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Ligue des droits de l'Homme

Section du Pays d'Aix-en-Provence

Archives du tag : Politique de l’immigration

L’Assemblée nationale doit rejeter la proposition de loi n° 1008 visant à interdire l’accès au mariage à toute personne en situation irrégulière 26 juin, 2025

L’Assemblée nationale doit rejeter la proposition de loi n° 1008 visant à interdire l’accès au mariage à toute personne en situation irrégulière
L’Assemblée nationale doit rejeter la proposition de loi n° 1008 visant à interdire l’accès au mariage à toute personne en situation irrégulière
L’Assemblée nationale doit rejeter la proposition de loi n° 1008 visant à interdire l’accès au mariage à toute personne en situation irrégulière

L’Assemblée nationale doit rejeter la proposition de loi n° 1008 visant à interdire l’accès au mariage à toute personne en situation irrégulière

Communiqué commun dont la LDH est signataire

Jeudi 26 juin 2025, l’Assemblée nationale étudiera la proposition de loi n° 1008 « visant à renforcer les prérogatives des officiers de l’état civil et du ministère public pour lutter contre les mariages simulés ou arrangés ». Adoptée par le Sénat le 20 février 2025, elle a fait l’objet d’une discussion en Commission des lois de l’Assemblée nationale lundi 16 juin 2025.
Ce texte propose l’ajout d’un article 143-1 au Code civil disposant que « le mariage ne peut être contracté par une personne séjournant de manière irrégulière sur le territoire national ». En interdisant l’accès au mariage à toute personne en situation irrégulière, l’adoption d’une telle loi reviendrait à créer des discriminations injustifiées et à remettre en cause l’universalité des droits humains.
L’Anvita, l’Ardhis, la Cimade, le Gisti, la LDH, Les Amoureux au ban public, le Syndicat des avocats de France ainsi que SOS Racisme dénoncent une remise en cause frontale à la liberté fondamentale que représente le mariage. La liberté matrimoniale est garantie au niveau interne par la Constitution et la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel et du Conseil d’Etat. Elle est en outre garantie au niveau international et européen par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ainsi que par la Déclaration universelle des droits de l’Homme et du citoyen.
Aujourd’hui, seuls quatre motifs – la minorité, la polygamie, la consanguinité et l’absence de consentement – peuvent légalement justifier une limitation de cette liberté. Cette loi introduirait une interdiction de portée générale, exempte de tout contrôle a priori : aucune personne en situation irrégulière ne pourrait contracter un mariage. Ce faisant, elle instituerait une discrimination à l’encontre des personnes étrangères en situation irrégulière et de leurs futurs conjoints, français ou étrangers.
L’article 1.A de la proposition de loi prévoit en outre que « les futurs époux étrangers fournissent à l’officier de l’état civil (…) tout élément lui permettant d’apprécier leur situation au regard du séjour ». Un tel dispositif reviendrait à doter les maires d’un redoutable outil pour discriminer leurs administrés en leur confiant une mission de contrôle du droit au séjour qui relève à ce jour exclusivement des préfectures. Dans sa fonction d’officier d’état civil, la mission du maire est uniquement de vérifier l’identité des futurs époux. La modification du code civil en ce sens transformerait encore un peu plus les mairies en organes de police migratoire.
La proposition de loi prévoit par ailleurs une modification inquiétante des pouvoirs respectifs des maires et du ministère public. À ce jour, l’article 175-2 du Code civil prévoit qu’en cas de doute sérieux sur le consentement des futurs époux, l’officier de l’état civil doit en informer immédiatement le procureur de la République. Celui-ci dispose de 15 jours pour autoriser, suspendre ou s’opposer au mariage. La suspension peut durer jusqu’à un mois, renouvelable une fois par décision motivée. À l’issue du délai, le procureur doit rendre sa décision définitive.
L’article 1.B de la proposition de loi ajoute que, à défaut de décision motivée dans le délai de 15 jours, le procureur serait réputé avoir décidé de suspendre le mariage par défaut, pour deux mois renouvelables une fois.
Cette inversion du régime de liberté porte en elle-même un effet suspensif automatique et disproportionnée, fondée non pas sur la suspicion de fraude mais sur le défaut de réponse des parquets. Dans un contexte de saturation des services judiciaires, policiers et administratifs, cela revient à instaurer un gel arbitraire de l’exercice d’une liberté fondamentale.
Nous considérons que l’évaluation du consentement des époux et les décisions d’opposition au mariage doivent rester de la compétence du ministère public. Tout comme le Conseil constitutionnel l’a rappelé dans une décision du 18 octobre 2013, « le maire et ses adjoints sont des officiers de l’état civil […] et exercent leurs attributions au nom de l’État ». À ce titre, ils célèbrent des mariages dans leur commune et ne peuvent invoquer leur liberté de conscience pour refuser de célébrer des mariages de couples de même sexe. Or, dans un contexte où des maires se saisissent de la question des mariages pour faire avancer un agenda raciste ou xénophobe, il ne saurait être question de leur confier la capacité de faire obstacle au mariage de personnes étrangères.
Car cette proposition de loi s’inscrit dans une séquence politique marquée par des remises en cause répétées de la liberté de mariage. Elle fait écho aux refus illégaux de célébrer des mariages prononcés en 2023 par les maires de Béziers, Robert Ménard, et d’Hautmont, Stéphane Wilmotte, et plus récemment en 2025 par la maire de Bourg-lès-Valence, Marlène Mourier. Ce faisant, ces maires contreviennent à l’article 432-1 du Code pénal, qui punit de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende le fait, pour une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, de refuser à une personne une liberté accordée par la loi.
Robert Ménard est ainsi prochainement convoqué devant le tribunal correctionnel de Montpellier après une plainte déposée par les victimes, SOS Racisme et la LDH le 12 juillet 2023.
La maire de Bourg-lès-Valence s’expose aux mêmes sanctions. Contacté par les victimes dès le 2 juin 2025, SOS Racisme a déposé plainte le 5 juin 2025 à son endroit.
Il est particulièrement regrettable que le Président Emmanuel Macron, garant du respect de la Constitution, ait apporté un soutien à cette proposition de loi pourtant anticonstitutionnelle en déclarant, le 13 mai dernier sur TF1, que ces maires hors-la-loi ne seraient qu’insuffisamment protégés du fait d’un droit qui serait « mal fait ».
Aujourd’hui, notre système législatif permet parfaitement aux pouvoirs publics de s’opposer à la célébration d’un mariage frauduleux. Cette proposition de loi est donc totalement inutile et infondée.
Plus que jamais, la stabilité du droit et le respect des libertés fondamentales doivent prévaloir sur des logiques qui visent à faire reculer l’Etat de droit. Atteinte à une liberté fondamentale, discrimination fondée sur la nationalité et le statut administratif, enrôlement des maires au service d’une politique migratoire aux relents racistes et xénophobes, cette proposition de loi cumule décidément toutes les tares.
C’est pourquoi l’Anvita, l’Ardhis, la Cimade, le Gisti, la LDH, Les Amoureux au ban public, le Syndicat des avocats de France ainsi que SOS Racisme contestent fermement cette proposition de loi et appellent les députés à la rejeter sans détour.

Signataires : Anvita, Ardhis, la Cimade, Gisti, LDH (Ligue des droits de l’Homme), les Amoureux au ban public, Syndicat des avocats de France (Saf) et SOS Racisme.

Le 25 juin 2025

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Journée mondiale des personnes réfugiées : déconstruire le mythe des pays « sûrs » dans la politique de retour de l’UE 20 juin, 2025

Communiqué commun dont la LDH est signataire

À l’occasion de la Journée mondiale des personnes réfugiées, le 20 juin, EuroMed Droits publie trois fiches d’information mettant en lumière les conditions alarmantes en Egypte, en Tunisie et en Turquie, où la sécurité et les droits des citoyennes, citoyens et des personnes en migration sont gravement menacés.

En cette journée symbolique, nous saluons et rendons hommage à la résilience de toutes les personnes contraintes de fuir leur pays, leur famille, leur environnement, pour échapper aux conflits, à la précarité, aux persécutions politiques ou aux catastrophes climatiques. Mais cette solidarité ne se réduit pas à une seule date. Elle doit être constante, active et concrète.

La proposition législative de la Commission européenne, en avril dernier, d’inscrire l’Egypte, la Tunisie et la Turquie sur la liste des « pays d’origine sûrs » constitue une grave menace pour les droits des personnes exilées. Elle ouvre la voie à des procédures d’asile accélérées pour les ressortissantes et ressortissants de ces pays, aux frontières ou dans les zones de transit, qui limitent les garanties procédurales et imposent une charge de la preuve plus élevée aux demandeuses et demandeurs pour réfuter la présomption de sécurité. Dans le même ordre d’idées, la Commission propose une révision du concept de « pays tiers sûr ». Si ces modifications législatives proposées sont mises en œuvre, les personnes en migration pourraient alors être expulsées vers des pays où elles ont simplement transité, ou même où elles n’ont jamais mis les pieds, à condition qu’il existe un accord, même informel, acceptant le pays en question à évaluer les demandes de protection. Les recours contre ces décisions de retour n’auront plus d’effet suspensif automatique. Dans l’ensemble, ces mesures augmentent le risque d’expulsion sans une évaluation complète, individuelle et significative des demandes d’asile ou des mesures de protection.

Pour dénoncer ces dernières propositions anti-immigration et criminalisantes, EuroMed Droits, en partenariat avec l’Association marocaine des droits humains (AMDH), l’Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD), ARCI, le Cairo institute for human rights (CIHRS), CNCD-11.11.11, le Conseil grec pour les réfugiés (GCR), İnsan Hakları Derneği (IHD), La Cimade, la LDH (Ligue des droits de l’Homme), Migreurop, l’OMCT et Refugees Platform in Egypt, publie trois fiches d’information spécifiques à chaque pays documentant les violences et les violations des droits de l’homme subies en Egypte, en Tunisie et en Turquie. Alors que la Commission propose de les désigner comme « sûrs » sur le papier, nous démontrons comment ces pays bafouent les droits et sont, en réalité, dangereux tant pour leurs citoyennes et citoyens que pour les personnes en migration.

Face à cette réalité, EuroMed Droits, ses membres et ses partenaires, réaffirment leur ferme opposition au concepts de « pays d’origine sûrs » et de « pays tiers sûrs », qui va à l’encontre des droits fondamentaux et des valeurs proclamées, prétendument défendus par l’Union européenne. Si l’UE veut vraiment défendre les droits de l’Homme, elle doit renoncer à des politiques attentatoires aux droits, mortifères et discriminatoires, qu’il s’agisse d’une liste de « pays sûrs », de concepts erronés de « sécurité » ou de tout instrument visant à externaliser ses responsabilités en matière de protection internationale.

Paris, le 19 juin 2025

Lire la fiche sur l’Egypte

Lire la fiche sur Tunisie

Lire la fiche sur la Turquie

Source: Journée mondiale des personnes réfugiées : déconstruire le mythe des pays « sûrs » dans la politique de retour de l’UE

Halte à la chasse à l’étranger ! 20 juin, 2025

Communiqué LDH

Le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, a pris une instruction pour une vaste opération de contrôles d’identité dans les gares et dans les trains, pour rechercher des personnes en situation irrégulière et les placer en centre de rétention administrative (Cra) ou les renvoyer au-delà de la frontière.

Il conviendra d’examiner la légalité d’une telle instruction, puisqu’en application de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) de 2010 (Melki), les contrôles doivent être aléatoires et non systématiques et ne devraient pas, selon l’article 78-2 du code de procédure pénale, dépasser la durée de 12 heures alors que l’instruction prévoit une séquence de deux jours sans discontinuer (hier et aujourd’hui).

Il est pour le moins étonnant que le ministre de l’Intérieur donne des ordres à la police judiciaire, qui est normalement sous le contrôle du procureur de la République. De surcroît, le Conseil constitutionnel ne cesse de rappeler que les contrôles d’identité ne doivent pas être généralisés, car cela serait contraire à la liberté d’aller et de venir.

De plus, il est ordonné aux agents de la SNCF de pratiquer des contrôles de titre, aux fins de contrôler l’identité puis le titre de séjour, ce qui constitue une preuve supplémentaire que le « continuum de sécurité » prôné par le ministère de l’Intérieur est en réalité un continuum de surveillance, qui octroie de facto à ces agents des pouvoirs relevant de la « force publique », en contradiction avec l’article 12 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789. Les syndicats CGT et Solidaires de cheminots ont d’ailleurs appelé leurs membres à ne pas agir au-delà de leurs prérogatives.

La LDH (Ligue des droits de l’Homme) dénonce une instruction qui donne en réalité un « chèque en gris » aux forces de l’ordre pour pratiquer des contrôles au faciès. Ces contrôles discriminatoires abîment la relation de la police avec la population et fragilisent le sentiment d’appartenance à la Nation de personnes stigmatisées, en violation de la promesse d’égalité devant la loi de la devise républicaine.

Elle s’indigne, de plus, de cette xénophobie croissante, alors que les pratiques de non-accueil dans les préfectures et les nouvelles dispositions ubuesques de la loi Darmanin sont à l’origine de la fabrique de sans-papiers, pour des personnes qui sont en réalité en droit d’avoir un titre de séjour ou d’être régularisées.

Au-delà, l’Etat doit permettre la régularisation par le travail, la santé ou la vie privée et familiale et organiser une politique d’accueil digne, respectant les droits humains, le droit d’asile et la solidarité et non pratiquer « la chasse à l’étranger ».

Paris, le 19 juin 2025

Télécharger le communiqué « Halte à la chasse à l’étranger ! » en format PDF

Source: Halte à la chasse à l’étranger !

4 juin 2025 – Tribune « La solidarité comme boussole commune » publiée sur l’Humanité 5 juin, 2025

Tribune collective signée par Nathalie Tehio, présidente de la LDH

Lire la tribune sur l’Humanité

Face aux renoncements et au « grand renfermement », près d’une centaine de territoires accueillants défend l’accueil digne et le respect des droits en France ! Leurs voix se joignent à celles des acteurs associatifs et personnalités engagé·es pour une France accueillante. Et nous l’inscrivons, ce jeudi 5 juin, à l’occasion de la rencontre du réseau des villes et des territoires accueillants (Anvita) et d’une centaine d’acteurs agissant au quotidien pour toute personne en situation de précarité, en incluant les personnes au parcours migratoire.

Le paysage national est alarmant. Remises en cause généralisées de l’Etat de droit et des libertés civiles et associatives, banalisation des idées d’extrême droite, autant de préoccupations nationales qui s’inscriront au cœur des échanges. Loin de sombrer dans le défaitisme, les élu-e-s volontaristes et les acteurs de la société civile attachés à la défense des droits de toutes et tous démontrent à travers le local que l’hospitalité et la solidarité sont toujours des directions possibles à condition de préserver et suivre une boussole commune entre société civile engagée et collectivités territoriales.

De manière croissante, les extrêmes droites progressent dans de nombreux pays, signant un « grand renfermement ». L’Etat se désengage toujours plus de ses obligations en matière d’accueil et d’hébergement d’urgence. Le gouvernement renonce à ses principes républicains les plus élémentaires. Les questions d’accueil et d’hospitalité sont plus que jamais prises en étau entre les discours xénophobes et racistes d’un côté et les politiques de restriction des libertés de l’autre. Le moment est grave, le fond de l’air est brun.

Pourtant, en témoignent les territoires hospitaliers, il n’y a de crise que celle de l’accueil. L’Etat l’organise lui-même quand il refuse l’accès aux droits aux personnes exilées, en maintenant de manière forcée les personnes en situation de précarité. Et lorsqu’il se dégage de ses responsabilités, c’est au détriment des collectivités et des associations, aujourd’hui plus que jamais à bout de souffle. Hébergement d’urgence, accès à la scolarité, accompagnement à la parentalité, distribution d’aide alimentaire, défense des droits culturels, nos pratiques foisonnantes et inspirantes doivent être soutenues par la volonté politique et par les moyens financiers.

En avril dernier, le Mouvement Associatif soulignait une « situation économique […] particulièrement alarmante » et qu’il y a de ce fait autant « à craindre pour les associations que pour notre modèle social et démocratique tant elles jouent un rôle fondamental au service de l’intérêt général ». Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) appelait lui aussi en mai 2024 à une « urgence démocratique » pour soutenir le « ciment sociétal » que constituent les associations. L’Anvita n’échappe pas à la règle, et toutes et tous ensemble, nous appelons à un sursaut.

Il n’appartient qu’au gouvernement et à l’Etat de faire de ces réussites locales, de ces utopies concrètes, de ces résistances solidaires, une réalité pour l’ensemble du territoire.

Maires et président-e-s de collectivité : Jeanne Barseghian, maire de Strasbourg, coprésidente de l’Anvita ; Damien Carême, eurodéputé, coprésident de l’Anvita ; Bruno Bernard, président de la métropole de Lyon ; Grégory Doucet, maire de Lyon ; Cédric Van Styvendael, maire de Villeurbanne ; Nathalie Appéré, maire de Rennes et présidente de Rennes métropole ; François Astorg, maire d’Annecy ; Patrice Bessac, maire de Montreuil et président d’Est Ensemble ; Arthur Bois-Neveu, maire de Barberaz ; Florence Brau, maire de Prades-le-Lez ; Alex Brichet-Billet, maire de Notre-Dame de l’Osier ; Luc Carvournas, maire d’Alfortville ; Danielle Dambach, maire de Schiltigheim ; Emmanuel Denis, maire de Tours ; Arnaud Deslandes, maire de Lille ; Marie Ducamin, maire de Saint-Jacques-de-la-Lande ; Christophe Ferrari, président de Grenoble Alpes Métropole ; Yann Galut, maire de Bourges ; Jean-Philippe Gautrais, maire de Fontenay-sous-Bois ; Nadine Grelet Certenais, maire de La Flèche ; Emmanuel Grieu, maire de Mandagout ; Sylvain Griffault, maire de Melle ; Mathieu Hanotin, maire de Saint-Denis ; Anne Hidalgo, maire de Paris ; Pierre Hurmic, maire de Bordeaux ; Mathieu Klein, maire de Nancy ; André Laignel, maire d’Issoudun ; Patrice Leclerc, maire de Gennevilliers ; Patrick Ledoux, maire de Louvigny ; Michel Leprêtre, président EPT Grand-Orly Seine Bièvre ; Nicolas Mayer-Rossignol, maire de Rouen et président de la métropole Rouen Normandie ; Gilles Ménard, maire de Granville ; Christian Métairie, maire d’Arcueil ; Léonore Moncond’huy, maire de Poitiers ; Benoit Payan, maire de Marseille ; Eric Piolle, maire de Grenoble ; Matthieu Pollet, maire de Saint-Erblon ; Jean-François Rochedreux, maire de Saliès ; Johanna Rolland, maire de Nantes ; Clément Rossignol Puech, maire de Bègles ; Stéphane Troussel, président du département de la Seine-Saint-Denis ; Christian Vannobel, maire de Sissonne ; Anne Vignot, maire de Besançon.

Personnalités issues de la société civile : Michel Agier, directeur d’étude EHESS ; Virginie Amieux, présidente, CCFD-Terre Solidaire ; Martine Aubry, maire de Lille (2001-2025), ancienne ministre ; Cécile Duflot, directrice générale, Oxfam France ; Didier Fassin, président, Comede ; Benoit Hamon, directeur général, SINGA Global ; Henry Masson, président, La Cimade ; Alexis Michalik, dramaturge ; Christophe Robert, délégué général, Fondation pour le logement des défavorisés ; Serge Slama, professeur de droit public, Université Grenoble Alpes ;  Nathalie Tehio, présidente, LDH (Ligue des droits de l’Homme) ; Najat Vallaud-Belkacem, présidente, France Terre d’Asile ; Catherine Wihtol de Wenden, directrice de recherche émérite au CNRS ; Laurence Tommasino, déléguée générale, GERES ; José Mariage, directeur général, Le Partenariat ; Laura Odasso, présidente, Les Amoureux au Ban Public ; Amaia Fontang, membre du Conseil collégial, Fédération Etorkinekin Diakité ; Carole Desheulles, présidente, Pantin Solidaire ; Bérangère Grisoni, présidente, Collectif Les Morts de la Rue ; Bruno Tesan, directeur, Polaris 14 ; Sarah Gogel, déléguée générale, MADERA ; Catherine Sophie Dimitroulias, Association des Femmes de l’Europe Méridionale ; Samira El Alaoui, directrice, Les Enfants du Canal ; Mélanie Simon-Franza, gérante, Société La Grande Distribution ; Flora Vidal Marron, fondatrice, Weavers ; Laurent El Ghozi, président, FNASAT-Gens du Voyage ; Marie-Christine Vergiat, ancienne eurodéputée ; Shawgi Omer Nawai, directeur général, PLACE Network ; Agnès Rossetti, présidente, Initiative Développement ; Marie-Noëlle Reboulet, présidente, Groupe Initiatives ; Mackendie Toupuissant, président, FORIM ; Jean-Marc Pradelle, président, GRDR – Migrations – Citoyenneté – Développement.

Source: 4 juin 2025 – Tribune « La solidarité comme boussole commune » publiée sur l’Humanité

Fichage des étranger-e-s en situation régulière : après Nantes, Montreuil suspend à son tour. Jusqu’où ira la politique de Retailleau ? 24 mai, 2025

Fichage des étranger-e-s en situation régulière : après Nantes, Montreuil suspend à son tour. Jusqu’où ira la politique de Retailleau ?
Fichage des étranger-e-s en situation régulière : après Nantes, Montreuil suspend à son tour. Jusqu’où ira la politique de Retailleau ?
Fichage des étranger-e-s en situation régulière : après Nantes, Montreuil suspend à son tour. Jusqu’où ira la politique de Retailleau ?

Communiqué commun LDH, Adelico, La Cimade, Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti), Syndicat des avocats de France (Saf), Syndicat de la magistrature (SM)

Saisi en urgence par nos organisations, le tribunal administratif de Montreuil a suspendu, ce 20 mai 2025, une nouvelle note préfectorale imposant aux services de police de Seine-Saint-Denis de signaler systématiquement à la préfecture les personnes étrangères en situation régulière placées en garde à vue.

Cette décision intervient quelques semaines seulement après celle du tribunal administratif de Nantes, qui avait déjà jugé illégale une instruction identique émise par le directeur interdépartemental de la police nationale de Loire-Atlantique. Ce n’est donc plus un incident isolé : c’est une politique délibérée, assumée et coordonnée, qui vise à organiser, sous couvert d’ordre public, un fichage ciblé des personnes étrangères, indépendamment de toute condamnation et en dehors de tout cadre légal. Le placement en garde à vue est de surcroît censé être couvert par le secret de l’enquête et l’administration préfectorale ne peut pas y accéder.

Ce nouveau revers judiciaire constitue un camouflet cinglant pour le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, dont l’obsession sécuritaire se manifeste désormais par la mise en place d’une administration parallèle des personnes étrangères, fondée sur la suspicion généralisée et le contournement des garanties les plus élémentaires. Cette dérive a notamment pris corps à travers la circulaire du 28 octobre 2024, qui a donné lieu à des pratiques de fichage illégal. Le ministre ne pouvait ignorer que ce texte ouvrirait la voie à de telles dérives.

Nous demandons l’arrêt immédiat de tous les dispositifs similaires sur l’ensemble du territoire. Il est urgent que toutes les données déjà collectées illégalement soient remises à la Cnil, seule instance indépendante à même d’en évaluer la légalité, d’en contrôler la conservation, voire d’en ordonner l’effacement.

Nous alertons : ces dispositifs n’ont sans doute pas été limités à la Loire-Atlantique ou à la Seine-Saint-Denis. Tout porte à croire que d’autres notes, fiches ou tableaux similaires ont été mis en place ailleurs, dans la plus grande opacité.

Nos organisations restent pleinement mobilisées pour faire respecter l’Etat de droit. Nous poursuivrons, partout où ce sera nécessaire, notre action en justice pour mettre fin à ces pratiques illégales et discriminatoires. Il est plus que temps que le ministère de l’Intérieur cesse de traiter les personnes étrangères comme des suspects permanents.

Paris, le 23 mai 2025

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Circulaire Retailleau, encore moins d’humanité, encore plus de misère, de précarité, de souffrances 25 janvier, 2025

Communiqué LDH

Cette nouvelle circulaire vient dans le prolongement d’une campagne de désinformation qui notamment :
– assimile immigration et délinquance par l’utilisation sordide de faits divers alors que, d’après les chiffres du ministère de l’Intérieur sur 7,3% des obligations de quitter le territoire (OQTF) moins de 2% ont pour origine une condamnation pénale ;
– met en avant le nombre d’OQTF exécutées (avec une évaluation fantaisiste, 7% ou 20% selon les jours et les ministres qui s’expriment) alors que le premier problème est le nombre d’OQTF bien supérieurs à celui de nos voisins européens et le fait que beaucoup sont sans fondement. D’après les statistiques européennes (Eurostat), si l’on compare le nombre de demandes d’asile et le nombre d’expulsions effectuées, la France expulse presque deux fois plus que l’Espagne et trois fois plus que l’Allemagne ;
– passe sous silence la situation tragique de beaucoup d’étrangers en France, familles séparées quand l’un des parents n’obtient pas de titre de séjour, personnes travaillant depuis des années, contraintes de vivre dans la clandestinité, enfants qui ne connaissent pas d’autres pays que la France expulsés ou vivant en permanence la peur au ventre d’être contrôlés, femmes victimes de violences renvoyées vers leurs bourreaux… ;
– ne parle pas de l’avenir compromis des jeunes intégrés depuis plusieurs années dans les formations générales ou professionnelles.

Le ministre Retailleau nous avait habitués à flatter racisme et xénophobie, sa circulaire ne va faire que renforcer une politique qui ne fonctionne pas, augmenter la misère, la précarité et les souffrances humaines. Elle donne consigne aux préfets :
– de réduire toutes les régularisations pour motifs humanitaires, familiaux. Il faudra, pour des familles avec enfants ou pour des salariés en situation irrégulière attendre sept ans pour sortir de la clandestinité à condition de ne jamais avoir fait l’objet d’un refus lors d’une tentative précédente (ce qui revient à encourager cette clandestinité et les situations d’exploitation et de précarité qui en découlent) ;
– d’appliquer avec rigueur les exigences de la loi Darmanin concernant le niveau de langue française exigé, validé par un diplôme ou une certification, absurdité qui demande de remplir toute sorte de critères « d’intégration » sans en avoir les moyens ;
– de rendre encore plus difficile la régularisation par le travail. Alors que la situation actuelle est déjà un non-sens, imposant à des personnes qui travaillent de prouver avoir travaillé sans en avoir le droit afin de pouvoir être régularisées, cette nouvelle circulaire va encore allonger la durée nécessaire de travail irrégulier pour pouvoir espérer une régularisation, et cela sans avoir été un jour destinataire d’une OQTF. Qui osera dans ces conditions demander une régularisation, alors en plus qu’un refus de régularisation par le préfet entraînera automatiquement une OQTF ! Pourtant, tout le monde sait bien qu’aujourd’hui bien des maisons ne seraient pas bâties, bien des personnes âgées assistées, bien des secteurs comme l’hôtellerie-restauration auraient du mal à fonctionner sans les « sans-papiers ». Ces mesures sont une absurdité économique et sociale à l’inverse de ce que réclament les organisations syndicales comme de nombreux employeurs ;
– de briser encore plus de vies en expulsant pour menaces à l’ordre public, critère très vague et discrétionnaire. En plus du caractère plus que critiquable de la double peine pour des faits mineurs comme un vol de vêtement par un jeune dans la misère, nous sommes dans le domaine de l’arbitraire le plus total. Il suffit d’être accusé sans même avoir été condamné pour risquer l’expulsion.

La LDH (Ligue des droits de l’Homme) est en opposition totale avec cette politique. Elle continuera à la combattre avec ses partenaires associatifs et syndicaux ainsi que les premiers concernés. Nous réaffirmons plus encore l’impérieuse nécessité de l’égalité des droits pour toutes et tous !

Paris, le 25 janvier 2025

Télécharger le communiqué LDH « Circulaire Retailleau, encore moins d’humanité, encore plus de misère, de précarité, de souffrances » en pdf.

Source: Circulaire Retailleau, encore moins d’humanité, encore plus de misère, de précarité, de souffrances

L’heure est à la riposte 20 décembre, 2024

Déclaration du meeting unitaire du 18 décembre 2024 de la Marche des solidarités, des collectifs et intercollectifs de sans-papiers et de Né-e-s ici ou venu-e-s d’ailleurs, l’égalité des droits, c’est pour toutes et tous !

Nous sommes des milliers à avoir manifesté, ensemble, avec et sans-papiers, Français.e.s et immigré.e.s, notre opposition face à la gravité des attaques qui se multiplient contre les populations migrantes et étrangères. Parce que nous ne voulons pas vivre dans une société qui autorise la violence, le racisme, la discrimination, qui nous sépare ou nous oppose en fonction de l’endroit où l’on est né ! Nous vivons ensemble, chaque jour, et voulons continuer à le faire librement, dans l’égalité, la justice et la solidarité.

L’heure est à la riposte !

Nos manifestations partout en France et le meeting de ce soir sont l’expression de notre volonté commune de poursuivre ce combat essentiel pour l’égalité des droits pour toutes et tous, pour la justice sociale et contre le racisme.
Notre détermination est à la hauteur de nos ambitions ! Fortes et forts de notre unité, obligeons le pouvoir à renoncer à ses politiques violentes d’exclusion qui jettent dans l’extrême précarité sociale et administrative un grand nombre de personnes étrangères, quel que soit leur statut, travailleuses et travailleurs avec ou sans titre de séjour, familles, femmes, étudiant.e.s, mineur.e.s isolé.e.s, exilé.e.s, en demande d’asile ou débouté.e.s.

Nous appelons dès maintenant à soutenir les luttes en cours, celles des jeunes, à Paris et sur tout le territoire, celles des femmes en lutte pour leur hébergement, celles des travailleuses et travailleurs en lutte pour leur régularisation et le renouvellement de leur titre de séjour.
Ce meeting s’inscrit dans notre volonté commune de construire ces prochaines semaines, ces prochains mois, les conditions d’une mobilisation unitaire d’ampleur combinant, dans toute leur diversité, nos différentes ressources et répertoires d’actions.

C’est pourquoi :

Nous appelons les immigré.e.s, avec et sans-papiers, à rejoindre les collectifs de sans-papiers et/ou les organisations syndicales sur leur lieu de travail.
Nous appelons toutes et tous à rejoindre les réseaux de solidarité, les collectifs, les associations sur votre ville, votre quartier, à rejoindre les syndicats sur votre lieu de travail.
Dès maintenant nous appelons à faire converger ce mouvement dans la rue le samedi 22 mars dans le cadre de la journée internationale contre le racisme.
Toutes et tous ensemble, agissons, uni.e.s, pour un autre projet de société, humaniste, solidaire et égalitaire contre le racisme, l’exclusion et l’exploitation.

Paris, le 18 décembre 2024

Source: L’heure est à la riposte

Rétablissement des contrôles aux frontières intérieures 22 octobre, 2024

Lettre ouverte de l’Anafé, dont la LDH est membre, et du Gisti adressée à la Commission européenne, après le classement de la plainte contre l’Etat français pour non-respect du code frontières Schengen

La France a rétabli les contrôles à ses frontières intérieures en octobre 2015 et les maintient constamment verrouillées depuis. Elle vient de notifier à la Commission européenne son intention de maintenir ces contrôles du 1er novembre 2024 au 30 avril 2025 [1]. Pourtant, en vertu du principe de libre circulation dans l’espace Schengen, un Etat membre ne peut rétablir les contrôles à ses frontières intérieures plus de 6 mois, sauf apparition d’une nouvelle menace grave pour l’ordre public ou la sécurité intérieure, distincte de la précédente [2]. Au mépris du droit de l’Union européenne (UE) et depuis près de dix ans, le gouvernement impose donc un contrôle systématique et permanent des mouvements de personnes étrangères à ces frontières, notamment terrestres.

Chaque année depuis 2015, des dizaines de milliers de personnes exilées ont été contrôlées « au faciès » aux frontières intérieures françaises puis refoulées au mépris de leurs droits comme l’ont constaté la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), le 21 septembre 2023 [3], puis le Conseil d’Etat, le 2 février 2024 [4].

L’Anafé et le Gisti avaient saisi la Commission européenne le 3 décembre 2018 d’une plainte dénonçant la violation de la législation de l’UE par un Etat membre. Cette plainte reprochait aux autorités françaises d’avoir rétabli des contrôles systématiques aux frontières intérieures depuis octobre 2015, en violation des dispositions des articles 22 et 25 du code frontières Schengen [5]. En l’absence de réponse, des courriers complémentaires ont été adressés à la Commission à 5 reprises.

Ce n’est que le 25 avril 2024, après 6 années de silence et de relances, que nos organisations ont reçu une réponse de la Commission annonçant que notre plainte allait être classée. La Commission a refusé de tirer les conclusions de la jurisprudence de la CJUE et de faire sanctionner un détournement manifeste, par la France, des finalités du rétablissement des contrôles aux frontières intérieures. Sous prétexte sécuritaire, la France a utilisé, pendant des années, le rétablissement des contrôles aux frontières intérieures pour faire du contrôle migratoire, en violation du code frontières Schengen [6].

À l’heure où la France vient d’annoncer un nouveau rétablissement des contrôles aux frontières intérieures aériennes, terrestres et maritimes avec la Belgique, le Luxembourg, l’Allemagne, la Suisse, l’Italie et l’Espagne, l’Anafé et le Gisti ont décidé de rendre publique leur lettre en réponse à la Commission afin de rappeler que si la liberté de circulation au sein de l’espace Schengen n’a été instaurée qu’au profit exclusif des citoyens de l’Union, l’abolition des contrôles aux frontières intérieures – qui constitue l’un des moyens de garantir cette liberté de circulation – doit bénéficier à toute personne « quelle que soit sa nationalité » [7].

Pour lire l’intégralité de la plainte et des courriers adressés à la Commission européenne ainsi que la réponse de la Commission : http://www.anafe.org/spip.php?article727&var_mode=calcul

Paris, le 17 octobre 2024

[1] À consulter sur le site internet de la Commission européenne : https://home-affairs.ec.europa.eu/policies/schengen-borders-and-visa/schengen-area/temporary-reintroduction-border-control_en?prefLang=fr
[2] CJUE, Grde Ch., 26 avril 2022, NW, aff. jointes C-368/20 et C-369/20.
[3] CJUE, 21 septembre 2023, ADDE et a., Affaire C-143/22.
[4] Conseil d’État, 2 février 2024, ADDE et a., n° 450285.
[5] Règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l’Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen).
[6] Règlement (UE) 2016/399, considérant (26) : « la migration et le franchissement des frontières extérieures par un grand nombre de ressortissants de pays tiers ne devraient pas être considérés en soi comme une menace pour l’ordre public ou la sécurité intérieure ».
[7] Article 22 du code frontières Schengen.

Source: Rétablissement des contrôles aux frontières intérieures

16 septembre 2024, Tribune collective « Naufrages de la Manche : la politique migratoire franco-britannique est mortifère, et ce n’est pas aux associations d’en pallier l’inconséquence» publiée dans Le Monde 25 septembre, 2024

Tribune collective signée par Nathalie Tehio, présidente de la LDH

Lire la tribune dans Le Monde

Un collectif d’acteurs locaux et nationaux appelle, dans une tribune au « Monde », les Etats français et britannique à assumer les conséquences les plus dramatiques de leur politique migratoire, en assurant la prise en charge sociale et psychologique des rescapés et des proches des victimes ainsi que la couverture des frais liés aux funérailles.

En dix jours, au moins vingt personnes ont perdu la vie dans la Manche en tentant de rejoindre le Royaume-Uni sur des embarcations de fortune. Le mardi 3 septembre, douze personnes, dont dix femmes, ont péri ; dix jours plus tard, dans la nuit du 14 au 15 septembre, ce sont huit personnes qui sont décédées lors d’une tentative de traversée. Quant aux survivants, parfois proches des victimes, ils ont dans l’un et l’autre cas été l’objet d’un abandon institutionnel complet.

Cela fait des années que ces drames se répètent inlassablement. Depuis le début de l’année 2024, ce sont 52 personnes qui sont décédées, et au moins 446 depuis 1999 – sans compter le nombre important de disparus. Toutes ces personnes sont victimes des politiques migratoires imposées par les Etats membres de l’Union européenne (UE) et par le gouvernement britannique.

Cette dernière décennie, nous avons vu une augmentation importante du nombre de décès de personnes tentant de traverser la frontière franco-britannique. Mortelles, les politiques publiques à cette frontière le sont toujours plus : les très nombreux accords bilatéraux entre la France et le Royaume-Uni, et les politiques menées par les gouvernements de ces deux pays, ont pour seuls objets une militarisation toujours plus importante de la frontière et une répression continue des personnes exilées qui y survivent.

En maintenant les personnes exilées dans des conditions de précarité absolue alors qu’elles se trouvent sans perspective ailleurs en Europe, les autorités les poussent à quitter le territoire français coûte que coûte. En cherchant à étanchéifier la frontière, elles les poussent à prendre toujours plus de risques.

Scénario indigne

A l’intolérable, les autorités ajoutent l’indécence. Au lendemain du naufrage du 3 septembre, le lieu de vie d’une grande partie des personnes naufragées a été entièrement détruit au cours d’une expulsion de grande ampleur. Les cent cinquante personnes qui y vivaient, dont de nombreux rescapés du naufrage mortel de la veille, ont donc tout perdu : tentes, bâches, couvertures, ustensiles de cuisine, ainsi que la possibilité d’un espace familier, où elles pouvaient savoir quels proches manquaient à l’appel.

Si quelques personnes rescapées ont pu passer la nuit dans des hébergements d’urgence ou citoyens, c’est uniquement grâce à la mobilisation de soutiens (associatifs ou non) : la plupart se sont retrouvées à la rue, dans une situation encore plus précaire, et plusieurs ont depuis retenté la traversée.

Ce scénario indigne s’est répété le 15 septembre, puisqu’une grande partie des survivants du naufrage, après avoir été mis à l’abri quelques heures dans un gymnase, ont passé une dizaine d’heures au commissariat, avant d’être renvoyés vers la rue, sans proposition de soutien psychologique ou d’hébergement.

En déplorant l’absence de traité migratoire entre les gouvernements des pays membres de l’UE et du Royaume-Uni, l’attractivité du marché du travail et l’absence de politique d’expulsion des personnes exilées outre-Manche, le ministre de l’intérieur démissionnaire, Gérald Darmanin a, dès le 3 septembre, cherché à se décharger de sa responsabilité dans ce naufrage sur le Royaume-Uni. Pourtant, c’est bien sous son autorité et sous celle du gouvernement français que sont menées ces opérations de harcèlement continu. C’est cette politique d’épuisement qui crée les conditions pour que les personnes se jettent dans les bras des trafiquants d’êtres humains, et meurent en mer, dans des accidents de camion, sur les routes ou les voies ferrées.

Absence totale de mobilisation

Depuis des années, à Calais et Dunkerque, le Groupe décès [un collectif composé de citoyens indépendants, membres d’association ou non] accompagne et soutient, autant que faire se peut, les proches des personnes décédées et les communautés de personnes exilées. Il cherche également à faire le lien avec les autorités administratives face à leur absence totale de mobilisation. La préparation de l’inhumation ou du rapatriement, le soutien psychologique ou matériel des rescapés, des témoins, et de celles et ceux qui ont vu leur frère, leur sœur, leurs parents, leurs proches mourir sous leurs yeux, sont primordiaux. Or, l’absence de prise en charge étatique oblige des citoyens et associations, sans moyens dédiés, à jouer ce rôle, avec des conséquences traumatiques importantes pour les survivants, les familles et les aidants.

Il est aujourd’hui temps que les Etats français et britannique assument les conséquences de leur politique et qu’ils prennent leurs responsabilités, tant dans l’accompagnement social des proches des victimes et des rescapés que dans la prise en charge des frais de funérailles. Cette politique est mortifère, et ce n’est pas au Groupe décès ni à l’ensemble des soutiens et des associations d’en pallier l’inconséquence.

Nous demandons une remise en cause profonde des politiques migratoires appliquées tant au niveau local que national et européen. La politique de maltraitance des personnes exilées, dans la vie comme dans la mort, doit cesser immédiatement. Une politique d’accueil, de dignité, d’accès aux droits et au séjour doit s’y substituer pour permettre à celles et ceux qui souhaitent rester en France de pouvoir le faire.

Les voies de passage sûres vers le Royaume-Uni doivent profiter à tous et toutes, pour permettre, en cohérence avec l’article 13 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, à celles et ceux dont c’est le but de s’y rendre. Seul un changement radical des politiques menées à la frontière franco-britannique permettra d’éviter ces drames.

Premiers signataires : Nathalie Tehio, présidente de la LDH (Ligue des droits de l’Homme) ; Yolaine Bernard, présidente de Salam Nord/Pas-de-Calais ; Fanélie Carrey-Conte, secrétaire général de La Cimade ; Olivier Caron, président de la délégation du Secours catholique Pas-de-Calais ; Jean-François Corty, président de Médecins du monde France ; Adrien Delaby, délégué général de L’Auberge des migrants ; Jean-François Dubost, directeur du plaidoyer du CCFD-Terre Solidaire (Comité catholique contre la faim et pour le développement) ; Cédric Herroux, responsable de la communauté Emmaüs Roya ; Yann Manzi, délégué général d’Utopia 56 ; Dany Patoux, présidente d’Osmose 62 ; Samuel Prieur, délégué du Secours catholique Nord-Lille.

Source: 16 septembre 2024, Tribune collective « Naufrages de la Manche : la politique migratoire franco-britannique est mortifère, et ce n’est pas aux associations d’en pallier l’inconséquence» publiée dans Le Monde

Fabrice Leggeri, ancien directeur de Frontex, poursuivi pour complicité de crimes contre l’humanité et de torture 23 avril, 2024

Communiqué LDH et Utopia 56

La LDH (Ligue des droits de l’Homme) et Utopia 56 portent plainte contre Fabrice Leggeri, ancien directeur de Frontex et aujourd’hui candidat du Rassemblement national (RN) aux élections européennes, pour complicité de crimes contre l’humanité et de torture.

Ces dernières années, la Méditerranée centrale est devenue la route migratoire la plus meurtrière au monde, avec près de 16 272 personnes migrantes mortes ou disparues entre janvier 2015 et avril 2022. Trop souvent, ces décès ne sont ni le fruit du hasard, ni d’accidents. Il s’agit en partie de crimes commis dans le cadre d’exactions perpétrées de manière méthodique et systématique en violation flagrante du droit maritime, de la convention de Genève et de la Convention européenne des droits de l’Homme – que ce soit par le refoulement incessant des autorités helléniques[1] ou les interceptions des embarcations par les garde-côtes libyens. Homicides, violences volontaires, mise en danger délibérée, entrave à l’arrivée des secours, non-assistance… Ces pratiques relèvent de crimes contre l’humanité.

Or, il s’avère que l’agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, dite Frontex, a joué un rôle essentiel dans la possibilité de commission de ces crimes, et ce depuis la nomination de Fabrice Leggeri au poste de directeur exécutif. Entre le 1er janvier 2015 et le 28 avril 2022, alors que Fabrice Leggeri avait l’entière mainmise sur le pouvoir de décision de Frontex et était le seul à s’entretenir avec les Etats-membres au sein de l’agence, il a radicalement et durablement changé son rôle au sein de l’Union européenne (UE) au risque de devenir complice actif de crimes contre l’humanité et de crimes de torture commis par les autorités libyennes et grecques.

Sous l’impulsion de ce nouveau directeur, les missions de l’agence ont été non seulement développées de façon fulgurante, mais aussi dénaturées de la pire manière qui soit : d’un rôle d’appui et de soutien, l’agence s’est progressivement substituée aux Etats membres dans la gestion de leurs frontières. Pour affirmer le rôle de police de l’agence, son directeur a alors fait le choix d’une politique visant à faire obstacle, quel qu’en soit le prix – en vies humaines notamment – à l’entrée des personnes migrantes au sein de l’UE.

Or si l’UE a donné à Frontex le rôle d’assurer la gestion européenne intégrée des frontières extérieures, cette mission ne devait pas s’entendre au détriment du respect des droits fondamentaux des personnes, encore moins de leur vie, comme cela a pourtant été le cas. Selon plusieurs sources journalistiques, la participation de Frontex peut notamment être recensée dans près de 222 incidents dramatiques, impliquant 8 355 personnes entre mars 2020 et septembre 2021, que ce soit en s’abstenant de s’opposer aux autorités concernées alors qu’elle en avait le devoir, en dissimulant des preuves de ces crimes, voire parfois même en leur fournissant un soutien logistique et financier pour les exécuter. Ainsi, l’agence a non seulement refusé d’émettre des alertes lorsqu’elle avait connaissance de la situation de détresse d’embarcations, mais elle a aussi facilité matériellement des interceptions des bateaux de personnes migrantes en informant les garde-côtes grecs ou encore finançant, a minima, un bien impliqué dans une interception. Elle a également délibérément dissimulé la gravité des incidents et la commission des exactions commises par les garde-côtes grecs. Pour finir, elle a mis sa surveillance aérienne au service de l’interception d’embarcations par les forces libyennes, plutôt que du sauvetage des personnes à bord, alors qu’il est établi de longue date que les personnes migrantes sont victimes en Libye de meurtres, de traite des êtres humains, de violences physiques et sexuelles, de détention arbitraire et de torture.

De nombreux messages et courriels indiquent que Fabrice Leggeri avait connaissance de ces faits criminels, et les a pourtant laissés se perpétuer. Il avait le devoir de faire cesser ces pratiques mais il a choisi de se soustraire à ses obligations. Au regard de ses récentes déclarations visant à annoncer sa candidature au rang de numéro trois de la liste pour les élections européennes du Rassemblement national (RN), il apparait que Fabrice Leggeri a dévoyé ses fonctions au sein de Frontex pour les mettre au service de ses opinions personnelles, en tout point opposées aux missions qui lui étaient confiées et au détriment de la vie de milliers personnes. Au vu des charges qui pèsent contre lui, la LDH et Utopia 56 s’inquiètent du message et du danger qu’une telle candidature peut représenter pour l’Europe.

A la suite de la publication du rapport d’enquête de l’Office européen de lutte anti-fraude (OLAF) du 15 avril 2022, Fabrice Leggeri a été conduit à la démission.

Par conséquent, la LDH et Utopia 56 ont décidé de porter plainte avec constitution de partie civile à l’encontre de Fabrice Leggeri pour complicité de crimes contre l’humanité et de torture devant le tribunal judiciaire de Paris. Par cette action, non seulement nos organisations demandent à la justice de poursuivre M. Leggeri, mais elles espèrent également que celle-ci conduira à un changement radical des pratiques au sein de l’agence Frontex.

1. Pour mémoire, le « non-refoulement » est un droit fondamental consacré par le droit international et le droit communautaire. Il interdit le retour de personnes vers des territoires où elles risquent d’être persécutées, torturées ou soumises à d’autres mauvais traitements.

Paris, le 23 avril 2024

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Source: Fabrice Leggeri, ancien directeur de Frontex, poursuivi pour complicité de crimes contre l’humanité et de torture