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Ligue des droits de l'Homme

Section du Pays d'Aix-en-Provence

Les peines alternatives à la prison 26 novembre 2010

Avec M. Sidaine, Juge d’Application des Peines et membre du Syndicat de la Magistrature, en charge de la Maison d’Arrêt de Luynes.

L’amphi était pratiquement plein, beaucoup d’étudiants. Le JAP a fait une intervention de 20 minutes environ, le débat a duré une bonne heure.

Quelques notes sur l’intervention de M. Sidaine

Les peines ne cessent de s’allonger, le nombre de détenus augmente.

Il y a d’autres types de sanction que l’incarcération.

La loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 se met en place.

A Luynes, le taux d’occupation est de 125%.. 130 personnes sont sous surveillance électronique.

Le JAP intervient après le jugement pénal. On l’appelle parfois « le juge qui désapplique les peines », et on s’interroge sur la légitimité de ce magistrat.

Il fixe les modalités de l’application des peines.

Selon un article de la loi, il doit « favoriser l’insertion ou la réinsertion ». Selon le principe de l’individualisation des peines, celles-ci doivent être aménagées.

Un autre article stipule que, sauf en cas de récidive, une peine d’emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu’en dernier recours.

La mission du JAP est complexe. Il doit prendre en compte

  • l’intérêt de la société
  • les victimes
  • la réinsertion
  • la prévention de la récidive.

On lui impose une obligation de résultat.

La police et la justice voient dans l’emprisonnement la « récompense » de leur travail. Hortefeux a clamé qu’il était « inadmissible » de voir un condamné à deux ans de prison remis en liberté.

Les alternatives (il en fait la liste très vite, je n’ai pas pu les noter)

* La libération conditionnelle est la principale. Elle existe depuis 1885. Elle constitue le meilleur outil pour prévenir la récidive : il n’y a que 3% de récidivistes parmi ceux qui ont connu la libération conditionnelle.

Les critères dont il tient compte pour prononcer la libération conditionnelle :

  • les « efforts constatés de réinsertion professionnelle »
  • l’indemnisation des victimes
  • une promesse de travail
  • des enfants de moins de 10 ans

La libération conditionnelle peut être prononcée à partir du moment où la moitié de la peine a été réalisée, les 2/3 pour les récidivistes. (je ne suis pas sûre de mes notes)

La libération conditionnelle est de loin le dispositif le plus important.

* Le placement sous surveillance électronique se généralise : ça coûte beaucoup moins cher que la prison ! La loi de novembre 2009 stipule qu’il peut être prononcé pour les peines allant jusqu’à deux ans de prison – aux mêmes critères que la libération conditionnelle.

* L’autorisation de sortie – pour aller travailler, ou se soigner…

* La suspension de peine, quelle que soit la durée de la peine, pour les condamnés atteints d’une maladie ou étant dans un état « incompatible avec la prison ». (Papon !)

* le travail dans une entreprise d’insertion.

Pour toutes ces « alternatives », le condamné doit avoir « démontré des efforts sérieux » de réadaptation sociale. On peut prononcer la surveillance électronique pour permettre à quelqu’un d’aller chercher du travail.

La loi de 2009 exige un « projet de réinsertion de nature à éviter la récidive ». Elle constitue une ouverture pour l’aménagement des peines. Il y a une volonté d’éviter l’incarcération en matière de détention préventive, en faveur du recours au contrôle judiciaire avec surveillance électronique.

En pratique, les aménagements de peine sont de plus en plus importants. Un cas récent : pour une peine de 3 ans et demi, il a prononcé un aménagement au bout de 6 mois.

L’aménagement donne lieu à un second procès (avec l’avocat, le procureur, le juge). Le parquet est encore aujourd’hui extrêmement défavorable aux aménagements.

Il y a donc un paradoxe : des textes extrêmement répressifs entrainent une surpopulation pénale, et en même temps, sans le dire officiellement, on demande aux JAP d’éviter l’incarcération !

Pour les peines de deux ans, le JAP va être évincé, c’est l’administration pénitentiaire qui présentera un projet d’aménagement. Il y aura délégation de pouvoir aux procureurs, qui imposeront plus facilement une décision.

Que veut le législateur ? Une réflexion sur la peine ? Ou la gestion des tensions ?

Il faut accepter que la sanction ne soit qu’exceptionnellement la prison.

Les travaux d’intérêt général (TIG), avec le suivi par un éducateur.

Les échecs ? Sur 4000 ordonnances de permission de sortie, il y eu à peine 5 évasions en 10 ans !

Quelques notes prises lors du débat :

. Le JAP ne s’occupe pas des mineurs. Ceux-ci sont de la compétence du Juge pour Enfants.

. Le critère du travail (promesse d’embauche) est « sacrosaint » – ce qui rend difficile les aménagements de peine pour les étrangers sans papiers.

. Les TIG (travaux d’Intérêt Général) ne sont pas appliqués pour les condamnés détenus, sauf pour des « reliquats » de peine. C’est une mesure peu appliquée parce qu’elle n’est possible que pour les condamnés à moins de 6 mois. Le travail n’a rien de gratifiant, il s’agit de ramasser les feuilles, de vider des poubelles, parfois on utilise les Resto du Cœur. Ça reste marginal… Il faudrait imposer aux mairies une certaine quantité de travaux : les mairies refusent de faire travailler des « délinquants » !

. Question : est-ce que, en tant que JAP, il prend en compte la demande des victimes ? C’est une donnée parmi bien d’autres. Non, je ne vais pas écouter les demandes des victimes qui réclament qu’un détenu ne sorte pas. Par contre, je prends en compte les efforts pour indemniser les victimes.

. Réponse vigoureuse à un commentaire du président des Visiteurs des Prisons, Philippe Lermé, laissant entendre que la nature du délit pouvait jouer en défaveur d’un aménagement de peine : une peine aménagée n’est PAS une peine non exécutée ! C’est extrêmement difficile d’avoir un bracelet électronique constamment ! Il faut arrêter avec la prison, comme on a arrêté avec les travaux forcés ! La prison doit être exceptionnelle. Il y a en prison des gens qui n’ont rien à y faire. Par exemple, quelqu’un qui est incarcéré parce qu’il n’a pas payé une amende, ou une pension alimentaire. L’incarcération pour non paiement d’amende est un phénomène nouveau, et scandaleux.

. La prison est criminogène – mais parfois, il est vrai qu’il n’y a parfois pas d’autre solution.

. Les récidivistes sexuels : il faut se poser la question des moyens : un éducateur a 100 détenus en charge, un gardien, 250 ! A Luynes, il faut 3 ou 4 mois pour rencontrer un psychologue !

Les outils ne sont pas en place pour que la prison soit un moyen d’éviter la récidive.

. Le suivi peut durer plus d’une année. Le sursis avec mise à l’épreuve : le suivi peut durer de 5 à 10 ans (pour les délits sexuels).

. Le nombre de cas relevant de la psychiatrie est impressionnant.

. En réponse à un étudiant l’accusant d’être de parti pris : je ne fais qu’appliquer la loi. C’est la loi qui dit que la prison doit être l’exception.

. Peter (ancien visiteur des prisons, qui y a travaillé pendant 30 ans) : ce qui est le plus difficile, c’est la réinsertion. Il ne s’agit pas seulement de récidive. Il y a énormément d’échec de réinsertion, en raison du refus d’employer d’anciens détenus. Il faut changer d’état d’esprit ! C’est le rôle des associations.

. Réponse à un étudiant qui dit qu’il y a « beaucoup de récidives » : Non ! Il n’y a pas beaucoup de récidives ! Par contre, on n’a jamais eu autant de détenus qu’aujourd’hui.

Anne Torunczyk