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Ligue des droits de l'Homme

Section du Pays d'Aix-en-Provence

Archives du tag : Rétention administrative

11 mai 2025 – Tribune collective « La démocratie a besoin d’un regard indépendant dans les centres de rétention » publiée dans le Monde 12 mai, 2025

11 mai 2025 – Tribune collective « La démocratie a besoin d’un regard indépendant dans les centres de rétention » publiée dans le Monde
11 mai 2025 – Tribune collective « La démocratie a besoin d’un regard indépendant dans les centres de rétention » publiée dans le Monde
11 mai 2025 – Tribune collective « La démocratie a besoin d’un regard indépendant dans les centres de rétention » publiée dans le Monde

Tribune collective signée par Nathalie Tehio, présidente de la LDH

Lire la tribune dans le Monde

A travers une proposition de loi, des parlementaires attaquent le rôle des associations dans ces lieux de privation de liberté où des personnes sont enfermées car elles n’ont pas de papiers, déplore, dans une tribune au Monde, un collectif de dirigeants d’ONG, qui rappellent que le droit au recours garantit à toute personne la possibilité de se pourvoir devant un juge.

Le 12 mai 2025, le Sénat examinera une proposition de loi visant à confier à l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii) la mission d’information juridique dans les centres de rétention administrative (Cra), ces lieux de privation de liberté où des personnes sont enfermées car elles n’ont pas de papiers. L’objectif de cette proposition est d’évincer les associations de ces centres en supprimant leur mission d’aide à l’exercice des droits. Ce texte, s’il était adopté, porterait un coup fatal à l’exercice des droits des personnes privées de liberté et à la transparence démocratique.

Le droit au recours effectif est une exigence constitutionnelle (article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen), ainsi qu’une obligation européenne et internationale. Il garantit à toute personne, notamment une personne placée en rétention, la possibilité de contester devant un juge impartial les décisions qui la concernent : ici, sa privation de liberté ou la décision d’éloignement du territoire français.

Ce droit n’est effectif que si l’aide apportée est délivrée par un acteur sans conflit d’intérêts. Cette exigence a été rappelée par le Conseil d’Etat dès 2009 et consacrée par le droit européen. L’Ofii, établissement public sous tutelle directe du ministère de l’intérieur, chargé de la politique d’éloignement, ne saurait répondre à cette exigence élémentaire.

Contrairement à ce que laissent entendre les auteurs de la proposition de loi, l’intervention des associations en Cra est strictement encadrée par la loi. Les juristes informent les personnes retenues sur leurs droits et les accompagnent dans leurs démarches, sans jamais décider à leur place. Loin de nourrir de faux espoirs, l’assistance repose sur une information rigoureuse et réaliste. Les associations n’ont aucun intérêt à encourager des démarches inutiles : leur rôle est d’aider chacun et chacune à comprendre ses droits et à agir en connaissance de cause.

Des décisions contestables

Les parlementaires qui attaquent le rôle des associations en Cra dénoncent un nombre trop élevé de recours. Mais s’il y a des contestations, c’est parce qu’il y a des décisions contestables. En janvier 2024, la Cour des comptes pointait la surcharge des préfectures, avec une augmentation de 60 % du nombre d’obligations de quitter le territoire français (OQTF) en cinq ans. Cette massification des OQTF est le fruit d’une politique de restriction du séjour qui produit toujours plus de sans-papiers. Elle conduit la France à produire à elle seule près d’un tiers des décisions d’éloignement en Europe. Les décisions sont automatiques, sans examen individuel, parfois vers des pays où les personnes risquent leur vie, et souvent inapplicables. Dans ce contexte, les erreurs sont inévitables, et les associations permettent simplement aux personnes concernées de les identifier.

Les recours se multiplient contre des mesures de plus en plus nombreuses et de plus en plus souvent contestables du point de vue du droit puisque plus d’une personne sur deux est finalement libérée.

Les associations assurent aussi un rôle unique et indispensable : produire la seule source publique et indépendante d’information sur les Cra, notamment grâce au rapport interassociatif publié chaque année. C’est ce travail qui permet aux parlementaires, aux journalistes, aux chercheurs et aux citoyens de comprendre ce qui se passe derrière les murs des centres de rétention.

Ce rôle est d’autant plus essentiel que les conditions de rétention sont préoccupantes : situations de grande vulnérabilité, problèmes de santé non pris en compte par les autorités, etc. Nous alertons régulièrement sur l’impact de la rétention sur la santé des personnes, sur les tensions et les gestes désespérés qui en résultent, et qui mènent parfois à des situations dramatiques, notamment des décès. Nous dénonçons régulièrement des éloignements réalisés par l’administration hors cadre légal. Supprimer ce regard indépendant reviendrait à rendre la société aveugle sur les Cra. Cette transparence, loin d’être une posture, est un devoir démocratique. Elle est au fondement de tout contrôle citoyen sur l’exercice du pouvoir, en particulier lorsqu’il implique la privation de liberté.

Vigies démocratiques

Les détracteurs de cette mission avancent également un argument de maîtrise des dépenses publiques. Mais en 2024, le coût total de l’assistance juridique en Cra s’élève à 6,5 millions d’euros. C’est une somme dérisoire comparée aux 220 millions d’euros consacrés chaque année à la rétention, selon la Cour des comptes.

Plus incohérent encore : les sénateurs favorables à ce texte sont souvent les mêmes qui soutiennent une autre proposition visant à allonger la durée maximale de rétention de quatre-vingt-dix à deux cent dix jours. Une mesure extrêmement coûteuse – jusqu’à plus de 70 000 euros par personne – et totalement inefficace : les données disponibles montrent que la majorité des expulsions ont lieu dans les tout premiers jours.

Derrière cette remise en cause ciblée se joue bien plus qu’un débat technique sur l’assistance juridique en rétention. Les associations jouent un rôle de vigie démocratique, elles assurent l’exercice effectif des droits, signalent les dysfonctionnements et les violations des droits, rendent visibles les réalités invisibles. Fragiliser leur place, c’est affaiblir un pilier de la démocratie : celui qui permet à la société civile d’opérer son devoir d’alerte.

Face à cette proposition de loi, nous appelons les parlementaires à ne pas franchir une ligne rouge : celle qui sépare une démocratie d’un système où le respect des droits et libertés devient une variable d’ajustement du pouvoir. Maintenir une assistance juridique indépendante en Cra, c’est respecter l’Etat de droit.

Premiers signataires : Jean-Marc Borello, président du directoire du Groupe SOS ; Pascal Brice, président de la Fédération des acteurs de la solidarité ; Sylvie Guillaume, présidente de Forum réfugiés ; Benoît Hamon, président d’ESS France ; Henry Masson, président de la Cimade ; Alexandre Moreau, président de l’Anafé ; Jean-François Ploquin, président de Solidarité Mayotte ; Anne Savinel-Barras, présidente d’Amnesty International France ; Nathalie Tehio, présidente de la LDH (Ligue des droits de l’Homme) ; Najat Vallaud-Belkacem, présidente de France terre d’asile.

Liste complémentaire des signataires

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Source: 11 mai 2025 – Tribune collective « La démocratie a besoin d’un regard indépendant dans les centres de rétention » publiée dans le Monde

L’OEE condamne la proposition d’allongement de la durée de rétention administrative 18 mars, 2025

Communiqué de l’Observatoire de l’enfermement des étrangers (OEE) dont la LDH est membre

L’OEE, et les associations qui le composent, engagées dans la défense des droits des personnes étrangères, dénoncent avec la plus grande fermeté la proposition d’allongement de la durée de rétention administrative actuellement discutée au Sénat. Cette proposition vise à allonger la durée de rétention à 210 jours pour une majorité de personnes placées en rétention. Hier, le ministre de l’Intérieur a proposé un nouvel allongement en évoquant une durée de rétention de 18 mois. Dans la droite ligne de la loi du 26 janvier 2024, nous assistons à une surenchère et à un durcissement catastrophique de cette mesure de privation de liberté.

Une mesure inefficace et inhumaine

Nos associations ne cessent d’alerter au sujet des effets délétères sur la santé physique et mentale des personnes enfermées, et cela alors que les données compilées année après année par les différentes associations intervenant en CRA montrent clairement qu’il n’existe aucune corrélation entre la durée de rétention et le nombre d’expulsions.

Alors même que la durée maximale de rétention a été portée à 90 jours en 2018, il n’existe aujourd’hui aucune analyse de ses effets qui pourrait justifier d’allonger davantage l’enfermement des personnes étrangères au seul motif de leur situation administrative. Les conséquences de la rétention sur les personnes sont, en revanche, bien connues : suicides, tentatives de suicide, traumatismes, violations du droit à une vie privée et familiale, violations du droit à ne pas subir des traitements inhumains et dégradants, atteinte à la dignité des personnes, violences policières, etc.

Cette nouvelle mesure ne fera qu’aggraver la violence institutionnelle et la maltraitance des personnes retenues.

Un dispositif qui s’emballe

Nous constatons que le dispositif de rétention administrative s’emballe, avec des enfermements massifs et abusifs ; en témoigne le taux élevé de libérations par les juges judiciaires sanctionnant ainsi les pratiques illégales des préfectures. La rétention administrative est aujourd’hui utilisée par l’administration pour nourrir toujours plus cet amalgame entre personnes étrangères et « délinquance ». Cette logique d’enfermement et d’expulsion doit être supprimée et le respect des droits fondamentaux remis au cœur de la politique migratoire.

Pour la fin de l’enfermement des personnes étrangères

L’OEE appelle les parlementaires à rejeter cette proposition d’allongement de la durée de rétention et à refuser de cautionner un dispositif qui dysfonctionne et qui est source de souffrances inutiles.

L’OEE demande une réflexion approfondie sur les politiques migratoires, en tenant compte des droits fondamentaux des personnes, et la fermeture de tous les lieux d’enfermement spécifiques aux personnes étrangères.

Paris, le 13 mars 2025

Source: L’OEE condamne la proposition d’allongement de la durée de rétention administrative

Révoltes dans les centres de rétention : le gouvernement jette de l’huile sur le feu 19 août, 2021

Communiqué de l’Observatoire de l’enfermement des étrangers (OEE), dont la LDH est membre

Le mouvement de révolte qui a éclaté ces derniers jours au CRA (centre de rétention administrative) du Mesnil Amelot met une nouvelle fois en lumière les conditions désastreuses dans lesquelles des personnes étrangères, à qui on reproche seulement d’être dépourvues de documents de séjour, sont enfermées dans ces lieux de privation de liberté. Des conditions qui ont empiré avec la crise sanitaire, notamment depuis l’automne 2020. La seule réponse à la légitime révolte de ces personnes a été une répression violente par les forces de police.

Les tensions se sont encore aggravées depuis que l’administration oblige les personnes en instance d’éloignement à subir un test PCR afin de pouvoir les expulser vers les pays qui exigent un test négatif pour entrer sur leur territoire. Celles qui refusent sont placées en garde à vue à la fin de la période de rétention et souvent condamnées à de lourdes peines de prison pour avoir fait obstacle à leur propre expulsion. Après avoir purgé leur peine, elles sont renvoyées en CRA et un cycle infernal CRA/prison/CRA/… s’engage alors pour nombre d’entre elles. Pourtant, ces condamnations sont contraires à la loi.

En effet, comme l’ont souligné les associations rassemblées dans l’Observatoire de l’enfermement des étrangers (OEE) dès le mois de septembre 2020, « le refus de se faire tester n’entre pas dans la définition du délit décrit et sanctionné par le Code de l’entrée et du séjour des étrangers (Ceseda) » et le Code civil comme le Code de la santé publique interdisent « qu’un acte médical, a fortiori invasif comme c’est le cas des tests Covid, soit pratiqué sans le consentement de la personne ».[1]

La contrôleuse des lieux de privation de liberté vient de le rappeler, « il ne peut être porté atteinte à l’intégrité du corps humain qu’en cas de nécessité médicale. Toute personne, quelle que soit sa situation, peut librement s’opposer à un acte médical. L’exercice d’une liberté fondamentale ne saurait être qualifiée de délit, ni faire l’objet de poursuites et d’emprisonnement ferme. »

Or, les personnes retenues n’ont pas réellement d’alternative puisqu’elles doivent choisir entre deux risques tout aussi insupportables pour elles : être poursuivies pénalement si elles refusent le test ou être expulsées si elles l’acceptent.

Bien plus, le gouvernement vient de faire voter à la sauvette, dans le cadre du projet de loi relatif à la gestion de la crise sanitaire, un amendement tendant à contourner les décisions rendues par plusieurs tribunaux qui, sur la base de ces principes, ont refusé de condamner les personnes poursuivies pour ces refus de tests. Si elle n’est pas censurée par le Conseil constitutionnel, cette disposition complétera l’article 824-9 du Ceseda en permettant de condamner à une peine de trois ans de prison tout étranger refusant « de se soumettre aux obligations sanitaires nécessaires à l’exécution d’office de la mesure dont il fait l’objet ».

Les associations rassemblées dans l’OEE dénoncent cette manœuvre, dont les conséquences ne pourront qu’accroître la tension qui prévaut dans les CRA. Elles demandent la fermeture de tous les lieux de détention administrative des personnes étrangères.

[1] http://observatoireenfermement.blogspot.com/p/communiques-de-presse.html

Paris, le 3 août 2021

Organisations membres de l’OEE :

Acat-France, Anafé, Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE), Comède, Droits d’urgence, Fasti, Genepi, Gisti, La Cimade, Le Paria, Ligue des droits de l’Homme (LDH), Mrap, Observatoire citoyen du Cra de Palaiseau, Syndicat de la magistrature (SM), Syndicat des avocats de France (Saf)

Télécharger le fichier au format PDF

 

Source: Révoltes dans les centres de rétention : le gouvernement jette de l’huile sur le feu

Refuser l’enfermement. Critique des logiques et pratiques dans les zones d’attente 30 septembre, 2020

Rapport d’observations 2018-2019 de l’Anafé, dont la LDH est membre

A l’heure où les dirigeants européens envisagent une nouvelle fois, dans le cadre du Pacte sur l’asile et l’immigration, de renforcer les contrôles, le « tri » et l’enfermement des personnes en migration aux frontières extérieures de l’Union européenne, l’Anafé publie ce mardi 29 septembre son rapport d’observations 2018-2019 intitulé Refuser l’enfermement, Critique des logiques et pratiques dans les zones d’attente.

En s’appuyant sur des situations concrètes et des témoignages de personnes enfermées et de militants de l’Anafé, ce rapport dénonce les violations des droits humains en zone d’attente (liberté d’aller et venir, droit d’asile, droit au respect de la vie privée et familiale, protection de l’enfance, droit de ne pas subir des traitements inhumains ou dégradants…). Il met également en lumière les difficultés croissantes rencontrées en 2018 et 2019 par les bénévoles et visiteurs de zone d’attente pour accéder à ces lieux et les relations parfois tendues avec la police aux frontières.

Une seconde partie décrit les spécificités d’une quinzaine de zones d’attente, celles qui enferment ou refoulent la plupart des personnes : aéroports de Beauvais-Tillé, Bordeaux-Mérignac, Lyon-Saint-Exupéry, Marseille-Provence, Nantes-Atlantique, Nice-Côte d’Azur, Paris-Orly, Pointe-à-Pitre, Paris-Charles de Gaulle, Strasbourg-Entzheim, Toulouse-Blagnac, port de Marseille, Le Canet à Marseille, ZAPI (lieu d’hébergement de la zone d’attente de Roissy).

La France viole quotidiennement les conventions internationales qu’elle a ratifiées, le droit européen et sa propre législation interne. Les constats de ce rapport, confirmés par les conclusions de toutes les enquêtes et observations de terrain, sont ceux de pratiques illégales, de détournements de procédures et de violations des droits fondamentaux.

 « Du fait du durcissement des politiques migratoires, les personnes en migration prennent de plus en plus de chemins dangereux pouvant conduire à la mort, comme en atteste le décès début janvier 2020 d’un jeune garçon de 14 ans retrouvé dans le train d’atterrissage d’un avion à Roissy[1][1]. Il est temps d’en finir avec ces politiques migratoires meurtrières et archaïques, et de mettre fin à l’enfermement administratif des personnes étrangères », affirme Laure Palun, directrice de l’Anafé.

En 2018 et 2019, l’Anafé a pu constater que les difficultés rencontrées par les personnes privées de liberté aux frontières sont : le refus d’enregistrement de leur demande d’asile, et le refoulement sans examen de leur demande, la privation de liberté d’enfants isolés ou accompagnés, l’absence d’informations sur la situation, la procédure et leurs droits, l’absence d’interprète et d’avocat, l’absence d’accès à un téléphone, à un médecin ou à des soins, une nourriture et des conditions d’hygiène et sanitaires insuffisantes ou dégradées, des locaux insalubres, l’absence d’accès à l’extérieur, des stigmatisations et propos racistes ou sexistes, des pressions, intimidations ou violences de la part des forces de l’ordre…

« Ces constats sont le quotidien de notre travail sur le terrain. Le défi en zone d’attente est de faire face aux pratiques policières disparates et arbitraires, d’accompagner des personnes particulièrement vulnérables, de recevoir leur frustration parce qu’elles ont été discriminées, violentées et de pouvoir remettre du droit et de l’humanité au cœur de ces zones. », déclare Charlène Cuartero Saez, coordinatrice des missions dans les zones d’attente. 

A l’issue de la lecture de ce rapport, une seule question restera en mémoire : quand allons-nous mettre fin à l’enfermement administratif des personnes étrangères aux frontières ?

Télécharger le rapport au format PDF

Paris, le 29 septembre 2020

[1] Mort d’un enfant de 10 ans à Roissy : encore une victime des politiques migratoires européennes ?, Communiqué de presse Anafé, 8 janvier 2020.


Source: Refuser l’enfermement. Critique des logiques et pratiques dans les zones d’attente

Le gouvernement continue de mettre en danger la santé des personnes enfermées en rétention : poursuites et condamnations pour refus de tests CPR 30 septembre, 2020

Argumentaire de l’Observatoire de l’enfermement des étrangers (OEE)

Depuis le début de la crise sanitaire, le gouvernement a choisi de maintenir à tout prix le fonctionnement des centres de rétention (Cra). Ceci malgré les demandes de fermeture d’autorités administratives indépendantes (CGLPL, Défenseur des droits) ainsi que des organisations de défense des droits des personnes étrangères, dont l’OEE.
Cette politique conduit de plus en plus de personnes à être contaminées dans les Cra (notamment le Mesnil-Amelot, Toulouse, Oissel, Vincennes) où il est impossible d’organiser des gestes barrières rigoureux et d’isoler les personnes si besoin.
Cet enfermement est au surplus largement abusif car dans la plupart des cas les expulsions sont impossibles du fait de la fermeture des frontières des États vers lesquels elles ont été ordonnées.
Depuis début septembre, certains pays sont cependant prêts à recevoir des personnes expulsées à condition que les autorités françaises présentent un test PCR négatif récent. Une mesure de santé publique – l’usage des tests – peut ainsi être détournée de sa finalité pour être confondue avec une mesure de répression administrative – le renvoi grâce à la certification de test négatif. Et ce détournement contredit les principes de l’éthique médicale.
Ainsi, les personnes enfermées en rétention se trouvent-elles dans une situation intenable. Si elles souhaitent évidemment être testées pour protéger leur santé, notamment lorsque des cas positifs sont identifiés dans le CRA où elles se trouvent, elles ne peuvent consentir librement à le faire car elles risquent alors d’être expulsées.
Elles préfèrent généralement sacrifier leur santé, prises en otage d’une politique qui donne la priorité à enfermement et à l’expulsion sur leurs droits les plus fondamentaux.
Pire, les autorités françaises commencent à mettre en œuvre une politique plus coercitive encore à l’égard de ces personnes. Alors qu’elles ont en principe le droit de refuser d’être testées, comme toute personne a le droit de refuser un acte médical, a fortiori invasif, elles sont poursuivies devant le tribunal correctionnel pour obstruction à l’exécution de leur « éloignement ». Plusieurs personnes ont déjà été condamnées à des peines de prison fermes ou avec sursis.
Ces poursuites et ces condamnations contreviennent à la fois aux principes fondamentaux du droit pénal et aux principes qui gouvernent le respect du corps humain : voir en annexe, l’analyse juridique conduisant à cette conclusion.
Cette dérive répressive démontre encore, s’il en était besoin, que le fonctionnement des Cra est incompatible avec le respect du droit à la santé dans le contexte sanitaire actuel. Au lieu de protéger et soigner et de prévenir ainsi la propagation de l’épidémie, le gouvernement expose les personnes enfermées en rétention à la pandémie et les soumet à une répression inacceptable.
La fermeture des Cra est la seule solution viable, en particulier dans le contexte sanitaire actuel.

Organisations membres de l’OEE : Acat-France, Avocats pour la défense des droits des étrangers, Anafé, Comede, Droit d’urgence, Fasti, Genepi, Gisti, La Cimade, Ligue des droits de l’Homme, Mrap, Observatoire Citoyen du Cra de Palaiseau, Syndicat des avocats de France, Syndicat de la magistrature.

Le 21 septembre 2020

Télécharger l’argumentaire.

ANNEXE
Analyse juridique sur l’absence de fondement des poursuites et condamnations
pour obstruction à exécution d’une mesure d’éloignement
1/ Le principe de la légalité des délits et des peines et le principe d’interprétation stricte des infractions pénales, qui en est le corollaire, interdisent d’étendre le champ d’application d’un texte répressif au-delà de l’intention clairement exprimée par le législateur et de sanctionner des comportements qui ne seraient pas expressément visés par la loi.
En l’occurrence, le refus de se faire tester n’entre à l’évidence pas dans la définition du délit décrit et sanctionné l’article L. 624-1-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda).
Tout étranger qui se soustrait ou qui tente de se soustraire à l’exécution […] d’un arrêté d’expulsion, d’une mesure de reconduite à la frontière ou d’une obligation de quitter le territoire français est puni d’une peine de trois ans d’emprisonnement. Cette peine est également applicable à l’étranger qui refuse de se soumettre aux modalités de transport qui lui sont désignées pour l’exécution d’office de la mesure dont il fait l’objet.
La peine prévue au deuxième alinéa du présent article est applicable à l’étranger maintenu en zone d’attente ou en rétention administrative qui se soustrait ou tente de se soustraire à la mesure de surveillance dont il fait l’objet. […]
La peine prévue au deuxième alinéa est applicable à tout étranger qui ne présente pas à l’autorité administrative compétente les documents de voyage permettant l’exécution de l’une des mesures mentionnées au premier alinéa ou qui, à défaut de ceux-ci, ne communique pas les renseignements permettant cette exécution ou communique des renseignements inexacts sur son identité.
Alors que le législateur a inclus dans la tentative de se soustraire à une mesure d’éloignement le fait de ne pas présenter ses documents de voyage ou de ne pas communiquer les renseignements exacts permettant son exécution, le refus de se soumettre à un test – qui ne constitue du reste qu’un obstacle très indirect à l’exécution d’une mesure d’éloignement – n’a pas, à l’inverse, été inclus. Il n’entre donc tout simplement pas dans la définition – et par voie de conséquence dans le champ d’application – de l’infraction.
2/ Un des principes fondamentaux qui régissent le respect du corps humain est celui du consentement libre et éclairé pour tout acte qui risque de porter atteinte à l’inviolabilité du corps humain et à son intégrité.
Ainsi, l’article 16-3 du Code civil dispose :
Il ne peut être porté atteinte à l’intégrité du corps humain qu’en cas de nécessité médicale pour la personne ou à titre exceptionnel dans l’intérêt thérapeutique d’autrui.
Le consentement de l’intéressé doit être recueilli préalablement hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle il n’est pas à même de consentir.
Et l’article L. 1141-4, al. 4 du Code de la santé publique rappelle que
[…] Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment.
Aucun acte médical, a fortiori invasif comme c’est le cas des tests Covid, ne peut donc être pratiqué sans le consentement de la personne.
L’exigence du consentement de la personne ne peut être levée, hors le cas d’urgence médicale, que lorsque le législateur l’a prévu : c’est le cas des vaccinations obligatoires ou de la prise d’empreintes génétiques recueillies afin d’alimenter le FNAEG, le refus de se soumettre à un prélèvement constituant une infraction.
Ajoutons que les conditions dans lesquelles le test est proposé aux personnes placées en rétention posent de toutes façons un problème : si la personne retenue sait qu’en refusant de se faire tester elle risque des poursuites pénales, et qu’en acceptant de se faire tester elle accroît le risque d’être éloignée si le test est négatif, quelle liberté lui est véritablement laissée ? Que devient le principe du consentement libre ?

 

 

Source: Le gouvernement continue de mettre en danger la santé des personnes enfermées en rétention : poursuites et condamnations pour refus de tests CPR

20 organisations interpellent le Premier ministre pour défendre la liberté d’expression des associations dans les centres de rétention 24 avril, 2020

Lettre ouverte signée par la LDH

Monsieur le Premier ministre,

La politique migratoire que vous menez a-t-elle besoin de s’entourer de silence ? N’est-il pas essentiel qu’elle soit au contraire soumise à la transparence, à l’examen et à l’interpellation citoyenne et au regard critique des organisations de la société civile ?

La récente ouverture par l’administration du marché de l’accompagnement juridique des personnes étrangères enfermées dans les centres de rétention administrative semble pourtant marquée par cette volonté de silence.

Alors même qu’il s’agit d’un droit fondamental garanti par la Constitution et la Convention européenne des droits de l’homme, le ministère de l’intérieur a supprimé, dans le nouveau marché, les clauses qui garantissaient explicitement la liberté d’expression et de témoignage sur les situations vécues par les personnes enfermées. Il a durci les clauses de confidentialité et de discrétion. N’est ainsi plus garantie la possibilité de rendre publiques, avec l’accord de la personne retenue et dans le respect de sa vie privée, les informations sur une situation individuelle. Alors que dans le même temps le ministère sanctionne financièrement très lourdement la diffusion de données à caractère personnel ! Enfin, il se donne la possibilité de retirer l’agrément sans motif et sans délai à toute personne salariée d’une association intervenante.

Or, les personnes qui sont enfermées en rétention le sont sur décision administrative — jusqu’à 90 jours, dans la promiscuité et des tensions connues — et il s’agit d’hommes, de femmes, de familles, d’enfants, de personnes malades, et souvent vulnérables. Elles sont enfermées dans des lieux oppressants, dont l’existence même est méconnue par la plupart, difficiles d’accès, marqués par un contexte de tensions extrêmes.

Il est essentiel de faire entendre la parole de ces personnes fragilisées, et de témoigner de ce qu’elles vivent, de rendre compte des procédures administratives très complexes qui les concernent, des conditions de restriction de liberté qui les frappent et de l’expulsion qui les attend, mais aussi des procédures mises en œuvre pour faire valoir leurs droits et parfois des raisons de leur remise en liberté.

Réduire au silence les associations qui interviennent auprès de ces personnes serait une atteinte grave à leurs droits et à la liberté d’expression et de témoignage des associations alors même que ce droit est garanti par la Charte d’engagements réciproques entre l’État, le mouvement associatif et les collectivités territoriales signée par un de vos prédécesseurs le 14 février 2014 qui indique en son article II : « L’État et les collectivités territoriales reconnaissent aux associations une fonction d’interpellation indispensable au fonctionnement de la démocratie. »

La liberté d’expression et d’interpellation est un bloc indivisible. Interdire aujourd’hui de témoigner de ce que vivent les personnes étrangères en centre de rétention, ce serait comme interdire demain de témoigner de ce que vivent les personnes en prison, les malades dans les hôpitaux, les personnes à la rue. Cette liberté est un pilier des libertés civiques, garant de la transparence de la vie démocratique, de la responsabilité et de la redevabilité des pouvoirs publics et des autorités administratives auprès de l’opinion. Dans le contexte épidémique actuel, nos organisations se mobilisent. Elles restent convaincues que le regard extérieur des associations est essentiel pour la protection de la santé publique et le respect des droits de tous.

Monsieur le Premier ministre, nous vous demandons d’exercer votre autorité pour que soit garantie la liberté d’expression et de témoignage des associations intervenantes dans les centres de rétention administrative, comme doit être préservée celle de l’ensemble des associations et organisations de la société civile chargées d’une mission d’intérêt général.

Le 23 avril 2020

Signataires : Acat ; ADDE ; Amnesty International France ; Anafé ; ATD Quart Monde ; La Cimade ; CCFD – Terre Solidaire ; Comede ; Emmaüs France ; Fédération des Acteurs de la Solidarité ; Fasti ; Gisti; LDH ; MDM ; Mrap ; Observatoire citoyen du centre de rétention de Palaiseau ; Secours islamique France ; Syndicat des avocats de France ; Syndicat magistrature ; Uniopss

Source: 20 organisations interpellent le Premier ministre pour défendre la liberté d’expression des associations dans les centres de rétention

Face à la crise sanitaire, l’enfermement administratif des personnes étrangères doit immédiatement cesser 18 mars, 2020

Communiqué de l’Observatoire de l’enfermement des étrangers (OEE) dont la LDH est membre

Alors que dans son discours du 16 mars, le Président de la République Emmanuel Macron appelle à faire preuve « d’esprit solidaire et de sens des responsabilités » et à l’heure où le pays entre dans une période de confinement, l’Observatoire de l’enfermement des étrangers (OEE) s’alarme de voir que des personnes (hommes, femmes, enfants) sont toujours privées de liberté dans les centres de rétention administrative (CRA), les locaux de rétention administrative (LRA), les zones d’attente (ZA) et les constructions modulaires du poste de police de Menton pont Saint-Louis.

Leur libération immédiate est une exigence absolue, tant juridique que sanitaire.

Des personnes auxquelles il est seulement reproché de ne pas justifier de la régularité de leur entrée ou de leur séjour en France ne peuvent être enfermées en zone d’attente ou en rétention que le temps strictement nécessaire à l’organisation de leur départ et à la condition expresse qu’il existe des perspectives raisonnables que ce départ puisse être effectif à brève échéance [1].

Or, l’éloignement de ces personnes est impossible, aujourd’hui et pour les semaines à venir et ce, pour deux raisons. D’abord parce que la plupart des liaisons aériennes avec les pays vers lesquels elles devaient être renvoyées ont été interrompues. Ensuite parce que leur éloignement du territoire serait contraire aux recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui visent à limiter les risques d’exportation ou d’importation de la maladie.

La privation de liberté subie par ces personnes ne répond donc pas aux conditions prévues par les textes applicables aux droits des étrangers en France et leur est imposée en violation de leurs droits fondamentaux.

Au plan sanitaire, la nécessité de leur libération est tout aussi impérieuse :

  • Aucune mesure satisfaisante ne semble avoir été mise en place, ni pour les protéger ni pour protéger les personnes qui gèrent ces lieux d’enfermement ou y interviennent quotidiennement contre les risques de contamination ;
  • Il n’existe pas, notamment, de protocole permettant de s’assurer que tant les personnes étrangères qui arrivent en CRA, LRA et ZA que les personnels qui y pénètrent ne sont pas porteuses du virus ;
  • Les prescriptions du ministère de la santé ne peuvent pas être respectées dans ces lieux de promiscuité, qu’il s’agisse de la « distanciation sociale » ou des gestes barrières ;
  • Les personnes enfermées ne sont pas toujours informées des risques liés à la contamination par le Covid-19 et des mesures mises en place par le gouvernement ;
  • Enfin, l’insuffisance de l’action des pouvoirs publics et les risques qu’elle fait courir à leurs intervenants a contraint la plupart des associations qui apportent leur aide aux personnes étrangères en rétention ou en zone d’attente à s’en retirer.

Depuis la semaine dernière, la situation sanitaire gravement dégradée de ces lieux d’enfermement perdure en contradiction avec les durcissements des mesures prises pour protéger la population à l’extérieur.

Une situation similaire se joue actuellement dans les prisons. La Garde des Sceaux vient d’annoncer des mesures pour éviter la propagation du virus en restreignant tous les contacts des détenus avec l’extérieur (suspension des parloirs et des activités socio-culturelles notamment). Cependant encore aujourd’hui, aux centres pénitentiaires de Fresnes et de la Santé, les personnels pénitentiaires, au contact des détenus, ne disposent ni de gants ni de masques pour se protéger et protéger les détenus. Par ailleurs, ces derniers ne reçoivent aucune information sur l’évolution des mesures et de la situation. Cette mesure du ministère de la justice, va renforcer encore un peu plus l’opacité de ces lieux, sans aucune certitude quant au respect des droits les plus élémentaires des personnes détenues ou des personnels.

Ainsi, la privation de liberté des personnes étrangères dans les CRA, LRA, ZA ou autres lieux privatifs de liberté porte gravement atteinte au principe de précaution et à l’impératif constitutionnel de santé publique.

Prenant en compte la mise en danger des personnes retenues comme des personnels des centres, des juges des cours d’appel de Bordeaux, Paris et Rouen ont commencé d’assumer leurs responsabilités en décidant de remettre en liberté des personnes dont l’administration entendait prolonger l’enfermement.

Il serait inconcevable que le gouvernement ne prenne pas au plus vite l’initiative d’une libération générale et inconditionnelle de toutes les personnes étrangères privées de liberté et ainsi particulièrement exposées au risque sanitaire.

Paris, le 18 mars 2020

Organisations membres de l’Observatoire de l’enfermement des étrangers : ACAT-France, Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE), Anafé, Comede, Droit d’urgence, Fasti, Genepi, Gisti, La Cimade, Ligue des droits de l’Homme, MRAP, Observatoire Citoyen du CRA de Palaiseau, Syndicat des avocats de France (SAF), Syndicat de la magistrature (SM).

1 Articles L 221-1, L 551-1 et L 561-2 du Ceseda

Source: Face à la crise sanitaire, l’enfermement administratif des personnes étrangères doit immédiatement cesser

« Longue vie à l’arbitraire ! » Les avocats exclus des auditions en zone d’attente 16 décembre, 2019

Communiqué Anafé dont la LDH est membre

Par une décision du 6 décembre, le Conseil constitutionnel a refusé de reconnaître le droit d’être assistées d’un avocat aux personnes étrangères qui font l’objet d’auditions par la police à leur arrivée aux frontières. Encore une preuve du régime dérogatoire réservé aux personnes étrangères aux frontières !

Saisi par une ressortissante nicaraguayenne qui avait subi ces auditions et par nos organisations, le Conseil constitutionnel n’a pas saisi l’opportunité qui lui était ainsi donnée de consacrer l’application du principe fondamental des droits de la défense pendant les auditions de personnes étrangères précédant ou suivant la notification d’une décision de refus d’entrée sur le territoire et de maintien en zone d’attente.

En déclarant les articles L.213-2 et L.221-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile conformes à la Constitution, il a fait de la zone d’attente le seul lieu où la contrainte et la privation de liberté peuvent s’exercer sans la présence d’un avocat.

Or, ces auditions en zone d’attente – autrement dit ces interrogatoires, parfois musclés – sont lourdes de conséquences pour les personnes étrangères, qui risquent non seulement d’être refoulées avant même d’avoir pu entrer en France mais aussi d’être préalablement enfermées pour une durée qui peut aller jusqu’à vingt-six jours. En dépit de la gravité de ces enjeux, la zone d’attente restera hors d’atteinte des droits de la défense.

«  Dis que tu viens travailler ! Avoue ! » : ceci n’est pas un témoignage isolé de pressions policières fréquemment subies par les personnes qui se présentent aux frontières pour leur faire déclarer les raisons présupposées – voire fantasmées – de leur venue sur le territoire Schengen. En refusant que ces auditions soient menées sous le regard des avocats le Conseil constitutionnel permet que de tels comportements perdurent.

Les « sages » du Conseil constitutionnel ne sont-ils pas, pourtant, les garants des libertés constitutionnellement protégées ? Il faut croire que – pas plus que les droits de la défense – la sagesse n’a sa place en zone d’attente.

Dénonçant un inquiétant déni des droits des personnes retenues aux frontières, nos organisations continueront d’exiger la mise en place d’une permanence gratuite d’avocats en zone d’attente, seule garantie d’un véritable accès aux droits pour les personnes qui y sont enfermées.

Organisations signataires :
Conseil National des Barreaux, ADDE, Anafé, Gisti, SAF

Paris le 12 décembre 2019

Source: « Longue vie à l’arbitraire ! » Les avocats exclus des auditions en zone d’attente

17 mineurs isolés enfermés en zone d’attente de Roissy 20 juillet, 2018

Communiqué de l’Anafé, dont la LDH est membre

Aujourd’hui, 17 mineurs isolés, âgés de 10 à 17 ans, sont enfermés en zone d’attente de Roissy (5 depuis 12 jours, 5 depuis 7 jours, 5 depuis 6 jours et 2 depuis hier). Tous se sont vus refuser l’entrée sur le territoire français.

La zone mineurs de Roissy ne disposant que de 6 places, 11 sont enfermés avec des adultes, ce qui est contraire à l’article 37 de la Convention internationale des droits de l’enfant. Les risques liés à l’enfermement sur la situation des enfants est catastrophique, que ce soit en termes de développement psychomoteur ou de séquelles psychologiques.

Pour certains d’entre eux, l’argument avancé est celui que l’enfermement serait l’unique rempart contre d’éventuels réseaux de traite. Cet argument ne tient pas en zone d’attente, le seul but du maintien étant le renvoi vers le pays de provenance.

Les personnes particulièrement vulnérables comme les enfants isolés et les victimes de traite doivent être protégées et non pas enfermées.

Paris, le 19 juillet 2018


Source: 17 mineurs isolés enfermés en zone d’attente de Roissy

En finir avec l’emprisonnement des mineur-e-s isolé-e-s étranger-e-s dans l’Hérault 19 juillet, 2018

Communiqué du collectif Jujie, dont la LDH est membre

Comme la loi le prévoit [1], il revient à chaque département de mettre en place l’accueil provisoire d’urgence de toute personne se déclarant mineure et privée temporairement ou définitivement de la protection de sa famille, période durant laquelle le département doit évaluer la minorité et la situation d’isolement, puis notifier une décision d’admission ou de non-admission au bénéfice de l’aide sociale à l’enfance.

La mise à l’abri et l’évaluation sociale dans l’Hérault, durent en moyenne de sept à neuf mois, pendant lesquels les jeunes sont hébergé-e-s à l’hôtel avec un suivi éducatif indigent. En effet, après l’évaluation sociale, et quelles qu’en soient les conclusions, est mis en œuvre un contrôle des documents d’identité qui prend beaucoup de temps. Après ces différents contrôles, le parquet demande le plus souvent des examens osseux, pratiqués dans des conditions extrêmement contestables au regard de la loi.  En effet, l’article 388 prévoit que les examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l’âge doivent être faits : « en l’absence de documents d’identité valables et lorsque l’âge allégué n’est pas vraisemblable ». Or, la plupart des jeunes ont des documents d’identité prouvant leur minorité mais les résultats des tests semblent toujours prévaloir. De plus, la marge d’erreur de dix-huit mois habituellement admise par le corps médical n’est pas prise en compte alors qu’il est prévu à l’article 388 du code civil que  : « les conclusions de ces examens, qui doivent préciser la marge d’erreur, ne peuvent à elles seules permettre de déterminer si l’intéressé est mineur. Le doute profite à l’intéressé. »

Enfin, des médecins procèdent encore parfois à des examens intrusifs, demandant aux enfants de se dénuder pour examiner leurs parties génitales ce qui est interdit par ce même article[2].

Les jeunes suspecté-e-s de fraude sont arrêté-e-s à leur domicile par la police, dès six heures du matin. Ils et elles doivent choisir entre comparaître immédiatement devant un-e juge avec un-e avocat-e commis-e d’office ou demander à ce que l’audience soit reportée en étant placé-e-s en détention provisoire jusqu’au procès.  Ils et elles sont jugé-e-s pour les délits de faux et usage de faux ainsi que pour escroquerie à l’aide sociale.

Depuis un an, plus d’une trentaine de mineur-e-s isolé-e-s étranger-ère-s ont été condamné-e-s à des peines de prison ferme de trois à six mois, accusé-e-s d’avoir utilisé de faux documents d’identité en vue de bénéficier de la protection de l’aide sociale à l’enfance. Ces peines sont assorties de trois à cinq ans d’interdiction du territoire français. A titre d’exemple, un jeune a été condamné le mercredi 13 juin à quatre mois fermes, cinq ans d’interdiction de séjour et à verser 92.000 euros au département en remboursement du coût de sa mise à l’abri, celui se portant systématiquement partie civile lors du procès.

Lorsque ces jeunes sortent de prison, ils et elles sont envoyé-e-s en centre de rétention. Certain-e-s sont expulsé-e-s, d’autres sont parfois relâché-e-s par le ou la juge des libertés et de la détention lorsque celui-ci ou celle-ci considère qu’il y a finalement un doute sur leur majorité.

Mais ils et elles sont alors à la rue, sans possibilité de bénéficier d’une quelconque autre prise en charge. Considéré-e-s comme majeur-e-s par le département, ils et elles sont pourtant toujours des mineur-e-s pour l’ensemble des autres acteurs sociaux au vu de leurs documents d’état-civil. Ils et elles sont donc exclu-e-s à la fois du dispositif de protection prévu pour les mineur-e-s mais aussi de celui prévu pour les majeur-e-s, le Samu social refusant d’héberger des mineur-e-s.

A la maltraitance et l’acharnement que subissent ces jeunes, s’ajoute l’intimidation policière envers les militant-e-s qui les aident, notamment lors des descentes de police à domicile au petit matin.

Les poursuites pénales à l’égard de jeunes isolé-e-s dont la minorité est contestée étaient devenues systématiques dans le département du Rhône jusqu’à ce que la cour d’appel de Lyon ne mette un terme à ces pratiques en annulant toutes les condamnations. Ces poursuites, qui s’intensifient dans d’autres départements tels que la Haute-Garonne, les Pyrénées-Atlantiques ou l’Yonne sont symptomatiques d’une politique de dissuasion qui vise à limiter le nombre des mineur-e-s isolé-e-s à prendre en charge au titre de la protection de l’enfance.

Nous demandons que les pouvoirs publics respectent leurs engagements nationaux et internationaux  dans une logique de protection des enfants, et non d’exclusion et de dissuasion.

Paris, le 17 juillet 2018

 

Le collectif Jujie est composé des organisations suivantes : ADMIE (Association pour la défense des mineurs isolés étrangers) – AMIE Lyon (Accueil des mineurs isolés étrangers) – La Cimade –  DEI-France (Défense des enfants International) – Enseignants pour la paix – Fasti (Fédération des associations de solidarité avec tou⋅te⋅s les immigré⋅e⋅s) – Fédération Sud Éducation – FCPE Nationale (Fédération des conseils de parents d’élèves) – FERC-CGT (Fédération de l’Éducation, de la Recherche et de la Culture) – FSU (Fédération syndicale unitaire) – Gisti (Groupement d’information et de soutien des immigré⋅e⋅s) – LDH (Ligue des droits de l’Homme) – Médecins du Monde – MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples) – Melting passes – Min’de rien 86 – Paris d’Exil – RESF (Réseau éducation sans frontières) – SAF (Syndicat des avocats de France) – SNPES-PJJ/FSU (Syndicat national des personnels de l’éducation et du social -PJJ/FSU) – Syndicat de la magistrature

 

[1] L’article 375 du code civil et les articles L. 223-2, alinéas 2 et 4, et R. 221-11 du code de l’action sociale et des familles.

[2] « en cas de doute sur la minorité de l’intéressé, il ne peut être procédé à une évaluation de son âge à partir d’un examen du développement pubertaire des caractères sexuels primaires et secondaires. »

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Source: En finir avec l’emprisonnement des mineur-e-s isolé-e-s étranger-e-s dans l’Hérault