Communiqué LDH
Depuis maintenant sept ans, une marche citoyenne a lieu en mai dans le monde entier pour dénoncer les pratiques attentatoires au droit de vivre dans un environnement sain des grands groupes de l’industrie agrochimique. Elle se concentre sur la figure de Monsanto (désormais Bayer-Monsanto), non parce qu’il en est le seul responsable, mais parce qu’il en est venu à incarner l’esprit d’inconséquence qui domine le système économique contemporain.
Déformant l’objectif de sécurité alimentaire face aux aléas naturels, l’agrochimie est allée très loin dans la volonté de contrôler les cycles et la chaîne de production, incluant des pans toujours plus grands de la vie sociale agricole dans un marché mondial. En Inde par exemple, le contrôle par Monsanto des semences transgéniques stériles du coton a conduit des milliers de paysans à la misère et au désespoir, avant que le gouvernement ne réagisse.
Car de manière générale, les pouvoirs publics ne jouent qu’a minima leur rôle de protection des populations, se satisfaisant d’une régulation minimale des logiques capitalistiques de l’industrie. Les conflits d’intérêts dans la recherche sur la dangerosité des produits pesticides et leurs effets sur les écosystèmes, les tentatives d’influence qui ne sont pas découragées sont autant de signes délétères pour la démocratie.
Face à cela, des collectifs citoyens se sont mobilisés pour mettre les institutions et l’industrie face à leurs responsabilités respectives. La quasi-impunité de Monsanto commence à être battue en brèche, avec des décisions de justice qui lui ont été récemment défavorables. Cela a aussi été rendu possible grâce au travail réalisé lors du procès fictif de Monsanto à La Haye dès 2015, qui avait dégagé des arguments sur sa culpabilité dans un « crime d’écocide » : une destruction intentionnelle de l’environnement portant atteinte aux droits humains.
Face aux calculs essentiellement financiers et à courte vue des multinationales, mais dont les conséquences se font sentir à long terme, il importe en effet que les droits soient défendus non plus seulement de manière immédiate, mais aussi en perspective. Pour l’exiger, marchons le 18 mai !
Paris, le 9 mai 2019
Communiqué commun signé par la LDH
Comme chaque année depuis 2001 à Paris, le samedi 11 mai 2019, 14h Place de la Bastille, la « Cannaparade 2019 » rassemblera les partisan-e-s de la réforme de la loi du 31 décembre 1970 avec les mots d’ordre habituels dans le contexte français : dépénalisation de l’usage, débat public national, cannabis thérapeutique, prévention sans stigmatisation, autoproduction et Cannabis Social Clubs. Pour la réforme française et européenne de la politique en matière de drogues licites et illicites.
Pour une stratégie novatrice, juste et humaine.
Il y a urgence à améliorer la politique française de santé publique pour lutter efficacement contre les conduites addictives, notamment auprès des plus jeunes, et cela passe par une évolution de la législation pour encadrer ce marché illicite qui existe avec toutes les conséquences délétères pour la société que l’on observe depuis des décennies. Ayons le courage de prévenir les dommages et réduire les risques pour les consommateurs avec un système contrôlant la production et la distribution qui serait réservé à la consommation responsable des adultes, comme on sait déjà le faire avec l’alcool dont la toxicité est plus forte.
Il s’agit d’en finir avec les faux-discours alarmistes qui sont inopérants sauf à renforcer les effets néfastes de la politique en vigueur en France depuis le début des années 70. Il faut sortir des clichés réducteurs et des amalgames concernant le cannabis, et s’attacher à le présenter sous un jour véridique plutôt que de maintenir une forme de censure, avec l’article L.3421-4 du Code de la Santé Publique qui place la France comme un des pays les plus rétrogrades en Europe.
Mobilisons la société civile pour que la France rejoigne le cours des évolutions outre-atlantique, au Canada, dans certains Etats US ou d’Amérique Latine, et pour l’ouverture d’un débat au niveau européen pour sortir de l’impasse actuelle et développer une stratégie novatrice, juste et humaine.
Ensemble, exigeons l’instauration d’un moratoire national changeant le statut légal du Cannabis et la résine de cannabis en modifiant la liste des substances classées comme psychotropes selon l’arrêté du 22 février 1990 modifiée régulièrement depuis. Une expérimentation adoptant les recommandations de l’OMS du 24 janvier 2019, dans l’attente d’un vote de la Commission des Stupéfiants de l’ONU qui modifierait la classification internationale.
Associations : Act up Paris, Aides, Asud, CIRC, Cannabis sans frontières, Fédération addiction, Ligue des droits de l’Homme (LDH), NORML France, PCP, Techno +
Sponsors : Alchimia, Kush bong, Frenchtaff
Paris, le 6 mai 2019
Source: Manifeste des 5 millions : marche pour la légalisation du cannabis
Communiqué LDH
La Ligue des droits de l’Homme (LDH) considère indispensable que l’intérêt général soit garanti par une instance au-dessus des intérêts particuliers dont l’action n’est pas guidée par la seule rentabilité. C’est là une des expressions concrètes de l’égalité, de la fraternité et de la démocratie.
En France, cette instance s’appelle le service public, au sens large, dont la mission est d’assurer l’égal accès de toutes et tous qu’il s’agisse du travail, de l’éducation, de la santé, du logement, de la sûreté, etc. C’est aussi l’existence d’un secteur régulé qui reste souverain au sens noble du terme parce qu’il répond à des besoins fondamentaux comme l’énergie, les transports, la culture, etc. C’est une gestion et une gouvernance des biens communs comme l’eau, le climat, la biodiversité, qui relèvent du domaine public.
La notion de services publics et les droits qu’elle garantit aux usagers notamment grâce au statut des fonctionnaires qui, lui, préserve leur neutralité, est attaquée par diverses mesures qui visent la privatisation de nombreux secteurs relevant du bien commun.
Or, les expériences menées dans ce sens par d’autres pays européens montrent que partout, ce choix se traduit par une dégradation des services publics dans tous les secteurs et frappe en particulier les plus démunis. Les récents mouvements citoyens expriment au contraire une demande de davantage de services publics et de démocratie dans les décisions concernant le bien commun.
Pour défendre des services publics qui soient également accessibles à toutes et tous et porteurs de l’intérêt général, toutes les organisations syndicales appellent à la mobilisation ce jeudi 9 mai. La LDH soutient cette mobilisation et invite toutes celles et ceux qui sont soucieux d’égalité, de justice et d’impartialité à y participer.
Paris, le 7 mai 2019
La Ligue des droits de l’Homme, membre de la CFDA et des Etats généraux de la migration (EGM), se joint à l’appel à manifester le 25 mai 2019 pour sauver le droit d’asile et dire stop au système Dublin.
Nous, organisations signataires participant à la campagne européenne Stop Dublin, demandons l’abandon du projet de réforme Dublin IV notamment en ce qu’il supprime la substance de l’article 17 et les délais de transfert, l’abrogation du règlement Dublin, et à titre immédiat sa non-application en vertu de l’article 17 du règlement, pour le respect du droit d’asile, pour une vraie solidarité européenne et pour la dignité des demandeurs d’asile.
En 2019, le monde connaît un nombre de réfugiés inégalé depuis la Seconde guerre mondiale. En cause, de nombreux foyers de conflits armés. Des conflits parfois anciens – en Somalie, en Afghanistan, au Soudan, en Irak; de nouveaux conflits – en Syrie, au Sahel, au Yémen; ou des foyers violations massives des droits de l’Homme – dans des États comme l’Érythrée, la Birmanie, la Chine.
L’Europe a ainsi vu son nombre de demandeurs d’asile augmenter depuis 2015 : quelques 2 millions de demandes en 4 ans, soit moins de 0,3% de la population européenne. Même si ce chiffre est quantitativement dérisoire par rapport à d’autres régions du monde, et même si les arrivées diminuent depuis 2016/2018, et sont actuellement à des taux proches de ceux antérieurs à 2015, l’Europe reste empêtrée dans une véritable crise de l’accueil.
Cette crise est le symptôme d’une incapacité criante des Etats européens à penser une politique d’asile juste, digne et solidaire. C’est une logique comptable, de gestion des flux, qui s’est prioritairement imposée :
Peu connu des citoyens européens, le système Dublin est pourtant critiqué de toute part en Europe par les associations, les professionnels et les citoyens engagés auprès des demandeurs d’asile, ainsi que par certaines organisations internationales. Ce système organise la répartition des demandeurs entre les pays européens selon des critères rigides et peu respectueux du choix des demandeurs. Pire, il leur est imposé par la force, et génère des situations de désespoir dans toute l’Union européenne.
La question de l’asile ne peut être résolue par une logique de gestion des flux.
Il y a urgence aujourd’hui à se saisir de la question de l’asile et à abandonner le système Dublin car il ne permet pas de garantir le respect du droit d’asile et il génère une violence supplémentaire dans le parcours des personnes dublinées.
Il est grand temps de se demander : comment accueillir, et non plus qui accueille.
Pour partager la campagne #StopDublin sur les réseaux, téléchargez les visuels :
Paris, le 02 mai 2019
On dit qu’en France trop de personnes -15 millions d’après la Fondation Abbé Pierre- sont mal logées. Et que leur nombre continue d’augmenter.
A Marseille, on voit quelles situations insupportables et dramatiques révèlent tant le drame de la rue d’Aubagne que l’abandon de certaines cités HLM ou de copropriétés privées.
Nous avons voulu savoir comment cela se passe à Aix et dans le Pays d’Aix. Non pas avec une vision misérabiliste, Aix a une image de ville dynamique et aisée avec un revenu moyen supérieur au niveau national1. Mais vrai aussi que le taux de pauvreté y est identique au taux national (14%). Y-aurait-il donc deux visages de la ville ?
Ce numéro des Échos de la LDH tente de répondre à plusieurs questions : où en est-on de la construction de logements sociaux, de leur attribution et de leur gestion ? Qu’en est-il de la cherté du marché du logement, tant à l’achat qu’à la location ? Avec quelles conséquences ? Qui sont les personnes plus particulièrement concernées par le mal-logement et que leur propose-t-on ? Comment sont pris en compte les besoins de populations spécifiques : étudiants, jeunes travailleurs, personnes âgées dépendantes… ?
Le droit au logement est un droit fondamental. Répondre à ces questions, c’est aussi mesurer s’il est garanti à Aix et dans son pays avec suffisamment de solidarité.
Les Echos de la LdH n°47 | Télécharger |
Alors que la Cour de Justice de l’Union européenne doit se prononcer le 30 avril prochain sur la légalité du mécanisme d’arbitrage entre investisseurs et États inclus dans l’accord commercial UE/Canada (CETA), 30 organisations de la société civile demandent la fin de ce système de justice d’exception qui bénéficie exclusivement aux investisseurs étrangers au détriment des Etats et des citoyens et mine la démocratie (1).
“Vous pourrez réglementer mais parfois vous devrez payer”. Il y a deux ans, lors des débats autour de la ratification de l’accord commercial entre l’Union européenne et le Canada (CETA), c’est par cette phrase lapidaire qu’un représentant canadien avait répondu aux députés wallons qui se demandaient si le CETA allait contraindre les Etats européens à payer des amendes pour pouvoir légiférer dans l’intérêt général.
Saisie en 2017 par la Belgique, la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) doit rendre son avis le 30 avril prochain sur la compatibilité du mécanisme d’arbitrage entre investisseurs et Etats du CETA avec le droit européen.
Parce que ces accords de protection des investissements vont à l’encontre de l’Accord de Paris sur le climat et des principes démocratiques, et qu’ils remettent en cause la capacité des Etats à légiférer pour défendre l’intérêt général, nous demandons d’y mettre fin. En quelques semaines, plus d’un demi million de citoyens européens ont signé la pétition “Stop Impunité. Des droits pour les peuples, des règles pour les multinationales” (2). A la place, l’Union européenne et les Etats membres devraient plutôt soutenir activement le traité en négociation à l’ONU pour exiger le respect des droits humains, sociaux, environnementaux, par les entreprises multinationales.
Organisations signataires : ActionAid France; AITEC, Alofa Tuvalu, Amis de la Terre France, ATTAC France, Bloom, CADTM France, CCFD-Terre Solidaire, CFE-CGC, CGT, Collectif Éthique sur l’étiquette, Comité Pauvreté et Politique, Confédération paysanne, CRID, Emmaüs International, Foi et Justice Afrique Europe, Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l’Homme, foodwatch France, France Amérique Latine, Greenpeace France, Institut Veblen, Justice et Paix, Ligue des Droits de l’Homme, Notre affaire à tous, ReAct, Réseau Roosevelt, SNESUP-FSU, Sherpa, Terre des Hommes France, Union syndicale Solidaires
Notes :
(1) Voir le document de position complet
(2) Campagne européenne qui réunit plus de 200 organisations de la société civile dans plus de 16 pays. https://stop-impunite.fr/Signez-maintenant
Paris, le 29 mai 2019
Communiqué du Collectif Alerte, dont la LDH est membre
Le président de la République souhaite répondre aux mouvements sociaux de ces derniers mois et aux aspirations exprimées lors du Grand débat national par un projet national, qu’il a présenté hier soir. Les associations de solidarité et de lutte contre la pauvreté réunies au sein du Collectif Alerte s’inquiètent de l’absence de mesures sociales fortes en faveur de l’amélioration du pouvoir d’achat et des conditions de vie des plus précaires.
Le collectif Alerte salue plusieurs propositions annoncées ce jeudi 25 avril par le président de la République, concernant, entre autres, la lutte contre les impayés des pensions alimentaires pour les familles monoparentales ou encore le soutien aux aidants familiaux. La volonté gouvernementale de garantir, pour chaque citoyen-ne, un accès effectif aux services publics et aux soins en moins de 30 minutes, ainsi que le développement de « France Service » -maisons réunissant tous les opérateurs de services publics- sont également des projets positifs, soutenus par les associations.
Le « projet national » présenté aujourd’hui manque toutefois de mesures audacieuses et inclusives pour permettre aux personnes en situation de précarité présentes sur le territoire, migrants ou ressortissants français, de vivre dignement et de voir leurs droits fondamentaux garantis, qu’il s’agisse du pouvoir d’achat, de l’accès au logement, à la santé, à l’éducation ou encore à l’emploi. Près de 9 millions de personnes oubliées du discours présidentiel, qui vivent pourtant sous le seuil de pauvreté, certains travaillant, d’autres étant privés d’emploi ou inactifs.
Les associations de lutte contre l’exclusion rappellent que la désindexation des aides au logement, des prestations familiales ou encore de l’AAH décidées pour 2019 entrainera une baisse du pouvoir d’achat pour les 10 % des ménages les plus pauvres. Pour que l’humain soit réellement « au centre », le collectif Alerte demande en conséquence la revalorisation immédiate du RSA et la réindexation sur l’inflation de l’ensemble des prestations sociales et pensions. Le revenu universel d’activité annoncé devra garantir un revenu minimum décent et inconditionnel d’un montant de 850 euros, dès 18 ans.
A la veille du lancement de la concertation sur le revenu universel d’activité, les associations de solidarité et de lutte contre la pauvreté du collectif Alerte, qui y prendront part, ré-affirmeront leurs positionnements pour s’assurer de l’établissement d’un « projet national » qui remette tous les français, y compris les plus précaires, « au centre » des priorités gouvernementales. Faisons de l’éradication de la grande pauvreté une grande cause nationale.
Paris, le 26 avril 2019
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Collectif Alerte : 37 fédérations et associations nationales de lutte contre la pauvreté et l’exclusion membres de la Commission lutte contre la pauvreté de l’UNIOPSS et des collectifs inter-associatifs locaux présents dans 14 régions (Uriopss)
Communiqué commun dont la LDH est signataire
Nos huit associations saisissent aujourd’hui la justice pour dénoncer la complicité de la France dans les violations des droits humains en Libye. Elles demandent auprès du tribunal administratif de Paris la suspension d’une livraison d’équipements prévue par le ministère des Armées à destination des garde-côtes libyens compte tenu de doutes sérieux sur sa légalité.
En février dernier, Florence Parly, ministre des Armées, annonce l’achat par la France de six embarcations rapides au profit des garde-côtes libyens pour faire face au « problème de l’immigration clandestine ». Pour la première fois, la France affiche publiquement une collaboration bilatérale directe et concrète avec les garde-côtes libyens. En achetant six bateaux pour leur compte, la France participe au cycle de violations des droits humains commis en Libye à l’encontre des réfugiés et des migrants en donnant des moyens logistiques pour les intensifier.
La France contrevient aussi à ses engagements internationaux que sont le Traité sur le commerce des armes et la Position commune 2008/944/PESC de l’Union européenne qui lui interdisent de procéder à des transferts de matériel militaire vers des pays où ils risquent d’être utilisés pour commettre ou faciliter des violations graves des droits humains.
Les garde-côtes libyens ont pourtant, à plusieurs reprises, délibérément mis en danger la vie et la sécurité des réfugiés et migrants qu’ils sont censés secourir : en repoussant à l’eau des personnes en détresse, en les menaçant de leurs armes, en tirant des coups de feu. Des cas de vols sur les rescapés ont été également recensés, de même que des menaces à l’encontre d’équipages de navires d’ONG engagées dans des opérations de sauvetage.
En livrant ces bateaux aux garde-côtes libyens, la responsabilité de la France est d’autant plus importante que la plupart des personnes actuellement détenues dans les centres de détention en Libye ont été interceptées en mer par les garde-côtes libyens. Les réfugiés et migrants sont systématiquement transférés dans des centres de détention où ils sont maintenus dans des conditions inhumaines. Les viols, la torture, les exécutions extrajudiciaires, le travail forcé et l’esclavage font partie des violences extrêmes auxquelles sont exposés les réfugiés et migrants en Libye.
L’État français ne peut ignorer la situation qui prévaut en Libye et les conséquences de cette livraison sur la vie et la sécurité de ces personnes : la France devient officiellement complice des atteintes commises à leur encontre.
Ces bateaux sont le symbole de l’externalisation vers la Libye des politiques européennes de contrôle des migrations. Depuis plusieurs années, nos associations et des instances internationales alertent régulièrement sur les conséquences de cette collaboration pour les droits des personnes migrantes et réfugiées qui sont piégées dans cet enfer. Les soutiens financiers et matériels des gouvernements européens aux garde-côtes libyens se sont accélérés ces dernières années, en échange de leur coopération en vue d’empêcher les réfugiés et les migrants d’atteindre les côtes européennes.
– Sur le recours déposé devant le tribunal administratif
Les huit ONG demandent la suspension de la décision de livrer des embarcations à la marine libyenne compte tenu du doute sérieux pesant sur la légalité de la décision révélée par la ministre des Armées. Cette suspension est demandée dans l’attente d’une décision définitive du juge administratif sur cette question. Les ONG sont représentées par maître Crusoé. Elles invoquent : 1) la violation des embargos onusien et européen sur la livraison de matériel militaire à la Libye ; 2) les règles relatives au transfert d’équipements militaires, au premier rang desquelles le Traité sur le commerce des armes imposant à la France de ne pas procéder à du transfert de matériel militaire qui aurait pour conséquence de violer le droit international ; 3) la responsabilité de la France « pour fait internationalement illicite » du fait des conséquences prévisibles de la livraison des six embarcations sur les droits humains des migrants et réfugiés interceptés puis débarqués sur le sol libyen.
– Sur les bateaux considérés comme équipement militaires
Le ministère des Armées a précisé publiquement, le 21 février 2019, qu’il était question de fournir des embarcations rapides à coque semi-rigide produites par l’entreprise française Sillinger. Selon les informations publiques disponibles, il s’agirait d’embarcations de 12 mètres de long, qui seraient fournies sans armement ni support pour armement. Selon la législation française sont considérés comme des navires de guerre, ceux « spécialement conçus ou modifiés pour l’usage militaire, quel que soit leur état d’entretien ou de service, et qu’ils comportent ou non des systèmes de lancement d’armes ou un blindage ». Ces embarcations étant considérées comme du matériel de guerre, elles sont soumises au régime d’autorisation des exportations de matériels de guerre, même s’il s’agit comme dans le cas présent d’une cession gratuite. Une évaluation du risque à l’exportation de ces six embarcations aurait dû être réalisée en se fondant sur le Traité sur le commerce des armes ainsi que sur la Position commune 2008/944/PESC du Conseil du 8 décembre 2008, qui définit des règles communes régissant le contrôle des exportations de technologie et d’équipements militaires. Aujourd’hui, l’absence de transparence sur les exportations d’équipements militaires est telle qu’il est impossible de vérifier si la France s’est conformée à ses engagements internationaux.
– Sur la situation des réfugiés et migrants en Libye
Plus de 6 500 réfugiés et migrants sont actuellement arbitrairement détenus dans une quinzaine de centres de détention libyens, officiellement sous l’autorité du ministère de l’Intérieur. Parmi ces personnes détenues, environ 3 000 le sont dans des zones où se déroulent les combats en cours depuis le 4 avril 2019 ou à proximité. Bloquées, exposées aux tirs croisés, et avec un accès encore plus restreint que d’ordinaire à des ressources vitales, elles doivent être évacuées de toute urgence hors de Libye.
Signataires : Amnesty international, Médecins sans frontières, Gisti, Ligue des droits de l’Homme, la Cimade, Avocats sans frontières, ASGI, Migreurop
Paris, le 25 avril 2019
Source: L’État français livre des bateaux à la Libye : des ONG saisissent la justice !
Communiqué commun
Six ans après le drame du Rana Plaza au Bangladesh, la mobilisation continue pour imposer un cadre contraignant aux multinationales. Articulée autour d’une pétition européenne qui a déjà recueilli plus de 550.000 signatures en trois mois, la campagne « Des droits pour les peuples, des règles pour les multinationales » vise à mobiliser largement les citoyens pour mettre fin au système d’arbitrage d’investissement et obtenir des avancées notables en droit international afin de pouvoir garantir l’accès à la justice pour les populations affectées par les abus des entreprises multinationales.
Le 24 avril 2013, au Bangladesh, le Rana Plaza s’effondrait. La chute de l’immeuble de 8 étages qui abritait 6 usines textiles, causait la mort de 1138 ouvrières et en blessait plus de 2000. C’est à ce jour le plus grave accident survenu dans l’industrie mondialisée du textile. Les victimes fabriquaient des vêtements pour des marques ou des distributeurs occidentaux.
Si un fonds d’indemnisation a rapidement été mis en place sous l’égide de l’OIT, à l’initiative des ONG et des syndicats internationaux, il a fallu deux ans de mobilisation internationale pour que les multinationales concernées l’abondent. En l’absence de contrainte juridique, les contributions des entreprises étaient en effet volontaires. Et certaines d’entre elles n’ont pas souhaité y contribuer pour ne pas reconnaître leur responsabilité dans cette catastrophe.
Au final, le Rana Plaza Donors Trust Fund a atteint 30 millions de dollars, répartis entre les 3000 personnes et familles directement affectées. Mais pour obtenir réellement justice, avec des dommages et intérêts proportionnels au préjudice subi, tout reste à faire. A commencer par remonter aux maisons mères et entreprises donneuses d’ordre, une tâche impossible si l’on ne fait pas évoluer le cadre normatif international.
L’impunité ne peut plus durer, les règles doivent changer. La loi sur le devoir de vigilance, promulguée en France en 2017, devrait servir d’exemple. Ces obligations doivent désormais être inscrites dans le droit européen et international.
La campagne « Des droits pour les peuples, des règles pour les multinationales » réunit des associations, syndicats et mouvements sociaux issus de plus de 15 pays européens.
Les principaux objectifs poursuivis sont les suivants :
* Révoquer les clauses d’arbitrage entre investisseurs et États dans tous les traités de commerce et d’investissement existants, et refuser que de futurs traités insèrent des clauses d’arbitrage similaires.
* Soutenir les négociations et la ratification d’un traité onusien sur les multinationales et les droits humains, adopter une directive européenne sur le devoir de vigilance, et s’assurer que la loi française sur le devoir de vigilance soit appliquée de manière effective.
Alors que l’UE vient de décider de mettre en pause sa participation aux négociations onusiennes et qu’elle multiplie les accords de commerce et d’investissement, les organisations de la campagne interpellent les candidats aux élections européennes pour leur demander de s’engager à inverser ce mouvement une fois élus.
Le 24 avril 2019
Signataires : Actionaid !, Alofa Tuvalu, Les Amis de la Terre France, CADTM, CCFD Terre Solidaire, Ceras, Confédération paysanne, Collectif éthique sur étiquette, Emmaüs international, AEFJN Réseau Foi et Justice Afrique – Europe, Foodwatch, France Amérique Latine, la Ligue des droits de l’Homme, Notre affaire à tous, React, Collectif Roosevelt, Solidaires, Institut Veblen.
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Mettre fin à l’arbitrage investisseur- État
L’arbitrage investisseur-Etat est apparu en 1965 à l’initiative de la Banque mondiale, dans le contexte de la décolonisation, afin de protéger les grandes entreprises des anciennes puissances impériales de toute tentative de nationalisation et d’expropriation de leurs avoirs dans les anciennes colonies.
Ce mécanisme permettant aux investisseurs d’attaquer en justice des Etats par l’intermédiaire d’un système de justice parallèle a pris de l’ampleur à partir des années 1990 et son insertion dans l’ALENA. Il est aujourd’hui présent dans plus de 3300 accords internationaux dont plus de 1400 conclus par des États membres de l’Union européenne, y compris parfois entre eux (196). Le nombre de ces accords ne cesse de croître. Aucun domaine n’est épargné par les entreprises et les investisseurs dans leur capacité à attaquer les Etats. À ce jour, 904 cas d’arbitrage touchant à différents domaines comme la santé, la fiscalité, l’environnement ou le montant des salaires ont été recensés. Parfois, la simple menace d’un arbitrage dissuade les Etats de légiférer, comme ça a été le cas en France avec la loi Hulot sur les hydrocarbures, vidée de sa substance.
Responsabiliser les multinationales
Le 27 mars 2017, la France a promulgué la « loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre », dite « loi sur le devoir de vigilance ». Cette loi marque une étape historique dans la protection des droits humains et de l’environnement en imposant aux entreprises françaises de prévenir les atteintes aux droits humains et à l’environnement pouvant résulter de leurs activités et celles de leurs filiales, fournisseurs et sous-traitants de par le monde. Unique au monde, la loi sur le devoir de vigilance s’insère dans un cadre juridique international en évolution rapide. A l’échelle européenne et onusienne, diverses initiatives sont en effet en cours pour rendre les multinationales redevables de leurs actes devant la justice. Ainsi, un projet de traité est en négociation depuis 2015 à l’ONU, processus soutenu par une forte mobilisation de la société civile internationale.
« Aux Présidents de la Commission européenne et du Conseil de l’UE, aux représentants des Etats membres et aux parlementaires européens.
Les accords de commerce et d’investissement confèrent aujourd’hui aux entreprises multinationales des droits exorbitants et leur donnent accès à un système de justice parallèle pour les protéger.
Nous demandons à l’Union européenne et à ses Etats membres de mettre fin à ces privilèges en révoquant les clauses d’arbitrage entre investisseurs et États des accords de commerce et d’investissement en vigueur, et en s’abstenant de conclure des accords de ce type à l’avenir.
Nous demandons également à l’Union européenne et à ses Etats Membres de soutenir les négociations en cours aux Nations unies en vue de l’adoption d’un traité contraignant relatif aux entreprises multinationales et aux droits humains, mettant fin à leur impunité.
L’Union européenne et ses Etats Membres doivent inscrire dans leurs législations des obligations contraignant les entreprises multinationales à respecter les droits humains et l’environnement dans leurs activités et opérations dans le monde entier.
Les victimes de dommages et de violations dont les droits humains sont bafoués par des entreprises doivent avoir accès à la justice. »