Lettre ouverte commune dans le cadre de la Marche pour Gaza vers Bruxelles adressée à Kaja Kallas, Haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité de l’Union européenne, Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, António Costa, président en exercice du Conseil européen, Roberta Metsola, présidente du Parlement européen et aux ministres des Affaires étrangères des Etats membres de l’UE
Chère Madame, Chers Messieurs,
Nous, organisations de la société civile soussignées, exprimons notre profonde inquiétude quant aux décisions prises lors des réunions du Conseil Affaires étrangères de l’Union européenne des 20 et 26 mai 2025 concernant la situation à Gaza, qui restent largement insuffisantes au regard des obligations internationales de l’Union européenne et de ses Etats membres, ainsi que des attentes légitimes de la société civile.
Depuis octobre 2023, le gouvernement israélien poursuit une politique décrite par Human Rights Watch, FIDH et de nombreuses autres organisations internationales comme constituant des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et un génocide. Face à des conclusions aussi graves, nous attendons une action forte et fondée sur des principes de la part des institutions européennes et des Etats membres, en accord avec les valeurs qu’ils prétendent défendre.
Dans ce contexte, nous nous attendions à ce que les dirigeants politiques de l’Union européenne et de ses Etats membres mettent en œuvre les mesures dont ils disposent pour contrecarrer la politique actuelle du gouvernement israélien . Aux paroles doivent maintenant succéder les actes, car il n’y a pas d’autre alternative à notre responsabilité que de réussir à stopper cette politique en cours. Les Etats disposent de tous les moyens nécessaires pour agir et le moment est venu de le faire.
L’expulsion massive de la population de Gaza ne doit pas être autorisée. Le massacre de civils, et l’utilisation de la famine et de la privation d’eau et de nourriture comme armes doivent cesser. À moins qu’elle n’accepte d’être complice de ces crimes, l’Union européenne doit prendre des mesures décisives pour obliger Israël à lever tous les blocus imposés à la population de Gaza.
Une série de mesures est à la portée de l’Union européenne. Nous vous invitons à les adopter sans délai, y compris lors de la prochaine réunion du Conseil des affaires étrangères du 23 juin :
– La suspension immédiate de l’accord d’association UE-Israël. Depuis des mois, la Commission dispose de suffisamment d’éléments pour documenter les violations graves et systématiques des droits de l’homme, y compris les violations du droit humanitaire international, à Gaza et en Cisjordanie, et peut donc évaluer rapidement le non-respect par Israël de l’article 2 de l’accord ;
– La mise en œuvre de sanctions ciblées contre le gouvernement israélien et ses fonctionnaires, similaires à celles déjà imposées à certains colons extrémistes ;
– La cessation immédiate de toute coopération militaire et de tout transfert d’armes ou d’équipements destinés à leur production ;
– L’application stricte des résolutions internationales, notamment la résolution de l’Assemblée générale des Nations unies du 18 septembre 2024, qui vise à mettre fin à l’occupation illégale des territoires palestiniens ;
– Le plein respect et l’application des décisions de la Cour internationale de justice (CIJ), et l’exécution des mandats d’arrêt émis par la Cour pénale internationale (CPI) à l’encontre des auteurs présumés de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité ;
– Reconnaissance de l’Etat de Palestine par l’Union européenne et tous les Etats membres qui ne l’ont pas encore fait ;
– Une pression soutenue sur le gouvernement israélien pour assurer la libération immédiate des otages pris lors des attentats du 7 octobre, une cause à laquelle nos organisations restent fermement attachées
Alors que la Commission européenne et les Etats membres affirment que l’élaboration des politiques européennes doit impliquer un dialogue substantiel avec les acteurs de la société civile, nous demandons respectueusement qu’une délégation de nos organisations soit reçue dans les plus brefs délais. Compte tenu de l’urgence de la crise actuelle, nous espérons vous convaincre de prendre en compte les demandes de la société civile européenne concernant la guerre à Gaza et la situation inhumaine qu’elle a engendrée.
Nous restons à votre disposition pour convenir d’une rencontre le 23 juin 2025 ou dès que possible et espérons que vous répondrez positivement à cette demande, au nom des principes universels des droits de l’Homme.
Nous vous prions d’agréer, Madame, Messieurs, l’expression de notre haute considération.
Signataires :
Anne Tuaillon, présidente de l’Association France Palestine Solidarité (AFPS)
Sophie Binet, secrétaire générale de la Confédération générale du travail (CGT)
Nathalie Tehio, présidente de la LDH (Ligue des droits de l’Homme)
Alice Mogwe présidente de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH)
Caroline Chevé, secrétaire générale de la Fédération syndicale unitaire (FSU)
Avec le soutien de :
Yves Aubin de la Messuzière, ancien Ambassadeur de France
Emmanuel Daoud, avocat
François Dubuisson, professeur, Centre de droit international de l’ULB
Télécharger la lettre ouverte en anglais et en pdf.
Bruxelles, le 18 juin 2025