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Ligue des droits de l'Homme

Section du Pays d'Aix-en-Provence

Archives du tag : Droits des étrangers

Lettre inter-associative adressée au Préfet du Pas-de-Calais 28 août, 2017

Monsieur le Préfet du Pas-de-Calais,

Vous avez indiqué aux associations que vous avez rencontrées le jeudi 10 août que l’Etat allait se conformer aux injonctions du Tribunal administratif de Lille, confirmées par le Conseil d’Etat, concernant l’accès des exilé-e-s présent-e-s dans le Calaisis à un dispositif humanitaire.

Vous avez notamment déclaré que les douches seraient réservées aux personnes vulnérables, et avez précisé qu’il s’agissait des personnes malades, des femmes et des enfants.

Nous attirons, à titre liminaire, votre attention sur le fait que, comme le précise le considérant n° 30 de l’ordonnance du Tribunal Administratif de Lille, l’évaluation des besoins et la définition des conditions d’accès aux services créées (points d’eau et douches) doivent se faire en lien avec les associations requérantes. Sauf à méconnaître l’ordonnance prise, il ne vous est donc pas possible de déterminer unilatéralement, comme vous l’avez fait, les modalités d’organisation de ces services, surtout si celles-ci ont finalement pour objet d’exclure plusieurs catégories de personnes.

Au demeurant, rien dans l’ordonnance du Tribunal Administratif de Lille, ni dans la décision du Conseil d’Etat, ne suggère que le juge administratif aurait entendu faire en sorte que seules les femmes, les enfants et les personnes malades puissent y avoir accès. Nous ne comprenons pas votre choix. Surtout, en ce qu’il prévoit que seules les personnes malades, les femmes et les enfants pourraient avoir accès aux douches, le dispositif que vous avez créé ne tient pas compte des considérations qui ont conduit le juge administratif à enjoindre à votre administration d’installer des douches.

Pour le Tribunal Administratif de Lille et le Conseil d’Etat, l’installation de ces douches est nécessaire pour protéger les différents exilé-e-s actuellement sans abris à Calais qui se trouvent exposé-e-s aux risques sanitaires existants. Les conséquences déplorables de cette situation ont été portées, de manière très circonstanciée, à votre connaissance tout au long de la procédure.

Le Tribunal Administratif de Lille et le Conseil d’Etat ont reconnu l’existence d’importants risques épidémiques. Et, ils ont reconnu que l’apparition de cas de gale, d’impétigo, mais aussi de pathologies psychiatriques liées au manque d’hygiène, était due à l’absence de dispositif de prévention, et plus particulièrement, à l’absence de possibilité pour les exilé-e-s sans abris qui vivent dans un extrême dénuement de prendre une douche. En effet, comme vous le savez, l’apparition de la gale ainsi que des nombreuses pathologies, notamment dermatologiques, dont finissent par souffrir les personnes sans-abris ne peut se combattre qu’en offrant à ce public la possibilité de garder des vêtements propres et aussi de conserver une hygiène de tout le corps.

Les injonctions de l’ordonnance doivent s’interpréter à la lumière des motifs de cette même décision : vous devez donc prendre en compte les objectifs avancés par le juge administratif, et donc les besoins, en termes d’accès à une douche, de toutes les personnes aujourd’hui à la rue qui se trouvent, à Calais, en proie aux risques sanitaires identifiés.

Du reste, vous nous avez informés que le dispositif de douches mobiles serait géré par la Vie Active. Nous craignons que la gestion d’un tel équipement, dans le cadre restreint que vous dérivez concernant les bénéficiaires, soit impossible et débouche sur des conflits : comment les exilé-e-s vont-ils accepter que certain-e-s aient droit aux douches, et d’autres non ?

Enfin, et en tout état de cause, le Tribunal Administratif de Lille a retenu que l’ensemble des points d’eau installés devaient, au moins, permettre aux personnes de s’hydrater, de laver leurs vêtements et de se laver. Cela signifie que le préfet et la commune doivent, au minimum, prévoir les aménagements nécessaires à ces points d’eau pour rendre possible ces trois prestations et les offrir à tous. Or les robinets et les éviers aujourd’hui installés peuvent probablement permettre aux personnes de s’hydrater. Par contre, il n’est pas sérieux de dire qu’ils permettraient aux personnes de se laver. Il apparait très difficile de croire que les personnes pourraient se déshabiller ou se laver en plein air à l’aide de ces éviers. Le service tel qu’il est conçu ne prévoit donc pas les aménagements nécessaires.

 

Deux mois après la notification de l’ordonnance du tribunal, l’injonction n’est donc toujours pas respectée.

Nous ne voulons pas croire que votre intention soit de ne pas suivre les injonctions du Tribunal Administratif.

Dans le cas où vous n’élargiriez pas le dispositif douches à l’ensemble des personnes vivant dans la rue à Calais et dans celui où vous ne modifieriez pas les aménagements des points d’eau, nous nous réservons, avec nos avocat-e-s, l’éventualité de repartir devant le Conseil d’Etat en procédure d’exécution, afin de faire constater le non-respect des injonctions du Tribunal Administratif et de demander de mettre en œuvre tout moyen légal pour vous y conformer, y compris en demandant une importante augmentation du montant de l’astreinte par jour de retard.

 

Dans l’attente d’une réponse de votre part, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Préfet du Pas-de-Calais, l’expression de notre considération respectueuse.

 

A Calais, le 25 août 2017

 

Associations signataires :

l’Auberge des Migrants ; Care4Calais ; la Cimade ; Gynécologie Sans Frontières ; Help Refugees ; la Ligue des droits de l’Homme ; Médecins du Monde ; Refugee Youth Service ; le Réveil Voyageur ; Salam Nord Pas de Calais ; Secours Catholique / délégation du Pas de Calais ; Utopia 56

Source: Lettre inter-associative adressée au Préfet du Pas-de-Calais

Turquie : persécutions à l’encontre d’Osman İşçi, membre du Comité exécutif d’EuroMed Droits 4 mai, 2017

Paris, le 04 mai 2017

EuroMed Droits condamne fermement les persécutions à l’encontre d’Osman İşçi, membre du Comité exécutif d’EuroMed Droits et représentant de l’Association des droits humains en Turquie (IHD). Osman İşçi vient d’être démis de ses fonctions de professeur associé et de chercheur-doctorant à l’Université d’Ağri. Ce licenciement a été officialisé par le décret no 689, publié le samedi 29 avril 2017, qui prévoit le renvoi de 3 974 agents de la fonction publique.

Harcelé durant des années en raison de son engagement sans relâche en faveur de la promotion des droits humains, le dernier « crime » d’Osman İşçi (pour lequel il fait actuellement l’objet d’une enquête et qui lui avait déjà valu une suspension de son poste à l’Université d’Ağri, en décembre 2016) est d’avoir signé, en janvier 2016, aux côtés de plus de mille autres universitaires, la pétition pour la paix intitulée « Nous ne serons pas complices de ce crime », qui critique la politique de sécurité menée par le gouvernement dans les régions kurdes ainsi que l’imposition de couvre-feux permanents sur des villes entières[4].

Ses efforts permanents pour la défense de la liberté d’association, de la liberté d’expression et des droits des minorités ont été sanctionnés par un emprisonnement arbitraire (entre juin 2012 et mars 2013[5]), des actes de harcèlement judiciaire et, finalement, son licenciement de la fonction publique. Cette dernière mesure est à la fois radicale et disproportionnée, puisqu’elle suppose, outre la perte de son emploi, celle de ses droits sociaux, l’interdiction de travailler dans la fonction publique à l’avenir et l’annulation de son passeport.

Comme l’ont souligné la Commission de Venise et le Commissaire aux droits de l’homme dans d’autres affaires similaires[6], cette mesure est arbitraire, puisqu’elle est infondée et non justifiée individuellement (une liste de milliers de noms accompagne un décret général). La portée de cette décision est trop importante et elle touche non seulement M. İşçi, mais également sa famille, en le privant de ses revenus, de ses droits sociaux et de sa liberté de circulation.

Le cas d’Osman İşçi fait figure d’affaire emblématique parmi des centaines de défenseurs des droits humains et d’opposants pacifiques à l’autoritarisme du régime turc. En tant que président chargé des relations internationales à la fois au sein de l’IHD et de la KESK, il a voyagé sans relâche, durant des années, pour faire progresser à l’étranger la sensibilisation à la situation des droits humains en Turquie. Ce travail essentiel lui est désormais impossible, puisqu’il a arbitrairement été privé de son passeport.

EuroMed Droits est extrêmement préoccupé par la dégradation du climat en Turquie, où les droits humains sont bafoués en permanence. Nous sommes consternés par l’éloignement incessant opéré par les institutions de l’État à l’égard des principes démocratiques et de l’État de droit, en particulier avec l’adoption récente de la réforme constitutionnelle. Nous appelons les autorités turques à respecter leurs obligations internationales, la démocratie, l’État de droit et les principes universels des droits humains. La Turquie doit mettre fin à l’ensemble des mesures de harcèlement judiciaire et administratif à l’encontre de défenseurs des droits humains et de la société civile indépendante. Nous appelons l’UE, le Conseil de l’Europe et les Nations Unies à affirmer très clairement qu’ils se rangent du côté des droits humains ainsi que de la défense de la démocratie et du pluralisme. Nous espérons que les organisations internationales aborderont le cas d’Osman İşçi avec les autorités turques dans le contexte de préoccupations de plus en plus graves quant au respect des libertés fondamentales et des droits humains ainsi que du droit à un procès équitable et à des recours judiciaires.

 

5 Osman İşçi a passé 10 mois en détention provisoire et est régulièrement convoqué au tribunal dans le cadre du procès en cours dont il fait l’objet aux côtés de 71 autres membres de la confédération syndicale KESK, devant la 6e Haute Cour pénale d’Ankara. EuroMed Droits a observé plusieurs audiences et a montré que ce procès n’est ni équitable ni impartial et que les droits de la défense ne sont pas garantis.

6http://ihd.org.tr/en/index.php/2016/10/21/memorandum-on-the-human-rights-implications-of-the-measures-taken-under-the-state-of-emergency-in-turkey/, http://insanhaklarimerkezi.bilgi.edu.tr/media/uploads/2016/12/23/Venedik_Komisyonu_Aciklamasi.pdf et http://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2016)037-e

 

[5] Osman İşçi a passé 10 mois en détention provisoire et est régulièrement convoqué au tribunal dans le cadre du procès en cours dont il fait l’objet aux côtés de 71 autres membres de la confédération syndicale KESK, devant la 6e Haute Cour pénale d’Ankara. EuroMed Droits a observé plusieurs audiences et a montré que ce procès n’est ni équitable ni impartial et que les droits de la défense ne sont pas garantis.

[6]http://ihd.org.tr/en/index.php/2016/10/21/memorandum-on-the-human-rights-implications-of-the-measures-taken-under-the-state-of-emergency-in-turkey/, http://insanhaklarimerkezi.bilgi.edu.tr/media/uploads/2016/12/23/Venedik_Komisyonu_Aciklamasi.pdf et http://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2016)037-e

 

Source: Turquie : persécutions à l’encontre d’Osman İşçi, membre du Comité exécutif d’EuroMed Droits