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Ligue des droits de l'Homme

Section du Pays d'Aix-en-Provence

Archives de l'auteur : psenegas

Drogues : sortir de l’impasse de la prohibition 3 mai, 2018

Communiqué LDH

Depuis 2001, chaque année en France, avec le soutien de la Ligue des droits de l’Homme (LDH), une Marche mondiale pour le cannabis invite l’opinion et les pouvoirs publics à un libre débat sur les consommations de drogues. Cette manifestation s’appuie sur le constat de l’échec, en termes de santé publique, de la prohibition d’Etat tel qu’il apparaît avec la croissance régulière de l’usage, notamment chez les plus jeunes, et avec l’insécurité due aux trafics, qui continuent de gangréner de nombreux territoires.

Alors que le gouvernement envisage une évolution de la législation issue des lois du 31 décembre 1970 et du 5 mars 2007, la LDH considère qu’il faut sortir de l’impasse de politiques essentiellement répressives menées jusqu’ici.

En janvier 2018, une mission d’information parlementaire a rendu un rapport recommandant la contraventionnalisation de l’usage de stupéfiants prenant acte des moyens insuffisants accordés à la justice pour traiter les délits que le législateur a créés. Finalement, l’article 37 du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme de la justice maintient la pénalisation de l’usage de stupéfiants mais ouvre la possibilité d’éteindre l’action publique, y compris en cas de récidive, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de trois cents euros. Ces modifications ne marquent pas un changement fondamental d’approche, pourtant nécessaire, et ouvrent des risques de discrimination sociale entre ceux qui auront les moyens de payer les amendes et les plus démunis, qui ne le pourront pas.

La LDH considère que d’autres réponses sont possibles, à l’instar des démarches entreprises par de nombreux Etats qui ont décidé de sortir d’une logique de prohibition et de pénalisation, au vu de leurs conséquences sur la montée de la criminalité et sur les risques sanitaires d’une consommation en dehors de tout contrôle, parallèlement à l’engagement d’une action publique forte de prévention.

Pour la 17e édition de cette Marche mondiale pour le cannabis, désormais appelée « Cannaparade », la LDH appelle à participer aux rassemblements organisés le 5 mai à Nantes, Saint-Flour et Poitiers, et le 12 mai, à Lyon et à Paris. La LDH souhaite à cette occasion l’ouverture de débats de fond sur les usages thérapeutiques et récréatifs de produits stupéfiants et sur les questions de l’économie de la prohibition, en vue de nouvelles approches conjuguant les objectifs de santé publique et de lutte contre la criminalité organisée.

Paris, le 2 mai 2018

 

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Source: Drogues : sortir de l’impasse de la prohibition

Génocide au Rwanda : ouverture à Paris du procès en appel de Ngenzi et Barahirwa 3 mai, 2018

Communiqué commun de la FIDH et de la LDH

Le 2 mai 2018 s’ouvre devant la Cour d’assises de Paris le procès en appel de Octavien Ngenzi et Tito Barahirwa, tous deux condamnés à la perpétuité pour crime de génocide et crimes contre l’humanité commis en avril 1994 au Rwanda. La FIDH et la LDH y interviendront en tant que parties civiles, aux côtés de personnes physiques et d’autres associations.

 

Anciens bourgmestres de la commune de Kabarondo au sud-est du Rwanda, Octavien Ngenzi et Tito Barahirwa ont été condamnés en juillet 2016 à une peine de prison à vie pour leur rôle dans le génocide perpétré contre les tutsis au Rwanda, en 1994, au cours duquel près d’un million de personnes sont mortes [1]. Le procès en appel devrait se dérouler du 2 mai au 6 juillet 2018.

Octavien Ngenzi et Tito Barahirwa se trouvaient en avril 1994 au centre de la vie politique et administrative locale de la commune de Kabarondo ce qui a poussé la Cour de première instance à les déclarer coupables d’avoir dirigé et participé à plusieurs réunions visant la coordination des attaques contre la population civile tutsi, d’avoir transporté des rescapés aux fins d’élimination et d’avoir participé aux et dirigé les attaques commises par des milices contre des milliers de réfugiés dans un centre de santé ainsi que dans l’église de la commune. Ils ont également été reconnus coupables d’avoir supervisé les tueries de grande envergure commises dans la région et d’avoir formé et dirigé des milices interhamwe, qui ont massacré plusieurs dizaines de personnes civiles appartenant à l’ethnie tutsi au cours du génocide.

Après avoir quitté le Rwanda, il se sont installés en France. La demande d’asile de Octavien Ngenzi a été refusée en mars 2010 et Tito Barahirwa résidait à Toulouse.

Ce procès en appel est le deuxième après celui du Pascal Simbikangwa, dont la condamnation à 25 ans de prison a été confirmée en appel en décembre 2016 par la Cour d’assises de Bobigny [2], et fait partie d’une longue série de procédures judiciaires ouvertes contre des ressortissants rwandais installés en France et suspectés de crimes commis pendant le génocide au Rwanda. Les victimes attendent depuis plus de 25 ans que justice soit faite.

La FIDH et la LDH sont parties civiles dans l’affaire, aux côtés de personnes physiques et des associations Collectif des parties civiles pour la Rwanda (CPCR), Survie, la Licra et l’association CRF.

Paris, le 2 mai 2018

 

[1] Voir le communiqué de presse FIDH-LDH « Le deuxième procès en France pour participation au génocide rwandais se solde par la condamnation des deux accusés », 6 juillet 2016 : https://www.fidh.org/fr/regions/afrique/rwanda/le-deuxieme-proces-en-france-pour-participation-au-genocide-rwandais

[2] Voir le communiqué de presse FIDH-LDH « La condamnation de Pascal Simbikangwa confirmée en appel » du 3 décembre 2016 : https://www.fidh.org/fr/regions/afrique/rwanda/la-condamnation-de-pascal-simbikangwa-confirmee-en-appel ; ainsi que le rapport d’analyse FIDH-LDH sur le procès de première instance de Pascal Simbikangwa, 19 décembre 2014 : https://www.fidh.org/fr/regions/afrique/rwanda/16686-rwanda-la-fidh-et-la-ldh-publient-un-rapport-d-analyse-sur-le-proces-de

 

Source: Génocide au Rwanda : ouverture à Paris du procès en appel de Ngenzi et Barahirwa

Jusqu’où iront le gouvernement, la police et la justice pour décourager la solidarité ? 3 mai, 2018

Communiqué du collectif Délinquants solidaires, dont la LDH est membre

 

Au Col de l’Échelle, impunité pour les identitaires d’un côté, prison ou tabassage pour les soutiens pacifiques des migrants de l’autre…

Alors que des citoyen-ne-s, associations et collectifs locaux se mobilisent depuis de longs mois pour organiser l’accueil de personnes exilées sur leur territoire face aux pratiques irrégulières des forces de l’ordre, les évènements de ce week-end à Briançon montrent bien que le délit de solidarité a encore de beaux jours devant lui.

Dans le cadre d’une mise en scène médiatique au col de l’Échelle à la frontière franco-italienne, le groupe d’extrême-droite Génération Identitaire a bloqué la frontière entre le 21 et 22 avril, étalant des messages haineux en pleine montagne, barrant la route à des personnes épuisées par un trajet en montagne, les mettant ainsi potentiellement en danger, puis relayant les photographies de leurs faits d’armes sur les réseaux sociaux à grand renfort de commentaires xénophobes. Ainsi, à l’instar de ce qui s’est passé lors de l’action organisée en Méditerranée à l’été 2017 pour saborder les sauvetages de personnes migrantes, des militant-e-s d’extrême droite de plusieurs pays européens sont venues bloquer symboliquement la frontière sans que les forces de l’ordre interviennent ou que les autorités condamnent clairement cette action, se bornant à évoquer des « gesticulations ».

Le dimanche 22 avril, une manifestation pacifique composée de plus de 150 personnes exilées et de leurs soutiens est partie de Clavière en Italie pour rejoindre Briançon à pieds et ainsi protester contre la militarisation de la frontière et la non prise en charge des personnes mineures ou en demande d’asile par les autorités françaises. Les organisations locales et régionales alertent depuis 2015 sur les atteintes systématiques aux droits des personnes migrantes à la frontière franco-italienne, de Menton à Briançon sans qu’elles soient entendues par les responsables politiques.

A l’issue de cette manifestation spontanée, six personnes ont été interpellées par les forces de l’ordre. Trois ont finalement été relâchées mais trois autres sont toujours en détention provisoire, enfermées à Gap et à Marseille. Poursuivies pour « avoir par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l’entrée irrégulière en France de plus d’une vingtaine d’étrangers, avec cette circonstance que les faits ont été commis en bande organisée », elles risquent selon la loi française jusqu’à 10 ans de prison assortie de 750 000 euros d’amende. Le jugement ayant été renvoyé au 31 mai 2018, ces trois personnes originaires de Suisse et d’Italie resteront donc potentiellement enfermées jusqu’à cette date.

En marge de la manifestation, cinq participant-e-s attablé-e-s à la terrasse de l’Hôtel de la Gare à Briançon vont faire l’objet d’un contrôle d’identité. Les policiers demandent à l’une des personnes de les suivre, refusant d’en donner la raison. « On va pas te le répéter deux fois » lance un policier. La personne sort son téléphone pour prévenir un avocat, les policiers le lui arrachent et la projettent au sol, lui sautent dessus. Face contre terre, coups de matraque, clef de bras, coup de genoux, pouces enfoncés dans les yeux, étranglement, la personne est finalement traînée par les pieds dans les escaliers, toujours face contre terre, puis jetée sur le goudron deux mètres plus loin. Alertés par les cris, des gens arrivent, les policiers gazent tout le monde, y compris la personne gisant au sol, visage tuméfié, en sang, la mâchoire gonflée, respirant difficilement et aveuglée par les gaz lacrymogènes. Souffrant de multiples contusions, d’un énorme hématome à la mâchoire, d’une entorse aux cervicales, et de douleur au niveau de la trachée, cette victime de la violence policière est amenée aux urgences. Résultat : 10 jours d’interdiction totale de travail.

Il est inadmissible que ces personnes soient actuellement privées de liberté ou violentées alors qu’elles ont été interpellées dans le cadre d’une manifestation pacifique. En outre, ces militant-e-s de la solidarité ont participé à de nombreuses opérations de sauvetage en montagne, se rendant juste « coupables » d’assistance à personne en danger. Un cas de plus de dissuasion de la solidarité.

Le collectif Délinquants solidaires s’inquiète du peu de cas qui est fait par les pouvoirs publics de l’expression sans complexes d’une xénophobie et du blocage des frontières par des militant-e-s d’extrême-droite, qui a pour conséquences immédiates la mise en danger des personnes migrantes parmi lesquels des mineur-e-s, ainsi que le déni pur et simple du droit d’asile, qui est encore une obligation conventionnelle de la France.

Le collectif Délinquants solidaires condamne fermement la détention de soutiens des exilé-e-s et appelle à leur libération immédiate. Par ailleurs, il répète que la solidarité et l’accueil sur nos territoires manifestés par des milliers de citoyens et citoyennes doivent être encouragés au lieu d’être systématiquement dénigrés ou réprimés. Si les député-e-s ont raté l’occasion d’abroger le délit de solidarité, nous restons mobilisé-e-s et solidaires des personnes exilées pour réclamer un accès aux droits effectifs pour toutes et tous et le droit de s’organiser collectivement.
Paris, le 26 avril 2018

 

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Source: Jusqu’où iront le gouvernement, la police et la justice pour décourager la solidarité ?

Non ! M. Collomb n’a pas assoupli le délit de solidarité ! 3 mai, 2018

Communiqué du collectif Délinquants solidaires, dont la LDH est membre

Rarement un sujet absent d’un projet de loi n’aura mobilisé tant de députés lors de son examen. Lors de la discussion par l’Assemblée nationale du projet de loi « pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie », ils étaient nombreux, dans chacun des groupes parlementaires, à avoir déposé des amendements portant sur le « délit de solidarité » : pour mieux le sanctionner sur les bancs situés le plus à droite de l’hémicycle, pour le supprimer sur tous les autres, majorité comprise.

La longue histoire du « délit d’aide directe ou indirecte » commis par une personne ayant « facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d’un étranger en France » [1] a amplement démontré toute son ambivalence. Censé pénaliser les « passeurs » qui tirent profit des obstacles à l’entrée et au séjour en France pour maltraiter et exploiter les migrant⋅e⋅s, on a vu comment il peut devenir un « délit de solidarité » c’est à dire permettre de poursuivre une personne « coupable » d’une action désintéressée et solidaire.

Les ministres de l’Intérieur successifs n’ont pas cessé de proclamer que le délit de solidarité n’existe pas. « J’observe qu’en 65 années d’application de cette loi, personne en France n’a jamais été condamné pour avoir seulement accueilli, accompagné ou hébergé un étranger en situation irrégulière » (Eric Besson, 23 mars 2009). En 2012, Manuel Valls affirmait à son tour avoir mis « fin au délit de solidarité qui permet de poursuivre l’aide désintéressée, apportée […] à des étrangers en situation irrégulière ». Dès le début de l’examen du projet de loi (mardi 19 avril) Gérard Collomb éludait le sujet : « vous avez soulevé en particulier la question du délit de solidarité. Je veux d’ores et déjà souligner ici que ce délit n’existe pas ».

Pourtant, à plusieurs reprises, des vagues de poursuites et de condamnations d’aidant⋅e⋅s ont provoqué de larges mobilisations contre le délit de solidarité. Des réformes successives ont prétendu répondre à cette émotion en dressant des catalogues d’immunités : lois « Chevènement » de 1998, « Sarkozy » de 2003 et 2009, « Besson » de 2011 et « Valls » de 2012. À chaque fois, la fin du délit de solidarité était annoncée… Mais le catalogue d’exemptions prévues par la loi [2] a à chaque fois conservé toutes ses ambiguïtés au dispositif [3].

Comment le ministre a neutralisé la dynamique parlementaire pour une suppression du délit de solidarité…

La loi « Collomb » de 2018 serait-elle la bonne ? Les circonstances s’y prêtaient. Les fortes solidarités récentes dans le Calaisis, à Paris, dans la vallée de la Roya, dans le Briançonnais ou ailleurs et les multiples poursuites judiciaires engagées contre des aidant⋅e⋅s avaient eu de larges échos. Plusieurs rédactions de la loi avaient été suggérées afin de supprimer ce délit tout en restant en conformité avec le droit européen [4] et bon nombre des amendements proposés s’en inspiraient.

Lors de la séance matinale de l’Assemblée nationale du dimanche 22 avril, quatre intervenant⋅e⋅s – membres du Modem, de l’UDI, de LREM et de la GDR – ont présenté leurs amendements visant à la suppression du délit [5]. Le ministre de l’Intérieur a alors annoncé que le gouvernement déposait une proposition de rédaction destinée à « aménager le régime d’exemption pénale » de ce délit dont, quelques jours plus tôt, il niait l’existence. Entre temps Macron avait établi la feuille de route : pénaliser les « gens qui aident, consciemment ou inconsciemment, les passeurs. Ceux-là, je ne veux pas les affranchir du délit de solidarité car ce qu’ils font est grave » (BFM-TV, 15 avril).

L’amendement du gouvernement, est-il annoncé, adopte « une ligne juste et responsable » entre l’immunité des aides quotidiennes et la sanction de « toutes celles qui voudraient détourner la volonté de l’État de contrôler les frontières ». Que ceux qui s’inquiètent de la difficulté à discerner ces intentions se rassurent : une circulaire adressée aux instances judiciaires en précisera les contours.

Puisque ce qu’il faut protéger c’est le contrôle des frontières – et non les migrants exploités –, l’amendement purement destiné à étouffer la contestation reprend la tradition des remèdes cosmétiques au catalogue des immunités : les exemptions à l’aide au séjour s’appliqueront aux déplacements en France aux fins d’apporter certaines aides, auxquelles est ajouté l’accompagnement « linguistique et social » ; tout cela « sauf si l’acte a donné lieu à une contrepartie directe ou indirecte ou a été accompli dans un but lucratif ». Or la jurisprudence sait hélas se montrer inventive en matière de contrepartie directe ou indirecte, ou, à l’inverse, tatillonne quand il faut caractériser les atteintes à l’intégrité physique, devenues « conditions de vie dignes et décentes ».

Le combat pour en finir avec le délit de solidarité avait bien engagé : il se solde pour celles et ceux qui ont tenté de le porter au sein de l’assemblée nationale par une amère défaite en rase campagne. Seul a survécu l’amendement dérisoire du gouvernement, enrobé de beaux discours et sous les applaudissements de la majorité. Le délit de solidarité a de beaux jours devant lui.

Paris, le 23 avril 2018

 

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Le texte

EXTRAIT DU CESEDA DANS SA RÉDACTION ACTUELLE…

L. 622-1

Loi n° 2012-1560 du 31 décembre 2012 – art. 11

Sous réserve des exemptions prévues à l’article L.622-4, toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers, d’un étranger en France sera punie d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 30 000 €.

(…)

L. 622-4

Sans préjudice des articles L.621-2, L.623-1, L.623-2 et L.623-3, ne peut donner lieu à des poursuites pénales sur le fondement des articles L.622-1 à L.622-3 l’aide au séjour irrégulier d’un étranger lorsqu’elle est le fait :

1° Des ascendants ou descendants de l’étranger, de leur conjoint, des frères et sœurs de l’étranger ou de leur conjoint ;

2° Du conjoint, de l’étranger de la personne qui vit notoirement en situation maritale avec lui, ou des ascendants, descendants, frères et sœurs du conjoint de l’étranger ou de la personne qui vit notoirement en situation maritale avec lui ;

3° De toute personne physique ou morale, lorsque l’acte reproché n’a donné lieu à aucune contrepartie directe ou indirecte et consistait à fournir des conseils juridiques ou des prestations de restauration, d’hébergement ou de soins médicaux destinées à assurer des conditions de vie dignes et décentes à l’étranger, ou bien toute autre aide visant à préserver la dignité ou l’intégrité physique de celui-ci.

Les exceptions prévues aux 1° et 2° ne s’appliquent pas lorsque l’étranger bénéficiaire de l’aide au séjour irrégulier vit en état de polygamie ou lorsque cet étranger est le conjoint d’une personne polygame résidant en France avec le premier conjoint.

 

LE CESEDA DÉCOULANT DU TEXTE ADOPTÉ DIMANCHE 22 AVRIL PAR L’ASSEMBLÉE NATIONALE (qui sera donc discuté par les sénateurs courant mai/juin)…

L. 622-4

Sans préjudice des articles L.621-2, L.623-1, L.623-2 et L.623-3, ne peut donner lieu à des poursuites pénales sur le fondement des articles L.622-1 à L.622-3 l’aide à la circulation ou au séjour irrégulier d’un étranger lorsqu’elle est le fait :

1° Des ascendants ou descendants de l’étranger, de leur conjoint, des frères et sœurs de l’étranger ou de leur conjoint ;

2° Du conjoint, de l’étranger de la personne qui vit notoirement en situation maritale avec lui, ou des ascendants, descendants, frères et sœurs du conjoint de l’étranger ou de la personne qui vit notoirement en situation maritale avec lui ;

3° De toute personne physique ou morale, lorsque l’acte reproché a consisté à fournir des conseils et de l’accompagnement, notamment juridiques, linguistiques ou sociaux, ou des prestations de restauration, d’hébergement ou de soins médicaux destinées à assurer des conditions de vie dignes et décentes à l’étranger, ou bien toute autre aide visant à préserver la dignité ou l’intégrité physique de celui-ci, ou bien tout transport directement lié à l’une de ces exceptions, sauf si l’acte a donné lieu à une contrepartie directe ou indirecte ou a été accompli dans un but lucratif.

Les exceptions prévues aux 1° et 2° ne s’appliquent pas lorsque l’étranger bénéficiaire de l’aide au séjour irrégulier vit en état de polygamie ou lorsque cet étranger est le conjoint d’une personne polygame résidant en France avec le premier conjoint.

 

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Notes de bas de page

1 Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda), art. L. 622-1.

Ceseda, art. L. 622-4.

Le dossier www.gisti.org/delits-de-solidarite créé en 2009 en présente de nombreux exemples.

Notamment la CNCDH (avis du 16 mai 2017, « mettre fin au délit de solidarité » – http://www.cncdh.fr/fr/actualite/avis-mettre-fin-au-delit-de-solidarite) et le Collectif Délinquants solidaires (« Pour mettre hors-la-loi le délit de solidarité », février 2018, http://www.delinquantssolidaires.org/wp-content/uploads/2018/02/Texte_Pour-mettre-hors-la-loi-le-d%C3%A9lit-de-solidarite_argumentaire.pdf).

5 Amendements n°235 : http://www.assemblee-nationale.fr/15/amendements/0857/AN/235.asp

Amendements n°723 : http://www.assemblee-nationale.fr/15/amendements/0857/AN/723.asp

Amendements n°801 : http://www.assemblee-nationale.fr/15/amendements/0857/AN/801.asp

Amendements n°803 : http://www.assemblee-nationale.fr/15/amendements/0857/AN/803.asp

 

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Source: Non ! M. Collomb n’a pas assoupli le délit de solidarité !

20 avril 2018 – Tribune de Michel Tubiana « Des mères indignes d’accompagner leurs enfants » publiée dans Mediapart 23 avril, 2018

Tribune de Michel Tubiana, président d’honneur de la LDH

Entre un président de la République qui tend la main aux catholiques, voire leur dicte leur attitude, et un ministre de l’Education nationale qui confond laïcité et exclusion, il est bien difficile de distinguer la logique qui guide nos autorités publiques.

 

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Source: 20 avril 2018 – Tribune de Michel Tubiana « Des mères indignes d’accompagner leurs enfants » publiée dans Mediapart

Lettre de l’Observatoire de la liberté de création à l’attention du préfet de la Sarthe 23 avril, 2018

Lettre de l’Observatoire de la liberté de création

 

Monsieur le Préfet,

 

En refusant, par arrêté du 3 avril, que des enfants interviennent dans le spectacle de Romeo Castellucci, « Sur le concept du visage du fils de Dieu », vous avez gravement amputé un spectacle qui, depuis 2011, a été joué dans toute l’Europe. Cette censure, sous couvert de protection des mineurs, fait bon marché de la vigilance des parents et des précautions que Romeo Castellucci et son équipe prennent pour préparer les enfants. Si les craintes que vous agitez pour la « santé » et la « moralité » des enfants étaient fondées, des centaines de victimes auraient été traumatisées depuis sept ans que ce spectacle tourne. Heureusement, ceux qui ont eu l’occasion de voir le spectacle non censuré savent que les craintes que vous invoquez pour interdire une scène où des enfants lancent des grenades en plastique – et non des « bombes », comme dit votre arrêté, sont infondées.

Vous ne pouvez ignorer que ce spectacle a une histoire et que depuis 2011, des groupes politico-religieux ont jeté leur dévolu sur lui pour multiplier les coups d’éclat. Vous ne pouvez ignorer que les activistes intégristes qui ont tenté d’interrompre le spectacle, à Paris, ont été condamnés par la justice pénale. Vous ne pouvez ignorer que votre décision intervient après une manifestation d’une poignée d’activistes de l’Action française et du Front national contre le spectacle, et qu’elle offre à ces groupes la victoire qu’ils attendaient depuis des années et dont les tribunaux les ont toujours privés. Ils n’ont d’ailleurs pas tardé à s’en vanter : de nombreux sites intégristes et d’extrême droite (Medias-presse.info, Civitas, Action française) se sont félicités que « le préfet de la Sarthe » leur « donne raison » en faisant retirer « une séquence blasphématoire ».

Vous ne pouvez ignorer que la loi a affirmé le principe de liberté de création et de diffusion des œuvres en 2016 et constitué en délit le fait d’empêcher cette libre diffusion. En tant que représentant de l’Etat, vous avez failli à la mission que la loi vous impose en usant du recours à la protection de l’enfance pour abonder dans le sens de ces groupuscules demandant la censure de l’œuvre pour des raisons religieuses.

L’Observatoire de la liberté de création apporte son entier soutien à Romeo Castellucci qui, s’adressant aux spectateurs manceaux, parle « d’une offense à l’intelligence critique des adultes et des enfants ».

L’Observatoire prend bonne note que deux ministres ont, depuis, apporté leur soutien à Romeo Castellucci et aux Quinconces-L’Espal du Mans. Si ce soutien contribue à restaurer la crédibilité de l’Etat que vous avez compromise par une décision aussi inconsidérée, le mal est néanmoins fait.

Vous comprendrez que nous rendions cette lettre publique.

 

Nous vous prions de croire, monsieur le Préfet, à l’expression de nos sentiments choisis.

 

Paris, le 20 avril 2018

 

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Source: Lettre de l’Observatoire de la liberté de création à l’attention du préfet de la Sarthe

Loi asile et immigration : lettre ouverte aux sénateurs 23 avril, 2018

Lettre ouverte du collectif Migrants outre-mer dont la LDH est membre

 

Mesdames les sénatrices, Messieurs les sénateurs,

Le collectif Migrants outre-mer souhaite attirer votre attention sur le projet de loi relatif à l’asile et à l’immigration sur lequel vous serez prochainement appelé-e-s à vous prononcer.

Ce collectif rassemble les principales associations agissant aux niveaux national et local pour la défense des droits des personnes migrantes en outre-mer et dispose à ce titre d’une expertise sur l’état des pratiques et les politiques migratoires mises en œuvre dans ces territoires.

 

Un laboratoire ultramarin de recul des droits au prétexte d’une invasion migratoire fantasmée

En matière d’immigration, force est de constater que les territoires ultra-marins constituent un laboratoire de reculs des droits [1], notamment par l’instauration de législations et dispositifs  dérogatoires au droit commun, portant violation des droits fondamentaux des personnes migrantes, qui sont, par la suite, généralisés à la France entière.

En effet, ce projet de loi vise à la généralisation des audiences par visioconférence [2] et conforte la procédure luttant contre les reconnaissances de paternité frauduleuses, circonscrites jusqu’à présent dans certains territoires ultramarins [3].

Depuis de nombreuses années et au prétexte d’une invasion migratoire sur ces territoires largement fantasmée [4], un régime dérogatoire du droit commun y prévoit des droits au rabais qui facilitent les interpellations, autorisent l’exécution des expulsions  sans contrôle d’un juge et réduisent l’accès au droit au séjour.

Ce projet de loi confirme cette logique en prévoyant de nouvelles dispositions dérogatoires qui aggravent en Guyane les conditions d’accueil des personnes en demande d’asile et restreignent à Mayotte les conditions de délivrance du document de circulation pour les mineur-e-s de nationalité étrangère.

 

Un régime dérogatoire qui sacrifie des droits fondamentaux

En matière de contrôle d’identité, des dispositifs de contrôle exceptionnels qui s’affranchissent des garanties les plus élémentaires sont mis en place [5]. En Guyane, des barrages de gendarmerie sont installés sur les deux principaux axes routiers qui desservent Cayenne et ses administrations, instituant ainsi des contrôles d’identité généralisés, sur la route nationale qui longe la côte où réside plus de 90% de la population guyanaise, lesquels constituent des obstacles au droit à la santé ou encore au principe d’égalité d’accès aux services publics qui génèrent notamment de graves entraves au dépôt de demandes de carte de séjour.

Ce régime d’exception vient également tailler dans les garanties de contrôle juridictionnel des procédures d’enfermement et d’expulsion.

Alors que ces territoires concentrent la moitié des expulsions réalisées chaque année, l’effectivité des recours contre les décisions préfectorales n’est pas garantie contrairement à la métropole. Si le dépôt d’un recours en urgence suspend désormais l’éloignement jusqu’à son examen [6], son champ d’utilisation reste restrictif et la majorité des renvois sont exécutés sans avoir pu enclencher cette procédure.

Mayotte reste le seul territoire où le contrôle de la procédure de placement en rétention et des conditions d’enfermement est quasi inexistant : le juge compétent intervient après cinq jours d’enfermement (contre 48 heures dans le reste de la France), alors que les personnes sont généralement expulsées en moins de 24 heures et que son centre de rétention y accueille massivement des personnes particulièrement vulnérables comme des enfants.

Le statut des personnes en situation régulière est également dégradé sur ces territoires, à l’image de la suppression ou l’inapplication des garanties d’accueil durant la procédure de demande d’asile (abaissement en Guyane voire absence à Mayotte de l’aide financière sans possibilité de travailler, quasi inexistence de dispositif d’hébergement et domiciliation des personnes en demande d’asile concentrée à Cayenne) ou encore la restriction géographique de la validité des titres de séjour et des autorisations de travail en découlant.

Sous couvert de prévenir un supposé appel d’air, ces dispositions conduisent à précariser les personnes migrantes, à réduire l’accès à leurs droits et à freiner leur intégration une fois régularisées.

 

Une politique qui attise le rejet des personnes étrangères et justifie des violences

Nous constatons que cette politique migratoire, qui a pour objectif de réduire les mouvements de population pourtant régis par des dynamiques régionales historiques, est dans l’impasse. Elle participe des tensions sociales de plus en plus violentes en alimentant l’idée d’une immigration massive comme facteur des inégalités économiques et sociales sévissant dans les outre-mer.

Cette approche répressive s’applique dans un contexte où les infrastructures et les services publics sont bien souvent faibles voire inexistants, notamment en matière d’accès aux administrations, à l’éducation, aux logements et aux soins [7]. La saturation de ces dispositifs, pourtant chroniquement sous dimensionnés, nourrit les discours politiques qui stigmatisent les personnes étrangères désignées comme responsables de ces carences. Les tensions très fortes et les violences exercées à l’égard des personnes migrantes, en particulier à Mayotte depuis 2016, sont autant de dérives auxquelles conduit cette politique.

 

Pour un changement de politique

Le collectif Migrants Outre-mer défend des mesures permettant de garantir un accueil digne et le respect des droits fondamentaux pour tous et sur l’ensemble du territoire français, notamment [8] à travers les propositions suivantes :

Aligner la législation applicable en outre-mer sur le droit commun et mettre ainsi un terme à un régime d’exception contraire à un État de droit, qui justifie des droits au rabais et permet tous les abus, notamment en priorité :

  • rendre suspensifs les recours contre toute mesure d’éloignement

  • rétablir à Mayotte l’intervention du juge judiciaire sous 48 heures à compter du placement en rétention.

  • supprimer les dispositifs exceptionnels de contrôle

  • rendre pleinement applicables sur l’ensemble du territoire français les titres de séjour délivrés en outre-mer et notamment à Mayotte

  • rétablir des conditions d’accueil dignes pour les demandeurs d’asile en Guyane et à Mayotte en leur garantissant le bénéfice des aides prévues en métropole, et la fourniture d’un hébergement et d’une domiciliation effective pendant leur procédure

Mettre un terme à l’enfermement des enfants en rétention, notamment à Mayotte où il s’opère massivement (4 285 enfants enfermés en 2016) et sans contrôle.

Par ailleurs, il est temps de penser autrement la présence des territoires ultramarins dans leur environnement. En isolant de plus en plus les uns des autres par un fossé économique croissant, par une frontière de plus en plus infranchissable, par des dénis de droit quotidiens à l’égard des « étrangers » venus des territoires voisins, on ne fait qu’éloigner la perspective d’une solution durable aux tensions actuelles.

Nous espérons pouvoir vous compter parmi celles et ceux qui soutiendront ces positions et nous nous tenons à votre disposition pour en discuter.

 

Vous remerciant de votre attention, nous vous prions de recevoir, Mesdames les sénatrices, Messieurs les sénateurs, nos meilleures salutations.

Migrants Outre-Mer (Mom)

Paris, le 18 avril 2018

 

Signataires :

ADDE (Avocats pour la défense des droits des étrangers), Aides, CCFD (Comité catholique contre la faim et pour le développement), La Cimade, Collectif Haïti de France, Comede, Gisti (Groupe d’information et de soutien des immigré⋅e⋅s), Elena, Fasti (Fédération des associations de solidarité avec tou-te-s les immigré-e-s), LDH (Ligue des droits de l’Homme), MDM (Médecins du monde), Mrap (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples), OIP (Observatoire international des prisons).

 

[1] http://www.migrantsoutremer.org/L-Outre-mer-laboratoire-de-la

[2] Articles 6, 10, 12 et 16 et du projet de loi.

[3] Articles 30 du projet de loi.

[4] https://www.insee.fr/fr/statistiques/3288449 : un solde migratoire déficitaire entre 2010 et 2015 dans les départements d’outre mer et très légèrement en augmentation en Guyane (moins de 0,4%).

[5] Législations dérogatoires (voir le dernier paragraphe de l’article 78-2 du code de procédure pénale) permettant de contrôler l’identité des étrangers en situation irrégulière sur un périmètre plus étendu.

[6] Article L.514-3 Ceseda.

[7] Une seule maternité pour plus de 250 000 habitants à Mayotte + https://www.insee.fr/fr/statistiques/1285646 + https://www.insee.fr/fr/statistiques/3181903

[8] Collectif MOM, « L’outre-mer dans le projet de loi « pour une immigration maîtrisée et un droit d’asile effectif » présenté par le gouvernement le 21 février 2018 – Outre-mer : le non droit est un jeu dangereux ».

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Source: Loi asile et immigration : lettre ouverte aux sénateurs

Pour une Europe accueillante, la LDH rejoint l’ICE « Let us help! » 19 avril, 2018

Nos gouvernements n’ont plus de solutions et compromettent nos valeurs fondamentales, il est temps que les citoyens soient inclus dans la discussion !

 

Des citoyens et citoyennes européens de tous horizons se sont mobilisés pour apporter leur soutien aux personnes migrantes. Mais aux yeux de nos dirigeants, cette solidarité est un délit. Aujourd’hui, en Europe, des milliers de citoyens et citoyennes solidaires risquent des amendes ou des peines de prison car ils viennent en aide à celles et ceux qui fuient les violences en tous genres. Ce n’est pas l’Europe que nous voulons ! Ces actes de solidarité sont le reflet des traditions européennes d’humanisme et de générosité, et ils doivent être reconnus comme tels ! C’est la raison pour laquelle Migration Policy Group lance la toute première Initiative citoyenne européenne (ICE) pour une #EuropeAccueillante. Et la LDH rejoint la démarche ! Grâce à cette pétition, exigeons que la Commission et le Parlement européens répondent à nos demandes. Demandez à la Commission européenne de  :

  • mettre fin au délit de solidarité

  • soutenir les citoyens et citoyennes qui offrent un foyer et une vie nouvelle à des personnes réfugiées

  • garantir des moyens et des règles plus efficaces pour défendre toutes les victimes de l’exploitation et de la criminalité

 

L’Initiative citoyenne européenne est le meilleur instrument de démocratie participative à l’échelle européenne. Elle permet aux organisateurs ayant recueilli un million de signatures dans au moins sept États membres de présenter leur projet d’initiative devant le Parlement européen. La Commission européenne n’a donc d’autre choix que de répondre à des propositions qui sont trop souvent laissées de côté.

 

Cette ICE est votre chance de vous exprimer et de participer à une meilleure politique migratoire européenne.

Paris, le 18 avril 2018

Signez notre Initiative citoyenne européenne pour une politique migratoire accueillante !

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Source: Pour une Europe accueillante, la LDH rejoint l’ICE « Let us help! »

Secret des affaires : lettre ouverte au président de la République 19 avril, 2018

Lettre ouverte de plusieurs organisations, dont la LDH

 

M. le Président, refusez qu’avec le secret des affaires, le secret ne devienne la règle et les libertés des exceptions

Monsieur le Président,

Le Parlement s’apprête à voter via une procédure accélérée une proposition de loi portant « sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués (secrets d’affaires) contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites ».

Ce texte est la transposition d’une directive européenne adoptée en 2016, malgré les mises en garde des associations, des syndicats, des journalistes, et l’opposition massive des citoyens. Bien que nécessaire, une protection des secrets de fabrication, de l’innovation et de la propriété intellectuelle ne doit pas entraîner une remise en cause des libertés fondamentales, ou une restriction de la liberté de circulation des personnes et des idées.

La France dispose de marges de manœuvre pour la transposition de la directive dans son droit national, et peut faire le choix de préserver les libertés tout en respectant le droit européen.

Alors qu’habituellement, les directives européennes sont transposées par un projet de loi gouvernemental, passant en conseil des ministres et comportant une étude d’impact, nous regrettons que la France ait cette fois choisi une discrète proposition de loi d’initiative parlementaire. Discrète et expresse : déposée le 19 février 2018, elle vient d’être adoptée à l’Assemblée Nationale et sera examinée par le Sénat ce 18 avril, avec une adoption prévue dans la foulée en procédure accélérée. Tout cela sans aucun débat public, alors même qu’ONG, syndicats, journalistes et citoyen.ne.s ont à plusieurs reprises dénoncé le danger que cette directive représente pour les libertés fondamentales. Plusieurs centaines de milliers de français.es se sont ainsi mobilisé.e.s contre cette proposition de loi en signant des pétitions dont la plus récente, lancée le 19 mars, a déjà recueilli plus de 300 000 signatures.

En janvier 2015, lorsque nous vous avions interpellé sur l’intégration dans votre projet de loi d’un amendement sur le secret des affaires, vous aviez fait le choix de retirer cette disposition, la jugeant dangereuse pour les libertés publiques. Pourtant, lors du récent débat parlementaire, votre gouvernement a refusé les amendements permettant de restreindre l’application du secret des affaires aux seuls acteurs concurrentiels. Pourquoi un tel revirement ?

L’option retenue par la proposition de loi présentée par la majorité parlementaire et durcie par la commission des lois du Sénat, remet en cause l’intérêt général et le droit des citoyens à l’information. Il s’agit d’une inversion de nos principes républicains : le secret devient la règle, et les libertés des exceptions. De fait, en l’état, cette loi permettra de verrouiller l’information à la fois sur les pratiques et sur les produits commercialisés par les entreprises.

La définition du « secret d’affaire » est si vaste que n’importe quelle information interne à une entreprise peut désormais être classée dans cette catégorie. La loi sur le secret des affaires concerne des informations d’intérêt général telles que les pratiques fiscales des entreprises, l’impact de leurs activités et de leurs produits sur la santé et l’environnement, etc. Des scandales tels ceux du Médiator, du bisphénol A ou des Panama Papers pourraient ainsi ne plus être portés à la connaissance des citoyens.  L’infraction au secret des affaires aurait lieu dès l’obtention de ces informations, quel que soit l’objectif poursuivi dans leur utilisation et diffusion.

La loi concerne aussi les savoir et savoir- faire acquis par les salarié-e-s, et pourrait ainsi permettre de généraliser les clauses de non concurrence limitant la mobilité des salarié-e-s.

Les journalistes, les scientifiques, les syndicats, les ONG ou les lanceurs d’alertes qui s’aventureraient à rendre publiques de telles informations s’exposeraient à une procédure judiciaire longue et coûteuse, et surtout à une sanction qui décourageraient de futures divulgations. D’autant que la commission des lois sénatoriale vient de créer une sanction pénale pour ce nouveau délit tout en supprimant les sanctions pour procédures dilatoires ou abusives, pourtant prévues par la directive. C’est là le pouvoir de cette loi : devenir une arme de dissuasion. Pour les téméraires qui briseront cette loi du silence, il ne restera plus qu’à espérer que les tribunaux feront primer la liberté d’expression et d’information…La récente condamnation par le tribunal de Metz d’Edouard Perrin, le journaliste qui a révélé l’affaire Luxleaks, remet en cause la protection des sources et indique plutôt une orientation contraire

Les « garanties » proposées aux journalistes, aux lanceurs d’alertes et aux syndicats ne vaudront ainsi pas grand-chose devant une juridiction (incluant les tribunaux de commerce) armée d’un nouveau droit érigeant le secret des affaires en principe, et la révélation d’informations d’intérêt public en exception. Sans compter les centaines d’associations œuvrant quotidiennement en faveur des droits humains ou pour la protection de l’environnement qui devront systématiquement justifier leur mission d’intérêt général. Pourtant, la liberté d’expression et la liberté de l’information devraient être le principe prééminent, comme le prévoit l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme. C’est la condition de la démocratie.

Monsieur le Président, nous comptons sur les engagements que vous avez formulés durant la campagne électorale en faveur de la protection des droits fondamentaux pour défendre la liberté d’expression. Aussi, nous, signataires de cette lettre ouverte, lanceurs d’alertes, syndicats, associations, journalistes, chercheurs, nous opposons à l’adoption en l’état de cette loi, et vous demandons, Monsieur le Président, de défendre le droit à l’information et l’intérêt général en restreignant le champ d’application du secret des affaires aux seuls acteurs économiques concurrentiels. Dans cette espérance, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de notre haute considération.

Paris, le 16 avril 2018

 

Déjà plus de 330 000 signatures. Vous aussi participez à la protection de la liberté d’expression, signez la pétition !

 

Signataires :

Appel-Muller Patrick, Directeur de la rédaction de l’Humanité ; Auroi Danielle, Présidente de Forum Citoyen pour la RSE ; Berille Luc, Secrétaire général de l’Unsa ; Beynel Éric, Porte-parole de Solidaires ; Binet Sophie et Kotlicki Marie-José, Secrétaires générales de l’UGICT-CGT ; Blanchet Lise, Présidente de la Commission Scam des journalistes : Borrel Thomas, Porte-parole de Survie ; Bounaud Laurène, Déléguée générale de Transparency International ; Cellier Dominique, Président de Sciences citoyennes ; Collectif « On ne se taira pas ! » ; Compain Florent, Président des Amis de la terre France ; Coriat Benjamin et Sterdyniak Henri, Économistes atterrés; Cossart Sandra, Directrice de Sherpa; Cutajar Chantal, Présidente de l’Observatoire citoyen pour la transparence financière internationale ; Darmon Muriel, Présidente de l’Association Française de sociologie ; Deltour Antoine, Lanceur d’Alertes LuxLeaks ; Dubreuil Katia, Présidente du Syndicat de magistrature ; Duval Guillaume, Président du Collectif Éthique sur l’étiquette ; Faucheux Benoît, Directeur général de CCFD Terre solidaires ; Fayet Véronique, Présidente du Secours catholique ; Fontaine Alain, Directeur général de Terre des Hommes France ; Julliard Jean-François, Directeur exécutif de Greenpeace France ; Kalinowski Wojtek, Co-directeur de l’Institut Veblen ; Kragl Ingrid, directrice de l’information de Foodwatch, Laarman Nicolas, Directeur général de Pollinis ; Lanier Vincent, Premier secrétaire général du Syndicat national des journalistes ; Lefevre Christophe, Secrétaire national en charge des affaires européennes de la CFE-CGC ; Lepers Elliot, Directeur de l’ONG Le Mouvement ; Mahieu Laurent, Secrétaire général de la CFDT Cadres ; Marolleau Jean-Louis, Secrétaire exécutif du Réseau Foi et justice Afrique Europe – Antenne de France ; Merckaert Jean, Rédacteur en Chef de la Revue Projet ; Monfort Patrick, Secrétaire général du SNCS-FSU ; Morin Jérôme, Secrétaire général de la F3C CFDT ; Noisette Christophe, Rédacteur en Chef d’Inf’OGM ; Pedersen Birthe, Présidente d’Action Aid France – Peuples solidaires ; Peres Éric, Secrétaire général de FO Cadres ; Perrin Édouard, Président du Collectif « Informer n’est pas un délit » ; Petitjean Olivier, coordinateur à l’Observatoire des multinationales ; Pigeon Martin, Corporate Europe Observatory ; Plihon Dominique et Trouvé Aurélie, Porte-paroles d’Attac ; Poilane Emmanuel, Directeur général de France Liberté et président du Crid ; Poitier Julie, Directrice de Bio Consom’acteurs ; Rehbinder Lison, Coordinatrice de la Plateforme Paradis fiscaux et judiciaires ; Remy Clément, Président de Pollinis ; Rizzoli Fabrice, CrimHalt ; Roques Laurence, Présidente du Syndicat des avocats de France ; Salemkour Malik, Président de la Ligue des droits de l’Homme ; Vire Emmanuel, Secrétaire général du Syndicat national des journalistes CGT; Youakim Marie, Co-présidente de Ritimo ; SDJ des Échos ; SDJ de Premières lignes ; SDJ de TV5 Monde ; SDJ de BFMTV ; SDJ de l’AFP ; SDJ de Challenges ; SDJ de la rédaction nationale de France 3 ; SDJ de Télérama ; SDJ du JDD ; SDJ de l’AEF ; Société des rédacteurs du Monde ; SDJ de Radio France ; SDJ du Figaro ; SDJ du Point ; SDJ de RTL ; SDJ de La Vie ; SDJ de Libération ; Rédaction d’Alternatives économiques ; SDJ de TF1 ; SDJ de RMC, SDJ de Mediapart ; SDJ de l’Humanité ; SDJ de France 2 ; Prix Albert Londres ; Télé Libre.

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Source: Secret des affaires : lettre ouverte au président de la République

18 avril 2018 – Tribune collective « Pas d’enfants en centres de rétention » publiée dans Libération 19 avril, 2018

Tribune collective, signée Malik Salemkour, président de la LDH et Françoise Dumont, présidente d’honneur de la LDH

A l’heure du débat sur la loi asile et immigration, la France doit respecter et protéger les droits de l’enfant. En 2017, plus de 300 mineurs ont été enfermés et ce chiffre ne cesse d’augmenter.

[Extrait] Beaucoup de voix s’élèvent aujourd’hui pour demander que la France respecte les droits de l’enfant en mettant fin à la rétention des mineurs et de leur famille et en remplaçant l’enfermement des enfants par leur protection. Nous attendons qu’au moment du débat sur la loi asile et immigration, les parlementaires – tous les parlementaires – assument leurs responsabilités et s’engagent dans cette voie. C’est la crédibilité de la France en termes d’«humanité» et de défense des droits de l’enfant qui se joue là.

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Source: 18 avril 2018 – Tribune collective « Pas d’enfants en centres de rétention » publiée dans Libération