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Ligue des droits de l'Homme

Section du Pays d'Aix-en-Provence

Archives par catégorie : Articles

18 décembre 2025 – Tribune de Nathalie Tehio « L’enjeu démocratique des choix militaires » publiée sur Mediapart 19 décembre, 2025

Tribune de Nathalie Tehio, présidente de la LDH

Lire la tribune sur Mediapart

Depuis des années la guerre est partout et sert à nous mobiliser, nous faire peur ou nous discipliner de force. Guerre contre le terrorisme, bataille de l’emploi, guerre contre le Covid, guerre contre le narcotrafic, rien n’échappe à cette dérive langagière qui inquiète tant elle a déjà été surexploitée par le fascisme d’avant-guerre, de la « bataille du blé » à la « guerre au paludisme ». Cette rhétorique permet également au président de la République de se poser en chef de guerre.

Malgré tout, la guerre est bien redevenue une réalité européenne depuis l’agression de l’Ukraine par la Russie en 2022. Pour la LDH (Ligue des droits de l’Homme), c’est d’abord une question d’effectivité du droit international dans un monde où l’emploi de la force et le déni du droit progressent. Avec la guerre, ressurgissent dans les milieux progressistes les débats ayant secoué l’Europe d’entre-deux-guerres entre pacifisme intégral et promotion d’un droit de se défendre. La LDH renoue alors avec les positions qui furent les siennes au profit des républicains espagnols durant la guerre d’Espagne. Elle promeut le droit du peuple ukrainien à effectivement se défendre et insiste sur la nécessité pour les démocraties de lui donner les moyens de pérenniser sa résistance. Elle revendique un cessez-le-feu mais conjointement avec le retrait inconditionnel des troupes russes du territoire ukrainien, puisque le droit international exige le respect de l’intégrité territoriale d’un Etat.

Parallèlement, il est important que les mandats d’arrêt émis par la Cour pénale internationale (CPI) contre des responsables russes soient mis en œuvre. La question des enfants ukrainiens enlevés par la Russie doit être rapidement traitée : c’est un cas potentiel de génocide qui devra être jugé. De ce fait, il faut aussi soutenir les opposants russes à la guerre en Ukraine afin de les protéger de la violence de la répression par les autorités russes. Celles-ci interdisent non seulement toute dissidence mais aussi toute possibilité de défense des droits de l’Homme : après Amnesty International, elles viennent de déclarer « indésirable en Russie » la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), dont la LDH est membre.

Mais la guerre n’a pas seulement fait son retour sur notre continent, elle a immédiatement fait son apparition dans les discours de politique intérieure d’Emmanuel Macron et de ses gouvernements. Argument massue visant à tuer le débat démocratique, elle sert depuis près de quatre ans maintenant à justifier des dépenses de défense exorbitantes, une course aux armements, les politiques économiques libérales et la militarisation de notre jeunesse.

Dans un contexte de balkanisation du champ politique, et alors qu’Emmanuel Macron ne dispose pas de majorité à l’Assemblée nationale, il est logique qu’il ait fortement investi l’un des seuls terrains où un accord transpartisan majoritaire est possible : la défense. Il s’agit en effet d’un domaine d’accord entre la gauche socialiste, la droite et l’extrême droite. Il est dès lors tentant de vouloir faire converger, autour d’une menace russe, des hausses de dépenses militaires que nul n’ose ou ne veut contester et d’en faire une base apparente de consensus. Les lois de programmation militaire (LPM) et autres débats sur la sécurité donnent lieu à des votes massifs restaurant à moindre coût politique l’apparence de majorité du bloc central.

Depuis le début du conflit sur le sol ukrainien, nos désormais anciens ministres des finances, Bruno Lemaire, et des armées, Sébastien Lecornu, se sont fait les chantres de l’« économie de guerre ». La LPM votée par le Parlement en 2023 permet d’organiser un vaste soutien à l’industrie d’armement pour lui permettre de fournir à l’Ukraine ce que l’industrie française peut produire et pour préparer la France à une guerre de haute intensité. Il fallait de ce fait multiplier les commandes publiques pour que l’industrie privée, issue de la privatisation des arsenaux d’Etat dans les années 80 et 90, recrée des chaînes de production et rattrape un certain retard technologique dans des domaines-clefs des conflits actuels (drones, missiles moyenne et longue portée…). Cette loi montre que pour approvisionner actuellement l’Ukraine, la France est contrainte d’organiser des transferts massifs d’argent public au profit de sociétés privées pour les vingt prochaines années. Cela engage le futur. On peut aussi interroger la pertinence de cette privatisation, étant donné la faiblesse de l’adaptabilité du secteur[1]. L’industrie d’Etat était également planifiée mais était plus flexible et moins coûteuse : cette question devrait également être tranchée par un débat démocratique et transparent.

Cette « guerre » permet ainsi de faire passer une politique néolibérale et d’accélérer les coupes budgétaires pour les services publics et les prestations sociales. Tous les partis d’accord avec la priorité de défense définie dans la LPM sont invités à soutenir la chasse aux « dépenses inutiles » et un appui aux « sacrifices nécessaires » qui permettront dans un contexte contraint d’« assurer la sécurité des Français ». La défense devient alors la caution des coupes dans les budgets d’éducation, sociaux ou culturels pour faire face à ce qui est présenté comme une menace russe existentielle et rapprochée.

Il ne s’agit pas de nier le caractère déstabilisant de la politique extérieure de la Russie, son absence de respect du droit international. Pas plus que l’Ukraine, la République française ne peut se passer d’avoir les moyens de se défendre. Mais il est possible de discuter de l’intensité de la menace russe : comment un pays qui après son entrée en Ukraine en 2022 n’a pas avancé de plus de quelques milliers de kilomètres carrés pourrait dans les toutes prochaines années (2030 étant souvent évoqué) être prêt à envahir l’Europe comme le proclame notre chef d’état-major des armées[2] ?

L’Europe doit certes pouvoir décourager tout velléité d’agression russe et elle doit désormais le faire sans l’allié états-unien. Mais cela ne nécessite pas, au nom du « Rearm Europe », de doubler son budget ou la taille de son armée qui est déjà à parité avec la Russie tout en possédant une supériorité technologique et industrielle certaine. Ne doit-on plutôt bénéficier d’un débat public argumenté sur des décisions de nature politique, comme l’intérêt de mettre en place les commandements communs en Europe que l’Otan ne garantit plus, ou de se répartir les productions et les tâches militaires pour davantage d’efficacité ?

On comprend que le point de vue de la Pologne ou des pays baltes soit différent de celui de l’Italie ou de l’Espagne. C’est aussi pourquoi il y a urgence à entendre ces différentes voix, à avoir accès à des expertises diverses pour construire les conditions d’un débat démocratique.

En annonçant la préparation au conflit direct avec la Russie comme l’alpha et l’oméga d’une vision européenne du temps qui vient, celle-ci n’a d’autre choix que de s’y préparer également, alors que son état après le conflit en Ukraine pourrait ouvrir le chemin à d’autres futurs. Dans une telle spirale, tout incident risque de déclencher inexorablement le conflit. Il est pourtant nécessaire de construire les conditions du non-affrontement avec l’énergie et la volonté que la raison impose.

Et qu’en est-il d’un contrôle démocratique sur l’institution militaire européenne qui émergerait de ce programme ? Sur l’armement ? La question est légitime puisque la loi (LPM) de 2023 a créé une commission parlementaire d’évaluation de la politique du gouvernement d’exportation de matériels de guerre[3], qui s’est constituée en janvier 2025 et ne s’est réunie qu’une fois sans publier aucune information[4]. Et ce, en dépit d’accusations d’exportations d’armes par des sociétés françaises, ou au moins de composants employés à Gaza, avec constitution de partie civile de la LDH pour complicité de crime de guerre et génocide[5].

Sur le plan économique, il faut bien constater que les seules actions attribuées à la Russie visent à fragiliser notre société en insistant sur ses lignes de fracture interne. Nous avons donc davantage besoin de développer l’éducation pour éviter la propagande et du social pour assurer la cohésion et donc la résilience de notre société, que de faire des coupes budgétaires pour avoir plus de chars. Si on veut lutter contre la désinformation, il faut surtout développer enfin des médias libres, indépendants tant de l’Etat que des grandes fortunes, dont certaines sont fondamentalement liées à la nouvelle économie de guerre. Enfin, il s’agit d’apaiser les tensions, en œuvrant à un développement économique profitant à tous. L’effet multiplicateur de la dépense militaire vendue par le chef d’état-major des armées existe, mais n’est pas relié spécialement à la défense, puisque Keynes expliquait au siècle dernier que cet effet découlait du principe même de la dépense publique, que ce soit pour des infrastructures d’éducation ou de transport… bref en faveur d’une économie au service de tous.

De surcroît, cette guerre qu’on nous annonce prochaine permet de mettre sur les rails un service militaire, et de « discipliner », « mettre au pas » une part de la jeunesse considérée rebelle. Il existait déjà les classes de défense, mais le ministère de l’Education nationale vient de publier un guide « Acculturer les jeunes à la défense », demandant aux enseignants d’inculquer aux élèves la culture militaire !

Et du feu service national universel (SNU) au service militaire « volontaire », ce climat prépare quasi inexorablement à un service militaire obligatoire dont la mise en place serait soutenue par ceux de la population qui, compte tenu de leur âge, sont sûrs de ne pas le faire.

La question de la conscription mérite d’être posée mais calmement, dans le cadre d’un débat démocratique transparent et non pas dans une peur suscitée et une urgence proclamée. Une partie de la gauche, depuis Jaurès, soutient la conscription pour mettre en place une armée démocratique, héritière de celle de l’an II, et pour briser la caste des soldats professionnels bellicistes. Mais ce ne peut pas être un projet d’imposition de l’ordre et de la discipline à une jeunesse qui mérite mieux que d’être « formatée » par des cadres militaires. On ne forme pas des citoyens en leur apprenant à se taire et à ne pas réfléchir.

Il s’agit alors également de s’interroger sur la pertinence de la professionnalisation de nos armées, qui a produit une armée expéditionnaire, sans conscience politique ni recul sur les opérations extérieures menées, extrêmement liée à la fonction présidentielle via notamment l’état-major particulier de celui-ci[6]. Est-il sain finalement de couper de la société 300 000 hommes et femmes et de les former au maniement des armes sans liberté associative, syndicale, d’expression, sans lien courant avec notre société du fait de leur encasernement dans la France périphérique et d’un rythme d’opération qui les maintiennent en vase clos ?

Enfin si cela a lieu, il faut se souvenir de ce qu’était le service national en termes de libertés : restriction de l’accès à certains médias, mauvais traitements, rémunération très faible, absence de droits associatifs et syndicaux, absence de cadre de dialogue et de concertation. La LDH avait d’ailleurs créé un « comité droits et libertés dans l’institution militaire » travaillant notamment sur ces sujets. Là encore peut-on souhaiter une telle expérience, magnifiée par l’Etat, pour commencer sa vie professionnelle ?

La guerre est bien de retour en Europe avec l’invasion de l’Ukraine, et nous souhaitons apporter tout notre soutien au peuple ukrainien qui lutte pour sa liberté. Mais cette triste guerre ne doit pas servir de prétexte pour enrichir les marchands de canon, accélérer la destruction de nos services publics ou discipliner et dépolitiser notre jeunesse.

Enfin, il faut absolument que la situation actuelle permette de prendre conscience que la « loi du plus fort » promue par l’extrême droite, de Poutine à Trump et à Netanyahou, déstabilise le monde, favorise les conflits armés, et détruit l’Etat de droit.

Nathalie Tehio, présidente de la LDH

[1] Et par ailleurs la transformation du ministre des Affaires étrangères en représentant de commerce…
[2] Par ailleurs, ancien chef d’état-major particulier de l’Elysée, c’est-à-dire principal conseiller militaire de la présidence.
[3] Voir la lettre ouverte envoyée par la LDH, la FIDH et l’observatoire de l’armement aux parlementaires à propos de cette commission.
[4] « Pour une meilleure responsabilisation en matière de transferts d’armes : les recommandations de la CNCDH », novembre 2025, p.48.
[5] La LDH agit contre deux industriels d’armement pour complicité de crimes de guerre, complicité de crimes contre l’humanité et complicité de génocide.
[6] La question de la responsabilité de la France dans le génocide rwandais est toujours non résolue. Voir le communiqué LDH et FIDH « Génocide des Tutsi au Rwanda, 30 ans après, où en est la justice ? La faillite des autorités françaises« , avril 2024.

Source: 18 décembre 2025 – Tribune de Nathalie Tehio « L’enjeu démocratique des choix militaires » publiée sur Mediapart

Amende pour consommation de stupéfiants portée à 500 € ? Une nouvelle surenchère qui ne règlera rien 19 décembre, 2025

Communiqué du Collectif pour une nouvelle politique des drogues (CNPD) dont la LDH est membre

Moins ça marche, plus on continue… En annonçant une nouvelle hausse de l’amende pour usage de stupéfiants, le président de la République s’inscrit une fois de plus dans une fuite en avant répressive dont l’inefficacité est pourtant démontrée depuis des décennies.

En annonçant mardi 16 décembre le passage de l’amende pour usage de stupéfiants de 200 à 500 euros, le président de la République rejoue un scénario désormais bien rodé. Face à l’échec des politiques menées, une annonce sécuritaire ; face à l’absence de résultats, une nouvelle surenchère répressive.

Cette communication s’inscrit dans la continuité de prises de position récentes stigmatisant directement les usager·ère·s de drogues, présentés comme le coeur du problème. Une stratégie de culpabilisation, mettant encore une fois sciemment sous le tapis toute dimension sociale, sanitaire, préventive des consommations de drogues et qui, surtout, échoue depuis des décennies. À chaque renforcement de l’arsenal répressif correspond le même constat : aucun recul des usages, peu ou pas d’impact sur les trafics.

La répression n’a jamais endigué les consommations et cette nouvelle annonce d’Emmanuel Macron ne fera pas exception.

L’amende forfaitaire délictuelle : un échec… pourtant annoncé

L’extension de l’amende forfaitaire délictuelle (AFD) à l’usage de stupéfiants avait déjà été présentée en 2018 comme une réponse simple, rapide et efficace. Le Collectif pour une nouvelle politique des drogues avait alors alerté sur une mesure inefficace, et contreproductive. Sept ans plus tard, le bilan est sans appel.

Malgré une massification sans précédent — plus de 1,6 million d’amendes forfaitaires délictuelles prononcées depuis 2019, dont près de 40 % pour usage de stupéfiants — aucun impact n’a été mesuré ni sur les consommations ni sur les trafics. Et pourtant : lorsque la sanction ne produit aucun effet, elle est durcie. Lorsque le durcissement échoue, il est encore renforcé. Cette fuite en avant tient lieu de politique des drogues en France depuis trop longtemps.

Pire encore, cette procédure s’est accompagnée d’atteintes aux droits fondamentaux. La défenseure des droits a ainsi constaté en 2023 que l’AFD porte atteinte aux droits de la défense et à l’accès à un juge, au droit au recours effectif et au principe d’individualisation de la peine. La verbalisation, fragilise la relation entre la police et la population et contribue à des pratiques discriminatoires. Augmenter le montant de cette amende ne corrigera rien : cela ne fera qu’aggraver des dérives déjà identifiées. D’autant que l’AFD touche prioritairement les publics les plus précaires, pour lesquels elle constitue une sanction économique supplémentaire.

Pendant qu’on sanctionne les usages, les trafics prospèrent

Pendant que les politiques donnent des discours qui se pensent fermes, l’État persiste dans une impasse : les moyens policiers sont mobilisés pour sanctionner des consommations tandis que les trafics continuent de prospérer. Cette stratégie détourne les forces de l’ordre de la lutte contre les organisations criminelles,
le blanchiment d’argent et les réseaux structurés sans jamais atteindre les objectifs affichés, alors même que la Cour des comptes a dénoncé la faiblesse des moyens de l’Office anti-stupéfiants dédiés notamment au blanchiment d’argent (7 enquêteurs seulement).

Cette logique a de nouveau été confirmée lors du débat parlementaire du 17 décembre consacré au « narcotrafic », à l’issue duquel le gouvernement a annoncé de « nouvelles mesures législatives ». Là encore, la réponse se concentre sur le durcissement pénal, sans diagnostic sur les causes profondes des consommations. Or l’augmentation des usages de drogues concerne désormais l’ensemble des milieux sociaux et ne peut être réduite à des comportements individuels, à la seule jeunesse ou à un aspect « festif » : elle s’inscrit dans des contextes multiples qui vont de l’intensification des rythmes de travail dans certains métiers, à la précarité, l’isolement, la santé mentale, la perte de sens. Ces déterminants sont largement documentés mais systématiquement absents des discours. Y faire face suppose des politiques autrement plus ambitieuses que des amendes : prévention, santé publique, réduction des risques et renforcement des services de proximité.

Dans le même temps, les causes structurelles de l’entrée dans les trafics demeurent ignorées. Les déterminants sociaux et économiques (absence d’emplois, relégation territoriale, affaiblissement des
services publics) sont pourtant connus. En refusant de s’y attaquer, les pouvoirs publics préfèrent répéter indéfiniment les mêmes réponses inefficaces et en constater, à chaque fois, l’échec.

Sortir du cycle, écouter enfin le terrain

Il est temps que les responsables politiques cessent de croire qu’en répétant les mêmes recettes, elles finiront par produire des résultats différents. Depuis des années, les acteur·trice·s de terrain, les usager·ère·s, les professionnel·le·s de santé, de la justice et de la réduction des risques et les militant·e·s des droits humains réuni·e·s au sein du Collectif pour une nouvelle politique des drogues, portent des analyses étayées et des propositions réalistes.

Plutôt que de prolonger indéfiniment un cycle répression–échec–répression, il est urgent d’engager une réforme fondée sur la santé publique, la prévention, le respect des droits humains et d’explorer les expériences de dépénalisation de l’usage et de régulation qui font leurs preuves chez nos voisins.

Signataires :
• Addictlib
• ASUD – Autosupport des usagers de drogues
• Cannabis sans frontières
• Collectif PCP – Police contre la prohibition
• Fédération Addiction
• GRECC – Groupement de recherches et d’études cliniques sur les cannabinoïdes
• LDH (Ligue des droits de l’Homme)
• SAFE
• SOS Addictions
• Syndicat de la magistrature

Paris, le 18 décembre 2025

Voir aussi :
L’échec annoncé de l’amende forfaitaire délictuelle (2018)
Supprimer les sanctions pénales pour simple consommation de drogues (2023)
Drogues et trafic : un échec français. Analyse de la proposition de loi « narcotrafic » (2025)

Télécharger le communiqué du CNPD en pdf.

Source: Amende pour consommation de stupéfiants portée à 500 € ? Une nouvelle surenchère qui ne règlera rien

Appel aux ministres de la justice et de l’Intérieur : respectez la liberté de la presse, renforcez le secret des sources 11 décembre, 2025

Il y a près d’un an, 110 médias et organisations interpellaient le gouvernement pour réclamer une réforme de la loi de 2010 relative à la protection du secret des sources des journalistes. Les contours flous de ce texte et l’absence de véritables garde-fous ont facilité des atteintes à la liberté de la presse depuis 15 ans. Pour rappel, au moins 27 journalistes ont été convoqué·es ou placé·es en garde à vue par la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), selon un décompte réalisé par le journal Télérama.

Depuis notre courrier, les intimidations contre la presse n’ont pas cessé : elles ont franchi un cran supplémentaire. Alors que l’Etat français a été condamné en 2023 pour l’arrestation illégale d’un journaliste couvrant une action écologiste, la police a à nouveau reçu l’ordre d’interpeller et placer en garde à vue, le 1er juillet, le journaliste Enzo Rabouy quinze jours après qu’il a couvert une action militante en marge du Salon du Bourget.

Le parquet général poursuit également son acharnement contre Ariane Lavrilleux, la journaliste de Disclose et membre du groupe de travail sur le secret des sources à l’origine de cet appel. L’AFP nous apprend que le parquet général de la cour d’appel de Paris a fait appel de la décision de non-lieu rendue par la juge d’instruction. Alors que la justice a reconnu l’intérêt public des révélations de Disclose sur l’opération militaire secrète de la France au profit de la dictature égyptienne, la journaliste pourrait être renvoyée devant un tribunal, plus de deux ans après avoir subi une garde à vue, une perquisition et des mesures disproportionnées de surveillance.

« Le secret des sources n’existe plus »

Une autre procédure judiciaire vise le journaliste Philippe Miller, à la suite d’une plainte pour vol de données déposée par un cabinet d’avocat dont le journaliste avait relaté les pratiques douteuses. Pour contester la saisie de son ordinateur et matériel professionnel, Philippe Miller a tenté d’opposer le secret des sources. Mais la juge des libertés et de la détention a validé l’atteinte au secret des sources, en considérant que la simple existence d’une enquête pénale relevait bien d’un “impératif prépondérant d’intérêt public”. Si n’importe quelle enquête pénale permet de lever le secret des sources, ce dernier n’existe plus.

Enfin, les vidéos policières révélées par Libération et Mediapart démontrent que les forces de l’ordre déployées à Sainte-Soline ont multiplié les tirs illégaux et ont visé, en toute connaissance de cause, des journalistes qualifiés de “pue-la-pisse”. Lors des manifestations du 10 septembre, Reporters sans frontières a recensé sept cas de journalistes entravés physiquement, dont certains blessés par des éclats de grenade. Le 17 novembre, plusieurs journalistes de Reporterre, Blast et Libération ont été violentés par les forces de police et gazés à bout portant alors qu’ils couvraient une action de désobéissance civile menée par plusieurs ONG sur le site normand du géant de l’agrochimie BASF.

Ces attaques inacceptables dans un Etat de droit sont le résultat d’une année d’immobilisme du gouvernement. Qu’est devenue la promesse de Rachida Dati, lors des États généraux de l’information, d’un projet de loi qui garantit le droit à l’information ? Ce projet est pour l’heure gardé secret.

Projet de loi sur les médias : un débat public est nécessaire

Le groupe de travail avait été reçu en février par le cabinet du Premier minstre, puis au début de l’été par le ministère de la justice afin de discuter de nos propositions et de remettre une ote d’analyse détaillée sur leur application concrète. Pour rappel, nous voulons :

– Mieux encadrer les conditions de la levée du secret des sources, qui est aujourd’hui possible dans le cas, mal défini, d’un « impératif prépondérant d’intérêt public»

– Exiger une autorisation par un·e juge indépendant·e avant toute levée du secret des sources

– Etendre le secret des sources aux collaborateur-rice-s de médias, réalisateur-rices et auteur-rices de livres ou documentaires

– Permettre à tou-te-s les journalistes de se défendre face à une violation du secret de leurs sources, en créant une voie de recours

– Renforcer les voies de recours et sanctions en cas de violation du secret des sources

La protection des sources n’est pas une coquetterie corporatiste. Elle est “la pierre angulaire de la liberté de la presse”, la condition indispensable d’un droit effectif à l’information de toute la population. Il est donc urgent que le projet de loi donne lieu à un débat public, ouvert et parlementaire le plus rapidement possible.

Par cet appel auquel se joignent 128 médias, sociétés de journalistes, syndicats et organisations, nous réclamons également aux ministres de la Justice et de l’Intérieur qu’ils formulent, dès à présent, des instructions écrites aux fonctionnaires afin de faire respecter la liberté de la presse telle qu’encadrée par la loi de 1881, ainsi que par la jurisprudence des tribunaux français et celle de la Cour européenne des droits de l’Homme.

Le groupe de travail sur la protection des sources à l’origine de cet appel 

Sherpa, Fonds pour une presse libre, Reporters sans frontières, Association de la presse judiciaire, Disclose, SNJ et CFDT-Journalistes.

Les 132 premiers signataires de l’appel :

25 sociétés des journalistes ou rédactions 

  • SDJ de l’AFP
  • SDJ du Parisien-Aujourd’hui en France
  • SDJ Epsiloon
  • SDJ de Radio France
  • SDJ de Radio France Internationale
  • SDJ FranceTV Sport
  • SDJ France 3 rédaction nationale
  • SDJ Le Figaro
  • SDJ de LCI
  • SDJ de Capital
  • SDJ Les Echos
  • SDJ de Mediapart
  • SDJ Groupe Profession Santé
  • SDJ d’Arte
  • SDJ de L’Informé
  • SDJ de RMC
  • SDJ du magazine GEO
  • SDJ Que choisir
  • SDJ La Tribune
  • SDJ d’Arrêt sur images
  • SDJ de Konbini
  • SDJ de Challenges
  • Société des rédacteurs du Monde
  • Société des journalistes et du personnel de Libération
  • Société des personnels de l’Humanité

7 collectifs de journalistes indépendant·es 

  • Collectif We Report
  • Collectif Hors Cadre
  • Collectif La Claque
  • Collectif Focus
  • Collectif Presse-Papiers
  • Collectif Youpress
  • Profession Pigiste

63 médias indépendants

  • Mediacoop
  • Reporterre
  • L’Arrière-Cour
  • Le Poing
  • Rural
  • Reflets.info
  • Blast
  • Vert
  • Covenant Médias
  • La Messagère Libérée
  • Rue89 Bordeaux
  • Spotlighted
  • Chabe
  • La Disparition
  • Altermidi
  • Citizen Jazz
  • Sciences Critiques
  • La Topette
  • Voxeurop
  • Le Courrier des Balkans
  • Orient XXI
  • Grand-Format
  • AOC
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  • Fakir
  • Observatoire des multinationales
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  • Rue89 Strasbourg
  • France Maghreb 2 Radio
  • Au Poste
  • Politis
  • Le Courrier d’Europe centrale
  • Rapports de force
  • 15-38 Méditerranée
  • Basta!
  • Décrypter l’Afrique
  • Paris Lights Up
  • Les Autres Possibles
  • L’Alterpresse68
  • Afrique XXI
  • Climax
  • Premières Lignes
  • Epsiloon
  • Podcastine
  • Le Ch’ni
  • Off Investigation
  • Splann !
  • Disclose
  • StudioFact Media Group

37 syndicats, associations et club de la presse 

  • SNJ (Syndicat national des journalistes)
  • CFDT-Journalistes
  • Filpac CGT
  • Fédération européenne des journalistes (FEJ)
  • Spiil (Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne)
  • Fonds pour une presse libre
  • Sherpa
  • Reporters sans frontières (RSF)
  • Association de la presse judiciaire
  • Prenons la Une
  • Acrimed – Action Critique Médias
  • Informer n’est pas un délit
  • Article 34
  • Journalisme & Citoyenneté
  • Les Assises du Journalisme
  • Association des journalistes de défense (AJD)
  • Association des journalistes antiracistes et racisé.e.s (AJAR)
  • La Scam
  • Le Prix Albert Londres
  • Conseil de déontologie journalistique et de médiation (CDJM)
  • Attac France
  • Transparency International France
  • LDH (Ligue des droits de l’Homme)
  • Syndicat des avocats de France (SAF)
  • Fonds de dotation Intérêt à agir
  • Maison des lanceurs d’alerte
  • Alertes.me
  • Femmes journalistes de sport
  • Journalistes écrivains pour la nature et l’écologie (JNE)
  • Profession : Pigiste
  • Nothing2Hide
  • Anticor
  • Observatoire des Libertés Associatives
  • Club de la presse de Marseille-Provence
  • Club de la presse Strasbourg-Europe
  • Club de la presse de Metz
  • Club de la presse de Bretagne

Source: Appel aux ministres de la justice et de l’Intérieur : respectez la liberté de la presse, renforcez le secret des sources

10 décembre 2025 – Tribunecollective « Mesdames et messieurs les député·es, faites le choix d’une France qui protège les enfants ! » publiée dans Libération 11 décembre, 2025

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Source: 10 décembre 2025 – Tribunecollective « Mesdames et messieurs les député·es, faites le choix d’une France qui protège les enfants ! » publiée dans Libération

Refoulement d’une artiste italienne du territoire français 11 décembre, 2025

Lettre ouverte de l’Observatoire de la liberté de création dont la LDH est membre, adressée à Monsieur le Préfet de la Haute Garonne

Monsieur le Préfet,

Nous avons appris que le vendredi 21 novembre 2025, l’artiste Italienne Elena Mistrello, autrice de bandes dessinées, a été arrêtée par la police à sa sortie d’avion à l’aéroport de Toulouse Blagnac, puis expulsée manu militari du territoire français. Aucune explication, mais en cas de refus de reprendre un avion pour l’Italie, la menace d’un enfermement immédiat en centre de rétention administrative !

Dans l’avion de retour on lui remettra un PV affirmant qu’elle « représente un danger pour l’ordre public, la sécurité intérieure, la santé publique ou les relations internationales d’un ou de plusieurs États membres de l’Union européenne», avec la mention «FPR», le fichier des personnes recherchées en France.

Selon quelle procédure cette jeune femme a-t-elle ainsi été expulsée ?

Elena Mistrello était invitée officiellement par le festival de bande dessinée indépendante de Colomiers pour présenter la traduction française de son roman graphique « Syndrome Italie », publié aux éd. Presque Lune et rencontrer le public.

Pourquoi une telle arrestation, pratiquée sans aucune explication et aucun justificatif avant son réembarquement?

Quelles motivations pouvez-vous apporter à une telle décision ?

Est-ce à cause du thème de son livre : la vie quotidienne de femmes étrangères arrivant en Italie et leurs difficultés à y vivre?

Est-ce son soutien affiché aux migrants ou à la cause palestinienne ?

Est-ce pour avoir défilé pacifiquement à l’une des marches en hommage à la mort de Clément Méric ?

Est-ce une demande du gouvernement italien ?

Est-ce une confusion dans les services de l’État ?

Vous imaginez bien que son arrestation et le silence insupportable qui a suivi — mais que lui reproche-t-on ? — ont été non seulement humiliants et angoissants pour elle, mais le sont du même coup pour tous les artistes de notre pays.

En tant qu’Observatoire de la liberté de création, défendant les artistes contre toutes les formes de censures  (ici une artiste ne pouvant montrer son œuvre et des festivaliers ne pouvant la rencontrer), nous attendons du haut fonctionnaire représentant l’état de droit que vous êtes des explications.

Le sort infligé à cette jeune femme inquiète toute la communauté artistique et au-delà. Vous comprendrez donc que nous rendions cette lettre publique.

Dans l’attente de votre réponse, veuillez recevoir, Monsieur le préfet, nos salutations les plus respectueuses.

Agnès Tricoire, Présidente de l’Observatoire de la liberté de création

Paris, le 8 décembre 2025

télécharger la lettre ouverte de l’observatoire de la liberté de création « Refoulement d’une artiste italienne du territoire français » en PDF

Retrouvez cette lettre ouverte sur le site de l’Observatoire de la liberté de création.

Source: Refoulement d’une artiste italienne du territoire français

7 décembre 2025 – Tribune collective « Le régime de laïcité protégeait hier la liberté individuelle, il défend aujourd’hui une prétendue “identité nationale” » publiée dans le Monde 11 décembre, 2025

7 décembre 2025 – Tribune collective « Le régime de laïcité protégeait hier la liberté individuelle, il défend aujourd’hui une prétendue “identité nationale” » publiée dans le Monde
7 décembre 2025 – Tribune collective « Le régime de laïcité protégeait hier la liberté individuelle, il défend aujourd’hui une prétendue “identité nationale” » publiée dans le Monde
7 décembre 2025 – Tribune collective « Le régime de laïcité protégeait hier la liberté individuelle, il défend aujourd’hui une prétendue “identité nationale” » publiée dans le Monde

Tribune collective dont Nathalie Tehio, présidente de la LDH, est signataire 

Lire la tribune dans le Monde

Alors que la France commémore, le 9 décembre, les 120 ans de la loi de séparation des Eglises et de l’Etat, un collectif d’associations s’alarme, dans une tribune au « Monde », de la transformation du régime de laïcité en un régime de surveillance des citoyens.

La célébration du 120e anniversaire de la loi de séparation des Eglises et de l’Etat du 9 décembre 1905 est l’occasion de rappeler combien la laïcité est essentielle à l’agencement de la vie démocratique. C’est l’intention de la Constitution qui en a fait, en la plaçant au service de la liberté, de l’égalité et de la fraternité, l’un des principes fondateurs de la République.

Reliant la France à la communauté des nations démocratiques, la laïcité trouve son origine dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. En fixant « le principe de toute souveraineté dans la nation » (article 3), la déclaration affirme l’autonomie du pouvoir politique à l’égard des lois divines ; en affirmant que « nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi » (article 10), elle permet à chacun de pouvoir choisir en toute indépendance ses propres croyances ou convictions. Se manifeste là une rupture décisive avec l’ordre d’Ancien Régime, fondé sur la primauté et l’unité de foi. Il est revenu à la législation de la IIIe République de confirmer le dispositif établi en 1789. La loi du 9 décembre 1905, dont le Conseil d’Etat a rappelé [dans son étude annuelle 2004] qu’elle était la « clé de voûte » de la laïcité française, couronne la construction laïque en instituant la séparation des Eglises et de l’Etat.

Le texte, s’il contient des dispositions techniques concernant l’organisation interne des cultes, comporte surtout deux éléments fondamentaux. Il consacre d’abord la liberté de conscience, considérée dans sa double dimension individuelle et collective. Celle-ci apparaît dès l’article premier. La liberté appelle ainsi l’égalité : la loi protège identiquement les croyants et les non-croyants, sans qu’on puisse discriminer quiconque en raison de ses opinions religieuses ou convictionnelles. Ensuite, en affirmant, dans son article 2, que « la République ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte », la loi affirme la neutralité de l’Etat. Ce dernier doit se tenir à égale distance de toutes les conceptions englobantes du bien, afin de préserver le droit à l’égale liberté de conscience des citoyens.

Or, au cours des trois dernières décennies, le régime de laïcité a subi un dévoiement de ses principes originels : il était hier un dispositif de protection de la liberté individuelle ; il est devenu un appareil de défense de la prétendue « identité nationale ». A la laïcité de l’autonomie s’est substituée celle de la surveillance. Le refus d’accepter l’ouverture de la société actuelle à la pluralité de ses composantes culturelles a conduit à une instrumentalisation de la laïcité – contrant ainsi l’éthique universaliste de la République, et révélant une conception identitaire, et parfois ethnique, de la nation. Ce nouveau modèle a pris une nouvelle forme juridique, à travers une succession de lois et de règlements qui ont trouvé leur consécration limitative dans la loi du 24 août 2021 visant à « conforter le respect des principes de la République ».

Cette législation inédite a introduit, en rupture avec les principes de 1905, une double mutation. Jusque-là, l’impératif de neutralité ne valait que pour les espaces et les agents de l’Etat ; l’espace social étant, en revanche et sous réserve des exigences de l’ordre public, une zone d’expression ouverte à l’expression de la pluralité des convictions. Or, en témoignent certaines propositions de loi récentes, on réclame désormais l’extension de la règle de la discrétion en matière religieuse aux citoyens ordinaires.

Chiffon rouge du « séparatisme »

Ensuite, la « nouvelle laïcité » a réduit la sphère de la liberté. En agitant le chiffon rouge du « séparatisme », en faisant valoir auprès de certains de nos compatriotes leur « devoir d’émancipation », en se faisant en cela le gardien des bons comportements, l’Etat est entré dans des domaines qu’il laissait jusque-là entièrement libres. Il intervient ainsi en réglementant le port du vêtement. Il soumet les collectivités locales à des contrôles inédits sur les questions religieuses et convictionnelles. Il réduit le champ d’autonomie à la fois des associations culturelles et des associations ordinaires. Malgré le principe de séparation, la loi du 24 août 2021 va ainsi jusqu’à offrir la possibilité aux préfets de refuser à certaines la qualité d’associations cultuelles, les obligeant par ailleurs à de lourdes démarches administratives, renouvelables tous les cinq ans, qui menacent leur pérennité.

Faut-il se résigner à cette dérive autoritaire ? Nous appelons, au contraire, à la résistance. Cette nouvelle interprétation accentue la défiance au sein de la société et empêche un vivre-ensemble harmonieux. Sans nier l’importance d’intégrer les citoyens dans un espace public organisé autour du respect de la liberté d’autrui et de la recherche de l’intérêt commun, il nous faut rétablir la laïcité sur ses bases historiques, en retrouvant la vision originelle qui en faisait un système de promotion de la liberté et non de surveillance de l’opinion.

Dans cette perspective, il s’agit de répondre à trois objectifs. D’abord, refaire droit à la liberté de conscience. Chacun doit pouvoir exprimer jusque dans l’espace social ses propres convictions et croyances sans qu’on lui impose, au nom d’un ordre moral que l’Etat se chargerait de définir, une quelconque invisibilité sociale, ni une artificielle homogénéité idéologique.

Mais il nous faut aussi reconstruire l’indépendance de la sphère politique. La loi de 1905 a placé l’Etat en dehors de tout contrôle des Eglises. Nous souhaitons renouer avec cette visée, qui est la condition d’une action publique autonome laissée, loin de toute soumission aux diverses cléricatures, aux seules déterminations de la délibération civique.

Il est nécessaire, enfin, de renouer avec l’idée de droit social. Au moment de la délibération de 1905, plusieurs défenseurs de la loi n’avaient-ils pas affirmé, tel Jean Jaurès, que « la République ne resterait laïque qu’à la condition d’être sociale » ? Nous l’affirmons à leur suite : il ne peut y avoir de réelle liberté indépendamment de l’amélioration des conditions matérielles dans lesquelles se déploient les existences individuelles.

Retrouvons le sens de la laïcité, battons-nous pour une laïcité de liberté qui se nourrit de fraternité et de bien commun, assurons-lui un avenir.

Signataires : Jean-Louis Bianco, président honoraire de la Vigie de la laïcité ; Christian Eyschen, secrétaire général de la Fédération nationale de la libre pensée ; Anne-Marie Harster, présidente de Solidarité laïque ; Emmanuelle Huisman-Perrin, responsable du groupe laïcité à l’Union rationaliste ; Hélène Lacassagne, présidente de la Ligue de l’enseignement ; Nathalie Tehio, présidente de la LDH (Ligue des droits de l’Homme).

Paris, le 7 décembre 2025

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5 décembre 2025 – Tribune collective « Pour défendre la démocratie, soutenons le pluralisme et l’indépendance des médias » publiée dans L’Humanité 11 décembre, 2025

5 décembre 2025 – Tribune collective « Pour défendre la démocratie, soutenons le pluralisme et l’indépendance des médias » publiée dans L’Humanité
5 décembre 2025 – Tribune collective « Pour défendre la démocratie, soutenons le pluralisme et l’indépendance des médias » publiée dans L’Humanité
5 décembre 2025 – Tribune collective « Pour défendre la démocratie, soutenons le pluralisme et l’indépendance des médias » publiée dans L’Humanité

Tribune collective signée par Nathalie Tehio, présidente de la LDH

Litre la tribune sur l’Humanité

L’information n’a jamais été aussi essentielle et pourtant aussi vulnérable. Coop-médias, une centaine d’organisations et de médias partenaires et des milliers de citoyens.nes appellent à une mobilisation collective pour faire de l’information un bien commun dans une tribune publiée dans l’Humanité.

Jamais depuis des décennies l’information n’a été à la fois si précieuse et si fragile. Les mutations profondes du paysage médiatique — concentration économique, transformations numériques, précarisation des métiers… — fragilisent le pluralisme et appauvrissent le débat public. Face à cet enjeu démocratique majeur, une mobilisation collective est indispensable pour refaire de l’information un bien commun.

Selon les dernières études disponibles, onze milliardaires, pour la plupart à la tête de groupes industriels extérieurs au secteur des médias, contrôlent 81 % des ventes de presse quotidienne nationale, 95 % des hebdomadaires généralistes et près de la moitié des audiences radio et télé (1). Cette concentration, conjuguée à la montée en puissance des grandes plateformes numériques — elles-mêmes propriétés d’une poignée d’hommes d’affaires — dont les logiques algorithmiques invisibilisent de nombreux médias, captent les revenus publicitaires et favorisent l’émotion plutôt que l’information, accroît le risque d’influences économiques ou politiques, réduit la diversité éditoriale et pèse sur la qualité du débat démocratique.

Les effets sont déjà visibles : appauvrissement de la qualité éditoriale, traitement partiel voire insuffisant de sujets d’intérêt général pourtant centraux pour notre société : questions sociales, écologiques, sanitaires, situation des minorités, initiatives citoyennes…

À titre d’exemple, les ONG QuotaClimat, Science Feedback et Data for Good ont démontré que la désinformation climatique a triplé entre janvier et août 2025, avec 529 narratifs de mésinformation et 19 cas de désinformation (2). S’agissant de la représentation sociale, l’Arcom souligne que les catégories socio-professionnelles modestes sont nettement sous-représentées dans les médias, principalement à la télévision : elles apparaissent deux fois moins souvent à l’écran que leur poids réel dans la société, et leur présence a été divisée par deux en moins de dix ans (3).

Sans surprise, cette crise du paysage médiatique nourrit la défiance des citoyennes et citoyens : près des deux tiers des Françaises et des Français déclarent ne pas faire confiance aux médias pour traiter les grands sujets d’actualité (4).

Pourtant, cette situation n’est pas une fatalité. Un écosystème médiatique dynamique et pluraliste existe déjà, porté par des acteurs variés : des médias historiques engagés dans des démarches ambitieuses pour garantir leur indépendance (sanctuarisation du capital, chartes, partenariats…), des structures indépendantes qui explorent angles et récits innovants, des initiatives citoyennes qui réinventent les modèles de gouvernance,  d’organisation et de financement.

Parmi ces acteurs, les médias indépendants jouent un rôle clé dans l’ambition d’un journalisme d’intérêt général : enquêtes approfondies, analyses sociales et économiques pointues, attention particulière portée aux initiatives locales, exploration des solutions, mise en lumière de celles et ceux qu’on entend moins, voire pas du tout. Ils enrichissent le débat démocratique et offrent des perspectives souvent absentes des grands flux d’information. Pourtant, ils peinent à se développer à la hauteur de leur utilité sociale et se heurtent à des obstacles structurels : taille modeste, insuffisance des soutiens publics et privés, domination économique des grands groupes.

Comme dans l’énergie, le logement ou l’agriculture, des initiatives — souvent portées par la société civile et l’économie sociale et solidaire — émergent pour offrir des réponses concrètes aux difficultés rencontrées par ces projets d’utilité publique : le Fonds Presse Libre, la Maison des médias libres, ou encore Coop-médias, coopérative permettant aux citoyennes et citoyens de se réapproprier l’information en investissant leur épargne pour financer une presse libre et indépendante.

Nous lançons donc cet appel : soutenons un écosystème médiatique réellement diversifié. Lisons les médias indépendants, finançons-les, défendons-les, et demandons aux pouvoirs publics qu’ils protègent réellement le pluralisme.

Car l’information n’est pas une marchandise : c’est un bien commun !

Liste des premiers signataires :

NOE Julien – Président de Coop-médias / SADDIER Jérôme – Président du Crédit Coopératif  / BATTY Marc- Président de FEVE / SIBILLE Bastien – Président de l’opération Milliard / DE ROSTOLAN Maxime- Entrepreneur dans l’écologie / BRUNET Matthieu – Président de Windcoop / SIFAOUI Mohamed Rochdi- Directeur général de Tënk / PRATS Séverin- Président éthi’Kdo, Kadoresto et Ethik Pay / DE COINTET Alice- Directrice de Windcoop / ACHOUR Youssef – Président-Directeur Général Upcoop / BATIOT Bérengère – Co-fondatrice CoopCircuits / MEURICE Guillaume – La Dernière / MONTAGUT Adrien – Codirigeant de Commown / CHALEIL Ivan – Président du Directoire de la Nef / RIEUSSEC-FOURNIER Martin – Co-Président Les Cahiers pour décider et agir  / DELPECH Béatrice – Directrice générale adjointe d’ENERCOOP / DUVAL Guillaume – Ancien rédacteur en chef du mensuel Alternatives Economiques  / FAURE Olivier – Premier secrétaire du Parti Socialiste / AUTAIN  Clémentine – Députée de Seine-Saint-Denis  / VALLAUD Boris – Président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale / BELLAREDJ Fatima – Déléguée Générale Confédération générale des Scop et des Scic / ESTEBAN Ricardo – Directeur général PETIT BAIN SCIC  / AGNOUX Emilie – Le Sens du Service Public / MOLARD Mathieu – Co-rédacteur en chef de StreetPress / VIGOT Coline – Membre du conseil d’administration de Coop-médias / QUEF Juliette – Présidente de Vert le média / MIS Jamil – Président de Bureau Collectif / ROUAUD Carole – Politis, et membre du conseil d’administration de Coop-médias / Renaud Allioux – Co-Fondateur Preligens / Luc Monvoisin – Fondateur de KATABA / Lefebvre Lucas – Cofondateur et DG de La Fourche / Heuzé-Sarmini Tara – Entrepreneuse à impact et enseignante à SciencesPo / SONRIER Maël Entrepreneur dans les énergies renouvelables / LE FALHER Sylvain – Co-Fondateur et CEO d’Hello Watt  / KURKDJIAN Maxime – Investisseur et Mécène pour la démocratie / HOSTACHE Julien – Co-fondateur et Président d’Enerfip / ROBERT Denis – Fondateur de Blast / COHEN DE TIMARY Olivier – Directeur de la publication Socialter / Raingeard Virgile – CEO et Fondateur de Figures / GENTILHOMME Isabelle – Coordinatrice nationale du Mouvement Colibris / Souche Cyrille – Fondateur de Cdurable.info / Du Roy Ivan – Co-fondateur de Basta! / Létourneau Simon – Co-fondateur Carbo, Co-Ambassadeur Impact France / CAMIER Nicolas – Coordinateur du Portail des médias indépendants / CHAMUSSY Antoine – Co-fondateur et DG d’Avelana / BLANCHE Olivier – Directeur général de Terre vivante / BINET  Hélène – Porte-parole de makesense / GLEIZE Simon – Cofondateur de Rembobine / Champagne Antoine – Rédacteur en chef de Reflets.info / THUILLEZ Maxime – Fondateur du Greenletter Club / SPAN Caroline – Entrepreneure et activiste pour la démocratie / Arnould Marie – Rédactrice en chef Les 4 Saisons / LAURENT Alexandre – Directeur de la rédaction de Next / QUINTARD Clément – Cofondateur et rédacteur en chef de Fracas / Julliard Jean-François – directeur général de Greenpeace France / Callot Cyrielle – PDG les Alchimistes  / JADOT Yannick – Sénateur de Paris / SERVANT Millie – Rédactrice en chef de Climax / BRACHET Alexandre – Président du groupe Upian / DENIAUD Jean-Paul – Rédacteur en chef de Pioche!  / ROBACHE Théo – Animateur d’événements engagés / Lozac’hmeur Alizée – Co-fondatrice Makesense et Administratrice d’Impact France / Couronne Vincent- Cofondateur et DG du média Les Surligneurs / Brousse Maxime  – co fondateur Selency / De Hulster  Sébastien – Président de Watou,  Bellevilles / Krasniewski Stéphane – Président du SMA – Syndicat des Musiques Actuelles / GRANDCOLAS Laurence – Présidente de la Concorde / Labrunie Renan – Co-fondateur Keenest / Paquot Pierre – Président TeleCoop / Kempf Hervé – Fondateur de Reporterre / LAFFORGUE Laetitia – Co-présidente de l’UFISC / GODRON Henri – Président de BIOCOOP / Blanchard Louis-Marie – Co-président des Citoyen-ne-s pour le Renouvellement de la Démocratie / Faure Frédéric – Vice-président de Biocoop / Valains Yann – Président Maryan / Sautter Christian – Président d’honneur de France Active / Maschino Sylvain – Co-fondateur Agence Latéral / WELGRYN Lou – Data For Good / JOLIE Laurent – Co-fondateur Lalilo & Expliq / DOUX  Marine – Cofondatrice et directrice éditoriale de Médianes / LESAFFRE Philippe – Cofondateur et rédacteur en chef du média Le Zéphyr / JEANNEAU Laurent – directeur de la rédaction d’Alternatives Economiques / SERRE Magali – Présidente de Disclose / BERTIN Marie – Rédactrice en chef Les Autres Possibles / MOUSSET Pierre – Journaliste – Chargé d’éducation aux médias – Les Autres Possibles / YAMAMOTO Youlie – Porte-parole d’Attac France / TEHIO Nathalie – Présidente de la LDH (Ligue des droits de l’Homme)

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L’Etat doit respecter la liberté de plaidoirie de l’avocat 5 décembre, 2025

Lettre ouverte à l’attention de François-Xavier Lauch, préfet de l’Hérault

Paris, le 3 décembre 202

Monsieur le préfet,

Me Sophie Mazas nous a communiqué votre courrier du 12 novembre 2025, par lequel vous formulez des recommandations quant au contenu de ses plaidoiries.

Nos organisations souhaitent vous rappeler que l’article L. 741-2 du code de la justice administrative étend au tribunaux administratifs les dispositions de la loi du 29 juillet 1881 selon lesquelles ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux.

Et la Cour européenne des droits de l’Homme a jugé que même une sanction disciplinaire la plus légère à l’encontre d’un avocat ayant, à la sortie d’une audience, critiqué un acquittement au regard de la composition entièrement « blanche » d’un jury d’assises, est disproportionnée s’agissant d’une critique globale sur un débat d’intérêt général[1].

Il n’est pas admissible que le représentant de l’Etat menace une avocate sur sa plaidoirie. La liberté de parole d’un avocat est particulièrement protégée car les droits de la défense sont un élément essentiel du droit à un procès équitable et donc de l’Etat de droit.

Au regard de l’importance du sujet, vous comprendrez que nous ayons décidé de rendre cette lettre publique.

Nous vous prions de croire, monsieur le préfet, en l’expression de notre considération distinguée,

Nathalie Tehio, présidente de la LDH
Stéphane Maugendre, président du Syndicat des avocats de France

[1] CEDH 19 avril 2018, n°41841/12

Télécharger la lettre ouverte commune en pdf.

Source: L’Etat doit respecter la liberté de plaidoirie de l’avocat

Installation illégale de crèches de la nativité dans des mairies 5 décembre, 2025

Episode 51  “Des voix et des droits”, le podcast de la LDH, avec Sophie Mazas, avocate, membre du Comité national et présidente de la fédération de l’Hérault de la LDH

« Des voix et des droits » donne la parole à Sophie Mazas, avocate, membre du Comité national et présidente de la fédération de l’Hérault de la LDH, au sujet de l’installation illégale de crèches de la nativité dans des mairies. Elle revient sur le principe même de la laïcité qui impose à l’Etat, aux collectivités et leurs agents la neutralité vis-à-vis de toutes les religions et interdit les signes ou emblèmes religieux au sein des bâtiments abritant le siège d’une collectivité publique, conformément à la loi de 1905 de séparation des Eglises et de l’Etat. Sophie Mazas alerte également sur une dégradation de l’Etat de droit avec des préfets qui n’appliquent plus des décisions de justice.

Temps d’écoute : 18 min 12 s

Pour en savoir plus :

Communiqué LDH « Installation des crèches de noël dans les mairies, une instrumentalisation partisane et illégale » 01/12/2025

Communiqué LDH « Ne laissons pas défigurer la laïcité ! » 04/12/2025

Episode 29 « Des Voix et des droits », le podcast de la LDH, avec Nathalie Tehio, présidente de la LDH : Pourquoi les crèches de noël, comme tout signe ou emblème religieux, n’ont pas leur place dans les bâtiments publics ?   (18/12/2024)

Source: Installation illégale de crèches de la nativité dans des mairies

Ne laissons pas défigurer la laïcité ! 5 décembre, 2025

Communiqué LDH

Le 9 décembre 2025, nous célébrons la loi de 1905, loi de séparation des Eglises et de l’Etat.

La LDH (Ligue des droits de l’Homme), fondamentalement attachée de par son histoire et dans ses combats à cette loi de liberté, la défend comme garantie des droits de toutes et tous dans une République assurant l’égalité devant la loi « de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion ».

Ce 120e anniversaire est l’occasion de rappeler ce qu’est la loi de 1905. Mettant fin au Concordat et aux cultes reconnus, elle proclame la liberté de conscience et la liberté de culte et pose le principe de séparation entre Etat et religions, dont découlent les exigences de neutralité religieuse de l’Etat et de non-financement public des cultes. La neutralité de l’Etat protège la liberté religieuse des citoyennes et des citoyens : la police des cultes doit garantir l’effectivité du libre exercice des cultes et l’absence d’ingérence de l’Etat dans les expressions religieuses, dans l’intérêt même de l’ordre public (qui interdit par exemple, aux termes de l’article 28 de la loi, d’apposer des signes religieux sur les bâtiments publics, ce qui est étendu à l’intérieur des mairies, notamment).

Mais cet anniversaire intervient alors que les principes fondateurs de la laïcité ont été altérés par une inflation législative et un dévoiement politicien.

Affublé d’adjectifs multiples et contradictoires, le mot même de laïcité se trouve vidé de son sens. On confond principe de laïcité et régime de neutralité, alors que la neutralité de l’Etat face aux religions n’est que le moyen d’assurer l’égalité de toutes et tous face à un Etat impartial. Pire encore, le débat public finit par glisser de la neutralité de l’Etat à la neutralisation de la société. Et c’est ainsi que, d’affaire médiatico-politique en polémique sur des tenues vestimentaires musulmanes, une loi de liberté finit par être vécue comme un deux poids, deux mesures et une menace pour nombre de nos concitoyennes et concitoyens.

Depuis un peu plus d’une vingtaine d’années, la laïcité a été abîmée par toujours plus d’invisibilisation de l’expression de la foi et toujours moins de séparation entre le public et le culte.

Concrètement, l’hypertrophie de la neutralisation a commencé par l’école avec la loi du 15 mars 2004, puisque l’obligation de neutralité des agents publics a été étendue aux élèves, qui sont des personnes privées et des usagers du service public. Puis, la neutralisation a touché le travail, les entreprises privées (affaires Baby Loup [2013-2014] et suivantes), et même l’espace public dans son ensemble (loi du 11 octobre 2010).

Et en même temps le régime de séparation s’est altéré : d’un côté l’Etat a assoupli le principe de non-financement public des cultes, de l’autre il en a accru la surveillance.

Dévoyant les principes juridiques de 1905 pour promouvoir une morale imposée, les gouvernants ont mis la laïcité au service d’un contrôle administratif, voire politique, via le contrat d’engagement républicain (CER), de la vie démocratique et des associations, comme si elle était le credo d’une orthodoxie voire d’une orthopraxie. A quoi s’ajouterait aujourd’hui, avec la proposition de loi sur la laïcité dans le sport, la prétention à interdire l’expression de la liberté religieuse des sportives et sportifs, prétention créant un véritable ordre public moral du sport. De surcroît, visant en réalité quasi exclusivement les femmes musulmanes portant le voile, elle créerait une discrimination de genre.

Face à ces déformations, la LDH reste fidèle à la défense du modèle laïque fondé en 1905.

Car préserver ce modèle, c’est défendre une société qui garantisse un accès égal et effectif aux droits et libertés pour toutes et tous. Alors que notre démocratie est menacée par la montée d’idéologies excluantes, qui restreignent les droits sur des critères relevant de fantasmes identitaires et régressifs, il nous faut plus que jamais défendre l’Etat de droit, les libertés d’expression et d’association, les libertés académiques, les droits économiques et sociaux. Notre laïcité est le contraire du carcan dont certains rêvent : elle émancipe, elle respecte, elle garantit les droits sous la seule réserve des droits des autres.

Cette laïcité-là, non défigurée, reste une idée d’avenir. Portons-la ensemble.

Le 9 décembre 2025, nous célébrons la loi de 1905, loi de séparation des Eglises et de l’Etat.

La LDH (Ligue des droits de l’Homme), fondamentalement attachée de par son histoire et dans ses combats à cette loi de liberté, la défend comme garantie des droits de toutes et tous dans une République assurant l’égalité devant la loi « de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion ».

Ce 120e anniversaire est l’occasion de rappeler ce qu’est la loi de 1905. Mettant fin au Concordat et aux cultes reconnus, elle proclame la liberté de conscience et la liberté de culte et pose le principe de séparation entre Etat et religions, dont découlent les exigences de neutralité religieuse de l’Etat et de non-financement public des cultes. La neutralité de l’Etat protège la liberté religieuse des citoyennes et des citoyens : la police des cultes doit garantir l’effectivité du libre exercice des cultes et l’absence d’ingérence de l’Etat dans les expressions religieuses, dans l’intérêt même de l’ordre public (qui interdit par exemple, aux termes de l’article 28 de la loi, d’apposer des signes religieux sur les bâtiments publics, ce qui est étendu à l’intérieur des mairies, notamment).

Mais cet anniversaire intervient alors que les principes fondateurs de la laïcité ont été altérés par une inflation législative et un dévoiement politicien.

Affublé d’adjectifs multiples et contradictoires, le mot même de laïcité se trouve vidé de son sens. On confond principe de laïcité et régime de neutralité, alors que la neutralité de l’Etat face aux religions n’est que le moyen d’assurer l’égalité de toutes et tous face à un Etat impartial. Pire encore, le débat public finit par glisser de la neutralité de l’Etat à la neutralisation de la société. Et c’est ainsi que, d’affaire médiatico-politique en polémique sur des tenues vestimentaires musulmanes, une loi de liberté finit par être vécue comme un deux poids, deux mesures et une menace pour nombre de nos concitoyennes et concitoyens.

Depuis un peu plus d’une vingtaine d’années, la laïcité a été abîmée par toujours plus d’invisibilisation de l’expression de la foi et toujours moins de séparation entre le public et le culte.

Concrètement, l’hypertrophie de la neutralisation a commencé par l’école avec la loi du 15 mars 2004, puisque l’obligation de neutralité des agents publics a été étendue aux élèves, qui sont des personnes privées et des usagers du service public. Puis, la neutralisation a touché le travail, les entreprises privées (affaires Baby Loup [2013-2014] et suivantes), et même l’espace public dans son ensemble (loi du 11 octobre 2010).

Et en même temps le régime de séparation s’est altéré : d’un côté l’Etat a assoupli le principe de non-financement public des cultes, de l’autre il en a accru la surveillance.

Dévoyant les principes juridiques de 1905 pour promouvoir une morale imposée, les gouvernants ont mis la laïcité au service d’un contrôle administratif, voire politique, via le contrat d’engagement républicain (CER), de la vie démocratique et des associations, comme si elle était le credo d’une orthodoxie voire d’une orthopraxie. A quoi s’ajouterait aujourd’hui, avec la proposition de loi sur la laïcité dans le sport, la prétention à interdire l’expression de la liberté religieuse des sportives et sportifs, prétention créant un véritable ordre public moral du sport. De surcroît, visant en réalité quasi exclusivement les femmes musulmanes portant le voile, elle créerait une discrimination de genre.

Face à ces déformations, la LDH reste fidèle à la défense du modèle laïque fondé en 1905.

Car préserver ce modèle, c’est défendre une société qui garantisse un accès égal et effectif aux droits et libertés pour toutes et tous. Alors que notre démocratie est menacée par la montée d’idéologies excluantes, qui restreignent les droits sur des critères relevant de fantasmes identitaires et régressifs, il nous faut plus que jamais défendre l’Etat de droit, les libertés d’expression et d’association, les libertés académiques, les droits économiques et sociaux. Notre laïcité est le contraire du carcan dont certains rêvent : elle émancipe, elle respecte, elle garantit les droits sous la seule réserve des droits des autres.

Cette laïcité-là, non défigurée, reste une idée d’avenir. Portons-la ensemble.

Paris, le 4 décembre 2025

Télécharger le communiqué LDH « Ne laissons pas défigurer la laïcité ! » en pdf.

Source: Ne laissons pas défigurer la laïcité !