Plusieurs personnalités et organisations, dont Malik Salemkour, président de la LDH, s’inquiètent des peines prononcées contre les militant-e-s de Greenpeace.
Tribune signée par plusieurs personnalités, dont Malik Salemkour, président de la LDH
L’Assemblée nationale et le Sénat s’apprêtent à remettre en cause nos libertés fondamentales en votant, via une procédure accélérée, une proposition de loi portant sur le secret des affaires.
Ce texte, qui sera étudié en séance publique à l’Assemblée nationale le 27 mars 2018 et qui porte sur « la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites », est la transposition d’une directive européenne adoptée en 2016 malgré les mises en garde des ONG, des syndicats, des journalistes, des chercheurs et l’opposition massive des citoyens. Cette directive a été élaborée par les lobbies des multinationales et des banques d’affaires qui souhaitaient un droit plus protecteur pour leurs secrets de fabrication et leurs projets stratégiques, alors que le vol de documents et la propriété intellectuelle sont déjà encadrés par la loi.
La France dispose de marges de manœuvre importantes pour la transposition de la directive dans notre droit national, et peut préserver les libertés tout en respectant le droit européen. Pourtant, le gouvernement et la majorité semblent avoir choisi, en catimini, de retenir une option remettant gravement en cause l’intérêt général et le droit des citoyens à l’information. La proposition de loi sur le secret des affaires a des implications juridiques, sociales, environnementales et sanitaires graves. De fait, ce texte pourrait verrouiller l’information à la fois sur les pratiques et les produits commercialisés par les entreprises.
En effet, la définition des « secrets d’affaires » est si vaste que n’importe quelle information interne à une entreprise peut désormais être classée dans cette catégorie. L’infraction au secret des affaires aurait lieu dès lors que ces informations seraient obtenues ou diffusées et leur divulgation serait passible de sanctions pénales. Les dérogations instituées par le texte sont trop faibles pour garantir l’exercice des libertés fondamentales. Des scandales comme celui du médiator ou du bisphénol A, ou des affaires comme les Panama Papers ou LuxLeaks pourraient ne plus être portés à la connaissance des citoyens.
Qu’il s’agisse d’informations sur les pratiques fiscales des entreprises, de données d’intérêt général relatives à la santé publique ou liées à la protection de l’environnement et à la santé des consommateurs, les journalistes, les scientifiques, les syndicats, les ONG ou les lanceurs d’alertes qui s’aventureraient à rendre publiques de telles informations s’exposeraient à une procédure judiciaire longue et coûteuse, que la plupart d’entre eux seraient incapables d’assumer face aux moyens dont disposent les multinationales et les banques. C’est là le pouvoir de cette loi : devenir une arme de dissuasion massive.
Pour les téméraires qui briseront cette loi du silence, on peut toujours espérer que les tribunaux feront primer la liberté d’expression et d’informer. La récente affaire Conforama indique plutôt le contraire. Les soi-disant garanties proposées par le gouvernement français ne couvrent pas tous les domaines de la société civile et notamment le travail des associations environnementales. Ces dérogations ne sont qu’un piètre hommage aux grands principes de la liberté d’informer. Elles ne vaudront pas grand-chose devant une juridiction armée d’un nouveau droit érigeant le secret des affaires en principe, et la révélation d’informations d’intérêt public en exception.
Cette offensive sans précédent sur notre droit à l’information est un enjeu démocratique majeur qui est en train de mobiliser l’ensemble de la société civile, comme le montre le succès de la pétition dans ce sens. Lanceurs d’alertes, syndicats, ONG, journalistes, avocats, chercheurs et citoyens : nous nous opposerons à l’adoption en l’état de cette loi. Le droit à l’information et l’intérêt des citoyens ne sauraient être restreints au profit du secret des affaires.
Le lien vers la pétition : http://www.stopsecretdaffaires.org
Signataires : Aiquel Pablo, journaliste, SNJ-CGT ; Alt Éric, vice-Président de l’association ANTICOR ; Apel-Muller Patrick, directeur de la rédaction de l’Humanité ; Beynel Eric, porte-parole de l’union syndicale Solidaires ; Binet Sophie, Secrétaire générale adjointe de l’UGICT CGT ; Borrel Thomas, porte-parole de Survie ; Cellier Dominique, président de Sciences Citoyennes ; Compain Florent, Président Les Amis de la Terre France ; Cossart Sandra, Directrice de Sherpa ; Deltour Antoine, lanceur d’alertes Luxleaks ; Dr Arazi Marc, lanceur d’alerte du Phonegate ; Dupré Mathilde, Présidente du Forum citoyen pour la RSE ; Du Roy Ivan, journaliste, co-rédacteur en chef de Basta! ; Julliard Jean-François, directeur-exécutif de Greenpeace France ; Kalinowski Wojtek, Co-Directeur de l’Institut Veblen ; Ingrid Kragl, directrice de l’information, Foodwatch ; Kotlicki Marie-José, secrétaire générale de l’UGICT CGT ; Lepers Elliot, Directeur de l’ONG “Le Mouvement” ; Lucet Élise, journaliste ; Merckaert Jean, rédacteur en chef de la Revue Projet ; Monfort Patrick, Secrétaire général du SNCS-FSU ; Kamenka Patrick, journaliste, SNJ-CGT ; Perrin Edouard, journaliste, Président du Collectif “Informer n’est pas un délit” ; Peres Eric, Secrétaire général de FO Cadres ; Petitjean Olivier, journaliste, coordinateur de l’Observatoire des multinationales ; Plihon Dominique, économiste, porte-parole d’Attac ; Potier Julie, Directrice de Bio Consom’ACTEURS ; Poilane Emmanuel, Directeur général de France libertés et président du Crid ; Raffin Patrick, photographe ; Ramaux Christophe, économiste à l’Université Paris 1, membre des Economistes atterrés ; Remy Clément, Président de l’ONG POLLINIS ; Roques Laurence, Présidente du Syndicat des avocats de France ; Rousseaux Agnès, journaliste, co-rédactrice en chef de Basta! ; Salamand Bernard, Ritimo ; Salemkour Malik, LDH ; Thibaud Clément, président de l’Association des historiens contemporanéistes de l’enseignement supérieur et de la recherche ; Trouvé Aurélie, porte parole d’Attac ; Vire Emmanuel, Secrétaire général du Syndicat national des journalistes CGT (SNJ-CGT)
Et aussi :
CrimHalt ; Collectif On ne se taira pas ! ; Alternatives économiques ; La Télé libre ; Ingénieurs sans frontières-AgriSTA ; Fédération CGT des finances
Et :
La Société des journalistes des Échos ; La Société des rédacteurs du Monde ; La Société des journalistes de TV5 Monde ; La Société des journalistes du Point ; La Société des journalistes de France 2 ; La Société des journalistes et du personnel de Libération ; La Société des journalistes de BFMTV ; La Société des journalistes de Premières Lignes ; La Société des journalistes de Challenges ; La Société des journalistes de RMC ; La Société des journalistes de Mediapart ; La Société des journalistes de Télérama ; La Société des personnels de l’Humanité ; La Société des journalistes du JDD
Communiqué LDH
Le Premier ministre a présenté, le 19 mars dernier, le nouveau Plan national de lutte contre le racisme et l’antisémitisme 2018-2020.
La Ligue des droits de l’Homme considère que l’engagement de l’Etat est nécessaire pour agir contre ce fléau et l’existence d’un tel Plan, même si sa définition reste limitée, est par principe positive, donnant un cadre d’action intergouvernementale utile.
Si le volontarisme du gouvernement pour lutter contre le racisme sur Internet est à saluer et à soutenir, le reste du Plan apparaît modeste dans ses ambitions, notamment sur l’objectif de cinquante plans territoriaux alors que la déclinaison locale de l’action publique est essentielle pour accompagner, partout, les victimes, et agir au plus près du terrain. Des moyens seront notamment nécessaires pour appuyer les initiatives associatives qui interviennent au quotidien sur tous les territoires, en termes d’accueil, d’éducation, de recherche et de sensibilisation.
Ce Plan est maintenant à mettre en œuvre. La LDH, avec ses sections locales, mobilisées inlassablement contre tous les racismes, sera attentive à le rendre concret et efficace.
Paris, le 20 mars 2018
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Source: Plan contre le racisme : aucun territoire ne doit être oublié
LIBERTE EGALITE FRATERNITE
« Quand le prochain est atteint dans ses droits, on atteint le droit qui est aussi le droit qui nous protège et donc on sait immédiatement que c’est l’ensemble de la société qui n’est plus protégée et c’est cet espace de réciprocité qui constitue le sentiment fraternel et c’est l’absence de sensibilité, l’apathie, qui empêche qu’il y ait fraternité ».
Sophie Wahnich (janvier 2016) aux « Agoras de l’Humanité » . Musée de l’histoire de l‘immigration à Paris
Lettre à un agent républicain des forces de l’ordre
En région PACA, Rhône Alpes Auvergne ou ailleurs
A l’énoncé de notre devise républicaine qui anime tout.e Français.e, j’ai besoin de t’écrire cette lettre car je te considère sans réserve à ce titre comme mon Frère.
Aussi, face à ces migrant.e.s et exilé.e.s désespéré.e.s, épuisé.e.s, trop souvent lâchement abandonné.e.s, voire harcelé.e.s par les pouvoirs publics, je souhaiterais partager avec toi le désarroi des nombreux.ses citoyen.e.s dont nous sommes. Nous venons au secours de ces personnes pour pallier les carences de l’Etat. Or nous te voyons, sur ordre de tes supérieur.e.s, eux-mêmes dépendant.e.s du pouvoir central, accomplir des actes contraires au droit et aux valeurs mêmes de notre République. Et cela malgré la connaissance de tous, par les médias, du quatrième revers subi au Tribunal Administratif (TA) de Nice par le préfet des Alpes-Maritimes, concernant sa gestion du flux migratoire. Sur requêtes soutenues par nos ami.e.s avocat.e.s et plusieurs associations, le « réacheminement » par tes collègues de 19 migrants mineurs vers l’Italie, sur ordre de ce préfet, a été « suspendu » le 23 février dernier par le juge des référés, celui-ci considérant qu’une « illégalité manifeste » a porté « gravement atteinte » à ces mineurs.
Trop souvent, ces agents de la force publique, oublient l’obligation qui leur est faite d’accorder à tout.e mineur.e isolé.e, avant son expulsion un délai d’un jour franc et la désignation indispensable d’un administrateur ad hoc. Au lieu de cela, depuis la dernière gare avant la frontière italienne, ils l’installent dans un train qui le dépose, anéanti, à Vintimille. Oubliée également pour toute demande d’asile, l’obligation faite à la police aux frontières de saisir l’Ofpra impérativement. Dans ce cas, l’adulte, lui, devra repartir immédiatement à pied pour l’Italie.
Trop souvent, ce sont des mineur.e.s non accompagné.e.s (MNA) qui subissent ce sort. Comme cet enfant érythréen de 12 ans qui, en janvier dernier, valut le 3ème camouflet adressé au préfet par le même TA. Selon les traités internationaux signés par la France, les règlements européens et nos propres lois qui les appliquent, ces enfants doivent être remis aux services de l’aide sociale à l’enfance (ASE), quelle que soit leur situation et qu’ils soient détenteurs ou non des documents requis.
Trop souvent, on prive des enfants non francophones, voire analphabètes, de l’interprète auquel ils ont droit. Puis on fait signer à ces mêmes enfants terrifiés des documents d’apparence anodine, par lesquels, de fait et à leur insu, ils expriment un prétendu souhait de quitter la France : parfois la case correspondante est déjà cochée sur l’imprimé. Facile ensuite de les reconduire benoîtement en Italie !
Et je ne parle pas ici de l’usage disproportionné de la force par certains de tes collègues. A Calais cela a été largement démontré et dénoncé (de même qu’en Italie, cf. rapport d’Amnesty international du 3/11/2016 et le 2017/18 Cf « La situation des droits humains dans le monde »).
Tous ces actes, contraires au droit et à l’éthique, sont imposés par les ordres venus de la préfecture, nous le savons. Certes, comme dans tout groupe humain il y a des « vilains canards » qui usent facilement de ces brutalités et d’une domination indigne. Mais nous savons aussi que la plupart d’entre vous subissez ces ordres. Les statistiques révèlent trop souvent aussi comment, au bout du désespoir, un policier a pu mettre fin à ses jours avec son arme de service, laissant ses collègues dans l’abattement, sa famille et ses proches dans la détresse.
Par cette lettre, nous voudrions faire grandir avec vous tous une lueur d’espoir en rappelant que vous n’êtes pas obligés de respecter ces ordres que l’éthique et la loi condamnent. La République vous encourage même à les refuser. Rappelons à notre mémoire collective, convoquons ce devoir de désobéissance.
Si tu es gendarme, le Bulletin officiel des armées de décembre 2005, précise dans une «instruction n°201710/DEF/SGA/DFP/FM/1 du 4 novembre» que «le subordonné doit refuser d’exécuter un ordre prescrivant d’accomplir un acte manifestement illégal».
Si tu es policier.e tu connais le code de déontologie de la police nationale (CDPN) qui depuis 1986, sous l’autorité à valeur constitutionnelle de l’art 12 de la DDHC de 1789 (1), précise dans son article 17 : « Le subordonné est tenu de se conformer aux instructions de l’autorité, sauf dans le cas où l’ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public. Si le subordonné croit se trouver en présence d’un tel ordre, il a le devoir de faire part de ses objections à l’autorité qui l’a donné, en indiquant expressément la signification illégale qu’il attache à l’ordre litigieux ». Les articles 7, le policier « a le respect absolu des personnes, quelles que soient leur nationalité ou leur origine,… » et 10, le policier « ayant la garde d’une personne dont l’état nécessite des soins spéciaux doit faire appel au personnel médical et, le cas échéant, prendre des mesures pour protéger la vie et la santé de cette personne», précisent tes devoirs au regard des personnes placées sous ton autorité (2).
Et plus généralement l’article L121-3 du code pénal traite du « délit en cas de mise en danger délibérée de la personne d’autrui … ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement… »
Toi et tes collègues avez ainsi les moyens de respecter votre engagement noble à servir la République, engagement infiniment respectable en même temps que celui qui l’accompagne nécessairement et qui a pour nom : « éthique ».
Et, de ce fait, comment ne pas réagir aux événements de la nuit du 10 mars, tellement opposés à notre éthique fondamentale ? Cette nuit-là, dans les Hautes-Alpes, les forces de l’ordre ont arrêté un bénévole ayant recueilli dans son véhicule plusieurs migrant.e.s qui venaient de passer la frontière à Montgenèvre, dont une femme sur le point d’accoucher. Malgré l’urgence et les cris de douleur de cette femme, tes collègues immobilisent véhicule et occupants.e.s pendant plus d’une heure. Transportée ensuite par les pompiers, la dame accouche par césarienne d’urgence quelques instants plus tard. Et c’est sur sommation de l’hôpital de Briançon à la PAF (Police Aux Frontières), que son mari et leurs deux jeunes enfants auraient échappé à l’expulsion immédiate.
Ce mercredi 14 mars, nous avons manifesté devant la PAF du Montgenèvre pour dénoncer ces faits ainsi que la convocation reçue par le bénévole incriminé, comme d’autres, pour solidarité.
Surtout, ne te fie pas, mon frère, aux paroles des politiques qui semblent te défendre face aux critiques parfois sévères de nos ami.e.s témoins de violences policières. Demain ces mêmes politiques, si leur pouvoir en dépend, t’abandonneront et te laisseront condamner en justice, comme ce préfet a vu entraver ses actions contraires à la loi.
Tu peux refuser d’être l’exécutant des ordres d’un pouvoir qui transforme ignominieusement l’article 622-4 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) en qualifiant de « profit » les actes généreux de celles et ceux qui viennent au secours de migrant.e.s en danger et sont l’honneur de notre pays ; cela pour mieux intimider et punir leurs auteur.e.s. Tu peux donc aussi, au nom de ce motif inique, refuser d’interpeller et de garder à vue ces citoyen.ne.s qui inscrivent leur action en cohérence avec les traditions et les valeurs les plus nobles de notre Histoire.
Merci mon frère et ma soeur, policier.e, gendarme ou douanier.e d’avoir lu ces lignes dont le seul but vise, au-delà du vivre ensemble, à notre prise de conscience collective, dans et pour l’unité de la nation, et à vous mettre en garde contre ces dérives qui peuvent conduire au pire.
Nous avons confiance en vous, en nous, en toute fraternité républicaine.
Le 15 mars 2018
Les citoyens solidaires et les associations en région PACA et RAAu :
Association pour le droit des étrangers (ADDE), Défends ta citoyenneté (DTC), Ligue des droits de l’Homme (LDH PACA et RAAu), Syndicat des Avocats de France (SAF), Roya Citoyenne (RC), Tous Migrants, Tous Migrants 73.
Correspondance messagerie : comiteregionalpaca@ldh-france.org
(1) Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen Art. 12. : « La garantie des droits de l’Homme et du Citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée.
(2) Code de déontologie de la police nationale Art. 7. – Le fonctionnaire de la police nationale est loyal envers les institutions républicaines. Il est intègre et impartial : il ne se départit de sa dignité en aucune circonstance.
Placé au service du public, le fonctionnaire de police se comporte envers celui-ci d’une manière exemplaire.
Il a le respect absolu des personnes, quelles que soient leur nationalité ou leur origine, leur condition sociale ou leurs convictions politiques, religieuses ou philosophiques.
Art. 10. – Toute personne appréhendée est placée sous la responsabilité et la protection de la police ; elle ne doit subir, de la part des fonctionnaires de police ou de tiers, aucune violence ni aucun traitement inhumain ou dégradant.
Le fonctionnaire de police qui serait témoin d’agissements prohibés par le présent article engage sa responsabilité disciplinaire s’il n’entreprend rien pour les faire cesser ou néglige de les porter à la connaissance de l’autorité compétente…
Communiqué LDH
La Journée internationale de lutte contre les violences policières du 15 mars s’inscrit encore, cette année, dans un contexte de mobilisation très forte des forces de l’ordre sur le terrain.
La Ligue des droits de l’Homme n’a cessé de le réaffirmer au ministre de l’Intérieur, au Défenseur des droits – chargé de la déontologie des forces de l’ordre – et à l’IGPN* : si la sécurité des citoyens est essentielle, il est fondamental d’assurer leur sûreté en s’appuyant sur une police totalement respectueuse de leurs droits.
C’est pourquoi elle considère hautement problématique la disproportion croissante qui caractérise les déploiements répressifs dans la dernière période. Rappelons que certains se sont soldés par des morts. Cette situation est d’autant plus préoccupante que la justice semble en banaliser les manifestations. Trop de victimes et de familles sont ainsi laissées dans un désarroi judiciaire. Trop de non-lieux ont été rendus, maintenant un sentiment d’injustice, comme pour Ali Ziri, en 2016, retraité algérien de 69 ans décédé suite à une garde à vue en 2009, ou en janvier dernier pour Rémi Fraisse, mortellement atteint par l’explosion d’une grenade offensive sans qu’aucune responsabilité, ni administrative ni politique, n’ait été prononcée.
Au-delà de ces drames, les abus du quotidien, comme le harcèlement de fait ciblé sur certaines catégories de population, ou sur des quartiers spécifiques, contribuent largement à dégrader les relations des forces de l’ordre avec la population. L’actuel procès de pratiques policières agressives dans le 12e arrondissement de Paris, à la suite de plaintes de jeunes concernés, démontre l’importance de faire la transparence sur les faits et les comportements de quelques-uns, encouragés par un sentiment de toute puissance et, surtout, d’impunité.
C’est pour rompre avec cette situation que la Ligue des droits de l’Homme formule les demandes suivantes :
– la création, au sein d’un organisme indépendant, d’un observatoire des faits de violences
dues aux forces de l’ordre ;
– une révision des méthodes d’intervention de maintien de l’ordre afin de prévenir les dérives constatées dues à l’absence de coordination du commandement, à des armements inadaptés et dangereux et des objectifs contradictoires assignés aux forces de l’ordre par les autorités publiques ;
– un traitement judiciaire équitable des faits de violences policières et un meilleur encadrement des procédures d’outrage et rébellion ;
– la prévention des contrôles au faciès, avec notamment l’instauration d’un récépissé de contrôle d’identité ;
– une réforme des conditions autorisant ces contrôles d’identité, aujourd’hui détournés de leur objet à des fins de pression et de répression, notamment envers les étrangers ;
– la formation des policiers et gendarmes, notamment ceux intervenant dans les quartiers populaires.
Parce que la sécurité est l’affaire de tous et la sûreté un droit absolu contre l’arbitraire, la mise en place d’une police de la sécurité du quotidien est un enjeu central au regard des changements nécessaires ; c’est pourquoi la LDH invite à un large débat, sans tabou, sur ces enjeux.
Paris, le 15 mars 2018
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* IGPN : Inspection générale de la police nationale
Source: Maintien de l’ordre : pour la justice, contre les violences policières
Communiqué de l’Observatoire de la liberté de création
Qu’il y ait un débat sur ce que représente Bertrand Cantat sur scène est parfaitement légitime. On peut aussi considérer qu’il y a une certaine hypocrisie à ne contester que sa tournée et pas ses disques, comme si le concert était le lieu de toutes les sacralisations.
En tout état de cause, ce débat change de nature quand il se transforme en demande d’annulation de sa tournée.
Cantat a le droit de chanter, les programmateurs sont libres de le programmer et chacun est libre d’aller le voir, ou pas.
Dans un Etat de droit, personne ne se fait justice à soi-même, et personne ne fait justice à quelqu’un d’autre en dehors de la justice.
Les demandes, directes ou indirectes, de censure ou d’annulation de son spectacle, qu’elles soient portées par des associations comme Osez le féminisme ou par des personnes hors réseaux associatif, les pressions diverses et variées des élus, les retraits de subventions aux festivals ou structures qui le programment contreviennent à la lettre et à l’esprit de la loi.
Il semble nécessaire de rappeler aux uns et aux autres les dispositions légales. La loi de 2016 dispose dans son article 2 que la diffusion de la création artistique est libre, et l’article 431-1 du Code pénal réprime le fait d’entraver, d’une manière concertée et à l’aide de menaces, l’exercice de la liberté de création artistique ou de la liberté de la diffusion de la création artistique d’un an d’emprisonnement et de quinze mille euros d’amende.
D’autre part, l’Etat (c’est l’article 3 de cette loi), à travers ses services centraux et déconcentrés, et les collectivités territoriales doivent mettre en œuvre la politique en faveur de la création artistique, laquelle poursuit notamment comme objectif le soutien de l’existence et le développement de la création artistique sur l’ensemble du territoire, en particulier la création d’œuvres d’expression originale française et la programmation d’œuvres d’auteurs vivants, et doit garantir la liberté de diffusion artistique en développant l’ensemble des moyens qui y concourent. L’Etat doit encore promouvoir la circulation des œuvres sur tous les territoires, la mobilité des artistes et des auteurs et entretenir et favoriser le dialogue et la concertation entre l’Etat, l’ensemble des collectivités publiques concernées, les organisations professionnelles, le secteur associatif, les acteurs du mécénat et l’ensemble des structures culturelles et leurs publics.
En prenant des positions qui ne sont pas à la hauteur des exigences légales à propos de la tournée de Bertrand Cantat, et en gardant un silence inquiétant sur la plupart des affaires récentes d’atteinte aux libertés de création et de diffusion des œuvres, la ministre de la Culture manque aux devoirs relevant de son titre et de son domaine d’intervention.
L’Observatoire de la liberté de création regrette que l’artiste, sous la pression, ait renoncé à tourner dans les festivals cet été et s’inquiète qu’en France, en 2018, certains soient plus tentés par les réflexes de censure que par le respect des libertés et par le débat démocratique qu’ils réclament, paradoxalement, de leurs vœux.
Paris, le 13 mars 2018
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Source: L’Observatoire de la liberté de création affirme que Bertrand Cantat a le droit de chanter
Communiqué commun
Hier, jeudi 8 mars, le Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU a examiné le rapport de la 3ème session du groupe intergouvernemental de travail (GTIG) chargé d’établir un instrument international juridiquement contraignant pour que les multinationales soient tenues responsables des atteintes aux droits humains et à l’environnement qu’elles commettent (1). Une nouvelle étape a été franchie qui permettra au processus de négociation de se poursuivre vers une nouvelle session en octobre 2018, avec le soutien de la société civile et d’une majorité d’États, dont la France. L’intervention de l’Union européenne était particulièrement attendue, car elle a, à plusieurs reprises, tenté d’obstruer le processus depuis 2015 (2) : elle a finalement annoncé qu’elle participerait de manière constructive.
Ce changement d’attitude de l’Union Européenne, et le rôle pro-actif de la France au sein de l’UE, font suite à une importante mobilisation de la société civile et des parlementaires français qui ont été près de 250, de divers bords politiques, à écrire au président Macron pour soutenir l’initiative de ce traité (3).
Par l’adoption de la loi sur le devoir de vigilance en mars 2017, la France a été la première nation au monde à adopter une législation contraignant les multinationales au respect des droits humains et de l’environnement, y compris dans le cadre des activités de leurs filiales, sous-traitants et fournisseurs. Cette loi est devenue une référence internationale, comme l’a rappelé hier l’Équateur, qui préside le GTIG.
La France porte donc une responsabilité particulière pour que les négociations sur ce traité puissent aboutir. La perspective d’une 4ème session de négociation en octobre prochain doit lui permettre de renforcer son rôle au sein de l’UE et de faire des propositions concrètes de contenu, pour sortir des faux débats et soutenir un traité qui permettra réellement de faire reculer l’impunité des multinationales.
Les attentes de la société civile sont fortes. Le projet de traité qui sera présenté en juin prochain par l’Équateur devra être ambitieux et permettre l’ouverture de nouveaux droits pour les communautés affectées ainsi que des mécanismes de sanctions leur garantissant un accès à la justice et aux réparations. La coalition française pour le traité ONU et ses alliés de la société civile internationale resteront mobilisés pour veiller à ce que les négociations aboutissent dans des délais raisonnables, et que le contenu du traité ne soit pas affaibli par certains États ou par des lobbys économiques qui ont déjà exprimé maintes fois leur opposition à toute norme contraignante.
Notes :
(1) La 3ème session s’était tenue en octobre 2017. Voir le site du Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU : http://www.ohchr.org/EN/HRBodies/HRC/WGTransCorp/Pages/IGWGOnTNC.aspx
(2) En octobre dernier, elle a remis en cause la validité du mandat du groupe de travail au-delà de cette 3ème session de négociation, et en décembre, elle a tenté de supprimer les fonds alloués au groupe intergouvernemental de travail au travers d’un amendement au budget de l’ONU. Voir le communiqué : http://www.amisdelaterre.org/Traite-ONU-tentative-de-sabotage-de-l-Union-europeenne.html
(3) Voir l’article dans Libération et la lettre des 245 parlementaires : http://www.liberation.fr/france/2017/10/26/responsabilite-sociale-des-entreprises-245-parlementaires-veulent-voir-macron-faire-bouger-l-europe_1605861. Un cercle de réflexion parlementaire a de plus été créé en février 2018 à l’initiative des député-e-s Dominique Potier, Mireille Clapot et Jean-Paul Lecoq, afin de contribuer aux débats sur le contenu du futur traité.
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Paris, le 9 mars 2018
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Dossier de presse
En juin 2014, un groupe de travail intergouvernemental a été créé à l’ONU, porté par une coalition d’États menée par l’Équateur, et mandaté pour élaborer un instrument international juridiquement contraignant (« traité ONU ») pour réguler l’activité des entreprises transnationales et autres entreprises en matière de respect des droits humains. Ce projet de traité constitue une opportunité historique et une source d’espoir considérable pour des millions de personnes dans le monde, victimes de violations des droits humains et de dommages environnementaux commis par les multinationales.
Ce dossier de presse a été élaboré par la Coalition française pour un traité ONU dont la LDH est membre avec ActionAid, Les Amis de la terre France, Attac, CCFD-Terre-solidaire, Collectif éthique sur l’étiquette, la CGT, France Amérique latine, Sherpa et Union syndicale Solidaires.
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Source: Dossier de presse : traité ONU sur les multinationales et les droits humains
Rapport de l’Anafé, dont la LDH est membre
Un an après son séminaire éponyme – point de départ d’une réflexion collective sur la notion de vulnérabilité -, l’Anafé présente son rapport Aux frontières des vulnérabilités et dresse ainsi un état des lieux des violations des droits humains dans ces lieux privatifs de liberté peu connus.
Alors que le nouveau projet de loi en matière d’asile et d’immigration est à l’étude, rien n’est prévu dans ce texte pour qu’il soit mis fin aux pratiques illégales de l’administration dans les zones d’attente.
Bébés de 20 mois, enfant de 4 ans seul, couple homosexuel, malade et demandeur d’asile : telles sont quelques-unes des personnes privées de libertés en zone d’attente de Roissy et accompagnées par l’Anafé ces dernières semaines. Au quotidien, au fil de ses permanences et de ses visites de zones d’attente, l’Anafé est le témoin des pratiques indignes de l’administration dans ces lieux invisibles de privation de liberté.
Si les caractéristiques de ces personnes les exposent de fait à un risque accru de subir des atteintes à leurs droits et impliquent qu’une attention particulière leur soit portée, les constats de l’Anafé sont sans appel et montrent que l’enfermement est en lui-même créateur de vulnérabilité.
Les violences policières observées à Orly ou à Marseille au mois de février 2018 en témoignent.
Au-delà de ces graves situations, le quotidien de la zone d’attente est source d’angoisse, de stress et a des conséquences néfastes indéniables sur les personnes maintenues. Le manque d’information et les difficultés en termes d’accès et d’exercice des droits participent de la fragilisation des personnes maintenues. Ainsi, aux yeux de l’Anafé, toute personne privée de liberté en zone d’attente est rendue vulnérable du fait de l’enfermement.
Dans son rapport Aux frontières des vulnérabilités, l’Anafé, qui présente ses observations pour les années 2016 et 2017 sous le prisme de la notion de vulnérabilité prise dans ses différentes acceptions, dresse un nouveau constat alarmant des graves violations des droits des personnes privées de liberté aux frontières françaises.
Paris, le 6 mars 2018
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Télécharger le rapport d’observations dans les zones d’attente 2016-2017
Source: Rapport d’observations dans les zones d’attente 2016/2017 : « Aux frontières des vulnérabilités »
Plusieurs personnalités et organisations, dont Malik Salemkour, président de la LDH, s’inquiètent des peines prononcées contre les militant-e-s de Greenpeace.
EHPAD, PERSONNES DU 4ième AGE, ET SOIGNANTS
Jean-Marie Peter, visiteur de la Croix Rouge en EHPAD
Il y a 12 ans, rien ne me conduisait à m’intéresser aux personnes âgées. A la suite d’opérations difficiles j’ai passé quelque temps dans une maison de convalescence, à côté de personnes très âgées. Ce fut le choc de la découverte du 4ième âge[1]. Après divers travaux associatifs sur la vieillesse, je suis depuis 5 ans visiteur de la Croix Rouge en EHPAD.
Les EHPAD([2])
Ce sont des établissements publics et privés qui accueillent des personnes âgées, qui ne sont plus autonomes, et qui y entrent pour finir leur vie. Il y a aujourd’hui, en France, environ 730.000[3] résidents en EHPAD (1,1% de la population) et ces établissements comprennent de 40 à 200 résidents.
Autrefois ce genre d’établissement dépendait d’associations, ensuite du service publique, et aujourd’hui le privé y entre en force. (voir annexe 1),
A côté, il y a les « Long Séjours » (USLD) dans les hôpitaux domaine que je ne connais pas.
LES RESIDENTS
Ce sont uniquement des personnes âgées qui n’ont plus l’autonomie nécessaire pour vivre seules. Avec l’allongement de la vie, les personnes âgées entrent maintenant beaucoup plus tard en EHPAD, avec des pathologies de plus en plus lourdes. Le cout des séjours est très élevé : en moyenne dans la région[4] de 2.200 à 4.000 euros/mois et plus. Il existe des subventions, quelques fois importantes, par l’aide sociale, dans les établissements habilités. Mais le séjour en EHPAD peut représenter une très lourde charge pour beaucoup de familles.
LE PERSONNEL
Les aides-soignantes, et les femmes de service qui assurent les soins réguliers, et dont la présence est journalière en face des résidents, ont un rôle essentiel. Il y a en plus des infirmières pour les urgences médicales et les soins médicaux, un médecin coordinateur (temps partiel), un(e) directeur (directrice), une animatrice, et une psychologue souvent à temps partiel. En moyenne[5] un soignant salarié (aide-soignante-infirmière) pour 3 résidents.
LA VIE EN EHPAD
L’entré en EHPAD est un choc violent. La vie des personnes, qui y entrent change complètement. Elles n’ont plus aucune responsabilité (toilette cuisine), ont perdu tout leur environnement, et se sentent exclues du monde extérieur. Elles perdent presque toutes leurs activités antérieures. C’est comme une entrée en détention. Logées dans une petite chambre, avec une petite salle de bain accolée, ces personnes ne peuvent apporter de leur vie antérieure qu’un minimum très réduit. Le choc est très dur et se traduit en quelques semaines par un vieillissement accéléré.
Certains des résidents se plaignant d’y avoir été forcées par leur famille se sentent prisonniers, et le vivent très mal, cela ne conduit pas à une révolte, plutôt à une dégradation. Beaucoup sont en fauteuil roulant, et ne peuvent ni s’habiller, ni assurer leur toilette ni se coucher seules, ni souvent manger seules. Très peu sont encore capables de lire un livre. Les résidents mobiles prennent leur repas ensemble. Il y a dans ce milieu, très peu de conversations et d’échanges. Environ un tiers n’ont plus à des degrés divers leur lucidité. En dehors des activités organisées par l’animatrice les résidents ne se parlent presque jamais entre eux. Visiter un EHPAD c’est voir ces grandes salles communes ou tous les résidents sont prostrés, dans leurs fauteuils en silence La situation en EHPAD ne poussent pas aux échanges, alors qu’individuellement la majorité des résidents apprécient beaucoup et demandent des échanges avec les visiteurs et les personnes extérieures. Dans les couloirs c’est semblable à l’hôpital mais sans le nombreux personne médical que l’on y voit agir. On ne voit personne[6], c’est le silence, le vide, quelques fois des gémissements, des cris, des appels, meublent ce vide. Dans le cas d’Alzheimer profond ces résidents sont dans de nombreuses EHPAD enfermés dans un lieu fermé, accessible seulement avec un code, car ils peuvent avoir des actions perturbatrices pour l’ensemble et (toilette – mobilité- repas). Ces lieux fermés sont quelques fois appelés « Cantou ».
Trois éléments jouent un rôle essentiel dans l’atmosphère des EHPAD
Les animatrices, qui n’existent pas partout, sont des personnes salariées de l’établissement qui organisent, généralement avec beaucoup d’allant et d’efficacité, des jeux, représentations, activités manuelles. Elles assurent aussi la présence et l’organisation d’intervenants extérieurs, visiteuses et visiteurs, écoles, chorales, autres intervenants, et souvent les relations avec les familles. (en dehors des problèmes médicaux). L’animatrice qui dans les petits établissements connait tous les résidents a un rôle essentiel, enrichissant pour les résidents, et mal connu : la presse en parle très peu. Cette action, importante pour les résidents dépend de la personnalité de l’animatrice, et varie beaucoup d’un établissement à l’autre.
D’une façon générale les petites EHPAD (environ 50 résidents), ou l’aspect social et humain y est plus présent, ont une bien meilleure atmosphère que les plus grandes. Dans les villages ou les petites villes, les gens se connaissent, et le personnel est plus près des résidents que dans l’anonymat des grandes villes. Les visiteuses, visiteurs qui accompagnent les résidents les voient progressivement se dégrader physiquement, souvent perdre leur lucidité, et aller vers la mort. La durée du séjour en EHPAD varie de quelques semaines à quelques années (En moyenne un peu plus de deux ans).
La majorité des décès a lieu dans l’EHPAD avec un accompagnement, plus ou moins assuré, quand elles sont présentes, par les familles, et par les aides-soignantes. Celles-ci débordées par une charge de travail trop importante font, généralement ce qu’elles peuvent avec le manque de temps disponible. Beaucoup remplacent un manque de formation à accompagnement par une grande sensibilité et délicatesse intérieure. Très rares sont les résidents à l’approche de la mort, qui peuvent être transférés dans des établissements de soins palliatifs. Ils meurent généralement très seuls.
UN EVENEMENT MAJEUR
Le 30 janvier il y a eu une manifestation nationale de grève du personnel des EHPAD. C’est une première qui doit être soulignée.
Le taux de syndicalisation dans les EHPAD est faible.
Fait unique, de nombreux directeurs ont pris fait et cause pour les manifestants. Pour ceux qui ont connu des luttes syndicales ce n’est pas courant !
Le point essentiel concerne le manque de personnel soignant ; manque qui ne leur permet pas d’assurer le service nécessaire et qui peut conduire dans certains cas a des maltraitances
Un point caractérise aujourd’hui la vie de toutes les EHPAD : l’ensemble du personnel est débordé et manque de temps. Il y a beaucoup de rotations, de stagiaires, de personnel intérimaire, aspects mal vécu par les résidents. Pendant les vacances il peut arriver que, faute de personnel, certains soins ne soient pas assurés. On a pu ainsi parler de maltraitance.
La très grande majorité du personnel fait son travail avec humanité, respect, et attention mais partout quel que soit la structure, public, privé, le nombre de soignants est tout à fait insuffisant.
LES DROITS DES RESIDENTS EN EHPAD
Il existe des commissions ; la famille quand elle existe est consultée, et il y peut y avoir des commissions de résidents. Un jour je vois sur une liste de personnes d’une commission le nom d’une femme que je vois régulièrement et qui a perdu sa lucidité : ma première réaction fut : quelle mascarade ! puis, en approfondissant je me suis rendu compte que si c’était fait avec respect, c’était apporter de l’attention à la personne ainsi désignée pour qu’elle puisse exprimer des besoins malgré son manque de lucidité.
Comment peut-on dans ces conditions définir le droit des résidents ?
LES DROITS DU PERSONNEL SOIGNANT EN EHPAD. Le premier but de cette manifestation n’était pas les salaires, bien que ce métier, absolument essentiel d’aide-soignante, soit très mal rémunéré, mais l’explosion du personnel soignant devant les conditions de travail qui en dénaturaient le sens et pouvait conduire à des maltraitances.
Ecoutons ce qui a été dit lors de la manifestation du 30 janvier.
« Dans mon établissement à l’étage des personnes en perte d’autonomie, les aides-soignantes sont obligées de faire les toilettes à la chaine ; dix minutes pour lever la personne la laver et la mettre dans un fauteuil, ensuite il faut en dix minutes, assurer le repas, donner à manger à celles qui ne peuvent pas le faire seule, puis a dix-huit heures assurer le repas du soir, la changer et la mettre au lit. Alors oui le relationnel c’est zéro. Oui on peut parler de maltraitance » (syndiquée CGT).
« Ne pas avoir le temps de rester deux minutes pour écouter un monsieur de 90 ans qui a fait un AVC et parle difficilement, oui c’est de la maltraitance » (syndiquée FO)
Comment le personnel peut-il défendre ses droits ? La grève ? Dans un hôpital on peut retarder certaines interventions, dans une EHPAD, impossible d’arrêter le travail, chaque résident doit être levé, toiletté, nourri, et recouché chaque jour.
DES POSITIONS DE DIRECTEURS D’ETABLISSEMENT A L’OCCASION DE LA MANIFESTATION.
.« Oui c’est vrai il y a un décalage entre la réalité du terrain et ce qu’on lit dans tous les guides qu’on nous envoie sur les bonnes pratique et la bientraitance , mais maltraitance, non cela ne passe pas (T.Fillaut )
« Maltraitance, non, ce que je vois au quotidien c’est l’extraordinaire dévouement des personnels ….. Je comprends que des soignants soient obligés d’utiliser des mots très forts pour désigner le fait que l’état ne leur donne pas les moyens de s’occuper correctement des personnes âgées. C’est parce qu’ils prennent leur mission très cœur que ces personnels ont le sentiment de faire du mal, et les pouvoirs publics comptent sur ce dévouement pour que la boutique continue à tourner (P.Champvert)
« Il n’est pas possible de s’élever contre les conditions actuelles dans les EHPAD sans augmenter le nombre des salariés dans ces établissements et les valoriser »
« Nous avons le devoir de répondre aux besoins de tous, sans les opposer, mais au contraire, en montrant qu’ils souffrent d’un même mal : le refus de la France de se voir vieillir, et d’apporter à ce vieillissement les réponses adéquates (E.Yapoudjian 18 déc. 2017)
LA POSITION DU PUBLIC
Lorsque vous discutez avec quelqu’un qui apprend que vous visitez des personnes âgées la réaction classique est « Ah, c’est bien ». C’est une réponse qui ferme, et montre que l’interlocuteur ne désire pas aborder le sujet. Changeons de situation : si la personne apprend que vous visitez les prisons, il y a plusieurs réponses possibles : la précédente, mais aussi des questions qui montrent l’intérêt de l’interlocuteur, ou des réponses agressives. La « prison » (Un autre lieu ou les droits de l’homme ne sont pas respectés) ne laisse pas les gens indifférents. Il existe une association nationale, importante des visiteurs de prison l’ANVP, et une autre association, l’OIP qui dénonce avec efficacité les nombreux manquements aux droits de l’homme des prisons. Il n’existe aucune association nationale importante de visiteurs de personnes très âgées[7], ni d’association de défense analogue à l’OIP.
Un autre exemple : nous avons pu voir ces derniers temps des élus, utilisant leur droit, faire des visites inopinées dans les prisons pour voir comment cela se passait. La presse en a parlé . Et dans les EHPAD ou les USLD ?.
La presse accorde maintenant de l’attention a des situations difficiles, SDF, migrants, femmes exploitées, situation dans les hôpitaux, mais rien ou presque rien sur le 4ième âge
La LDH ne fait pas exception à la règle. Récemment elle a sorti un très intéressant document sur le Handicap dans lequel j’ai noté une phrase essentielle « les personnes handicapées seraient « objets de soins » et non pas « sujets de droits ». Mais dans ce très intéressant document jamais n’est envisagée la situation des personnes âgées dépendantes[8].
Sur ce sujet du public, le constat est amer : Les personnes du 4ième âge, collectivement, ne nous intéressent pas. Malgré le dévouement du personnel soignant elles sont non pas isolées, mais. exclues[9]. Une fois entrées en EHPAD, elles n’existent plus.
LA SITUATION A L’ETRANGER
La situation dans les pays riches est voisine de la nôtre, avec deux extrêmes :
Améliorer la situation, c’est donc possible dans un pays riche. Mais ce n’est pas gratuit ; l’âge de la retraite y est de 67 ans, les retraites y sont plus faibles qu’en France, et les pensions de reversement dérisoires.
La Norvège qui a une culture analogue a des solutions très voisines. J’ai pu remarquer que les municipalités y avaient un rôle beaucoup plus important qu’en France. Un exemple à suivre pour notre pays ?
REACTION DE LA MINISTRE DE LA SANTE APRES LA MANIFESTATION
Devant la manifestation, la ministre de la santé a débloqué uns somme de 50 millions d’euros. Cela représente, pour les 730.000 résidents en EHPAD, un peu moins d’une minute de temps d’aide-soignante par résident et par jour.
SOLUTIONS PROPOSEES
Aujourd’hui rien de concret. Un journaliste a proposé de supprimer l’abattement de 10% des revenus des retraités, ce qui permettrait de disposer de quelques milliards qui passeraient du 3ième âge au 4ième âge. Ce serait, comme l’a été la Sécurité Sociale une péréquation, mieux une solidarité entre 3ième et 4ième âge. Le Danemark et la Norvège (voir plus haut) utilisent une solution de ce genre.
LE FUTUR
A plus long terme les diverse prévisions prévoient un triplement du nombre de personnes du 4ième âge La DREES (étude 2017) prévoit qu’en 2060, compte tenu de la démographie, il faudrait consacrer 2,8 point du PIB pour les dépenses de prise en charge.
Avec la valeur actuelle du PIB ce serait 71 milliards, un montant considérable qui n’a rien à voir avec les quelques milliards accordés aujourd’hui.
CONCLUSION
Les personnes du 4ième âge sont exclues de la société. Ce constat est amer.. La délicatesse et le dévouement du personnel, les réactions de nombreux résidents que j’ai pu côtoyer donne, dans cet univers sombre des raisons d’espérer. Pour le futur la situation va empirer, et rien n’est prévu.Faut-il comme nous le disent beaucoup de personnes en difficulté « faire avec » ? Non la vie c’est d’avancer. J’ai donc deux messages pour vous :
Aix en Provence le 2 mars 2018
ANNEXE 1 LE PRIVE ET LES EHPAD
Aujourd4hui la répartition est la suivante : public 44%, prive à but lucratif 25%, prive associatif 31%.
Ces dernières années le privé à but lucratif s’est beaucoup développé et continuera surtout dans le Sud Est. Comme les besoins vont beaucoup croître, c’est un marché en croissance qui intéresse les investisseurs. Dans la situation actuelle de manque de personnel soignant (analogue à celle des établissements publiques) c’est aujourd’hui d’un bon rapport financier. Qu’en sera – t – il demain ?
D’une façon générale les EHPAD à but lucratif sont, en dehors de celles de grand luxe, un peu plus couteuses que celles du publique. Elles se développent surtout en visant une clientèle de classe moyenne qui en a les moyens. Beaucoup seront près des villes pour disposer de parcs et d’environnement agréable.
Sur Internet la documentation relative aux EHPAD est complètement polluée par celle que lancent les groupes privés.
Les résidents sont-ils plus maltraités dans les EHPAD privées à but lucratif ? Les conditions sont variées. La maltraitance peut exister partout En ce qui concerne l’ambiance j’ai eu une expérience[10] d’une certaine durée dans 9 EHPAD ; elle est bien meilleure là où le personnel de direction est impliqué par une autre motivation que la recherche du profit.
J’ai pu remarquer que dans certains EHPAD récents à but lucratif on appliquait des méthodes analogues à celles de l’industrie américaine ; management évolué, recherche de la qualité, de l’efficacité, professionnalisme, optimisation de la gestion pour dégager des résultats. La « qualité objective des soins hygiéniques et médicaux, peut y être très bonne. Mais comme ce sont, résultat oblige, des EHPAD avec un nombre de lits élevé, l’ambiance humaine n’est pas excellente et le ressenti des résidents – une usine froide – beaucoup moins bon que celui de petites EHPAD ou l’atmosphère est plus humaine.
Les EHPAD privés à but non lucratif sont surtout dans l’Est, le Nord et un peu dans l’Ouest. La situation y est différente de celle du privé à but lucratif. Ce sont souvent de vieux établissements en partie confessionnels, qui n’ont pas toujours les moyens de mettre leurs locaux et le matériel aux normes actuelles. Mais j’ai pu remarquer à de nombreuses reprises, que le suivi est beaucoup plus familial, l’atmosphère plus humaine que dans les établissements modernes, privés à but lucratif.
Je n’ai pas d’expérience vis-à-vis des USLD (Long Séjours) ou la situation est encore beaucoup plus difficile
Quelle que soit la situation le manque de personnel est, et reste aujourd’hui la première priorité
[1] Il n’existe pas de définition rigoureuse du 4ième âge (en anglais « old old ») expression qui date des années 80
Extrait de la pause de la science 2013 Le « quatrième âge » serait alors véritablement celui de la vieillesse, ce temps de la vie où la sénescence impose sa pesanteur, alors que les femmes et les hommes dans le « troisième âge » seraient encore épargnés. Dans nos pays, une forte majorité des personnes de soixante à quatre-vingts ans jouissent d’une santé relativement bonne et mènent une vie indépendante. Dès lors, l’expression nouvelle « quatrième âge » désigne une réalité aussi ancienne que l’être humain, à savoir ce stade de la vie marqué par le déclin biologique. Mais, en même temps, elle met en évidence sa nouveauté, à savoir qu’aujourd’hui ce déclin n’intervient pour la grande majorité qu’à un âge très avancé ».
[2] Etablissements Hospitaliers pour Personnes Agées Dépendante (On utilisait autrefois l’expression « maisons de retraite médicalisée)
[3] Il y aurait en France environ 1.300.000 personnes âgées dépendantes en résidence ou à domicile.
[4] Le cout moyen en France varie en moyenne depuis 1.600 euros/mois dans la Meuse jusqu’à 3.100 en région parisienne avec des maxima bien plus élevés
[5] Attention aux statistiques, certaines mélangent personnel soignant et personnel attaché au fonctionnement de l’établissement
[6] C’est caractéristique du manque de personnel.
[7] Il existe seulement de petites structures ou associations , souvent assez informelles et très locales qui visitent personnes du 4ième âge et malades
[8] Le mot « vieillesse » apparait une fois en 20 pages seulement pour signifier son influence sur des handicaps.
[9] Quand on compare notre situation à celle des pays du tiers monde, notamment par les contacts avec les immigrés on peut remarquer que le progrès humain est bien loin d’avoir suivi le progrès technique.
[10] Dans la région 2 EHPAD publiques : l’une remarquable, l’.autre médiocre, 4 EHPAD privées à but lucratif : l’une bonne, deux très moyennes, et le dernière mauvaise. En Alsace à Colmar une EHPAD à but non lucratif ou je vais régulièrement est tout à fait remarquable. En région parisienne j’ai longtemps suivi une EPHAD à but lucratif pas très convaincante, et une EHPAD sans but lucratif avec des locaux vraiment vieillots et peu de moyens, mais une bonne ambiance
Communiqué LDH
Deux ans après les conclusions d’un projet européen sur les personnes aidantes familiales conduit par la Ligue des droits de l’Homme (LDH) et ses partenaires[1], une proposition de loi pour la reconnaissance sociale des aidants[2] rejoint certaines de ses préconisations :
Cette proposition de loi, portée par Pierre Dharréville et les député-e-s du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, a été rejetée par la Commission des affaires sociales au prétexte d’un manque d’évaluation précise des coûts induits. Or si ces coûts sont difficilement prévisibles puisqu’on ne peut pas évaluer avec certitude le nombre d’aidant-e-s qui demanderont à en bénéficier, les contributions informelles des aidant-e-s ont, elles, été évaluées en 2014 à un minimum de onze milliards d’euros par la Caisse nationale de sécurité pour l’autonomie[3].
Le 8 mars 2018, profitant de sa fenêtre parlementaire à l’Assemblée nationale, le groupe présentera cette proposition de loi au vote des député-e-s. Cette journée étant la Journée internationale des droits des femmes, et étant donné que les personnes aidantes familiales sont majoritairement des aidantes, la LDH souhaite que les député-e-s s’emparent de cette opportunité de voter en faveur d’une loi qui apportera une certaine amélioration à l’égalité entre les femmes et les hommes.
Paris, le 5 mars 2018
[1] https://www.ldh-france.org/projet/non-aux-discriminations-au-travail/
[2] http://www.assemblee-nationale.fr/15/propositions/pion0589.asp
[3] http://www.agevillagepro.com/actualite-12033-1-evaluer-la-contribution-informelle-des-aidants-temoignage_viewall.html – http://www.cnsa.fr/compensation-de-la-perte-dautonomie/soutien-aux-aidants