Enfin les armes les plus inhumaines et destructrices — soixante quinze années après leur première utilisation sur des populations civiles et après plus de deux milles détonations dans le cadre d’expériences (dont 210 par la France) — sont totalement interdites par un traité créé à l’initiative d’une vaste majorité d’Etats dans l’enceinte des Nations unies ; preuve que le multilatéralisme fonctionne.

Les dernières ratifications (Nauru, Jamaïque) hier 23 octobre et ce jour  24 octobre (Honduras) déposées ce jour aux Nations unies ont permis au TIAN d’obtenir le minimum de 50 Etats membres pour assurer son entrée en vigueur, comme le stipule son article XV dans « 90 jours ». À noter que 37 Etats signataires préparent également leur procédure de ratification du traité.

Ainsi, en 2021, nous débuterons une nouvelle décennie ou les armes nucléaires seront illégales au regard du droit international. Il était anormal que les armes nucléaires soient les seules armes de destruction massive non-interdites, alors que c’est le cas pour les armes chimiques et biologiques. Ce traité corrige cette anomalie et va montrer le véritable visage de cette arme.

Malgré les dernières tentatives de pression des Etats nucléaires, de la France notamment, ce traité va fonctionner pour engager le désarmement nucléaire, renforcer la lutte contre la prolifération nucléaire, prendre en compte l’environnement pollué par les essais nucléaires et assurer aux populations victimes de ces essais une assistance sanitaire.

Des centaines de villes, à travers le monde, soutiennent cette interdiction, les armes nucléaires étant par leur nature destinées à frapper des centres urbains. En France une trentaine de villes, dont Paris, Grenoble ou Lyon ont aussi signé l’appel des villes initié par notre campagne.

Ainsi pour Gregory Doucet, maire de Lyon « La ratification par 50 Etats-membres de l’Onu du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN) va permettre son entrée en vigueur. Ces armes, conçues pour cibler prioritairement les zones fortement peuplées que sont les villes, sont enfin interdites : c’est un progrès à la fois humanitaire et écologique, ainsi qu’une étape majeure vers un monde plus sûr. Et je tiens à féliciter l’association ICAN dont l’inlassable travail d’information a permis d’obtenir cette belle victoire ».

Réactions

Jean-Marie Collin, expert sur le désarmement nucléaire et co-porte-parole de ICcan France :

  • « La France est à contre courant de l’histoire. Non seulement elle a pratiqué la politique de la chaise vide durant toute ces années de négociations à l’ONU, mais en plus elle a exercé une pression sur des États contre l’instauration d’une norme qui soutient le droit humanitaire et va renforcer la sécurité internationale ».
  • « Nous sommes devant un vide terrible de prise de conscience des parlementaires sur les enjeux liés au désarmement nucléaire. C’est extrêmement regrettable de voir, que le budget atomique passe la barre des 5 milliards d’euros sans aucun débat de fond. Rien sur l’impact de l’arrivée du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires sur les années à venir, aucune interrogation sur cette politique de dissuasion nucléaire et une absence de réflexion sur la nécessité, à l’heure du « Jour d’après », d’engager une politique de sécurité humaine ou les enjeux sécuritaires, sanitaires et environnementaux sont croisées et non pas opposés. Nous les appelons dès lundi à constituer une délégation permanente à la dissuasion nucléaire, à la non-prolifération, à la maitrise de l’armement et au désarmement sur ce sujet comme il s’y était engagé le 11 juillet 2018.» 

Patrice Bouveret, directeur de l’Observatoire des armements, co-porte-parole de Ican France :

  • « Le président Macron a parlé de réalisme dans son discours sur la dissuasion (7 février 2020) assurant qu’il fallait avec les Européens développer une culture stratégique et pratiquer des exercices de frappes nucléaires. Le réalisme imposerait de voir que cette politique va diviser les États européens, empêcher la création d’une politique de sécurité commune et faire le lit de la prolifération nucléaire ».
  • « Ceux qui pensent que le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires n’aura aucun impact sur la France ne tiennent aucun compte de la réalité du monde de ce XXIe siècle et de ses interdépendances. Les effets de l’entrée en vigueur du TIAN vont être politiques, diplomatiques, juridiques, stratégiques, éthique et financier. Déjà d’importantes institutions financières se refusent à investir dans le secteur de l’armement nucléaire suite à l’adoption du traité par l’ONU… Le déni d’ouvrir le débat sur la dissuasion nucléaire ne peut que renforcer l’instabilité et l’insécurité. »

Le 24 octobre 2020

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