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Ligue des droits de l'Homme

Section du Pays d'Aix-en-Provence

Archives par catégorie : Articles

Appel à une mobilisation citoyenne pour le droit à la santé pour toutes et tous 7 mai, 2024

Communiqué du Tour de France de la santé, dont la LDH est signataire

Face à la dégradation générale du système de santé et à sa marchandisation, nous dénonçons l’aggravation d’une médecine à plusieurs vitesses.

En 2000, l’OMS* considérait que la France avait le meilleur système de santé du monde. Il est en cours d’effondrement.

6700 lits d’hospitalisation ont encore été fermés en 2022. 150 à 200 000 infirmier-ère-s ont quitté le métier. 7 millions de personnes n’ont plus de médecin traitant. Et le Covid a été le révélateur de l’abandon d’une politique de santé publique. La santé est un bien commun qui doit être accessible à toutes et tous sans condition et sortir du marché lucratif.

Les politiques de santé doivent prendre en compte tous les déterminants de santé. Elles doivent répondre aux besoins des personnes, individuellement et collectivement, tant au niveau de la prévention que du soin, et intégrer la participation des usager-ère-s.

Pour stopper la politique destructrice du gouvernement, nous lançons une campagne de mobilisation

• Pour l’hôpital public

Bien mal en point avec ses services d’urgences saturés, les patient-e-s dans les couloirs et des décès évitables, les fermetures de lits à répétition, la psychiatrie totalement sinistrée… C’est tout l’hôpital qui est en crise.

Il est étranglé par la tarification à l’activité et subit la concurrence des établissements de santé privés à but lucratif qui sélectionnent les patient.e.s et les pathologies rentables, qui débauchent des soignant-e-s hospitaliers du secteur public.

La psychiatrie cesse d’être à l’écoute de l’humain, se réduit au neurologique, aux médicaments, utilise de plus en plus la contention. La pédopsychiatrie se réduit au seul traitement médicamenteux des « troubles » du comportement.

L’hôpital a un besoin urgent d’une modification de son mode de financement et de réouverture de lits.

L’hôpital a un besoin urgent d’un plan massif de formations et d’embauches de personnel-le-s qualifié-e-s et mieux rémunéré-e-s, d’ un nombre de soignant-e-s défini démocratiquement dans chaque service.

• Pour un accès à la santé égal pour toutes et tous partout

La pénurie de professionnel-le-s de santé et l’inégalité territoriale de leur répartition est une inégalité sociale absolue.

Face à l’extension continue des déserts sanitaires, les réponses ne peuvent être que multiples et méritent débat. Cela passe entre autres par un service public de santé de premier recours sur tout le territoire avec ouverture de centres de santé pluriprofessionnels, acteurs de soins et de prévention, coordonnés avec l’hôpital public et l’ensemble des professionnel-le-s, pour répondre aux besoins de santé du territoire définis avec les habitant-e-s.

• Pour la suppression des restes à charges

2,7 millions de personnes n’ont pas de complémentaire santé.

Les restes à charges s’additionnent alors que la fin du mois est problématique pour des millions de personnes. Aux dépassements d’honoraires, à l’activité privée à l’hôpital public, à l’augmentation des tarifs des mutuelles, s’est ajouté à partir de fin mars le doublement des franchises médicales et des forfaits, sans compter les parkings payants des hôpitaux et le coût des transports pour consulter de plus en plus loin de chez soi.

Non, nous ne nous soignons pas pour le plaisir. Non, la santé n’est pas un bien de consommation.

Non, la santé n’est pas « quasi gratuite » Mr Le Maire. Nous finançons la sécurité sociale par nos cotisations sociales qui sont du salaire et par des impôts injustes comme la TVA ou la CSG.

Ces restes à charge pénalisent et culpabilisent encore plus les patient-e-s les plus malades, notamment ceux en affection longue durée (ALD).

Nous demandons la suppression de tous les restes à charge, franchises, dépassements d’honoraires, tickets modérateurs…

Nous refusons toute remise en cause de la prise en charge des ALD et toute augmentation du nombre de jours de carence en cas d’arrêt maladie.

• Pour une sécurité sociale solidaire et universelle, prenant en charge intégralement à 100% les frais de santé dans un périmètre étendu et défini selon les besoins des populations

La sécurité sociale est malade de ses recettes et non de ses dépenses. Ce déficit résulte de choix politiques assumés : exonérations et exemptions de 88 milliards de cotisations sociales en 2024,
tolérance vis-à-vis des fraudes aux Urssaf, des dettes patronales…

La sécurité sociale est malade de la volonté du gouvernement et du Medef de privatiser tout ce qui est rentabilisable, de baisser le « coût du travail ».

Nous n’acceptons pas les nouvelles coupes budgétaires massives sur le PLFSS** 2025, budget de la Santé, avec des conséquences gravissimes.

Un autre financement est possible : suppression des exonérations et exemptions des cotisations patronales, hausse des salaires, égalité salariale homme-femme…

Dans ces conditions, il faut une sécurité sociale solidaire et universelle, prenant en charge intégralement à 100% les frais de santé dans un périmètre étendu et défini selon les besoins des
populations, sans aucune condition ni discrimination, intégrant en son sein l’AME*** actuellement menacée, sans aucun reste à charge. C’est une mesure urgente pour que chaque
personne sur le territoire puisse avoir un accès égal aux soins et à la prévention.

Notre système de santé, notre sécurité sociale sont nos biens communs. Usager-ère-s, citoyen-ne-s, professionnel-le-s, mobilisons-nous pour une santé humaine, de qualité, accessible à toutes et tous partout.

* OMS Organisation mondiale de la santé
**PLFSS Projet de loi de financement de la sécurité sociale
*** AME Aide médicale d’Etat

Les signataires :

Syndicats : Fédération Sud Santé Sociaux, Fédération Syndicale Unitaire, Syndicat de la Médecine Générale, Syndicat National des Jeunes Médecins Généralistes, Syndicat National des Infirmier(e)s Conseiller(e)s de Santé-FSU, Syndicat National Unitaire des Assistants Sociaux de la Fonction Publique-FSU, Union Fédérale Médecins Ingénieurs Cadres et Techniciens-CGT, Union Syndicale de la Psychiatrie, Union Syndicale des Médecins de Centres de Santé, Union syndicale Solidaires

Mutuelles : Alternative Mutualiste, Fédération des Mutuelles de France, Mutuelle Mutami, Mutuelle des Pays de Vaucluse, Union des Mutuelles de Vaucluse

Associations, collectifs : Act Up Sud-Ouest, Appel des Appels, ATTAC, Cerises La coopérative, Collectif Inter-Hôpitaux, Collectif Inter-Urgences, Collectif des Médecins Généralistes pour l’Accès aux soins, Collectif National pour le Droit des Femmes, Conseil National de la Nouvelle Résistance, Coordination des Associations pour le Droit à l’Avortement et à la Contraception, Fédération Générale des Retraités de la Fonction Publique, Femmes égalité, Fondation Copernic, Le Fil Conducteur Psy, Les Essentiel.le.s du Lien et du Soin, LDH (Ligue des droits de l’Homme), Médecins du Monde, Médicament Bien Commun, Notre Santé en Danger, Pratiques les cahiers de la médecine utopique, Printemps de la Psychiatrie, Réseau des Centres de Santé Communautaires, Résistance sociale, Stop Précarité

Organisations locales et régionales : Collectif de Défense de la Santé du Doubs, Collectif de défense des services publics Sud Luberon, Collectif 37 Notre Santé en Danger, Collectif Sauvons l’hôpital de Chinon, Collectif Tenon pour l’IVG, Comité de défense de l’hôpital de Concarneau, Comité de défense de l’hôpital de Toul, Comité de défense des hôpitaux du Nord Essonne, Comité ivryen pour la Santé et l’Hôpital public, Comité de Vigilance des Services publics de Haute-Saône, Le Manifeste Comité St Affrique-Millau, Sud Santé Sociaux Finistère, Sud sante sociaux Moselle, Union des syndicats CGT du Bassin Villeneuvois (94)

Organisations politiques : ENSEMBLE !, Gauche Démocratique et Sociale, Gauche Ecosocialiste, Génération.s, La France Insoumise, Les Ecologistes-EELV, Nouvelle Gauche Socialiste , Nouvelle Donne, Nouveau Parti Anticapitaliste, Parti Communiste des Ouvriers de France, Parti de Gauche, Rassemblement du peuple souverain pour une France indépendante et une république sociale

Contact : tour-france-sante-plfss@mailo.com

Paris, le 6 mai 2024

Lire le communiqué en format PDF

Source: Appel à une mobilisation citoyenne pour le droit à la santé pour toutes et tous

27 avril 2024 – Tribune collective “Critiquer la politique d’un Etat est un droit fondamental et ne saurait constituer une apologie du terrorisme” publiée dans Le Monde 28 avril, 2024

Tribune collective signée par Patrick Baudouin, président de la LDH

Lire sur Le Monde

Alors qu’Emmanuel Macron a remis le droit international au cœur de la question israélo-palestinienne, des citoyennes et citoyens sont poursuivis en justice lorsqu’ils s’y réfèrent dans des tracts, s’alarme un collectif de plusieurs personnalitées, dont Patrick Baudouin, président de la LDH

Certains s’en féliciteront, tout en soupirant à bas bruit, « enfin ». D’autres peut-être s’en désoleront. Mais toutes les femmes et tous les hommes de bonne volonté ne penseront qu’une seule chose : peut-être que les massacres vont s’arrêter, peut-être que finalement l’humanité pourrait l’emporter dans toute cette horreur interminable.

Car la tribune du roi de Jordanie, Abdallah II, du président de la République égyptienne, Abdel Fattah Al-Sissi, et du président de la République française, Emmanuel Macron, publiée dans Le Monde du 10 avril 2024, remet le droit international au cœur de la question israélo-palestinienne, en réaffirmant le respect de toutes les vies et en condamnant toutes les violations du droit international humanitaire, qui jalonnent depuis le 7 octobre 2023 les massacres que tous ont connus et connaissent encore. Et ils rappellent que leur demande pour un cessez-le-feu immédiat à Gaza se fonde sur les résolutions 2720 et 2728 du Conseil de sécurité des Nations unies, qui exigent précisément cela de toutes les parties.

La proclamation de ces trois chefs d’Etat de l’indispensable respect du droit humanitaire international s’accompagne de tout ce qui a été perdu de vue depuis des décennies dans cette région si déchirée : « Nous demandons instamment qu’il soit mis fin à toutes les mesures unilatérales, notamment les activités de colonisation et la confiscation de terres. Nous exhortons également Israël à empêcher la violence des colons. Nous soulignons la nécessité de respecter le statu quo historique et juridique des lieux saints musulmans et chrétiens de Jérusalem (…) . »

Enfin, en prônant la solution de deux Etats conformément au droit international et aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, les chefs d’Etat ancrent définitivement le droit international comme seul remède à la haine et comme seule solution pour la paix.

Mais alors, que deviennent tous ces écrits, communiqués, tracts qui servent de fondement à toutes les procédures diligentées par les parquets pour apologie du terrorisme ? Et qui parfois maladroitement, ou de manière véhémente, mais toujours dans l’émotion légitime, n’ont eux aussi fait que se référer aux violations du droit international, droit que la France notamment a affirmé et soutenu depuis plusieurs décennies dans l’enceinte des Nations unies ? Fallait-il mettre à mal la liberté d’expression, fût-elle excessive ou provocatrice, à travers ces procédures ? Alors même que la Cour européenne des droits de l’homme, notre boussole juridique et judiciaire en Europe, a pourtant toujours rangé cette liberté parmi les socles indispensables à une société démocratique, rappelant, dans une décision du 11 juin 2020, que « la liberté d’expression constitue l’un des fondements essentiels d’une société démocratique et l’une des conditions primordiales de son progrès et de l’épanouissement de chacun. Elle vaut non seulement pour les informations ou les idées accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent. Ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et l’esprit d’ouverture sans lesquels il n’est pas de société démocratique » .

Utilisation de mots consacrés

Alors où va la démocratie française ? Après de multiples atteintes portées aux libertés d’association et de manifestation, après le vote de lois dont le Rassemblement national s’enthousiasme d’en inspirer la philosophie, fallait-il attenter à celle des libertés fondamentales qui est le fondement même d’une société démocratique dont la seule limite est l’exclusion des détestables appels à la violence et à la haine ? Quelle est la valeur de la parole internationale de la France quand elle-même met en place une police de la pensée qui en incrimine le sens et les termes ?

En effet, une loi de 2014, en retirant l’apologie du terrorisme commise publiquement de la loi de 1881 sur la liberté de la presse pour l’intégrer à la procédure commune, laisse apparaître aujourd’hui sa fonction réelle : éviter les protections de la pensée mises en place depuis plus d’un siècle de débats républicains, et écarter les prescriptions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, dont la Cour répète souvent – à la France notamment – que l’article 10 « ne laisse guère de place à des restrictions à la liberté d’expression dans le domaine des discours politiques » .

Ces procédures d’apologie du terrorisme se déroulent dans le cadre d’enquêtes préliminaires avec convocation en audition libre mentionnant seulement l’infraction visée. La personne entendue, avec présence possible de l’avocat, découvre les propos reprochés au travers des questions du policier, qui, outre de possibles dérapages sur les convictions religieuses ou l’appartenance politique, révèle l’objet des poursuites basé sur l’utilisation de mots consacrés par le droit international : colonialisme, appropriation des terres dans les territoires occupés, résistance à l’occupation, dénonciation de crimes commis. C’est au mépris des textes internationaux intégrés à la hiérarchie des normes françaises que des instructions ont pu être données par la chancellerie au parquet de poursuivre de tels propos.

Pourtant, la critique de la politique d’un Etat, y compris celle de la France, qui paraît avoir oublié les principes qu’elle a défendus, est un droit fondamental reconnu aux citoyens dans un système démocratique. Elle ne saurait constituer une apologie du terrorisme pour l’évidente raison que, finalement, le chef de l’Etat français, et ceux qui signent avec lui la tribune, se réapproprient les fondements du droit international, que beaucoup n’ont fait que rappeler à l’occasion de ces procédures.

Et il est bon de se souvenir de la formule de Victor Hugo pendant les débats sur la loi sur la presse – « La souveraineté du peuple, le suffrage universel, la liberté de la presse sont trois choses identiques » – pour s’interroger sur ce qui est manifestement perdu aujourd’hui dans la démocratie française.

Signataires : Patrick Baudouin, président de la LDH (Ligue des droits de l’Homme) ; Rony Brauman, médecin, ex-président de Médecins sans frontières ; Jean-Paul Chagnolaud, professeur émérite des universités ; Antoine Comte, avocat à la cour d’appel de Paris ;Evelyne Sire-Marin, magistrate honoraire, ex-présidente du Syndicat de la magistrature.

Source: 27 avril 2024 – Tribune collective “Critiquer la politique d’un Etat est un droit fondamental et ne saurait constituer une apologie du terrorisme” publiée dans Le Monde

Halte au dévoiement du droit pénal pour bâillonner les voix dissidentes 27 avril, 2024

Communiqué LDH

Depuis l’attaque terroriste du Hamas du 7 octobre 2023, suivie des massacres de civils palestiniens à Gaza que la Cour internationale de justice de l’ONU a qualifiés de « risque de génocide », le conflit israélo-palestinien s’est invité sur le territoire national. Mais le gouvernement tente d’empêcher tout débat démocratique.

La liberté de manifester est régulièrement entravée, des conférences sont annulées ou interdites. A ces interdictions, s’ajoutent des centaines de convocations par la police, souvent suivies de poursuites et même de condamnations, parfois extrêmement lourdes, pour « apologie du terrorisme ». Ces convocations et condamnations visent tant des militants syndicaux et associatifs, des élus locaux, que des étudiants et de simples citoyens. Il leur est reproché des expressions s’insurgeant contre le terrible sort fait aux populations palestiniennes. La LDH n’en partage pas toujours la teneur ou la forme, mais elles relèvent de la liberté d’expression.

La liberté d’expression est une garantie essentielle en démocratie, qui doit être protégée par l’Etat. En France, la loi de 1881 sur la liberté de la presse concilie l’exercice de cette liberté avec la nécessité de protéger la réputation d’autrui et d’interdire les propos contraires aux principes mêmes de la Convention européenne des droits de l’Homme, comme les propos racistes ou homophobes. Il en était de même du délit d’apologie du terrorisme, consistant à présenter sous un jour favorable des actes terroristes et à inciter à les commettre. Or, ce délit a été déplacé dans le droit commun, et est désormais systématiquement poursuivi par les parquets en application d’une circulaire indigne du 10 octobre 2023 du garde des Sceaux, ce qui a amené à une explosion du nombre de poursuites sur ce fondement.

Ces poursuites ont désormais des conséquences démesurées au regard des faits reprochés. Cela peut entraîner, pour toutes ces personnes, des gardes à vue et convocations dans les services de police antiterroristes, des comparutions immédiates, des condamnations à des peines pouvant atteindre 7 ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende et des inscriptions au fichier judiciaire des auteurs d’infractions terroristes (surveillance constante, obligation de présentation régulière aux forces de l’ordre et interdiction d’accès à la fonction publique, entre autres).

Un nouveau pas vient d’être franchi dans la répression et l’intimidation politique des acteurs du débat public, en raison de leur positionnement sur le conflit israélo-palestinien. C’est désormais la présidente d’un groupe parlementaire à l’Assemblée nationale, Mathilde Panot, responsable du groupe LFI, qui est convoquée mardi 30 avril à la police pour un communiqué de son groupe après les attaques du Hamas en Israël le 7 octobre. Rima Hassan, candidate des Insoumis aux élections européennes, est, elle aussi, convoquée.

La LDH dénonce une limitation inacceptable de la liberté d’expression et du pluralisme démocratique.

La LDH demande que le parquet soit réellement indépendant de l’exécutif et que le régime juridique protecteur de la liberté d’expression du droit de la presse soit à nouveau appliqué au délit d’apologie du terrorisme.

Elle était présente à Lille devant le tribunal pour défendre et soutenir l’Union départementale CGT du Nord et appelle de même à soutenir le rassemblement organisé mardi 30 avril 2024, à 8h30, porte de Clichy, en protestation contre ces procédures baillons visant à supprimer toute liberté d’expression politique.

Paris, le 26 avril 2024

Télécharger le communiqué LDH en pdf.

Source: Halte au dévoiement du droit pénal pour bâillonner les voix dissidentes

#ECSA Pour une autre Europe 25 avril, 2024

Du vendredi 26 au dimanche 28 avril à Marseille

Du 26 au 28 avril, des centaines d’activistes de mouvements sociaux convergeront de toute l’Europe vers Marseille. Associations, syndicats, ONG et collectifs locaux veulent faire entendre la voix de la société civile pour une Europe sociale, écologique, pacifique et démocratique, à l’opposé de la résurgence des nationalismes et des autoritarisme en Europe. Ateliers, conférences, concerts : pendant 3 jours, iels travailleront à unir leurs forces pour les luttes à venir.

Ces rencontres militantes auront lieu principalement à la Friche de la Belle de Mai et dans cinq autres lieux : La Base Marseille, Solidaires Bouches-du-Rhône, La Ruche, Massalia Vox et le Couvent. En savoir plus

Les conteneurs

Les conteneurs traitent des problèmes et des défis auxquels nous sommes confrontés – chacun partant d’une perspective différente mais menant à des conclusions convergentes. L’objectif étant de faciliter les actions communes qui permettent de faire évoluer les sociétés et de proposer les changements nécessaires au niveau politique.

Samedi 27 avril de 9h30 à 11h30

Conteneur 3, avec la participation de la LDH : Le pouvoir au peuple

Chaque jour, il devient de plus en plus évident que les gouvernements illibéraux se succèdent pour mettre en œuvre le programme économique du capitalisme sur la base de la croissance économique : tant qu’ils resteront au pouvoir, toutes les luttes progressistes du peuple se heurteront à des politiques répressives de plus en plus violentes. Alors qu’il est difficile de lutter, le capitalisme ne cesse d’isoler, de désespérer et de pousser les gens à se refermer sur leurs propres intérêts et cercles étroits. Cela favorise la discrimination raciste, les discours de haine et les faux antagonismes, ouvrant la voie à l’extrême droite et aux politiques réactionnaires, qui promettent des solutions faciles. Les néolibéraux s’alignent sur ces forces, car ces politiques servent leurs intérêts. Ils partagent tous deux la même méthode : diviser pour mieux régner !

Par des luttes collectives, des assemblées, des espaces sécurisés pour les opprimés et des victoires populaires, il est possible de briser ce cercle vicieux, de remettre en cause « l’appel » individualiste des profits et de replacer la solidarité et l’émancipation au cœur des préoccupations des peuples. Il n’y a qu’une solution : le pouvoir au peuple.

Dans un tel contexte, il s’agit de trouver les moyens de mettre en échec les discours d’extrême droite et de donner du pouvoir aux citoyens pour qu’ils puissent enfin répondre collectivement à leurs véritables besoins et aspirations. Les institutions nationales et internationales – comme l’Union européenne – doivent être remodelées de manière transparente par les citoyens afin de répondre à l’impératif démocratique de notre époque.

Avec les interventions de :

Albena Azmanova, chercheuse ; Alexandrina Najmowicz, Forum civique européen ; Fausto Melluso, ARCI ; Cairo Institute for Human Rights Studies ; Nathalie Tehio, LDH

Autres évènements organisés avec la LDH

Le vendredi 26 avril, de 10 à 13h, au Tabac (La Friche).

“Comment pouvons-nous remporter de nouvelles victoires pour un droit effectif au pour un droit au logement effectif ?”

Les politiques néolibérales ont rendu difficile l’accès à un logement décent. En s’appuyant sur la richesse de nos mobilisations, nous envisagerons une convergence européenne. Une table ronde, un forum semi-ouvert pour se rencontrer, s’interroger et apporter des réponses.

Le vendredi 26 avril, de 15h30 à 17h30 à l’Auditorium (La Friche).

“Résister à la criminalisation des mouvements sociaux : un défi majeur”

Que ce soit dans le monde du travail, de la justice sociale, de l’écologie, les pouvoir punissent toute remise en cause de l’ordre
 l’ordre néolibéral. Dans ce contexte, il est vital que les mouvements sociaux discutent de cette politique et d’élaborer des stratégies de stratégies de résistance.

Le samedi 27 avril, de 17h à 18h30 à La Ruche.

“Narcotiques, de la politique de sécurité à la prison : l’impact de la loi sur l’interdiction des drogues sur les droits et l’incarcération”

Des politiques de lutte contre la drogue à l’usage excessif de l’emprisonnement.
Contre l’autoritarisme, les
les effets d’une politique
discriminatoire et délétère, et pour un changement d’approche.



Source: #ECSA Pour une autre Europe

Fabrice Leggeri, ancien directeur de Frontex, poursuivi pour complicité de crimes contre l’humanité et de torture 23 avril, 2024

Communiqué LDH et Utopia 56

La LDH (Ligue des droits de l’Homme) et Utopia 56 portent plainte contre Fabrice Leggeri, ancien directeur de Frontex et aujourd’hui candidat du Rassemblement national (RN) aux élections européennes, pour complicité de crimes contre l’humanité et de torture.

Ces dernières années, la Méditerranée centrale est devenue la route migratoire la plus meurtrière au monde, avec près de 16 272 personnes migrantes mortes ou disparues entre janvier 2015 et avril 2022. Trop souvent, ces décès ne sont ni le fruit du hasard, ni d’accidents. Il s’agit en partie de crimes commis dans le cadre d’exactions perpétrées de manière méthodique et systématique en violation flagrante du droit maritime, de la convention de Genève et de la Convention européenne des droits de l’Homme – que ce soit par le refoulement incessant des autorités helléniques[1] ou les interceptions des embarcations par les garde-côtes libyens. Homicides, violences volontaires, mise en danger délibérée, entrave à l’arrivée des secours, non-assistance… Ces pratiques relèvent de crimes contre l’humanité.

Or, il s’avère que l’agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, dite Frontex, a joué un rôle essentiel dans la possibilité de commission de ces crimes, et ce depuis la nomination de Fabrice Leggeri au poste de directeur exécutif. Entre le 1er janvier 2015 et le 28 avril 2022, alors que Fabrice Leggeri avait l’entière mainmise sur le pouvoir de décision de Frontex et était le seul à s’entretenir avec les Etats-membres au sein de l’agence, il a radicalement et durablement changé son rôle au sein de l’Union européenne (UE) au risque de devenir complice actif de crimes contre l’humanité et de crimes de torture commis par les autorités libyennes et grecques.

Sous l’impulsion de ce nouveau directeur, les missions de l’agence ont été non seulement développées de façon fulgurante, mais aussi dénaturées de la pire manière qui soit : d’un rôle d’appui et de soutien, l’agence s’est progressivement substituée aux Etats membres dans la gestion de leurs frontières. Pour affirmer le rôle de police de l’agence, son directeur a alors fait le choix d’une politique visant à faire obstacle, quel qu’en soit le prix – en vies humaines notamment – à l’entrée des personnes migrantes au sein de l’UE.

Or si l’UE a donné à Frontex le rôle d’assurer la gestion européenne intégrée des frontières extérieures, cette mission ne devait pas s’entendre au détriment du respect des droits fondamentaux des personnes, encore moins de leur vie, comme cela a pourtant été le cas. Selon plusieurs sources journalistiques, la participation de Frontex peut notamment être recensée dans près de 222 incidents dramatiques, impliquant 8 355 personnes entre mars 2020 et septembre 2021, que ce soit en s’abstenant de s’opposer aux autorités concernées alors qu’elle en avait le devoir, en dissimulant des preuves de ces crimes, voire parfois même en leur fournissant un soutien logistique et financier pour les exécuter. Ainsi, l’agence a non seulement refusé d’émettre des alertes lorsqu’elle avait connaissance de la situation de détresse d’embarcations, mais elle a aussi facilité matériellement des interceptions des bateaux de personnes migrantes en informant les garde-côtes grecs ou encore finançant, a minima, un bien impliqué dans une interception. Elle a également délibérément dissimulé la gravité des incidents et la commission des exactions commises par les garde-côtes grecs. Pour finir, elle a mis sa surveillance aérienne au service de l’interception d’embarcations par les forces libyennes, plutôt que du sauvetage des personnes à bord, alors qu’il est établi de longue date que les personnes migrantes sont victimes en Libye de meurtres, de traite des êtres humains, de violences physiques et sexuelles, de détention arbitraire et de torture.

De nombreux messages et courriels indiquent que Fabrice Leggeri avait connaissance de ces faits criminels, et les a pourtant laissés se perpétuer. Il avait le devoir de faire cesser ces pratiques mais il a choisi de se soustraire à ses obligations. Au regard de ses récentes déclarations visant à annoncer sa candidature au rang de numéro trois de la liste pour les élections européennes du Rassemblement national (RN), il apparait que Fabrice Leggeri a dévoyé ses fonctions au sein de Frontex pour les mettre au service de ses opinions personnelles, en tout point opposées aux missions qui lui étaient confiées et au détriment de la vie de milliers personnes. Au vu des charges qui pèsent contre lui, la LDH et Utopia 56 s’inquiètent du message et du danger qu’une telle candidature peut représenter pour l’Europe.

A la suite de la publication du rapport d’enquête de l’Office européen de lutte anti-fraude (OLAF) du 15 avril 2022, Fabrice Leggeri a été conduit à la démission.

Par conséquent, la LDH et Utopia 56 ont décidé de porter plainte avec constitution de partie civile à l’encontre de Fabrice Leggeri pour complicité de crimes contre l’humanité et de torture devant le tribunal judiciaire de Paris. Par cette action, non seulement nos organisations demandent à la justice de poursuivre M. Leggeri, mais elles espèrent également que celle-ci conduira à un changement radical des pratiques au sein de l’agence Frontex.

1. Pour mémoire, le « non-refoulement » est un droit fondamental consacré par le droit international et le droit communautaire. Il interdit le retour de personnes vers des territoires où elles risquent d’être persécutées, torturées ou soumises à d’autres mauvais traitements.

Paris, le 23 avril 2024

Télécharger le communiqué “Fabrice Leggeri, ancien directeur de Frontex, poursuivi pour complicité de crimes contre l’humanité et de torture” en format PDF

Source: Fabrice Leggeri, ancien directeur de Frontex, poursuivi pour complicité de crimes contre l’humanité et de torture

La liberté d’expression et la démocratie sont en danger 23 avril, 2024

Communiqué LDH

Depuis le 7 octobre 2023, depuis les bombardements sur la population de Gaza, les réflexes militants et d’identité ont engagé chacune et chacun dans la protection de ce qui leur paraissait le plus légitime. Si les guerres et les crimes contre l’humanité n’ont jamais cessé à travers le monde, en France ils résonnent plus que jamais dans les consciences͏‌. En témoigne la crispation d’une partie de la communauté juive face à un moment vécu comme existentiel après les atrocités commises sur des civils israéliens. En témoigne également celle d’une partie de la communauté arabo-musulmane et des soutiens au peuple palestinien qui dénoncent avec impuissance les massacres de civils palestiniens de Gaza et la poursuite inexorable de la colonisation en Cisjordanie. L’antisémitisme, l’islamophobie et les racismes en sont les symptômes les plus saillants, florissant sur les discours réactionnaires dont certains médias et sphères politiques se nourrissent. La haine se déverse sans entrave.

A un moment où la conflictualité politique aurait dû laisser la place au dialogue et à l’écoute pour panser ces fractures, les rapports de forces se sont exacerbés. C’est dans ce moment périlleux que le gouvernement a choisi d’exercer des mesures violentes et liberticides contre l’expression politique et sociale. La circulaire du ministère de la Justice du 10 octobre 2023 appelant à une réponse pénale ferme et rapide contre les expressions militantes a conduit à la multiplication de poursuites pour apologie du terrorisme contre des représentants syndicaux et politiques. Les préfectures et des représentants politiques exercent des pressions contre le monde académique pour restreindre la liberté d’expression au sein des universités, interdisant de manière inconsidérée des réunions qui s’inscrivent naturellement dans le nécessaire débat public et démocratique du pays. Dernière en date, une manifestation pacifique contre le racisme a été interdite par le préfet de police de Paris avant que cette interdiction ne soit heureusement censurée par les juridictions administratives comme étant manifestement illégale. Ce sont plus généralement toutes les expressions de soutien à la population palestinienne qui sont visées en raison même de ce soutien. La liberté d’expression, même lorsqu’elle s’inscrit dans le cadre légal, n’a jamais autant été restreinte par l’Etat ou par ses représentants. L’équilibre délicat instauré par la loi et les tribunaux pour protéger les libertés individuelles et collectives d’expression de ses opinions, cœur vivant de la démocratie, est en danger.

Les messages présentant favorablement les actes terroristes commis par le Hamas ainsi que les crimes de guerre commis par l’Etat israélien doivent être dénoncés et condamnés. Ce à quoi nous assistons est bien différent. C’est d’opportunisme politique et de poursuites de circonstances qu’il est question. Un opportunisme qui conduit à stigmatiser toute une sphère militante par le biais de la répression judiciaire et administrative. Bâillonner les consciences, c’est jouer délibérément contre la démocratie, contre le débat public, contre l’ordre social. Alors que les périls sont immenses, le monde et donc la France ont besoin de dialogue, de compréhension et de l’affirmation du droit face à la violence.

C’est avec gravité que la LDH (Ligue des droits de l’Homme) demande au gouvernement de les promouvoir et de mettre un terme aux atteintes disproportionnées à la liberté d’expression.

Paris, le 23 avril 2024

Télécharger le communiqué LDH en pdf.

Source: La liberté d’expression et la démocratie sont en danger

Aide médicale d’État : les femmes précaires dans le collimateur du gouvernement ? 18 avril, 2024

Communiqué commun dont la LDH est signataire

Le gouvernement s’oriente vers une réforme de l’Aide médicale d’Etat (AME) via une série de mesures techniques, sans information de l’opinion publique ni débat parlementaire et malgré les alertes de nos associations. Si le texte est adopté, il aura pour conséquence de priver de soins des dizaines de milliers de femmes étrangères en situation de précarité. Une stratégie qui interroge alors même que le gouvernement affirmait avoir hissé la défense des droits des femmes comme Grande cause nationale.  

En décembre 2023, le gouvernement reconnaissait, par la voix de sa Première Ministre, que “l’AME est un dispositif sanitaire utile, globalement maîtrisé et qu’il ne constitue pas en tant que tel un facteur d’incitation à l’immigration irrégulière dans notre pays”. Il envisage pourtant aujourd’hui d’introduire une série de mesures d’apparence technique qui affecteraient tout particulièrement les femmes les plus précaires, qui étaient près de 193 000 à bénéficier de l’AME en 2023.

L’AME est réservée aux personnes gagnant moins de 847 euros par mois (pour une personne seule). Le gouvernement veut désormais prendre en compte les ressources du conjoint (français ou étranger en situation régulière), si celui-ci est affilié à la sécurité sociale. Dans un couple où seule une personne est sans-papiers, celle-ci pourrait alors être privée de l’AME si son conjoint dispose de ressources dépassant le seuil. S’ajouterait à cela un durcissement de la justification de l’identité, qui entraînerait des conséquences désastreuses pour nombre de femmes victimes de violences qui se voient confisquer, voire détruire, leur document d’identité ou font face à un chantage aux papiers.

Avec une telle réforme, promise par le gouvernement face aux pressions de la droite et de l’extrême-droite pendant les débats parlementaires sur la loi immigration et élaborée aujourd’hui à l’abri des regards, bon nombre de femmes étrangères risquent de ne plus pouvoir se soigner.

Ces femmes, nos organisations les connaissent : elles présentent des risques accrus de précarité économique et sociale par rapport aux hommes. La pauvreté s’aggrave en France et, on le sait, touche plus violemment les femmes, qui étaient 4,9 millions sous le seuil de pauvreté en 2019 (Insee).

Ces femmes menacées d’une exclusion des soins sont, par exemple, celles qui travaillent, à temps partiel, caissières de supermarché et aides à domicile, détentrices d’un contrat de travail pour un métier “essentiel”, de manière déclarée avec paiement de cotisations sociales, sans qu’elles disposent d’un titre de séjour ou d’un justificatif d’identité en bonne et due forme. D’autres sont obligées de travailler sans être déclarées, ce qui les prive de l’assurance maladie.

Ce sont aussi des femmes mariées à une personne française ou en situation régulière, en attente de régularisation depuis des mois, voire plusieurs années, notamment du fait d’innombrables difficultés administratives (impossibilité de prendre rendez-vous, absence de délivrance de récépissés ou d’attestation de prolongation de l’instruction, etc.).

Ce sont également ces femmes victimes de violences sexistes : conjugales, intrafamiliales ou sexuelles, ou de chantages aux papiers, qui peinent à quitter leur conjoint disposant lui, d’un salaire, mais qui n’ont pas personnellement les moyens de financer un divorce, et qui restent de ce fait juridiquement liées à leur ex-conjoint. Nous savons que l’une des manifestations des violences conjugales est précisément la violence financière, l’auteur de violences maintenant sa partenaire sous sa domination, l’obligeant à lui demander de l’argent pour la moindre dépense, même personnelle.

Nos organisations refusent que des dizaines de milliers de femmes n’aient accès à aucune couverture maladie pour se soigner. Nous appelons le gouvernement à renoncer à cette réforme.

Signataires

Women for Women France, Réseau européen des femmes migrantes, Le Rajfire, Planning familial, Osez le féminisme, Maison des femmes de Paris, Maison des femmes de Montreuil, Maison des femmes d’Asnières sur Seine, Ligue des femmes iraniennes pour la démocratie, Fédération Nationale des CIDFF, Fédération nationale Solidarité Femmes, Excisions parlons-en, Elles aussi, La CLEF, Amicale du Nid, La Cimade, Comede, Emmaüs France, Fondation Abbé Pierre, France Assos Santé, Fasti, Le GISTI, La LDH (Ligue des droits de l’Homme), Samu social de Paris, Secours catholique – Caritas France, Uniopss.

Source: Aide médicale d’État : les femmes précaires dans le collimateur du gouvernement ?

Mayotte, démolitions des quartiers pauvres sous couvert de la loi Elan 18 avril, 2024

Rapports de la LDH

Lire le rapport 2021

La démolition des quartiers pauvres de Mayotte sous couvert de la loi Elan se caractérise toujours par des contradictions entre les arrêtés et les réalisations, le nombre d’habitations détruites est toujours supérieures à celui annoncé dans les arrêtés. Les annexes des arrêtés sont également contradictoires entre elles : les rapports de la gendarmerie, de l’ARS et de l’ACFAV ne s’accordent jamais sur le nombre d’habitations installées sur les parcelles concernées. Les familles et les habitations ne sont pas clairement identifiées ; l’obligation de relogement qui figure dans l’article 197 de la loi n’est jamais remplie : il ne s’agit que d’un hébergement d’urgence de trois semaines dont le principe aurait été rappelé aux familles, comme seule obligation supposée par le préfet. Seule apparait la mention « une solution d’hébergement a été proposée » aux familles.

Lire le rapport 2022

La politique de résorption de l’habitat insalubre sous couvert de la loi Elan, notamment de son article 197 spécifique aux départements d’outre-mer de Guyane et de Mayotte, a été marqué par quelques contentieux fin 2021, début 2022.

Ces contentieux ont eu pour principal effet de ralentir le programme de destruction affiché au rythme d’un bidonville par mois dans les communiqués de presse de la préfecture.

Alors qu’officiellement 1652 cases avaient été détruites dans le courant de l’année 2021, le bilan de l’année 2022 en cours n’a pas fait l’objet de communiqué ni du fameux baromètre de l’habitat illégal dont les parutions ont été interrompues.

Finalement le préfet est arrivé à ses fins. Le tribunal administratif l’a autorisé à exécuter tous les arrêtés pris en 2021, notamment ceux de La Pompa et Miréréni sur la commune de Tsingoni, et celui de Mnyambani sur la commune de Bandrélé.

Si l’on se fie aux chiffres annoncés dans les communiqués de presse qui ont suivi les exécutions, un premier bilan des opérations peut être esquissé.

Lire le rapport 2023

L’année 2023 fut marquée par l’affaire du Wuambushu qui a défrayé la chronique durant les deux ou trois premières semaines de l’opération. Sur son volet résorption de l’habitat insalubre, le projet de détruire mille habitations en tôle dans huit quartiers, à raison d’un par semaine, s’est heurté à des questions juridiques. La préfecture voulait inaugurer le cycle de démolition par la destruction du quartier Talus 2 pourtant sous protection de justice depuis la suspension de l’arrêté par le tribunal administratif. Une telle erreur de stratégie fut fatale à l’opération : au lieu de 1000 logements détruits en huit semaine, le bilan annuel, toutes démolitions comprises, affiche un nombre de 667 habitations en tôle démolies.

Mais il semble aussi que les obligations légales n’avaient pas été envisagées, en témoigne le fait que, au début de l’opération, seul un arrêté avait été publié, celui concernant le quartier Barakani dans la commune de Koungou. Sauf à fonder la démolition des quartiers ciblés sur d’autres dispositifs que la loi Elan, le programme n’était juridiquement pas réalisable puisque l’article 197 de la loi prévoit un délai de cinq semaines entre la notification aux habitants et l’exécution de l’arrêté. Nous n’en saurons rien, car l’opération s’est grippée. Prévu pour durer huit semaines, le programme n’est à ce jour pas achevé.

Il y a plus grave : tout recours à la justice sur la politique de démolitions des quartiers est à présent compromis. L’arrêté du 19 septembre ordonnant la démolition du quartier de Doujani avait été dénoncé par cinq familles accompagnées par la LDH et suspendu par l’ordonnance du 8 décembre 2022. Une petite astuce a cependant permis au préfet de procéder malgré tout à la démolition du quartier le 17 janvier 2023 : rejetant l’intérêt à agir de la LDH, le président du tribunal administratif limitait de facto les effets de l’ordonnance aux seules familles requérantes.

La Ldh déposa un recours devant le Conseil d’État qui, dans sa décision du 19 juillet 2023, cassa l’ordonnance de première instance et confirma l’intérêt à agir de l’association.

Documents réalisés par Daniel Gros, référent de la LDH à Mayotte




Source: Mayotte, démolitions des quartiers pauvres sous couvert de la loi Elan

Violences policières au CRA de Lyon 2 : briser le silence 18 avril, 2024

Communiqué de l’Observatoire de l’enfermement des étrangers dont la LDH est membre

L’Observatoire de l’enfermement des étrangers (OEE)[1] a pris connaissance par voie de presse[2] de la dénonciation, par une personne étrangère enfermée au centre de rétention administrative (CRA) de Lyon 2, de violences graves – notamment des coups de poings sur les organes génitaux après qu’elle ait été attachée au lit – qui auraient été commises à son encontre par plusieurs agents de la police aux frontières agissant de concert alors qu’elle était placée en cellule d’isolement.

La plainte déposée par la victime à la suite de ces faits intervient dans le contexte de ce qui apparaît bien comme une banalisation des violences volontaires par personnes dépositaires de l’autorité publique au sein du CRA de Lyon, relevée par le contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) dans ses recommandations publiées le 22 mai 2023[3].

À l’issue de la première visite de cet établissement, fraîchement inauguré et présenté comme modèle de « CRA du futur », le CGLPL relevait en outre le caractère illégal des placements à l’isolement infligés aux personnes retenues « dans des pièces d’une saleté repoussante » et des pratiques de contention qu’elles y subissent, auxquelles « il doit être mis fin sans délai ».

Depuis des années, l’OEE dénonce la surexposition aux violences policières des personnes étrangères enfermées dans les lieux privatifs de liberté, et montre en quoi la rétention favorise l’impunité des forces de l’ordre[4].

Constatant avec le CGLPL que les conditions d’enfermement des personnes étrangères dans les CRA sont « gravement attentatoires à leur dignité et à leurs droits fondamentaux » et que les recommandations récurrentes de ce dernier sont « laissées sans suite face à l’inertie des autorités compétentes », l’OEE :

– demande que la plainte dénonçant ces nouvelles violences policières au sein d’un CRA soit instruite avec la diligence nécessaire pour que toute la lumière soit faite sur les faits rapportés ;

– réitère son appel à ce qu’il soit définitivement mis fin à ce régime d’enfermement administratif, incompatible avec l’exercice des droits et libertés de toute personne.

[1]https://observatoireenfermement.blogspot.com/
[2]https://www.rue89lyon.fr/2024/03/10/violences-policieres-apres-plainte-cra-justice-contredit/
[3]Après avoir relevé que « 21 procédures judiciaires ont été ouvertes pour violences volontaires par personne dépositaire de l’autorité publique en 2021 » le contrôleur général déclare avoir été « témoin au CRA no 2 de Lyon de faits susceptibles de caractériser des violences commises par deux agents de la police aux frontières sur deux retenus » pour lesquels il « a par ailleurs procédé à leur signalement au procureur de la République de Lyon le 24 mars 2023 au titre des dispositions de l’article 40 du code de procédure pénale ».
[4]Voir la réunion publique de l’OEE « Les personnes étrangères et les violences policières en France », 9 mai 2016,  https://www.youtube.com/watch?v=sQbE4VF_PD4

Paris, le 12 avril 2024

Source: Violences policières au CRA de Lyon 2 : briser le silence

10 avril 2024 – tribune collective “La France doit interdire le commerce avec les colonies israéliennes” publiée dans Le Monde 13 avril, 2024

Tribune signée par Patrick Baudouin, président de la LDH

Lire la tribune dans Le Monde

Un collectif de dirigeants d’ONG et de personnalités engagées pour le respect du droit international appelle Emmanuel Macron à agir pour mettre fin à l’importation par la France de biens et services provenant des colonies israéliennes.

Nous appelons le président de la République et les parlementaires français à mettre fin à l’importation de biens et de services produits dans les colonies israéliennes en Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est. Alors que la Cour internationale de justice (CIJ) a reconnu, le 26 janvier, le risque de génocide à l’encontre de la population civile de la bande de Gaza, la France doit prendre des mesures concrètes pour contraindre l’Etat d’Israël à s’attaquer aux causes profondes des cycles répétés de violences, liés à la colonisation territoriale et économique du territoire palestinien occupé. Elle doit interdire le commerce avec les colonies israéliennes.

La question de la colonisation du territoire occupé de Cisjordanie peut paraître éloignée de la catastrophe humanitaire dans la bande de Gaza. Pourtant, la colonisation, qui constitue un crime de guerre au regard de la quatrième convention de Genève, est au cœur de la spirale de tensions et de violences entre Israéliens et Palestiniens. Aujourd’hui, environ 700 000 colons israéliens sont installés en Cisjordanie, dont plus de 225 000 à Jérusalem-Est, au prix, notamment, d’accaparements de terres et de biens de la population palestinienne, de violences, de déplacements forcés et d’un système inégal d’accès aux services essentiels comme l’eau, l’électricité ou encore le transport.

Plus de 32 500 personnes ont été tuées dans la bande de Gaza, en majorité des femmes et des enfants. Mais les attaques et les violences des colons et de l’armée israélienne contre les communautés palestiniennes ont aussi atteint un niveau inégalé en Cisjordanie, où plus de 430 Palestiniens ont été tués depuis le 7 octobre 2023.

Occupation illégale

Le président de la République a rappelé à juste titre qu’à la réponse d’urgence d’un cessez-le-feu dans la bande de Gaza doit se joindre une réponse politique à la question israélo-palestinienne. Or, la colonisation, outre d’être facteur de violences, rend irréalisable une issue politique entre les deux peuples en déniant aux Palestiniens une égalité en droits à même de leur permettre de négocier une solution de paix juste et durable.

En 2016, la résolution 2334 du Conseil de sécurité, adoptée à l’unanimité des membres permanents, a reconnu l’illégalité de l’occupation israélienne du territoire palestinien. En conséquence, elle exige de l’Etat d’Israël l’arrêt immédiat et complet de « toutes ses activités de peuplement dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est » et « demande à tous les Etats (…) de faire une distinction, dans leurs échanges en la matière, entre le territoire de l’Etat d’Israël et les territoires occupés depuis 1967 ».

Deux ans plus tard, en 2018, la loi Israël Etat-nation du peuple juif indique cependant que « l’Etat considère le développement des colonies juives comme une valeur nationale et agit pour encourager et promouvoir leur création et leur renforcement ». L’accélération de la colonisation en Cisjordanie démontre l’impunité dont bénéficie l’Etat d’Israël et le manque de volonté des Etats occidentaux, dont la France, à faire respecter le droit international.

L’importation par la France de produits et de services issus des colonies, encourage de fait la commission du crime de guerre que sont la colonisation et son cortège de violences envers les Palestiniens. En 2022, la France a importé 1,5 milliard d’euros de biens israéliens, dont une partie proviennent des colonies. Cela concerne notamment les fruits et légumes cultivés de manière intensive dans la vallée du Jourdain et vendus en France.

Principe de différenciation

Le commerce des produits des colonies permet leur viabilité économique et, par effet d’entraînement, joue un rôle indéniable dans le maintien de la colonisation et son expansion territoriale et économique. En outre, de nombreuses entreprises françaises ont des activités dans les colonies. C’est le cas du groupe Carrefour, qui a noué des partenariats avec des entreprises liées à la colonisation, et distribue des produits estampillés de son logo dans des magasins situés dans les colonies.

Le développement d’une relation économique entre la France et Israël autour de l’activité des colonies viole par ailleurs l’obligation des Etats de ne pas reconnaître et de ne pas prêter assistance au maintien d’une situation illégale telle que la colonisation, et le principe de différenciation qui vise à exclure les activités et organisations liées aux colonies israéliennes des relations bilatérales avec Israël, régulièrement rappelé par la diplomatie française.

En interdisant l’importation des biens et services des colonies sur son territoire, la France se mettrait en accord avec ses nombreuses déclarations condamnant la colonisation israélienne de la Cisjordanie et jouerait un rôle moteur au sein de l’Union européenne pour faire respecter le droit international et agir en faveur de l’arrêt de la colonisation.

Notre pays ferait par ailleurs preuve de cohérence politique, en envoyant le message clair à l’Etat d’Israël qu’un ordre international fondé sur le droit international et les droits humains est seul capable de créer un avenir de paix entre Israéliens et Palestiniens.

Premiers signataires : Patrick Baudouin, président de la LDH (Ligue des droits de l’Homme) ; Rony Brauman, ancien président de Médecins sans frontières ; Véronique Bontemps, anthropologue, CNRS/IRIS-EHESS ; Sylvie Bukhari-de Pontual, présidente du CCFD-Terre solidaire ; Stéphanie Latte Abdallah, directrice de recherche CNRS (Centre d’études en sciences sociales du religieux-EHESS) ; François Leroux, président de la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine ; Eléonore Morel, directrice générale de la Fédération internationale pour les droits humains ; Elias Sanbar, écrivain, ancien ambassadeur de la Palestine auprès de l’Unesco ; Jean-Claude Samouiller, président d’Amnesty International France ; Dominique Vidal, journaliste et historien.

Liste complète des signataires ici.

Source: 10 avril 2024 – tribune collective “La France doit interdire le commerce avec les colonies israéliennes” publiée dans Le Monde