Communiqué LDH
Coup sur coup, deux propositions de loi néfaste à l’environnement, Duplomb et Terlier, atteignent la commission mixte paritaire sans que l’Assemblée nationale n’ait pu s’exprimer sur le fond du texte par un vote, à travers le détournement patent de la motion de rejet préalable prévue dans son règlement intérieur.
La LDH (Ligue des droits de l’Homme) s’inquiète sur le principe du dialogue préalable à toute loi, à savoir le droit d’amendement reconnu par la Constitution à tout membre du Parlement (article 44), qui est mis à l’écart si désormais des député-e-s favorables à un texte législatif peuvent « faire décider qu’il n’y a pas lieu à délibérer » dessus, comptant sur le seul Sénat pour remplir l’office parlementaire.
Le dépôt d’un grand nombre d’amendements, présenté comme de l’obstruction, n’empêchait pourtant pas, de fait, l’examen et le débat, puisque le gouvernement peut demander un vote sur une partie du texte pour passer à une autre, si le temps législatif programmé n’y pourvoit pas. Le paradoxe est qu’en laissant prospérer des propositions de loi dispensées d’études d’impact, l’exécutif préfère apparaître en retrait. Il n’en cherche pas moins à bénéficier politiquement de ces mesures de régression écologique, qui embarrassent jusqu’au centre-droit.
Car les deux textes n’ont pas seulement en commun de n’avoir pas été délibérés par la seule chambre élue au suffrage universel direct, ils portent des atteintes assumées au droit de chacune et chacun à vivre dans un environnement sain et d’avoir un avis démocratiquement recueilli sur des décisions portant atteinte aux écosystèmes.
La proposition de loi Duplomb élargit notamment la possibilité de recourir à un pesticide néonicotinoïde (interdit en 2020), soi-disant pour sauver certaines filières agricoles qui ne sauraient s’en passer. Comme le montrent de récentes publications scientifiques, cette substance connue pour tuer en masse les abeilles, l’acétamipride, prétendument épandue avec précaution, se retrouve dans les eaux de pluie ; les conséquences pour la santé humaine pourraient être encore plus graves que celles déjà documentées. La France, plutôt que de conforter l’agro-industrie dans sa fuite en avant, devrait mettre son énergie à peser pour que l’Union européenne dans son ensemble interdise ces substances dangereuses, qui pèsent sur la possibilité même d’une agriculture biologique respectueuse de l’environnement et de la santé sur le territoire.
La proposition de loi Terlier vise, quant à elle, la validation du chantier de l’autoroute A69, afin de revenir sur la décision au fond du tribunal administratif de Toulouse de l’annuler au vu des « bénéfices très limités pour le territoire et ses habitants ». Cette infrastructure très contestée, notamment par des associations et collectifs de défense de l’environnement, conduirait en effet à artificialiser de nombreuses zones riches en biodiversité, s’ajoutant à la route nationale déjà existante pour diminuer le temps de trajet entre Toulouse et Castres de vingt minutes.
Les deux propositions de loi ont aussi en commun d’imposer une présomption
« d’intérêt général majeur » ou de « raison impérative d’intérêt public majeur » pour empêcher les juridictions de remplir justement cette fonction d’appréciation de l’équilibre entre protection de l’environnement ou de la santé et finalités économiques d’un projet. De plus, une loi de validation d’un acte administratif annulé ne peut pas en principe reposer sur de simples considérations financières, ce qui n’est pas respecté ici. Ce passage en force se fait une nouvelle fois au mépris des principes de la démocratie environnementale qui prévoient un plein accès des citoyennes et citoyens aux juridictions pour demander la préservation des écosystèmes.
Au plan local comme au niveau national, le débat démocratique ne peut être escamoté, ni les intérêts économiques instaurés comme seule boussole. Nous exigeons qu’un débat ait lieu en tenant compte du droit qu’a tout un chacun de bénéficier d’un environnement sain, propre et durable.
Paris, le 5 juin 2025