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Ligue des droits de l'Homme

Section du Pays d'Aix-en-Provence

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Commentaires sur le récent rapport de la Commission européenne sur l’Etat de droit dans les pays de l’Union européenne 12 octobre, 2020

Texte du Forum civique européen, dont la LDH est membre

Mercredi 30 septembre, la Commission européenne a présenté son premier rapport sur la situation pour l’État de droit dans l’Union européenne. Ce rapport est complété par 27 chapitres nationaux qui analysent les spécificités dans chaque État membre.

Le Forum civique européen (FCE) avait apporté sa contribution sur ce sujet dans le cadre de la consultation ouverte par la Commission européenne au printemps (voir la réponse du FCE) [1].

Comme l’ont souligné de nombreux acteurs civiques depuis la publication du rapport, pour être utile, celui-ci doit déboucher sur des actions contre tout recul de l’État de droit quel que soit l’État membre.

Cela dit, nous notons avec satisfaction l’inclusion dans le rapport d’observations concernant la détérioration dans le contexte de la crise du Covid-19. Nous rendons hommage à la manière dont la Commission européenne souligne bien le rôle des acteurs civiques pour la défense de l’État de droit. Le rapport reconnaît que le respect de l’État de droit dépend d’un écosystème plein et entier de contrôles, d’équilibres institutionnels et d’acteurs sociétaux comprenant la société civile. Le rapport mentionne à plusieurs reprises les organisations civiques comme des acteurs majeurs pour alerter sur les violations de l’État de droit. Les autorités nationales sont invitées à prendre en considération leurs déclarations et le rapport dit que « les tentatives de répression des acteurs de la société civile devraient toujours être considérées comme un signe d’alerte en matière d’État de droit ».

Nous considérons l’inclusion de l’espace civique dans le rapport et cette reconnaissance de son rôle comme un signe positif de la part de la CE. Elles reflètent une écoute, au fil des dernières années et aussi pendant la pandémie, des organisations de la société civile, nationales et européennes, y compris du FCE. Cette première étape doit déboucher sur un engagement concret pour un dialogue civique régulier, structuré et transparent sur toute question concernant les politiques publiques.

Si le rapport a de nombreux aspects positifs, l’approche de la Commission européenne en matière d’État de droit est limitée, car elle ne se concentre que sur quatre sujets seulement et, de plus, n’inclut pas les politiques lorsqu’elles sont menées au-delà des frontières comme pour les migrations vers l’Union européenne.

Ainsi, dans le cas de l’espace civique, elle se limite à analyser les législations concernant la vie associative et n’aborde pas la mise en œuvre pratique, accès effectif aux ressources et mises à disposition de locaux pour l’action des organisations civiques. La liberté de réunion n’est pas suffisamment prise en compte (pour en savoir davantage sur l’approche de l’espace civique du FCE).

Aussi, ce document ne décrit que très partiellement les défis auxquels les acteurs civiques sont confrontés dans de nombreux pays lorsqu’il s’agit de mettre en œuvre et de défendre l’État de droit. Pour la plupart des pays, la lecture laisse une étrange impression, se limitant reprendre une description de problèmes telle que présentée par les gouvernements nationaux, et ne reprenant pas l’analyse qu’en font les acteurs civiques qui rendent compte des faits et alertent sur les brèches identifiées.

Par exemple, le rapport mentionne positivement la Croatie parmi les États membres qui ont récemment « renforcé ou ont l’intention de prendre des initiatives relatives à l’environnement pour la société civile » pour son « plan national visant à améliorer le système de soutien juridique, financier et institutionnel aux activités des organisations de la société civile ». Pourtant, cette stratégie nationale annoncée depuis 2016, n’a toujours pas été adoptée par le gouvernement croate, ce qui a conduit les acteurs civiques non seulement à une précarité de financement mais aussi à limiter leur capacité à jouer leur rôle pour la cohésion sociale et la citoyenneté active.

Dans le cas de la France, pays qui n’a généralement pas une réputation de mauvais élève, la violence de la police lors des manifestations, élément majeur pour 2019, n’est quasiment pas mentionnée. La phrase qui parle de la violence exercée contre les journalistes est allusive.

Ces exemples ne sont pas des exceptions. De nombreux rapports nationaux ne traitent pas ou pas clairement des questions pourtant bien documentées par les acteurs civiques.

Il est trop tôt pour faire une analyse complète des chapitre sur les pays. Les organisations de la société civile continueront à apporter leurs commentaires dans les prochains jours et semaines. Leurs analyses seront de la plus haute importance pour évaluer la pertinence des rapports pour les acteurs civiques qui défendent l’État de droit dans tous les pays de l’Union européenne.

La question est maintenant de savoir comment la Commission entend utiliser les procédures du droit communautaire contre les violations du traité en matière d’État de droit, et quels changements elle recommande aux États membres pour répondre aux problèmes qu’elle mentionne déjà dans les rapports. Nous attendons de la Commission des mesures plus concrètes pour soutenir les actions entreprises par les acteurs de la société civile dans les différents États membres.

Le FCE continuera à intervenir pour alerter sur les lacunes mentionnées ci-dessus et à plaider pour une meilleure prise en compte par la Commission européenne de l’avis des organisations civiques qui agissent à tous les niveaux, du local à l’européen, dans la préparation des futurs rapports.

[1] De plus, le site Civic Space Watch, mis en place par le FCE, qui donne de l’information sur l’espace civique en Europe, ainsi que le « CIVICUS Monitor », que le FCE alimente pour certains pays, sont mentionnés dans des rapports nationaux.

Paris, le 8 octobre 2020

Source: Commentaires sur le récent rapport de la Commission européenne sur l’Etat de droit dans les pays de l’Union européenne

Le rapport « Une citoyenneté réprimée : 100 cas de restriction des libertés associatives, 12 pistes pour les protéger » est paru ! 9 octobre, 2020

Communiqué LDH : « Une citoyenneté réprimée », un état des lieux des entraves aux actions associatives en France.

Le mardi 6 octobre, l’Observatoire des libertés associatives dont la Ligue des droits de l’Homme (LDH) est membre a rendu public un rapport inédit, dressant le tableau d’une « citoyenneté réprimée ».

Ce rapport est le fruit d’une collaboration entre chercheurs, associations nationales et locales, intervenant dans divers domaines d’activités (défense des droits, écologie, social, culture…), membres de la Coalition pour les libertés associatives.

Cette analyse de fond s’appuie sur une centaine de cas récents d’entraves et de répression contre des associations et des collectifs de citoyens. Des associations dont l’activité est suspendue suite à une coupe-sanction de subvention pour avoir contredit un élu, des militants poursuivis devant des tribunaux pour des actions solidaires, une association de quartier interdite d’accès aux espaces communaux pour se réunir, des représentants politiques stigmatisant des associations de défense des droits, des observatrices de manifestations arrêtées, des militantes et militants écologistes cibles de contrôles routiers et d’amendes à répétition… Voici quelques exemples tirés de la centaine de cas relevés et analysés dans ce premier rapport de l’Observatoire des libertés associatives.

Les auteurs du rapport pointent un paradoxe : « alors que la démocratie participative s’expérimente désormais à l’échelle nationale et jusqu’au plus haut sommet de l’Etat (Grand débat, convention citoyenne pour le climat), les associations, acteurs essentiels de la démocratie, sont marginalisées voire ouvertement attaquées par les pouvoirs publics à tous les niveaux quand elles prennent des positions critiques ou mènent des actions collectives de défense des droits (par exemple avec les Observatoires des pratiques policières lors de manifestations) visant à interpeller les autorités et nourrir le débat public. »

Dans un contexte de pandémie et de crise sanitaire, les auteurs du rapport soulignent « qu’une partie des associations hier réprimées, ou qui l’ont été du fait du maintien de leurs activités durant la période de confinement, ont joué et jouent un rôle central dans l’atténuation des effets de la crise auprès des publics les plus fragiles. »

La LDH, partie prenante du rapport, s’inquiète depuis plusieurs années des entraves que les associations rencontrent dans l’exercice de leur activité. La LDH restera vigilante sur les évolutions des politiques publiques, et notamment des risques induits en ce domaine par le projet de loi sur les séparatismes et le nouveau schéma du maintien de l’ordre.

A l’image de la protection dont peuvent bénéficier les syndicats dans l’exercice de leurs activités, les associations proposent une série de douze mesures pour mieux les protéger face aux répressions abusives et faire reconnaître leur rôle en matière de défense des droits et d’intervention dans le débat public afin de renforcer des libertés démocratiques aujourd’hui menacées.

Paris, le 8 octobre 2020

Cliquez-ici pour lire le rapport

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Source: Le rapport « Une citoyenneté réprimée : 100 cas de restriction des libertés associatives, 12 pistes pour les protéger » est paru !

Les enfants en migration doivent être protégé-e-s 5 octobre, 2020

Communiqué commun signé par l’Anafé, dont la LDH est membre.

A l’heure où des responsables politiques remettent ouvertement en cause l’accueil ou la prise en charge des mineur-e-s isolé-e-s étranger-e-s, nous faisons état des violations des droits que ces enfants subissent aux frontières françaises. La France doit redoubler d’efforts pour les protéger. C’est une obligation légale d’assurer que ces enfants très vulnérables aient accès à la protection dans notre pays.

Le Comité des droits de l’enfant examine cette semaine le rapport transmis par nos associations sur les manquements de la France à ses obligations en matière de protection des mineur-e-s isolés-e-s aux frontières. Nous demandons aux autorités françaises de mettre en place des mesures immédiates afin d’assurer à ces enfants un accès effectif à la protection de l’enfance, conformément à la Convention internationale des droits de l’enfant.

Refoulements illégaux, mises à l’abri insuffisantes et inadaptées, graves carences dans l’accompagnement des enfants : tels sont les constats quotidiens de nos associations, présentes aux frontières franco-italienne (de Menton à Modane en passant par Briançon), franco-espagnole (entre Irun et Hendaye) et franco-britannique (dans le Calaisis, le Dunkerquois, et tout le long du littoral de la Manche).

Ces constats, adressés au Comité dans le cadre de son examen périodique, sont détaillés dans un rapport inter-associatif, rendu public aujourd’hui [Les manquements des autorités françaises aux devoirs élémentaires de respecter, protéger et mettre en œuvre les droits des mineur-e-s isolé-e-s étranger-e-s en danger aux frontières intérieures terrestres de la France (frontières franco-italienne, franco-espagnole et franco-britannique)] et illustrés par plusieurs témoignages de mineur-e-s ayant été victimes de ces pratiques illégales et ces dysfonctionnements.

Dans ces espaces frontaliers, nombreux sont les mineur.e.s isolé-e-s étranger-e-s, en situation d’errance, qui se retrouvent éloigné-e-s de tout accès effectif à une protection et aux juridictions compétentes, sans aucune information sur leurs droits. Nombre d’entre elles et eux ont pourtant été victimes de violences dans leur pays, sur les routes de l’exil, ou même une fois arrivé-e-s en France, accumulant inévitablement des expériences traumatisantes.

Confronté.e.s, entre autres, à des violences physiques, à des privations de liberté, à des refoulements et/ou à des expulsions, ces mineur-e-s ont tendance à perdre toute confiance envers les autorités, au lieu de les considérer comme un moyen d’accéder à une protection.

A la frontière entre Vintimille et Menton, malgré plusieurs décisions du tribunal administratif de Nice condamnant leur refoulement en 2018, 2019 et début 2020, de nombreux enfants continuent d’être refoulé-e-s, certain-e-s après une privation de liberté de plusieurs heures, dans des conditions indignes, sans protection sanitaire spécifique et sans séparation avec les adultes. À Calais, la Cour européenne des droits de l’homme a déclaré, le 28 février 2019, que le défaut de prise en charge par les autorités françaises d’un mineur isolé étranger de 11 ans, Jamil Khan, ainsi que les conditions insalubres, dangereuses et précaires dans lesquelles il vivait, étaient constitutifs d’un traitement dégradant, en violation de la Convention européenne des droits de l’homme.

Ces carences et ces atteintes aux droits des enfants contribuent à leur constante mobilité mais aussi à une plus forte exposition à l’emprise de réseaux d’exploitation. Cette situation peut également les conduire à prendre des chemins de plus en plus dangereux, au péril de leur vie. D’autant plus dans le contexte actuel du Brexit, où les négociations politiques en cours et les déclarations médiatiques qui les accompagnent brouillent les informations quant aux possibilités de réunification familiale vers l’Angleterre. Ainsi, alors même que l’accord de retrait prévoit une période de transition jusqu’au 31 décembre 2020, certains enfants qui pourraient être réunis avec un membre de leur famille renoncent à accéder à une protection et prennent des risques inconsidérés.

L’ensemble de ces manquements a été soumis au Comité des droits de l’enfant, organe de l’ONU chargé de vérifier la bonne application de la Convention internationale des droits de l’enfant par les Etats parties. Cette année démarre en effet l’examen de la situation de la France par le Comité, processus qui s’étend sur plusieurs mois.

Associations signataires :
Amnesty International France ; Anafé ; La Cimade ; Help Refugees ; Médecins du Monde ; Médecins sans Frontières ; Refugee Rights Europe ; Refugee Youth Service ; Safe Passage ; Secours Catholique-Caritas France.

Avec le soutien des associations :
AdN – Association pour la démocratie à Nice ; ADRA France antenne de Dunkerque ; Alliance-DEDF ; AMiS ; ASGI ; Auberge des Migrants ; Bethlehem ; Cercle de Silence Hazebrouck ; Collectif Kesha Niya Kitchen ; Diakité ; Human Rights Observers ; LDH – Dunkerque ; Migraction59 ; MRAP Littoral ; Project Play ; Refugee Women’s Centre ; Salam Nord/Pas-de-Calais ; SAVE ; Solidarity Border ; Tous Migrants ; Utopia56 ; WeWorld Onlus.

Le 5 octobre 2020

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Télécharger le rapport Les manquements des autorités françaises aux devoirs élémentaires de respecter, protéger et mettre en œuvre les droits des mineur-e-s isolé-e-s étranger-e-s en danger”

Source: Les enfants en migration doivent être protégé-e-s

4 octobre 2020 – Tribune collective “Maintien de l’ordre : nouveau schéma, vieilles pratiques” publiée sur FrancEinfo 5 octobre, 2020

A l’initiative de la LDH et d’Amnesty international et signée par l’Acat-France, la CGT, la FSU, l’Unef, le Saf, le SM, le SNJ, le SNJ-CGT et l’Union syndicale Solidaires

Lire la tribune sur FranceInfo

Alors que depuis deux ans, les manifestations en France ont fait des milliers de blessés, chez les manifestants comme les forces de l’ordre, la réforme du maintien de l’ordre présentée la semaine dernière confirme la volonté du ministère de l’Intérieur de rejeter toute évolution significative en ce domaine et ouvre la voie à de nouvelles atteintes à la liberté d’information.

Ce nouveau schéma national du maintien de l’ordre (SNMO) a été publié sans réelle concertation ni transparence malgré les demandes de plusieurs ONG et de syndicats de journalistes en ce sens et contrairement à ce qui a été affirmé par l’ancien secrétaire d’Etat à l’Intérieur, Laurent Nunez[1].

Nous avions pourtant des recommandations concrètes pour garantir le respect des droits humains, notamment le respect de l’intégrité physique des personnes et le droit de manifester pacifiquement. Ces recommandations sont fondées sur le droit international, en particulier le respect des principes de légalité, nécessité et proportionnalité, et sur les réflexions engagées dans de nombreuses polices européennes pour aller vers des stratégies de désescalade. L’objectif ? Faire baisser les tensions par le dialogue et la facilitation pour renforcer la confiance entre la police et les manifestants et éviter, le plus possible, d’avoir recours à la force.

Le SNMO rendu public le 17 septembre, loin de proposer les réformes structurelles indispensables, entérine voire aggrave de dangereuses pratiques.

Le maintien des grenades de désencerclement et des LBD 40 est confirmé, malgré les appels de nombreuses associations, du Conseil de l’Europe, et d’ophtalmologues à en suspendre ou en interdire l’usage. Le recours proposé à des grenades de désencerclement présentées comme moins dangereuses n’est pas suffisant, car les impacts de ces armes de guerre restent par définition disproportionnés et indiscriminés. De plus, on ne peut se satisfaire du remplacement des grenades GLI-F4 par des GM2L, dont les effets restent dangereux et contreproductifs, puisqu’elles consistent à assourdir et donc désorienter les manifestants au moment où on leur demande de se disperser.

La nécessité « d’assurer une prise en compte optimale des journalistes », annoncée dans le document rendu public, pourrait être positive, si elle ne s’accompagnait pas de conditions alarmantes. Ainsi, le droit de porter des équipements de protection – ô combien nécessaires au milieu des gaz lacrymogènes utilisés massivement – est conditionné à l’absence de « de toute infraction ou provocation ». Si les infractions peuvent être définies, le terme « provocation » est assez flou pour ouvrir la voie à l’arbitraire : qu’est-ce qu’un journaliste qui provoque ? Compte tenu du nombre de journalistes inquiétés ou empêchés d’exercer leur métier, il aurait été également utile de rappeler que la carte de presse n’est pas nécessaire pour établir le statut de journaliste.

Par ailleurs, les observateurs, comme les journalistes, se voient associés sans distinction aux manifestants, puisqu’il leur est rappelé qu’ils commettraient un délit en cas de non-dispersion après des sommations. Le travail des observateurs est de documenter les pratiques de maintien de l’ordre et celui des journalistes d’informer. Les contraindre à partir au moment du recours à la force revient à entraver leur mission. Doit-on rappeler que sans le travail des journalistes, des observateurs, mais aussi les témoignages de citoyens, l’essentiel des violences policières recensées ces dernières années aurait été passé sous silence ?

Le SNMO ne remet nullement en cause la pratique des nasses, trop souvent mises en œuvre de manière abusive, immobilisant les manifestants pacifiques, généralement sous les jets de gaz lacrymogènes, au risque de provoquer des affrontements.

En dehors d’améliorations sur l’information des manifestants et la clarté des sommations, le ministère de l’Intérieur ne change pratiquement rien à ce SNMO et l’assume, entérinant les pratiques de l’hiver 2018-2019. Un hiver où de simples passants, des policiers, des journalistes, des milliers de personnes ont été blessées, une vingtaine de manifestants a été éborgnée, et six ont eu une main arrachée. Zineb Redouane en est probablement morte. Et nous attendons toujours l’issue judiciaire des plaintes et procédures engagées.

La France se distingue tristement en Europe par le nombre de personnes mutilées ou gravement blessées dans le cadre de manifestations. Ne pas engager de réforme structurelle sérieuse après les enquêtes et alertes du Défenseur des droits, des experts de l’ONU, de syndicats de journalistes, du Conseil de l’Europe et d’ONG révèle un niveau de déni inquiétant. Ce nouveau schéma est une occasion manquée de mieux protéger la liberté de manifester.

Signataires :

 Cécile Coudriou, présidente d’Amnesty International France ; Malik Salemkour, président de la Ligue des droits de l’Homme (LDH) ; Nathalie Seff, déléguée générale d’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (Acat-France) ; Céline Verzeletti, secrétaire confédérale de la Confédération générale du travail (CGT) ; Benoît Teste, secrétaire général de la Fédération syndicale unitaire (FSU) ; Mélanie Luce, présidente de l’Union nationale des étudiants de France (Unef) ; Estellia Araez, présidente du Syndicats des avocats de France (Saf) ; Katia Dubreuil, présidente du Syndicat de la magistrature (SM) ; Emmanuel Poupard, premier secrétaire général du Syndicat national des journalistes (SNJ) ; Emmanuel Vire, secrétaire général de Syndicat national des journalistes CGT (SNJ-CGT) ; Cécile Gondard Lalanne et Eric Beynel, porte-paroles d’Union syndicale Solidaires.

[1] Déclaration à la presse le 15 novembre 2019 : https://www.vie-publique.fr/discours/271930-laurent-nunez-15112019-ordre-public  et Déclaration devant le Sénat le 18 février 2020: https://www.vie-publique.fr/discours/273528-laurent-nunez-18022020-maintien-de-lordre

[1] Déclaration à la presse le 15 novembre 2019: https://www.vie-publique.fr/discours/271930-laurent-nunez-15112019-ordre-public  et Déclaration devant le Sénat le 18 février 2020: https://www.vie-publique.fr/discours/273528-laurent-nunez-18022020-maintien-de-lordre

Lire la tribune sur le site de Francetvinfo.fr


Source: 4 octobre 2020 – Tribune collective “Maintien de l’ordre : nouveau schéma, vieilles pratiques” publiée sur FrancEinfo

1 octobre 2020 – Tribune de Malik Salemkour et Elie Poigoune “Nouvelle-Calédonie : « La décolonisation reste un processus inachevé en dépit d’avancées majeures »” publiée sur le Monde 5 octobre, 2020

Si trente ans de paix ont permis des avancées significatives, notamment en politique, les rééquilibrages économique et social sont loin d’être achevés, constatent Elie Poigoune et Malik Salemkour, qui appellent au « rétablissement du dialogue ».

Le dimanche 4 octobre se tiendra une nouvelle consultation sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie. Une Nouvelle-Calédonie qui a beaucoup changé depuis 1988 et la célèbre première poignée de main entre Jean-Marie Tjibaou et Jacques Lafleur dans le jardin de l’hôtel Matignon, en présence du Premier ministre Michel Rocard.

Trente ans de paix ont permis des avancées significatives de la situation du peuple kanak, comme de celle des descendants des autres communautés caractérisées comme « victimes de l’histoire » aux entretiens de Nainville-les-Roches de 1983.

Plus de 1 500 cadres, aux deux tiers kanak et pour le troisième tiers descendants des victimes de l’histoire aux origines diverses (bagne, déportés politiques, travailleurs « tonkinois », autrement dit originaires du Vietnam, Javanais, Arabes, Japonais…), ont bénéficié de formations professionnelles de haut niveau et se sont insérés et investis dans des responsabilités institutionnelles, administratives, industrielles, commerciales diverses, afin de servir leur pays dans son difficile combat pour accéder à la souveraineté, qui reste un objectif incontournable.

De même, l’accès à l’éducation et à l’enseignement est aujourd’hui universel pour tout jeune entre 3 et 16, voire 18 ans, avec un réseau dense de collèges et de lycées publics sur l’ensemble de la Grande Terre et aux îles Loyauté. D’autre part, une université de plein exercice, ouverte en 1999 avec une antenne inaugurée ces derniers mois en province Nord, permet un large accès de proximité aux études supérieures sur place.

Même si beaucoup reste à faire, le rééquilibrage politique est une réalité incontestable : depuis 1989, les Kanak exercent majoritairement les responsabilités avec d’autres Calédoniens à la tête de deux des trois provinces volontairement conçues comme des collectivités aux compétences générales. Cette formulation signifie qu’elles les exercent toutes, à l’exception de celles que des mesures légales prises démocratiquement ont maintenu ou transféré à d’autres institutions, communes ou au gouvernement local.

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Le 1er octobre 2020

Source: 1 octobre 2020 – Tribune de Malik Salemkour et Elie Poigoune “Nouvelle-Calédonie : « La décolonisation reste un processus inachevé en dépit d’avancées majeures »” publiée sur le Monde

Préoccupations des ONG concernant l’objectif d’amener à 30% le taux d’aires protégées et l’absence de garanties pour les communautés locales et peuples autochtones 28 septembre 2020 30 septembre, 2020

Déclaration commune de plus de 173 organisations, dont la LDH, à l’initiative de Survival, Rainforest Foundation UK et Minority Rights Group International

Aux parties à la Convention sur le diversité biologique (CDB) et à son secrétariat : 

Nous jugeons préoccupant l’objectif de 30% inscrit dans le « draft zéro » du Cadre mondial pour la biodiversité de l’après-2020, stipulant : 

 « D’ici 2030, protéger et conserver grâce à un système bien connecté et efficace d’aires protégées et à d’autres mesures de conservation efficaces par zone au moins 30% de la planète en mettant l’accent sur les zones particulièrement importantes pour la biodiversité. »[1]

Des engagements audacieux sont incontestablement nécessaires pour faire face à la crise climatique et aux besoins urgents de protection de la biodiversité. Cependant, nous pensons que cet objectif est contre-productif et vient renforcer un modèle de conservation dépassé et non durable qui risque de déposséder les personnes les moins responsables de ces crises de leurs terres et moyens de subsistance

Nos principales inquiétudes sont les suivantes : 

  • L’objectif de 30% a été fixé sans évaluation préalable des impacts sociaux et de l’efficacité de l’objectif précédent de placer 17% de la surface terrestre sous protection (adopté par les Parties à la CBD en 2010). Or, les aires protégées ont entraîné le déplacement et l’expulsion de peuples autochtones et d’autres communautés dépendantes des terres, et ont été associées à de graves violations de droits humains par les organisations et agences de conservation. Malgré les dispositions du cadre actuel de la CBD et du projet de Cadre pour l’après-2020 pour inclure « d’autres mesures de conservation efficace par zone » dans les objectifs de conservation, l’expérience montre que les aires protégées strictes gérées par l’État demeurent trop souvent le choix par défaut dans une bonne partie des pays du Sud.
  • Nous estimons, sur la base d’études indépendantes sur les zones d’importance écologique les plus susceptibles d’être érigées en aires protégées[2], que jusqu’à 300 millions de personnes pourraient être sérieusement affectées.
  • Les objectifs du projet de Cadre de l’après-2020 ne contiennent aucune garantie efficace pour protéger les terres, les droits et les moyens de subsistance des communautés autochtones et autres communautés dépendantes des terres dans les programmes de conservation. Cela viole les normes des Nations Unies et le droit international.
  • La proposition ne reflète pas les conclusions de l’évaluation mondiale de l’IPBES de 2019 selon laquelle les aires protégées existantes ne sont « pas encore gérées de manière efficace ou équitable » ni l’accent qu’elle a mis sur la nécessité de protéger les terres autochtones[3].

Nous pensons qu’avant l’adoption de tout nouvel objectif d’établissement d’aires protégées :

  1. Le Cadre mondial pour la biodiversité doit reconnaitre et protéger les droits fonciers collectifs et coutumiers, et adopter des mesures solides et exécutoires en faveur des peuples autochtones et autres communautés dépendantes des terres, qui s’appliqueront à toutes les aires protégées, nouvelles et existantes. Ces mesures doivent adhérer aux accords internationaux relatifs aux droits humains et garantir les droits aux terres, aux ressources, à l’autodétermination et au consentement libre, informé et préalable. Un plan doit être adopté pour la façon dont ces mesures devront s’appliquer aux aires protégées existantes, et un mécanisme d’examen solide mis en place, avant d’envisager une augmentation du nombre d’aires protégées.
  2. Un examen indépendant de l’efficacité et des impacts sociaux des aires protégées existantes doit être mené afin de guider de nouveaux objectifs et normes dans le Cadre mondial pour la biodiversité pour l’après-2020.
  3. Une étude approfondie devra être menée et publiée sur les opportunités pour accroitre la désignation officielle et la protection des terres autochtones et autres terres gérées durablement par les communautés locales, en vue de d’atteindre la plus grande protection de la biodiversité recherchée dans le cadre du Cadre pour l’après2020. Sous réserve de cela, le Cadre devra ancrer le principe selon lequel la protection et la reconnaissance des terres autochtones et communautaires doivent être le principal mécanisme de conservation de la biodiversité.
  4. Une justification scientifique doit être donnée pour l’objectif de 30%. Cela doit inclure une évaluation de son potentiel d’atténuation des changements climatiques ainsi que des précisions sur l’endroit où ces nouvelles aires protégées sont envisagées, quels régimes de protection y seront appliqués et quels impacts sont attendus sur les populations de ces zones.

Merci de prendre ces propositions en considération. 

[1] Traduction non officielle. Le texte est tiré du Draft monitoring framework for the post-2020 global biodiversity framework circulé en amont de la 24ème réunion de l’Organe subsidiaire de conseil scientifique, technique et technologique (SBSTTA-24) : https://www.cbd.int/sbstta/sbstta-24/post2020-monitoring-en.pdf

[2] Schleicher, J., Zaehringer, J.G., Fastré, C. et al. Protecting half of the planet could directly affect over one billion people. Nat Sustain 2, 1094–1096 (2019). https://doi.org/10.1038/s41893-019-0423-y; RFUK (2020) The Post-2020 Global Biodiversity Framework – How the CBD drive to protect 30 percent of the Earth by 2030 could dispossess millions: https://www.mappingforrights.org/MFRresources/mapstory/cbddrive/300_million_at_risk_from_cbd_drive

[3] IPBES (2019) The global assessment report on Biodiversity and Ecosystem Services: https://bit.ly/3fHBRcZ

Télécharger la Déclaration commune

 


Source: Préoccupations des ONG concernant l’objectif d’amener à 30% le taux d’aires protégées et l’absence de garanties pour les communautés locales et peuples autochtones 28 septembre 2020

Refuser l’enfermement. Critique des logiques et pratiques dans les zones d’attente 30 septembre, 2020

Rapport d’observations 2018-2019 de l’Anafé, dont la LDH est membre

A l’heure où les dirigeants européens envisagent une nouvelle fois, dans le cadre du Pacte sur l’asile et l’immigration, de renforcer les contrôles, le « tri » et l’enfermement des personnes en migration aux frontières extérieures de l’Union européenne, l’Anafé publie ce mardi 29 septembre son rapport d’observations 2018-2019 intitulé Refuser l’enfermement, Critique des logiques et pratiques dans les zones d’attente.

En s’appuyant sur des situations concrètes et des témoignages de personnes enfermées et de militants de l’Anafé, ce rapport dénonce les violations des droits humains en zone d’attente (liberté d’aller et venir, droit d’asile, droit au respect de la vie privée et familiale, protection de l’enfance, droit de ne pas subir des traitements inhumains ou dégradants…). Il met également en lumière les difficultés croissantes rencontrées en 2018 et 2019 par les bénévoles et visiteurs de zone d’attente pour accéder à ces lieux et les relations parfois tendues avec la police aux frontières.

Une seconde partie décrit les spécificités d’une quinzaine de zones d’attente, celles qui enferment ou refoulent la plupart des personnes : aéroports de Beauvais-Tillé, Bordeaux-Mérignac, Lyon-Saint-Exupéry, Marseille-Provence, Nantes-Atlantique, Nice-Côte d’Azur, Paris-Orly, Pointe-à-Pitre, Paris-Charles de Gaulle, Strasbourg-Entzheim, Toulouse-Blagnac, port de Marseille, Le Canet à Marseille, ZAPI (lieu d’hébergement de la zone d’attente de Roissy).

La France viole quotidiennement les conventions internationales qu’elle a ratifiées, le droit européen et sa propre législation interne. Les constats de ce rapport, confirmés par les conclusions de toutes les enquêtes et observations de terrain, sont ceux de pratiques illégales, de détournements de procédures et de violations des droits fondamentaux.

 « Du fait du durcissement des politiques migratoires, les personnes en migration prennent de plus en plus de chemins dangereux pouvant conduire à la mort, comme en atteste le décès début janvier 2020 d’un jeune garçon de 14 ans retrouvé dans le train d’atterrissage d’un avion à Roissy[1][1]. Il est temps d’en finir avec ces politiques migratoires meurtrières et archaïques, et de mettre fin à l’enfermement administratif des personnes étrangères », affirme Laure Palun, directrice de l’Anafé.

En 2018 et 2019, l’Anafé a pu constater que les difficultés rencontrées par les personnes privées de liberté aux frontières sont : le refus d’enregistrement de leur demande d’asile, et le refoulement sans examen de leur demande, la privation de liberté d’enfants isolés ou accompagnés, l’absence d’informations sur la situation, la procédure et leurs droits, l’absence d’interprète et d’avocat, l’absence d’accès à un téléphone, à un médecin ou à des soins, une nourriture et des conditions d’hygiène et sanitaires insuffisantes ou dégradées, des locaux insalubres, l’absence d’accès à l’extérieur, des stigmatisations et propos racistes ou sexistes, des pressions, intimidations ou violences de la part des forces de l’ordre…

« Ces constats sont le quotidien de notre travail sur le terrain. Le défi en zone d’attente est de faire face aux pratiques policières disparates et arbitraires, d’accompagner des personnes particulièrement vulnérables, de recevoir leur frustration parce qu’elles ont été discriminées, violentées et de pouvoir remettre du droit et de l’humanité au cœur de ces zones. », déclare Charlène Cuartero Saez, coordinatrice des missions dans les zones d’attente. 

A l’issue de la lecture de ce rapport, une seule question restera en mémoire : quand allons-nous mettre fin à l’enfermement administratif des personnes étrangères aux frontières ?

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Paris, le 29 septembre 2020

[1] Mort d’un enfant de 10 ans à Roissy : encore une victime des politiques migratoires européennes ?, Communiqué de presse Anafé, 8 janvier 2020.


Source: Refuser l’enfermement. Critique des logiques et pratiques dans les zones d’attente

Droit à l’avortement : un combat sans fin 30 septembre, 2020

Communiqué LDH

Au cours des dernières décennies, les femmes ont conquis de nouveaux droits dans différents secteurs, mettant ainsi à mal des siècles de domination patriarcale. Mais, partout dans le monde, le chemin parcouru reste d’une grande fragilité et des retours en arrière sont toujours possibles, parce que tout ce qui touche à l’émancipation des femmes bouleverse un ordre établi par les hommes et pour les hommes. Bien que condition première de cette égalité, le droit de vivre sa sexualité sans procréer, d’être enceinte ou pas, de mener à terme sa grossesse ou non, est aujourd’hui encore loin d’être reconnu comme un droit fondamental pour toutes les femmes. Ainsi, 36% des femmes vivent dans un pays où l’avortement est interdit et, à l’échelle planétaire, une femme meurt toutes les neuf minutes à la suite d’un avortement clandestin. En Argentine, par exemple, la loi autorisant l’avortement n’est toujours pas votée, tandis qu’au Brésil le gouvernement en place ne cesse d’en durcir les conditions d’accès. L’Europe n’échappe pas aux tentatives de régressions : en témoigne ce qui se passe en Pologne ou en Slovaquie. Quant à Malte, l’avortement y reste criminalisé, sans exception.

En France, la législation sur l’avortement date de 1975 et doit beaucoup à la voix de Gisèle Halimi, récemment décédée et dont il faut encore saluer la mémoire et le courage. Depuis cette date, des avancées dans la prise en charge de l’interruption volontaire de grossesse (IVG) ont été enregistrées mais leur mise en place reste insuffisante. En quinze ans, cent trente centres d’IVG ont été fermés et de telles mesures accentuent les difficultés d’accès à l’avortement, notamment pour les femmes les plus précaires, avec aussi de grandes inégalités territoriales. De même, l’information sur les possibilités offertes par la loi, l’éducation à la sexualité et à la contraception ne sont pas à la hauteur des enjeux pour un gouvernement qui a dit vouloir faire des droits des femmes « une grande cause nationale ».

A l’occasion du 28 septembre, Journée mondiale pour le droit à l’avortement, la Ligue des droits de l’Homme (LDH) tient à rappeler sa détermination à faire de ce droit un droit sécurisé, gratuit et universel. Elle appelle toutes celles et tous ceux qui partagent ce combat à participer aux initiatives qui auront lieu à cette occasion.

Paris, le 25 septembre 2020

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Source: Droit à l’avortement : un combat sans fin

La LDH attaque en justice le nouveau schéma de maintien de l’ordre 30 septembre, 2020

Communiqué LDH

La Ligue des droits de l’Homme (LDH) a décidé d’engager un recours devant le Conseil d’Etat à l’encontre du nouveau schéma du maintien de l’ordre.

Elle considère que ce schéma porte atteinte à la liberté de la presse, d’observation, la liberté individuelle et à la liberté de manifester.

Paris, 22 septembre 2020

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Source: La LDH attaque en justice le nouveau schéma de maintien de l’ordre

21 septembre 2020 – Tribune collective signée par Malik Salemkour “Pour que le Briançonnais reste un territoire solidaire avec les exilés”, publiée sur Libération 30 septembre, 2020

 

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Un collectif de personnalités civiles et culturelles s’oppose à la décision du nouveau maire de Briançon de fermer le refuge solidaire et le local des secours dédiés aux exilé-e-s

Depuis cinq ans, plus de 11 000 hommes, femmes et enfants jetés sur les routes de l’exil ont traversé au péril de leur vie la frontière franco-italienne haute-alpine, souvent dans la nuit, le froid, ou la neige, au milieu de montagnes dont ils méconnaissent les dangers. Tous ont ensuite transité une ou quelques nuits par Briançon, brève escale dans leur périple migratoire.

Un élan de solidarité, porté par des centaines de bénévoles, organisé par des associations et soutenu par la Ville et la Communauté de communes du Briançonnais, a permis de mettre à l’abri et d’accueillir dignement toutes ces personnes : un lieu d’accueil d’urgence offre depuis trois ans à ces exilés de passage, hébergement, nourriture, soins, vêtements, conseils juridiques sur le droit d’asile et chaleur humaine. Installé dans un bâtiment mis à disposition par la Communauté de communes, il est géré par l’association Refuges solidaires.

 

Initiative d’accueil exemplaire

En amont, dans la montagne, des maraudeurs solidaires portent secours aux exilés en danger − perdus, épuisés, en hypothermie − avec l’appui de Tous migrants et Médecins du monde. Sans les maraudes, le bilan de cinq morts et trois handicapés à vie que la région a connue ces trois dernières années aurait été encore plus terrible. Un local technique a été mis à disposition de Tous migrants pour le stockage du matériel de secours en montagne.

Il s’agit d’une initiative d’accueil exemplaire, mise en lumière par les médias du monde entier et récompensée par l’attribution de la mention spéciale du prix des Droits de l’Homme 2019 de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme à l’association Tous migrants.

Cette mobilisation est aujourd’hui mise à mal par la décision du nouveau maire de Briançon et président de la communauté de communes, Arnaud Murgia, de fermer le refuge solidaire et le local technique des maraudes (1). Il s’agit là d’une entrave grave aux opérations de secours et d’accueil des exilés, mettant leur vie en danger.

La décision du maire, si elle est exécutée, aurait également pour conséquence de jeter les exilés à la rue, ne leur laissant d’autre solution que de dormir dans les espaces publics, alors que les températures nocturnes frôlent déjà zéro degré dans Briançon, et qu’il est physiquement impossible de survivre à l’extérieur en plein hiver.

Ce faisant, le président de la communauté de communes créerait les conditions d’un véritable drame humanitaire, avec de nouveaux morts en montagne et à nos portes. Il en porterait l’entière responsabilité morale.

 

La plus élémentaire solidarité montagnarde

Au-delà, il s’agirait d’une atteinte grave au droit des associations et bénévoles de s’organiser pour porter secours. En exigeant la fermeture de ces deux lieux complémentaires et indispensables au bon fonctionnement des opérations humanitaires, le nouveau maire fragilise l’écosystème associatif et bénévole local, et tourne le dos à la plus élémentaire solidarité montagnarde.

Cette attitude fait écho aux récentes interdictions de distribution de nourriture dans le Calaisis, à la fermeture du centre d’accueil de la Croix-rouge près de Menton, aux amendes infligées aux bénévoles humanitaires durant le confinement et plus largement aux atteintes grandissantes portées aux actions associatives et collectives.

Le devoir d’assistance à personne en danger est un devoir moral et juridique; il s’impose à toutes et tous : citoyens, associations, mais aussi et d’abord collectivités territoriales et État. Le fait que les gouvernements européens ne respectent pas leurs obligations en matière de sauvetage et d’accueil des personnes, et qu’ils ferment volontairement les yeux sur les drames humains dont l’actualité se fait chaque jour écho, en Méditerranée comme dans les Alpes, n’exonère personne.

Nous, bénévoles et associations actives sur place, dont Refuges solidaires, Tous migrants, le Secours catholique, Médecins du monde, ne sommes pas résignés. Pour éviter de nouveaux drames, nous continuerons à accueillir, secourir et exiger le respect des droits des personnes exilées. Parce que nous refusons que nos montagnes deviennent un cimetière, à l’instar de la Méditerranée, parce que nous refusons qu’une personne, quelle qu’elle soit, se retrouve à la rue, nous appelons citoyens, associations, institutions, élus, collectivités à soutenir notre combat pour la mise à disposition des locaux indispensables au secours et à l’accueil digne des personnes exilées et en détresse, le respect de leurs droits fondamentaux et l’arrêt des poursuites contre les bénévoles, les associations et les défenseurs des droits.

Premiers signataires : Mgr Xavier Malle, évêque de Gap et d’Embrun, Edgar Morin, sociologue, Thuram Lilian, footballeur, Rubirola Michèle, maire de Marseille, Berger Laurent, secrétaire général CFDT, Autissier Isabelle, navigatrice, écrivaine, présidente de WWF France, Trouvé Aurélie, économiste, ex-coprésidente d’Attac, Torreton Philipe, comédien, Pinar Selek, écrivaine, enseignante-chercheuse, Gumpel Georges, enfant juif caché, Honneth Axel, philosophe, université de Columbia, Héran François, professeur au Collège de France, Laugier Sandra, professeur université paris 1 Sorbonne, Ghassan Hage, anthropologue, professeur université Melbourne, W. Scott Joan, professeur émérite à l’Institute for adavanced study Princeton, Wajdi Mouawad, auteur, Balibar Etienne, philosophe, Lavinas Lena, économiste, université Rio de Janeiro, Rosanvallon Pierre, Collège de France, Olivier Py, directeur du Festival d’Avignon, Pouria Amirshahi, président-directeur Politis, Nancy Huston, écrivaine, Brochen Julie, comédienne, Benbassa Esther, sénatrice, Olivier le cour Grandmaison, universitaire, Pierre Cours-Salies, sociologue, professeur émérite Paris 8, Didier Fassin, professeur à l’Institut d’étude avancée de Princeton et au Collège de France, Mechmache Mohammed, Association collectif liberté égalité fraternité ensemble unis (Aclefeu), Eric Fassin, sociologue, Université Paris 8, Wieviorka Michel, sociologue, Mnouchkine Ariane, metteur en scène, directrice du Théâtre du Soleil, Carème Damien, député européen, Wihtol de Wenden Catherine, directrice de recherche CNRS, Pascal Hugo, assistant de Mireille Delmas Marty, professeur émérite au Collège de France, Piketty Thomas, économiste, De Cock Laurence, historienne, Bertina Arno, écrivain, Bodet Stéphanie, écrivaine, grimpeuse, Botiveau Raphael, réalisateur, Massiah Gustave, économiste, altermondialiste, Nahoum Grappe Véronique, anthropologue, Testard Jacques, biologiste, Mouhoud El Mouhoub, professeur d’économie, Paris-Dauphine, De Botton Philippe, président de Médecins du Monde, Robert Christophe, délégué général Fondation Abbé-Pierre, Coudrion Cécile, présidente d’Amnesty International France, Masson Henry, président de La Cimade, Riot-Sarcey Michèle, historienne, Paris, Ernaux Annie, écrivaine, Combes Maxime, économiste, porte-parole d’Attac, Bayou Julien, porte-parole d’EELV, Herrou Cédric, Emmaüs Roya, Bourdon William, avocat au Barreau de Paris, Brengarth Vincent, avocat au Barreau de Paris, Cage Julia, professeur sciences politiques, Agier Michel, Massilia sound system, Christian Mahieux, réseau syndical international de solidarité et de luttes, Del Biaggio Cristina, géographe, université Grenoble Alpes et Laboratoire pacte, Bennahmias Jean-Luc, membre du Cconseil économique et social, Daudet Lionel, écrivain, alpiniste, Noguier Nicolas, président fondateur du Refuge, E. Harcourt Bernard, professeur de droit et de sciences politiques, université de Columbia, Maynadier Mathieu, guide de haute montagne, Lieneman Marie-Noëlle, sénatrice, Leras Gérad, ancien vice-président de la région Rhône-Alpes, Christian Terras, directeur de Golias, Cosnay Marie, ecrivaine, Salmon Christian, écrivain, Salvayre Lydie, écrivaine, Amilhat Szary Anne-Laure, professeur de géographie, université de Grenoble, directrice de Pacte, Malik Salemkour, président de la Ligue des droits de l’Homme (LDH).

(1) La nouvelle municipalité a adressé au refuge solidaire une mise en demeure de quitter le lieu d’accueil au plus tard le 30 octobre (et ne souhaite pas renouveler la convention d’occupation, arrivée à échéance le 30 juin dernier). Elle a aussi décidé de ne pas renouveler la convention de mise à disposition du local technique maraude utilisé par Tous Migrants et Médecins du Monde.

Retrouvez la tribune sur Libération.fr

Source: 21 septembre 2020 – Tribune collective signée par Malik Salemkour “Pour que le Briançonnais reste un territoire solidaire avec les exilés”, publiée sur Libération