syndicales (Syndicat de la Magistrature, Syndicat des avocats de France, SNPES/PJJ-FSU) et associations (DEI-France, FASTI, LDH) dénonçons totalement ce texte qui loin de répondre à l’urgence de la situation en terme d’accueil, de mise à l’abri et de réponse systématique et inconditionnelle aux besoins de première nécessité des personnes ayant migré, porte gravement atteinte aux droits et à la dignité des migrant-e-s, accroît l’enfermement à des fins punitives et réduit l’accès à la justice.

La politique expéditive qui le sous-tend est inefficace, coûteuse et contraire aux devoirs d’humanité qui nous incombe quelques soient les raisons qui ont poussé ces milliers de personnes à quitter leur pays d’origine, tantôt pour fuir les guerres, les catastrophes écologiques ou économiques ou dans l’espoir d’une vie meilleure, au risque de leur vie et de leur santé. C’est pourquoi nous revendiquons des mesures qui garantissent le respect de la dignité des migrant-e-s, leur protection et l’accès au droit. Nous réclamons la fin de rétention dont a fortiori celle des enfants, la régularisation de tou-e-s les sans papiers, la suppression effective du délit de solidarité, le retrait de la circulaire Collomb et du projet de loi asile et immigration, ainsi qu’une véritable politique de lutte contre les trafics d’êtres humains.

Signataires :

Ligue des droits de l’Homme (LDH), Syndicat national des personnels de l’éducation et du social (SNPES), PJJ-FSU, Syndicat de la magistrature (SM), Syndicat des avocats de France (SAF), Fasti, Défense des enfants international (DEI).

Paris, le 22 juin 2018

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Source: NON à l’adoption du Projet de Loi Asile et Immigration !

Lettre ouverte de soutien aux « délinquants » solidaires de Saint-Etienne 16 juin, 2018

Lettre ouverte des collectifs Délinquants solidaires et Romeurope, dont la LDH est membre

Le jeudi 14 juin 2018, cinq personnes comparaitront devant le tribunal correctionnel de Saint-Etienne pour avoir tenté d’ouvrir, à la fin de l’automne dernier, un bâtiment désaffecté afin de mettre à l’abri des familles avec des enfants et des personnes particulièrement vulnérables qui vivaient à la rue.  Au regard de l’état de nécessité absolue dans lequel se trouvaient manifestement les personnes concernées, le CNDH Romeurope et le Collectif Délinquants Solidaires estiment qu’il s’agissait là d’un acte citoyen légitime et proportionné à la gravité de la situation. 

Parmi ces personnes aujourd’hui poursuivies pour « détérioration de porte », trois pères de famille de nationalité roumaine risquent, en plus de la condamnation pénale, une interdiction de circulation sur le territoire français. Cette mesure inscrite dans la loi en 2016 était initialement prévue pour empêcher le retour sur le territoire français de criminels représentant une menace grave pour la France. En réalité, elle est régulièrement détournée pour être utilisée à l’encontre de citoyens européens (surtout roumains) en situation de précarité.

Le CNDH Romeurope et le Collectif Délinquants Solidaires tiennent à exprimer leur soutien aux « délinquants solidaires » poursuivis pour avoir tenté de fournir une protection à des personnes sans-abri en situation de détresse, qui auraient dû être prises en charge par les services de l’Etat, dans le cadre du droit inconditionnel à l’hébergement d’urgence.

Il n’est pas admissible que la solidarité entre citoyens soit considérée comme un délit. Il n’est pas acceptable de laisser des hommes, des femmes et des enfants dormir à la rue quand des bâtiments entiers sont inutilisés. Il serait révoltant de voir des personnes condamnées pour avoir tenté de remédier à cette situation.

Nos collectifs s’inquiètent de la criminalisation des personnes étrangères ainsi que de la montée de la répression envers des citoyens et militants solidaires avec les étrangers et les précaires, sur la base de motifs juridiques de plus en plus fallacieux.

Le CNDH Romeurope et le Collectif Délinquants Solidaires se joignent à l’appel au rassemblement, devant le tribunal de Saint-Etienne situé au 1er rue du Palais, le 14 juin 2018, pour soutenir les cinq personnes convoquées au tribunal. 
Collectif Délinquants Solidaires : www.delinquantssolidaires.org
Collectif National Droits de l’Homme Romeurope : www.romeurope.org

A Paris, le 13 juin 2018

Source: Lettre ouverte de soutien aux « délinquants » solidaires de Saint-Etienne

Aquarius : l’Union européenne et les Etats membres doivent cesser de traiter les migrants comme « des patates chaudes » 14 juin, 2018

Communiqué de l’AEDH

Stupéfaits et inquiets de ce moderne Exodus, on voit se profiler à l’horizon le cabotage infini de ce bateau qui passe du statut de sauveteur à celui de fardeau. Le nouveau gouvernement italien, en large partie acquis aux idées xénophobes et racistes de Matéo Salvini, montre ses muscles et refuse de laisser mouiller l’Aquarius dans ses ports. Dont acte, l’AEDH savait ne rien devoir attendre d’un gouvernement dont les partenaires avaient annoncé pendant la campagne électorale qu’il ne respecterait pas les droits de l’Homme.

Aujourd’hui, le nouveau gouvernement espagnol a annoncé que son pays est prêt à accueillir les « naufragés des droits » dans le port de Valence. L’AEDH salue cet acte et souhaite qu’il fasse exemple pour tous les États membres. Elle recommande que cet accueil se révèle inconditionnel et qu’ayant fait le principal, sauver des vies, le gouvernement de Pedro Sanchez s’illustre en offrant de dignes conditions de séjour. On souhaiterait également que ce nouveau gouvernement mette fin aux opérations de push-back des migrants se présentant aux enceintes de Ceuta et Melilla.

Et les autres pays concernés par « les affaires de Méditerranée », que font-ils ? Malte refuse d’accueillir mais se donne bonne conscience en envoyant des vivres, la France de Macron se réfugie derrière une interprétation hasardeuse du droit de la mer contre le droit humanitaire pour ne rien faire et attend piteusement 48h qu’un autre pays se dévoue…

L’AEDH est au regret de constater que l’Union européenne est à la remorque des Etats membres. Notre association souhaite que le Conseil européen joue enfin son rôle d’orientation de la politique européenne et condamne l’attitude indigne des États membres qui, dominés par la peur, alignent leurs politiques migratoires sur celles prônées par les forces d’extrême droite.

L’AEDH condamne avec force le refus d’accueillir du gouvernement italien. Mais depuis longtemps elle s’oppose aussi aux refus de la Pologne, de la Hongrie, de la Slovaquie, de la République tchèque d’accueillir des réfugiés. Elle ne peut non plus accepter les faux semblants de bien d’autres gouvernements, qui tout en proclamant qu’ils vont accueillir, imposent des règles tellement restrictives qu’ils organisent de fait la chasse aux migrants et les expulsent. C’est en particulier le cas de la France où l’on retrouve des migrants morts à la fonte des neiges, de la Belgique où la police peut tirer sur des migrants.

L’AEDH affirme que le refus des Etats membres et de la Commission de procéder à l’abrogation du règlement Dublin est non seulement un manquement grave aux droits des personnes mais une stupidité qui enferme les Etats-membres situés aux frontières extérieures de l’UE dans un dilemme impossible : accueillir des milliers de migrants ou les repousser. C’est à cause du règlement Dublin, que le système d’accueil est devenu purement et simplement un moyen d’externaliser les migrants vers les pays de leur première entrée, en particulier l’Italie et la Grèce. Et si la Méditerranée a tant d’importance, c’est que la route par la Turquie a été bloquée par l’ignoble accord conclu avec ce pays, en fermant pudiquement les yeux sur la politique d’Erdogan qui piétine les droits fondamentaux de tant de citoyens en Turquie.

L’AEDH considère que l’ensemble des Etats membres sont collectivement responsables du désastre italien. Elle demande à toutes ses associations membres, à tous les citoyens et à toutes les citoyennes de l’UE d’agir pour que l’on change de politique.

C’est le but de l’ICE lancée depuis quelques semaines : « Nous sommes une Europe accueillante : laissez-nous agir ! ». Signez, faites signer, transmettez, montrez votre appui envers ces enfants, ces femmes, ces hommes qui croyaient avoir enfin pu prendre le bateau de l’espoir, cet Aquarius qui symbolise notre solidarité.

Bruxelles, 13 juin 2018

Source: Aquarius : l’Union européenne et les Etats membres doivent cesser de traiter les migrants comme « des patates chaudes »

Appel urgent : France, harcèlement judiciaire à l’encontre des « 3 de Briançon » 30 mai, 2018

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, partenariat de la FIDH et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), vous prie d’intervenir de toute urgence sur la situation suivante en France.

 

Description de la situation :

L’Observatoire a été informé par des sources fiables de l’arrestation, du placement en détention, puis du placement en liberté provisoire de Mme Eleonora, M. Théo et M. Bastien (ci-après « les 3 de Briançon »), respectivement de nationalité italienne, belgo-suisse et suisse, militants pour l’aide et l’accueil des personnes migrantes et réfugiées.

Selon les informations reçues, le 31 mai 2018, les 3 de Briançon comparaîtront devant le Tribunal correctionnel de Gap pour « aide à l’entrée d’étrangers en situation irrégulière sur le territoire national et en bande organisée » aux termes des articles L622-1 et L622-5 (pour l’aggravante) du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Cedesa). Ils encourent jusqu’à 10 ans de prison et une amende de 750 000 € ainsi qu’une interdiction de pénétrer sur le territoire français.

Ces accusations sont liées à leur participation à une marche de solidarité avec les personnes migrantes et réfugiées entre l’Italie et la France le 22 avril 2018. Cette marche répondait à une opération de « blocage des frontières » entre la France et l’Italie organisée la veille, le 21 avril 2018, par des militants du groupuscule néo-fasciste et suprémaciste « Génération Identitaire ».

A l’issue de la marche, et alors que ceux-ci partaient en direction de leurs voitures, les 3 de Briançon ont été interpellés par les gendarmes à Briançon. Le 24 avril 2018, le Tribunal correctionnel de Gap les a placés en détention provisoire. MM. Théo et Bastien ont d’abord été placés en détention à la maison d’arrêt de Gap avant d’être transférés à la prison des Baumettes à Marseille le 26 avril où se trouvait déjà Mme Eleonora. Les 3 de Briançon sont restés détenus dans la « partie des arrivants ».

Le 3 mai 2018, le Tribunal correctionnel de Gap a ordonné la mise en liberté provisoire des 3 de Briançon.

L’Observatoire s’indigne du harcèlement judiciaire dont les 3 de Briançon font l’objet et qui ne vise qu’à sanctionner leurs activités légitimes et pacifiques de défense des droits humains, et particulièrement leurs actions en faveur des personnes migrantes et réfugiées à la frontière franco-italienne.

En conséquence, l’Observatoire appelle les autorités françaises à mettre un terme à toute forme de harcèlement, y compris au niveau judiciaire, à l’encontre des 3 de Briançon et celle de l’ensemble des défenseurs des droits humains visés dans le cadre de leurs actions en faveur des personnes migrantes et réfugiées en France.

Par ailleurs, l’Observatoire qui a documenté un accroissement de la criminalisation visant les actes de solidarité et de soutien aux personnes migrantes en difficulté et les défenseurs de leurs droits [1] appelle les autorités françaises à garantir une protection efficace contre les poursuites visant des actions « humanitaires et désintéressés » en amendant les dispositions imprécises de l’article L.622-4 du Cedesa ayant donné lieu à des interprétations permettant la poursuite pénale de personnes pour avoir mené des actions « humanitaires et désintéressées » [2].

 

Actions requises :

L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux autorités françaiseset de l’Union européenne en leur demandant de :

  • Mettre un terme à toute forme de harcèlement, y compris au niveau judiciaire, à l’encontre des 3 de Briançon, ainsi que l’ensemble des défenseurs des droits humains et particulièrement des droits des personnes migrantes et réfugiées en France ;
  • Garantir une protection efficace contre les poursuites visant des actions « humanitaires et désintéressés » en amendant les dispositions de l’article L.622 du Ceseda ;
  • Amender l’article 1(2) de la Directive 2002/90/CE du Conseil de l’Union Européenne  « définissant l’aide à l’entrée, au transit et au séjour irréguliers » afin de garantir que les États membres de l’UE n’imposent pas de sanction dans le cas où le comportement reproché a pour but d’apporter une aide humanitaire ou de garantir les droits humains de la personne migrante concernée [3]  ;
  • Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998, et plus particulièrement à ses articles 1 et 12.2 ;
  • Plus généralement, se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par la France.

 

Adresses en France :

  • M. Emmanuel Macron, président de la République, Email via http://www.elysee.fr/ecrire-au-president-de-la-republique/ ; Twitter : @EmmanuelMacron
  • M. Edouard Philippe, Premier ministre. Email via http://www.gouvernement.fr/contact/ecrire-au-premier-ministre ; Fax : + 33 1 45 44 15 72, Twitter : @EphilippePM
  • M. Gérard Collomb, ministre de l’Intérieur. Twitter : @gerardcollomb
  • M. Jean Yves le Drian, ministre des Affaires étrangères, Twitter : @JY_LeDrian
  • Mme Nicole Belloubet, ministre de la Justice, Fax : +33 1 44 77 60 00, Twitter : @NBelloubet
  • Mme Christine Lazerges, président de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH), Fax : +33 1 42 75 77 14 ; E-mail : ; Twitter : @CNCDH
  • Mme Elisabeth Laurin, représentante permanente de la République française auprès de l’office des Nations unies à Genève, Fax : +41 22 758 91 37 ; E-mail : ; Twitter : @FranceONUGeneve
  • M. Pierre Sellal, représentant permanent de la République française auprès de l’Union européenne à Bruxelles, Fax : +32 22 30 99 50 ; E-mail : ; Twitter : @RPFranceUE

 

Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques de la France dans vos pays respectifs.

 

Adresses pour l’Union européenne :

· M. Frans Timmermans, Premier Vice-Président et Commissaire Européen à l’amélioration de la réglementation, relations interinstitutionnelles, état de droit et Charte des droits fondamentaux. E-mail:

· M. Dimitros Avramopoulos, Commissaire Européen à la migration, affaires intérieures et citoyenneté. E-mail:

· M. Claude Moraes, Présidente de la Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures du Parlement européen. E-mail:

 

Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques de l’UE dans vos pays respectifs.

 

***

[1] Voir la note jointe de l’Observatoire et de la LDH «  France : Vers une politique assumée de criminalisation des défenseurs des droits des migrants ? », publiée le 24 octobre 2017.

[2] Cf. l’avis n°0131 du 4 juin 2017 de la CNCDH, Avis : mettre fin au délit de solidarité, disponible sur https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000034851164

[3] A l’heure actuelle, la Directive donne aux États membres la possibilité de prendre leur propre décision à cette égard en violation des standards internationaux applicables aux défenseurs des droits humains : « Tout État membre peut décider de ne pas imposer de sanctions à l’égard du comportement défini au paragraphe 1, point a), en appliquant sa législation et sa pratique nationales, dans les cas où ce comportement a pour but d’apporter une aide humanitaire à la personne concernée ».

 

Paris-Genève, le 29 mai 2018

 

Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel.

L’Observatoire, partenariat de la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’Homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible. La FIDH et l’OMCT sont membres de ProtectDefenders.eu, le mécanisme de l’Union européenne pour les défenseurs des droits de l’Homme mis en œuvre par la société civile internationale.

 

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Source: Appel urgent : France, harcèlement judiciaire à l’encontre des « 3 de Briançon »

Immigration et asile : des objets d’inquiétude ou des sujets de droit ? 3 mai, 2018

Communiqué LDH

L’Assemblée nationale vient de voter en première lecture le texte de loi « pour une immigration maîtrisée et pour un droit d’asile efficace ». La Ligue des droits de l’Homme (LDH) tient ce texte pour le plus rigoureux de toute l’histoire de la Ve République contre les migrantes et les migrants. Jamais, en effet, un gouvernement n’aura été aussi loin dans la maltraitance des personnes étrangères, systématiquement perçues comme indésirables et comme sources de problèmes.

Hiérarchisation entre migrants, enfermement des mineurs, prolongation de la durée de la rétention, maintien du délit de solidarité, procédures rapides rendant plus difficiles les demandes d’asile, suspicion généralisée à l’encontre des parents d’enfants français… Rien n’aura été épargné pour compléter un portrait du migrant comme danger social, rien n’aura été de trop pour satisfaire au désir d’ordre de ceux qui camouflent leur inhumanité en efficacité ordonnée, au mépris des droits fondamentaux reconnus à chacun. La LDH rappelle que les demandes d’asile sont au nombre de cent mille par an. Pourtant les débats parlementaires ont été l’occasion d’une surenchère injustifiée au regard des faits statistiques les plus robustes, telle la stabilité des flux migratoires.

La LDH salue celles et ceux qui ont eu la lucidité et le courage de dire non, prend acte de l’absence de bien d’autres lors du vote, mais regrette qu’une majorité ait approuvé le projet de loi. Face au risque de durcissement du texte au Sénat, la LDH en appelle à la conscience et à la responsabilité des parlementaires lors des futurs votes.

C’est maintenant qu’il faut intervenir dans le débat public. Dans l’opposition à cette mauvaise loi, la LDH invite chacune et chacun à prendre sa place, dans les Etats généraux sur les migrations organisés dans toute la France les 26 et 27 mai 2018, dans les mobilisations citoyennes dénonçant le « délit de solidarité » et l’enfermement des mineurs, pour l’accueil des migrants, et particulièrement à la Marche solidaire de Vintimille (30 avril) à Londres (8 juillet).

Donner des droits aux uns, ce n’est pas en retirer aux autres. La LDH rappelle, au contraire, que réduire ceux des uns fragilise d’autant ceux des autres. C’est à ce titre qu’il faut considérer et traiter les migrants pour ce qu’ils sont, des sujets de droit.

Paris, le 2 mai

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Source: Immigration et asile : des objets d’inquiétude ou des sujets de droit ?

Jusqu’où iront le gouvernement, la police et la justice pour décourager la solidarité ? 3 mai, 2018

Communiqué du collectif Délinquants solidaires, dont la LDH est membre

 

Au Col de l’Échelle, impunité pour les identitaires d’un côté, prison ou tabassage pour les soutiens pacifiques des migrants de l’autre…

Alors que des citoyen-ne-s, associations et collectifs locaux se mobilisent depuis de longs mois pour organiser l’accueil de personnes exilées sur leur territoire face aux pratiques irrégulières des forces de l’ordre, les évènements de ce week-end à Briançon montrent bien que le délit de solidarité a encore de beaux jours devant lui.

Dans le cadre d’une mise en scène médiatique au col de l’Échelle à la frontière franco-italienne, le groupe d’extrême-droite Génération Identitaire a bloqué la frontière entre le 21 et 22 avril, étalant des messages haineux en pleine montagne, barrant la route à des personnes épuisées par un trajet en montagne, les mettant ainsi potentiellement en danger, puis relayant les photographies de leurs faits d’armes sur les réseaux sociaux à grand renfort de commentaires xénophobes. Ainsi, à l’instar de ce qui s’est passé lors de l’action organisée en Méditerranée à l’été 2017 pour saborder les sauvetages de personnes migrantes, des militant-e-s d’extrême droite de plusieurs pays européens sont venues bloquer symboliquement la frontière sans que les forces de l’ordre interviennent ou que les autorités condamnent clairement cette action, se bornant à évoquer des « gesticulations ».

Le dimanche 22 avril, une manifestation pacifique composée de plus de 150 personnes exilées et de leurs soutiens est partie de Clavière en Italie pour rejoindre Briançon à pieds et ainsi protester contre la militarisation de la frontière et la non prise en charge des personnes mineures ou en demande d’asile par les autorités françaises. Les organisations locales et régionales alertent depuis 2015 sur les atteintes systématiques aux droits des personnes migrantes à la frontière franco-italienne, de Menton à Briançon sans qu’elles soient entendues par les responsables politiques.

A l’issue de cette manifestation spontanée, six personnes ont été interpellées par les forces de l’ordre. Trois ont finalement été relâchées mais trois autres sont toujours en détention provisoire, enfermées à Gap et à Marseille. Poursuivies pour « avoir par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l’entrée irrégulière en France de plus d’une vingtaine d’étrangers, avec cette circonstance que les faits ont été commis en bande organisée », elles risquent selon la loi française jusqu’à 10 ans de prison assortie de 750 000 euros d’amende. Le jugement ayant été renvoyé au 31 mai 2018, ces trois personnes originaires de Suisse et d’Italie resteront donc potentiellement enfermées jusqu’à cette date.

En marge de la manifestation, cinq participant-e-s attablé-e-s à la terrasse de l’Hôtel de la Gare à Briançon vont faire l’objet d’un contrôle d’identité. Les policiers demandent à l’une des personnes de les suivre, refusant d’en donner la raison. « On va pas te le répéter deux fois » lance un policier. La personne sort son téléphone pour prévenir un avocat, les policiers le lui arrachent et la projettent au sol, lui sautent dessus. Face contre terre, coups de matraque, clef de bras, coup de genoux, pouces enfoncés dans les yeux, étranglement, la personne est finalement traînée par les pieds dans les escaliers, toujours face contre terre, puis jetée sur le goudron deux mètres plus loin. Alertés par les cris, des gens arrivent, les policiers gazent tout le monde, y compris la personne gisant au sol, visage tuméfié, en sang, la mâchoire gonflée, respirant difficilement et aveuglée par les gaz lacrymogènes. Souffrant de multiples contusions, d’un énorme hématome à la mâchoire, d’une entorse aux cervicales, et de douleur au niveau de la trachée, cette victime de la violence policière est amenée aux urgences. Résultat : 10 jours d’interdiction totale de travail.

Il est inadmissible que ces personnes soient actuellement privées de liberté ou violentées alors qu’elles ont été interpellées dans le cadre d’une manifestation pacifique. En outre, ces militant-e-s de la solidarité ont participé à de nombreuses opérations de sauvetage en montagne, se rendant juste « coupables » d’assistance à personne en danger. Un cas de plus de dissuasion de la solidarité.

Le collectif Délinquants solidaires s’inquiète du peu de cas qui est fait par les pouvoirs publics de l’expression sans complexes d’une xénophobie et du blocage des frontières par des militant-e-s d’extrême-droite, qui a pour conséquences immédiates la mise en danger des personnes migrantes parmi lesquels des mineur-e-s, ainsi que le déni pur et simple du droit d’asile, qui est encore une obligation conventionnelle de la France.

Le collectif Délinquants solidaires condamne fermement la détention de soutiens des exilé-e-s et appelle à leur libération immédiate. Par ailleurs, il répète que la solidarité et l’accueil sur nos territoires manifestés par des milliers de citoyens et citoyennes doivent être encouragés au lieu d’être systématiquement dénigrés ou réprimés. Si les député-e-s ont raté l’occasion d’abroger le délit de solidarité, nous restons mobilisé-e-s et solidaires des personnes exilées pour réclamer un accès aux droits effectifs pour toutes et tous et le droit de s’organiser collectivement.
Paris, le 26 avril 2018

 

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Source: Jusqu’où iront le gouvernement, la police et la justice pour décourager la solidarité ?

Non ! M. Collomb n’a pas assoupli le délit de solidarité ! 3 mai, 2018

Communiqué du collectif Délinquants solidaires, dont la LDH est membre

Rarement un sujet absent d’un projet de loi n’aura mobilisé tant de députés lors de son examen. Lors de la discussion par l’Assemblée nationale du projet de loi « pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie », ils étaient nombreux, dans chacun des groupes parlementaires, à avoir déposé des amendements portant sur le « délit de solidarité » : pour mieux le sanctionner sur les bancs situés le plus à droite de l’hémicycle, pour le supprimer sur tous les autres, majorité comprise.

La longue histoire du « délit d’aide directe ou indirecte » commis par une personne ayant « facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d’un étranger en France » [1] a amplement démontré toute son ambivalence. Censé pénaliser les « passeurs » qui tirent profit des obstacles à l’entrée et au séjour en France pour maltraiter et exploiter les migrant⋅e⋅s, on a vu comment il peut devenir un « délit de solidarité » c’est à dire permettre de poursuivre une personne « coupable » d’une action désintéressée et solidaire.

Les ministres de l’Intérieur successifs n’ont pas cessé de proclamer que le délit de solidarité n’existe pas. « J’observe qu’en 65 années d’application de cette loi, personne en France n’a jamais été condamné pour avoir seulement accueilli, accompagné ou hébergé un étranger en situation irrégulière » (Eric Besson, 23 mars 2009). En 2012, Manuel Valls affirmait à son tour avoir mis « fin au délit de solidarité qui permet de poursuivre l’aide désintéressée, apportée […] à des étrangers en situation irrégulière ». Dès le début de l’examen du projet de loi (mardi 19 avril) Gérard Collomb éludait le sujet : « vous avez soulevé en particulier la question du délit de solidarité. Je veux d’ores et déjà souligner ici que ce délit n’existe pas ».

Pourtant, à plusieurs reprises, des vagues de poursuites et de condamnations d’aidant⋅e⋅s ont provoqué de larges mobilisations contre le délit de solidarité. Des réformes successives ont prétendu répondre à cette émotion en dressant des catalogues d’immunités : lois « Chevènement » de 1998, « Sarkozy » de 2003 et 2009, « Besson » de 2011 et « Valls » de 2012. À chaque fois, la fin du délit de solidarité était annoncée… Mais le catalogue d’exemptions prévues par la loi [2] a à chaque fois conservé toutes ses ambiguïtés au dispositif [3].

Comment le ministre a neutralisé la dynamique parlementaire pour une suppression du délit de solidarité…

La loi « Collomb » de 2018 serait-elle la bonne ? Les circonstances s’y prêtaient. Les fortes solidarités récentes dans le Calaisis, à Paris, dans la vallée de la Roya, dans le Briançonnais ou ailleurs et les multiples poursuites judiciaires engagées contre des aidant⋅e⋅s avaient eu de larges échos. Plusieurs rédactions de la loi avaient été suggérées afin de supprimer ce délit tout en restant en conformité avec le droit européen [4] et bon nombre des amendements proposés s’en inspiraient.

Lors de la séance matinale de l’Assemblée nationale du dimanche 22 avril, quatre intervenant⋅e⋅s – membres du Modem, de l’UDI, de LREM et de la GDR – ont présenté leurs amendements visant à la suppression du délit [5]. Le ministre de l’Intérieur a alors annoncé que le gouvernement déposait une proposition de rédaction destinée à « aménager le régime d’exemption pénale » de ce délit dont, quelques jours plus tôt, il niait l’existence. Entre temps Macron avait établi la feuille de route : pénaliser les « gens qui aident, consciemment ou inconsciemment, les passeurs. Ceux-là, je ne veux pas les affranchir du délit de solidarité car ce qu’ils font est grave » (BFM-TV, 15 avril).

L’amendement du gouvernement, est-il annoncé, adopte « une ligne juste et responsable » entre l’immunité des aides quotidiennes et la sanction de « toutes celles qui voudraient détourner la volonté de l’État de contrôler les frontières ». Que ceux qui s’inquiètent de la difficulté à discerner ces intentions se rassurent : une circulaire adressée aux instances judiciaires en précisera les contours.

Puisque ce qu’il faut protéger c’est le contrôle des frontières – et non les migrants exploités –, l’amendement purement destiné à étouffer la contestation reprend la tradition des remèdes cosmétiques au catalogue des immunités : les exemptions à l’aide au séjour s’appliqueront aux déplacements en France aux fins d’apporter certaines aides, auxquelles est ajouté l’accompagnement « linguistique et social » ; tout cela « sauf si l’acte a donné lieu à une contrepartie directe ou indirecte ou a été accompli dans un but lucratif ». Or la jurisprudence sait hélas se montrer inventive en matière de contrepartie directe ou indirecte, ou, à l’inverse, tatillonne quand il faut caractériser les atteintes à l’intégrité physique, devenues « conditions de vie dignes et décentes ».

Le combat pour en finir avec le délit de solidarité avait bien engagé : il se solde pour celles et ceux qui ont tenté de le porter au sein de l’assemblée nationale par une amère défaite en rase campagne. Seul a survécu l’amendement dérisoire du gouvernement, enrobé de beaux discours et sous les applaudissements de la majorité. Le délit de solidarité a de beaux jours devant lui.

Paris, le 23 avril 2018

 

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Le texte

EXTRAIT DU CESEDA DANS SA RÉDACTION ACTUELLE…

L. 622-1

Loi n° 2012-1560 du 31 décembre 2012 – art. 11

Sous réserve des exemptions prévues à l’article L.622-4, toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers, d’un étranger en France sera punie d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 30 000 €.

(…)

L. 622-4

Sans préjudice des articles L.621-2, L.623-1, L.623-2 et L.623-3, ne peut donner lieu à des poursuites pénales sur le fondement des articles L.622-1 à L.622-3 l’aide au séjour irrégulier d’un étranger lorsqu’elle est le fait :

1° Des ascendants ou descendants de l’étranger, de leur conjoint, des frères et sœurs de l’étranger ou de leur conjoint ;

2° Du conjoint, de l’étranger de la personne qui vit notoirement en situation maritale avec lui, ou des ascendants, descendants, frères et sœurs du conjoint de l’étranger ou de la personne qui vit notoirement en situation maritale avec lui ;

3° De toute personne physique ou morale, lorsque l’acte reproché n’a donné lieu à aucune contrepartie directe ou indirecte et consistait à fournir des conseils juridiques ou des prestations de restauration, d’hébergement ou de soins médicaux destinées à assurer des conditions de vie dignes et décentes à l’étranger, ou bien toute autre aide visant à préserver la dignité ou l’intégrité physique de celui-ci.

Les exceptions prévues aux 1° et 2° ne s’appliquent pas lorsque l’étranger bénéficiaire de l’aide au séjour irrégulier vit en état de polygamie ou lorsque cet étranger est le conjoint d’une personne polygame résidant en France avec le premier conjoint.

 

LE CESEDA DÉCOULANT DU TEXTE ADOPTÉ DIMANCHE 22 AVRIL PAR L’ASSEMBLÉE NATIONALE (qui sera donc discuté par les sénateurs courant mai/juin)…

L. 622-4

Sans préjudice des articles L.621-2, L.623-1, L.623-2 et L.623-3, ne peut donner lieu à des poursuites pénales sur le fondement des articles L.622-1 à L.622-3 l’aide à la circulation ou au séjour irrégulier d’un étranger lorsqu’elle est le fait :

1° Des ascendants ou descendants de l’étranger, de leur conjoint, des frères et sœurs de l’étranger ou de leur conjoint ;

2° Du conjoint, de l’étranger de la personne qui vit notoirement en situation maritale avec lui, ou des ascendants, descendants, frères et sœurs du conjoint de l’étranger ou de la personne qui vit notoirement en situation maritale avec lui ;

3° De toute personne physique ou morale, lorsque l’acte reproché a consisté à fournir des conseils et de l’accompagnement, notamment juridiques, linguistiques ou sociaux, ou des prestations de restauration, d’hébergement ou de soins médicaux destinées à assurer des conditions de vie dignes et décentes à l’étranger, ou bien toute autre aide visant à préserver la dignité ou l’intégrité physique de celui-ci, ou bien tout transport directement lié à l’une de ces exceptions, sauf si l’acte a donné lieu à une contrepartie directe ou indirecte ou a été accompli dans un but lucratif.

Les exceptions prévues aux 1° et 2° ne s’appliquent pas lorsque l’étranger bénéficiaire de l’aide au séjour irrégulier vit en état de polygamie ou lorsque cet étranger est le conjoint d’une personne polygame résidant en France avec le premier conjoint.

 

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Notes de bas de page

1 Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda), art. L. 622-1.

Ceseda, art. L. 622-4.

Le dossier www.gisti.org/delits-de-solidarite créé en 2009 en présente de nombreux exemples.

Notamment la CNCDH (avis du 16 mai 2017, « mettre fin au délit de solidarité » – http://www.cncdh.fr/fr/actualite/avis-mettre-fin-au-delit-de-solidarite) et le Collectif Délinquants solidaires (« Pour mettre hors-la-loi le délit de solidarité », février 2018, http://www.delinquantssolidaires.org/wp-content/uploads/2018/02/Texte_Pour-mettre-hors-la-loi-le-d%C3%A9lit-de-solidarite_argumentaire.pdf).

5 Amendements n°235 : http://www.assemblee-nationale.fr/15/amendements/0857/AN/235.asp

Amendements n°723 : http://www.assemblee-nationale.fr/15/amendements/0857/AN/723.asp

Amendements n°801 : http://www.assemblee-nationale.fr/15/amendements/0857/AN/801.asp

Amendements n°803 : http://www.assemblee-nationale.fr/15/amendements/0857/AN/803.asp

 

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Source: Non ! M. Collomb n’a pas assoupli le délit de solidarité !

Opposés au projet de loi Asile et Immigration, les acteurs des EGM appellent à une politique migratoire radicalement différente 16 avril, 2018

Communiqué et appel à mobilisation des organisations membres des Etats généraux des migrations, dont la LDH est membre

Les collectifs citoyens et les associations, nationales et locales impliqués dans le processus des États Généraux des Migrations appellent les députés à rejeter le projet de loi Asile et Immigration discuté à partir du 16 avril, et à réfléchir d’urgence à une politique migratoire radicalement différente.

Alors que les députés s’apprêtent à débattre dans l’Hémicycle du projet de loi « Asile et Immigration », les centaines d’acteurs de la société civile réunis dans le processus des États Généraux des Migrations alertent collectivement sur les conséquences prévisibles des dispositions de ce projet de loi qui durcit les conditions d’accès à l’asile, et qui a pour objectif principal de faciliter les expulsions des personnes déboutées ou sans titre de séjour. Ce projet de loi va porter atteinte aux droits fondamentaux de personnes vulnérables qui, dans leur immense majorité, ont mis leur vie en péril pour fuir des situations de conflits ou de violence, dans l’espoir d’une vie plus sûre et plus digne. Au-delà, cette réforme stigmatise l’ensemble des personnes étrangères venant en France, aggravant les soupçons permanents à leur encontre, les privant de droits élémentaires et de conditions d’accueil dignes.

Pour manifester publiquement leur profond désaccord avec l’esprit et le contenu de ce projet de loi et « résister à bras ouverts », les acteurs des EGM appellent à des mobilisations citoyennes dans toute la France entre le samedi 14 et le jeudi 19 avril (https://eg-migrations.org/Agenda-des-evenements). Une manifestation est aussi organisée à Paris le dimanche 15 avril à l’initiative du BAAM et de dizaines d’organisations d’Île-de-France (https://paris.demosphere.eu/rv/61221), et le lundi 16 avril de 12h30 à 14h place Édouard Herriot à côté de l’Assemblée nationale (https://paris.demosphere.eu/rv/61522).

Les membres des EGM regrettent à nouveau que le président de la République et le Gouvernement aient refusé d’ouvrir un dialogue sincère et attentif avec les acteurs de la société civile qui sont engagés au quotidien auprès des personnes migrantes et invitent vivement les autorités à écouter les recommandations qui émergeront au travers des cahiers de doléances des États généraux.

Depuis son lancement, en effet, le processus des EGM a permis l’organisation de plus de 75 assemblées locales, à l’échelle de villes, de départements, de régions (voir la carte sur le site eg-migrations.org). Au total ce sont déjà des centaines d’associations et des milliers de citoyens et citoyennes qui, sur l’ensemble du territoire, élaborent des propositions en vue d’une politique migratoire alternative.

Ces propositions feront l’objet d’une synthèse et d’une première assemblée plénière des États Généraux des Migrations qui se tiendra en région parisienne les 26 et 27 mai 2018.

Paris, le 13 avril 2018

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Source: Opposés au projet de loi Asile et Immigration, les acteurs des EGM appellent à une politique migratoire radicalement différente