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Ligue des droits de l'Homme

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Archives du tag : Observatoire de la liberté de création

Tribune d’Agnès Tricoire : “Que certains profitent du contexte artistique pour assouvir un désir sexuel ne peut être généralisé à tout le cinéma d’auteur” publiée dans le monde 7 avril 2024

Tribune d’Agnès Tricoire, présidente de l’Observatoire de la liberté de création et membre du Comité national de la LDH

lire la tribune dans le monde

Pour Agnès Tricoire, présidente de l’Observatoire de la liberté de création, dont la LDH est membre, le sociologue Eric Fassin, auteur d’une récente tribune au « Monde », se livre à des généralisations abusives à propos du cinéma d’auteur, en le réduisant aux violences sexuelles auxquelles certains réalisateurs se sont livrés.

Qu’est-ce que l’exception culturelle ? Un système par lequel l’Europe a accepté de déroger, en 1993, au dogme de la libre circulation des marchandises qui s’oppose à ce que les pays membres de l’Union protègent leurs marchés intérieurs et aident leurs productions locales. Cette exception a permis à la France d’instaurer une politique protectionniste des œuvres françaises, par le biais de quotas de diffusion et une politique de redistribution confiée au Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) : des taxes sont prélevées sur la diffusion de tous les films, y compris non européens, et redistribuées sous forme d’aides aux créateurs, aux producteurs, aux exploitants et aux distributeurs. Grâce à cela, il existe encore un cinéma français d’auteur, non formaté, quand tant de pays, qui ont moins investi dans leurs politiques culturelles, ont perdu leur cinéma, et le producteur de films n’a pas tous les pouvoirs, contrairement aux Etats-Unis. Le droit d’auteur, en France, est protecteur de la création.

La réalisatrice et scénariste Justine Triet, recevant la Palme d’or, à Cannes en mai 2023, a critiqué à juste titre les menaces contre ce système : « La marchandisation de la culture que le gouvernement néolibéral défend est en train de casser l’exception culturelle française. » Ces remarques lui ont aussitôt valu une volée de bois vert.

Le cinéma d’auteur et l’exception culturelle sont les bêtes noires de l’extrême droite, qui y voit un emploi contestable de fonds publics et un dirigisme politique favorisant les artistes de la critique sociale. Tandis que l’association intégriste Promouvoir s’emploie, depuis vingt ans, à limiter la diffusion des films d’auteur, contestant les visas du ministère de la culture, les élus du Rassemblement national s’opposent par leurs votes aux aides départementales et régionales destinées à la production et à la diffusion des œuvres.

Les films sont donc pris en tenailles entre libéralisme et idéologie morale et identitaire. La liberté de création, qui a force de loi depuis 2016, est un rempart qui protège le droit que les œuvres soient financées et diffusées.

Courage des femmes

Pour autant, elle ne saurait être un paravent pour protéger des comportements déviants et relevant de la loi pénale. Certains hommes ont – ou sont accusés d’avoir – violé, agressé verbalement ou physiquement, battu, manipulé, voire se sont échangé des jeunes femmes : des réalisateurs, Roman Polanski, Benoît Jacquot et Jacques Doillon, mais aussi Gérard Depardieu, comédien qui a tourné dans nombre de films à très gros budget, et Harvey Weinstein, producteur de cinéma hollywoodien. On le sait grâce au courage de femmes qui ont osé briser la loi du silence, malgré les connivences ayant permis que ces rapports de prédation aient lieu et soient tus.

Pour comprendre comment ces comportements individuels et collectifs déviants et critiquables sur le plan légal, moral et politique sont advenus, le cinéma a besoin qu’on l’étudie sérieusement. Dans une tribune au Monde, publiée le 21 mars (« Le cinéma doit en finir avec l’exception sexuelle, sous peine de mettre en danger l’exception culturelle »), Eric Fassin vise les réalisateurs en général, et non ceux, peu nombreux, qui ont commis ces abus, sans étayer son propos par aucune méthode d’analyse et enquête de terrain. Il en oublie ainsi les comédiens et les producteurs déviants ou accusés de l’être pour dénoncer le seul cinéma d’auteur. Pareille démarche ne fait qu’ajouter à la confusion.

L’outrance du trait d’égalité tiré entre exception culturelle et « exception sexuelle », expression par laquelle il désigne de façon générale le cinéma d’auteur, l’outrance de sa désignation du réalisateur, en général, comme coupable d’« appropriation sexuelle », sont d’autant plus contestables qu’elles ne sont étayées par aucun travail scientifique.

Enfin, si la liberté de création n’est pas un paravent pour les crimes, pour autant, contester la distinction entre personne, auteur, œuvre, personnages, de façon générale, ne paraît pas plus fondé. L’autonomie de l’œuvre est élaborée au début du XIXe siècle pour lutter contre la censure morale, religieuse et politique. Alfred de Vigny, critiqué par Sainte-Beuve, revendique le droit de la fiction à ne pas se laisser imposer de règles de représentation. Théophile Gautier, accusé d’être dépravé par le quotidien Le Constitutionnel, conteste, dans la préface de Mademoiselle de Maupin, que les œuvres entraînent au vice : « Je ne sais qui a dit je ne sais où que la littérature et les arts influaient sur les mœurs. Qui que ce soit, c’est indubitablement un grand sot – c’est comme si l’on disait : les petits pois font pousser le printemps…  »

Mécanisme de distanciation

Les spécialistes en analyse filmique ou littéraire s’appliquent à comprendre ce mécanisme de distanciation entre l’auteur, son œuvre et le public. La distinction opérante n’est pas tant celle de l’homme et de l’artiste que celle de l’homme (ou artiste) et l’œuvre.

Faut-il, parce que certains artistes ont commis des crimes, remettre en cause cette distinction ? Le désir de faire œuvre est artistique, esthétique, ou documentaire. Que certains profitent du contexte de création pour assouvir un autre désir, sexuel, ne permet pas pour autant de généraliser et de faire du corps la matrice de l’auteur, comme l’écrit Eric Fassin. Celui qui viole dévie et commet un crime. Il doit être jugé et mis hors d’état de nuire. Au cinéma, les aides du CNC sont conditionnées désormais au respect du code du travail : le producteur doit prendre toutes dispositions pour prévenir les faits de harcèlement sexuel, y mettre un terme et les sanctionner. Le droit progresse.

Prétendre que le même corps filme et viole, c’est l’argument déjà utilisé par certaines féministes contre le J’accuse de Polanski, pour en demander la déprogrammation. Or, il ne vaudrait que si l’œuvre montrait le crime dont l’auteur est accusé, et alors en effet sa diffusion serait très discutable. En dehors de cette hypothèse, chacun doit pouvoir juger s’il est opportun, pour soi, de voir les films des auteurs mis en cause. Enfin, les déviances de certains ne doivent certainement pas abolir de façon générale la distinction entre l’auteur et l’œuvre, nécessaire pour lutter contre la censure ou l’entrave à la diffusion des œuvres.

Paris, le 30 mars 2024

Source: Tribune d’Agnès Tricoire : “Que certains profitent du contexte artistique pour assouvir un désir sexuel ne peut être généralisé à tout le cinéma d’auteur” publiée dans le monde

L’Observatoire de la liberté de création s’oppose au boycott des artistes russes 10 mars 2022

Communiqué de l’Observatoire de la liberté de création

L’Observatoire de la liberté de création, qui réunit une quinzaine d’organisations luttant ensemble contre la censure des œuvres, affirme son plein et entier soutien aux artistes ukrainiens et prépare une initiative en ce sens.

Nous sommes informés de demandes de limogeage d’artistes russes des institutions auxquels ils collaborent et de demandes de boycott des œuvres des artistes russes dans les concerts, festivals, théâtres, etc., certaines organisations membres de l’Observatoire étant sollicitées en ce sens.

Nous tenons à rappeler fermement les principes qui nous unissent : la liberté de création et la liberté de diffusion des œuvres. Personne ne saurait en être privé en raison de sa nationalité. Ce serait confondre des hommes et des femmes et le gouvernement de leur pays. Et ce serait méconnaître les risques que prennent bon nombre d’artistes russes, actuellement, pour affirmer leur refus de la guerre, ou leur refus du régime qui les contraint, parfois jusqu’à l’enfermement carcéral. Démissionner d’une institution en Russie, comme l’ont fait de nombreux responsables culturels, est un droit et un risque.

Evincer des artistes russes de nos institutions culturelles, boycotter leurs œuvres, au seul motif qu’ils sont russes, est une discrimination inacceptable.

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The Observatory for creative freedom, which draws together some fifteen organizations to fight against the censorship of artistic works, states its full support for Ukrainian artists and is preparing an initiative to this end.

We are aware of requests to remove Russian artists from the institutions in which they collaborate and of requests to boycott the participation of Russian artists in concerts, festivals, theatres, etc. Certain Observatory member organizations have been contacted in this respect.

We wish to restate firmly the principles that unite us: the freedom to create and diffuse artistic works. No one should be deprived of this freedom solely because of his or her nationality. This would mean a lack of distinction between the individual members and the government of their country. And it would mean a lack of recognition of the risks currently taken by a large number of Russian artists when they state their rejection of the war or their rejection of the regime that constrains them, even to the point of jailing them. Resigning from an institution in Russia, as many cultural actors have done, is a right and a risk.

To oust Russian artists from our cultural institutions and to boycott their work, simply because they are Russian, is unacceptable discrimination.

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Liste des membres de l’Observatoire de la liberté de création :
Association du Cinéma Indépendant pour sa Diffusion (Acid) ; Association des cinéastes documentaristes (Addoc) ; Section française de l’Association internationale des critiques d’art (Aica France) ; Fédération des lieux de musiques actuelles (Fedelima) ; Fédération nationale des syndicats du spectacle, du cinéma, de l’audiovisuel et de l’action culturelle (FNSAC-CGT) ; Fédération nationale des arts de la rue ; Ligue des droits de l’Homme (LDH) ; Ligue de l’enseignement ; Les Forces musicales ; Scénaristes de Cinéma Associés (SCA) ; Syndicat français des artistes interprètes (SFA-CGT) ; Syndicat national des artistes plasticiens (Snap-CGT) ; Syndicat national des scènes publiques (SNSP) ; Société des réalisateurs de films (SRF) ; Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles (Syndeac).

Paris, le 8 mars 2022.

Télécharger le communiqué de l’Observatoire de la liberte de creation en pdf.

 

Source: L’Observatoire de la liberté de création s’oppose au boycott des artistes russes

L’Observatoire de la liberté de création soutient Corinne Masiero contre l’ordre moral sexiste 27 mars 2021

Communiqué de l’Observatoire de la liberté de création

Quand un homme se met nu en scène lors de la cérémonie des Molières devant la ministre de la Culture Fleur Pellerin pour dénoncer la discrimination sociale contre les auteurs de l’écrit, privés de chômage, le public l’applaudit à tout rompre. Nous sommes en 2015, l’auteur est Sébastien Thiéry. Aucune plainte pénale n’est déposée.

2021, nuit des Césars, Corinne Masiero, pour remettre le César du meilleur costume, fait tomber son costume de Peau d’âne puis sa robe de Carrie. La mise en scène de sa nudité est politique : elle explique que son dernier costume s’intitule « qui veut la peau de Roger l’Intermittent ». « Maintenant on est comme ça, tout nu, voilà », dit-elle en levant le poing gauche. Le public des Césars applaudit. Sur son corps sont inscrits des slogans, « Rend nous l’art Jean » côté pile, « No culture no futur » côté face. Cette nudité déclenche cette fois un scandale : laide, vulgaire, contreproductive, une honte pour les femmes, tout y passe.

Roselyne Bachelot, ministre de la Culture, dénonce la politisation de la soirée, alors que le cinéma est une industrie et qu’une soirée comme celle-là est faite, dit-elle, pour vendre : « c’est navrant de voir des artistes piétiner leur outil de travail » conclut-elle. Le journal américain Variety lui répond que si les films sont bons, ils se vendront, et qu’elle semble moins concernée par l’image de la France lorsqu’elle maintient Dominique Boutonnat à la tête du CNC malgré une plainte pour agression sexuelle et tentative de viol.

Puis Corinne Masiero est dénoncée au procureur de la République par dix élus de droite lui reprochant une exhibition sexuelle dans un espace public. Pour ces élus, la nudité d’une femme est plus choquante que celle d’un homme. Leurs préjugés et leur mépris de ce monde qu’on est en train de tuer les empêchent d’entendre le refus de mourir de celles et ceux qui sont le suc de toute démocratie.

Cette démarche n’inquiète pas seulement par son indigence, ou parce que certains d’entre ces élus ont soutenu Eric Zemmour pour des propos incitant à la haine et condamnés, ou ont tenu des propos homophobes, ou encore ont menacé la presse. Ce que suggèrent ces élus, c’est que la nudité (des femmes) serait toujours considérée comme sexuelle, et devrait être interdite de toute manifestation politique ou artistique. Ces élus nous rappellent encore qu’en France, comme dans bien d’autres endroits dans le monde, ce sont la liberté de création, la liberté d’expression, le droit de polémiquer, de choquer, ou même simplement la faculté de faire réfléchir ou rêver que certains voudraient éteindre.

Nous ne savons pas si le procureur de la République prendra le risque de rester dans l’histoire comme celui qui aura poursuivi celle qui use de sa nudité pour crier son amour de la culture et son refus de la misère, à l’instar de son collègue Pinard, resté dans les annales pour avoir poursuivi Flaubert et Baudelaire.

Nous, organisations et personnalités composant l’Observatoire de la liberté de création, sommes aux côtés de Corinne Masiero, nous lui disons notre totale solidarité parce que, par nature, nous serons toujours aux côtés de celles et ceux qui, irrespectueusement ou non, nourrissent notre appétit de vie, de débat, de culture et de démocratie.

Paris, le 19 mars 2021

Télécharger le communiqué en format PDF

Source: L’Observatoire de la liberté de création soutient Corinne Masiero contre l’ordre moral sexiste

Une démocratie sans culture est une démocratie sans vie 18 mars 2021

Communiqué de l’Observatoire de la liberté de création

L’Observatoire de la liberté de création soutient la demande d’ouverture des lieux de culture dans le respect des gestes barrières.

Le public a le droit de participer à la vie culturelle. Ce droit est essentiel. Il est affirmé par l’article 27 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme (DUDH). Les artistes ont le droit de créer et de diffuser leurs œuvres. Ce droit est essentiel. Il est protégé par la loi de juillet 2016.

L’Observatoire de la liberté de création soutient les demandes de protection formées par les organisations professionnelles et syndicales et s’oppose à toute mesure qui pourrait fragiliser encore plus ceux dont le métier est de participer à la vie culturelle de notre pays.

Une démocratie sans culture est une démocratie sans vie.

Paris, le 17 mars 2021

Télécharger en format PDF

 

Source: Une démocratie sans culture est une démocratie sans vie

Le guide pratique de l’observatoire de la liberté de création : « L’œuvre face à ses censeurs » 27 janvier 2020

Disponible en librairie

La liberté des artistes et la liberté de montrer des œuvres est de plus en plus malmenée. Comment argumenter face aux pressions, et aux campagnes contre les œuvres et les artistes ? Comment résister aux censeurs et aux demandes de censure ?

L’Observatoire de la liberté de création, créé en 2002 sous l’égide de la Ligue des droits de l’Homme, regroupe une quinzaines d’organisations, associations et syndicats issues de tous les domaines culturels. Toutes sont solidaires face à la censure. Ce guide retrace son action, et explique comment sa réflexion a pesé sur la jurisprudence, et sur la législation, qu’il s’agisse de censure au cinéma ou de la consécration de la liberté de création et de diffusion des œuvres par la loi de 2016.

Pour permettre à chacun de lutter efficacement contre la censure, l’Observatoire a analysé l’évolution des modes de censure et des motivations guidant leurs acteurs.

Treize cas parmi les plus emblématiques des vingt dernières années sont analysés. Tous les arts sont concernés : théâtre, littérature, chanson, art contemporain, cinéma… Tous types de motifs sont invoqués contre les oeuvres : blasphème, protection de l’enfance, protection des femmes, lutte contre le racisme et l’antisémitisme…

Enfin, deux outils pratiques sont proposés aux lecteurs : un vademecum s’adressant aux artistes, un autre destiné à ceux qui seraient tentés de censurer.

Source: Le guide pratique de l’observatoire de la liberté de création : « L’œuvre face à ses censeurs »

Lettre ouverte à ITunes – Cas de censure 2 mars 2017

Lettre ouverte de l’Observatoire de la liberté de création

 

Messieurs,

L’Observatoire de la liberté de création, créé en 2002 au sein de la Ligue des droits de l’Homme, s’est donné pour tâche de lutter contre toute forme de censure en matière de création artistique. Nous souhaitons attirer votre attention sur un cas particulièrement inquiétant qui s’abrite derrière des règles tacites d’ITunes pour exiger d’un auteur des changements significatifs dans ses productions. Nous ne doutons pas que votre société, attachée à la liberté d’expression et de création sur Internet, ne dissipe rapidement ce malentendu et confirme qu’elle ne pratique ni directement, ni indirectement aucune censure de la création artistique.

Les éditions Campioni ont produit un album CD d’Yves-Ferdinand Bouvier intitulé Mots zarbes et bite au vent. Il s’agit de chansons françaises sur l’enfance et la nostalgie de l’enfance. L’illustration choisie pour la pochette est une photo prise jadis par la mère de l’auteur-interprète et le montrant bébé, jouant nu dans une piscine. Cette pochette n’a bien entendu rien de pornographique ni de pédophilique, même si elle correspond scrupuleusement au jeu de mots du titre, « bite au vent ». Elle a été acceptée sans aucun problème par les librairies et figure sans la moindre censure sur leur site, ainsi que sur le catalogue en ligne de la Bibliothèque nationale de France. Une simple requête sur un moteur de recherche vous en convaincra facilement.

Pour autant, il a été impossible de commercialiser la version numérique, les distributeurs exigeant préalablement le changement de la pochette. Ils s’abritent pour cela derrière des règles que vous auriez fixées. « Il n’est en effet pas possible de faire figurer un enfant nu sur une pochette » ; « Après vérification, la pochette de la sortie Mots zarbes et bite au vent ne sera pas acceptée par ITunes, nous ne pouvons malheureusement rien faire ». Au mieux l’un d’eux a-t-il proposé une sortie restreinte… excluant ITunes !

Cette excuse, vous en conviendrez, est tout à fait fallacieuse : vous avez en effet commercialisé sans la censurer la célèbre pochette de Nervermind, du groupe Nirvana, montrant un bébé tout aussi nu et explicitement masculin. Nous ne pourrions, pas plus que l’auteur ni l’éditeur, comprendre une telle discrimination entre deux œuvres également respectables et sincères.

L’image en question fait partie intégrante de l’expression de l’artiste. Elle représente pour lui « l’enfance dans ce qu’elle a de plus pur et de plus beau : l’innocence, l’insouciance et la liberté ». Il est d’autant plus choqué qu’on puisse y soupçonner des intentions malsaines, à l’opposé de sa conception et de son œuvre.

Vous aurez à cœur, nous n’en doutons pas, de témoigner ouvertement qu’il n’y a aucune forme de censure de ce type édictée par ITunes, ce qui permettra à l’auteur et à son diffuseur de faire accepter la pochette par des distributeurs pusillanimes. Nous ne pouvons en effet supposer que vous instaurez une différence de traitement entre un producteur multinational, au poids économique décisif, et un petit producteur français qui cherche à diffuser des œuvres de création originales et sincères. Cela nous semblerait notamment contraire à la déontologie du métier et à la neutralité d’Internet.

Compte tenu des circonstances, vous comprendrez que nous rendions cette lettre publique.

Confiants dans la suite que vous voudrez bien donner à cette affaire et dans l’attente de votre réponse, nous vous prions de croire, messieurs, à l’expression de nos sentiments vigilants.

 

Jean-Claude BologneCo-délégué de l’Observatoire Agnès TricoireCo-déléguée de l’Observatoire Daniel VéronCo-délégué de l’Observatoire

 

Paris, le 15 février 2017

Télécharger la lettre Observatoire de la liberté de création

Source: Lettre ouverte à ITunes – Cas de censure