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Ligue des droits de l'Homme

Section du Pays d'Aix-en-Provence

Devoir de vigilance européen : au Conseil, la stratégie du pire 24 juin, 2025

Communiqué commun signé par Actionaid, Les Amis de la terre, CCFD Terre solidaire, Collectif étique sur l’étiquette, Oxfam, LDH (Ligue des droits de l’Homme), Notre affaire à tous, Reclaim France, Sherpa

Les représentant-e-s des Etats membres de l’Union européenne ont adopté hier soir la position du Conseil sur l’Omnibus I – proposé en février dernier par la Commission. Loin d’être un compromis entre simplification et maintien d’une régulation effective des entreprises, cette position vide dramatiquement de son sens l’objet du devoir de vigilance européen (CSDDD) : prévenir et réparer les atteintes aux droits humains et à l’environnement commises par les multinationales. Cet accord, qui établit la position du Conseil pour les futures négociations avec le Parlement européen, confirme le « business as usual » promu par les lobbies économiques et l’extrême droite, avec la complicité de certains Etats membres, dont la France.

Alors que de nombreux acteurs (société civile, syndicats, entreprises, économistes, Banque centrale européenne) avaient alerté sur les conséquences délétères de l’Omnibus I, le Conseil de l’Union européenne a décidé de se murer dans une vision erronée de la simplification de la vie des entreprises.

  • Décidant d’aller au-delà de la proposition déjà moins-disante de la Commission européenne, le Conseil propose de relever les seuils d’application du devoir de vigilance européen. Reprenant l’argumentaire de la France, le Conseil voudrait que ce dernier ne s’applique qu’aux sociétés de plus de 5 000 salarié-e-s et réalisant plus d’1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires. Le nombre de sociétés concernées s’en trouverait réduit à peau de chagrin.
  • En proposant de limiter le devoir de vigilance aux seuls partenaires commerciaux directs (tout en prétendant suivre une « approche fondée sur les risques »), le Conseil condamne l’effectivité du dispositif : cette limitation aurait des conséquences catastrophiques sur le terrain, les violations des droits humains et les atteintes à l’environnement les plus graves ayant souvent lieu au-delà du premier rang de partenaires commerciaux.
  • La responsabilité civile, pilier fondamental du devoir de vigilance, n’est pas non plus épargnée. Très loin d’une simplification, le Conseil s’aligne sur la proposition de la Commission de ne plus harmoniser le régime de responsabilité civile, ce qui conduirait à une fragmentation des régimes juridiques selon les Etats membres, au détriment à la fois des victimes et des entreprises.
  • Enfin, les Etats membres ont pris la liberté d’affaiblir davantage le volet climatique de la directive sur le devoir de vigilance européen. Alors que cette dernière faisait obligation aux entreprises d’adopter et de mettre en œuvre des plans de transition climatique, la position du Conseil revient nettement sur le niveau d’ambition de ces plans. Les entreprises resteraient libres de ne pas mettre en œuvre leurs engagements si les efforts demandés leur semblent déraisonnables.

De plus, le Conseil donne son accord pour réduire considérablement le périmètre de la directive sur le reporting de durabilité (CSRD). Cette position aboutirait à l’exclusion de milliers d’entreprises européennes de ce dispositif et favoriserait le greenwashing.

Cette séquence renvoie à un constat tout aussi bouleversant : la politique se coupe des citoyen-ne-s et le basculement des instances européennes vers l’extrême droite se concrétise.

Le Conseil, une nouvelle fois, a cédé à la pression des lobbies – MEDEF, FBF et autres – qui profitent de l’instabilité actuelle pour imposer leur agenda de dérégulation. Les intérêts privés prennent le pas sur les droits fondamentaux et l’avenir de la planète.

Au-delà de ses impacts environnementaux et sociaux, la séquence s’inscrit dans un contexte où l’extrême droite gagne du terrain en Europe et se félicite ouvertement de cette offensive contre le Pacte vert.

Nos organisations dénoncent également le silence délibéré des dirigeant-e-s français-e-s face à l’opinion de la grande majorité des citoyen-ne-s et aux demandes des organisations de la société civile. Ni Emmanuel Macron, ni François Bayrou n’ont accepté de dialoguer à ce sujet avec la société civile.

Face à ce panorama funeste, nos organisations appellent le Parlement européen, et tous les acteurs de la société ayant pris position contre l’Omnibus I, à s’unir pour combattre cette approche réactionnaire.

Signataires : Actionaid, Les Amis de la terre, CCFD Terre solidaire, Collectif étique sur l’étiquette, Oxfam, LDH (Ligue des droits de l’Homme), Notre affaire à tous, Reclaim France, Sherpa

Paris, le 24 juin 2025

Source: Devoir de vigilance européen : au Conseil, la stratégie du pire