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Ligue des droits de l'Homme

Section du Pays d'Aix-en-Provence

Archives du tag : Prison

Réduction des risques en prison : 17 associations réclament que la loi santé soit respectée 28 janvier 2024

Communiqué commun dont la LDH est signataire

En 2016, le Parlement inscrivait dans la loi Santé l’extension à la réduction des risques (RDR) du principe d’équivalence des soins entre le milieu ouvert et le milieu fermé. Huit ans plus tard, le décret d’application n’est toujours pas publié et la loi n’est toujours pas respectée. En conséquence, l’accès aux outils et dispositifs de RDR est quasiment inexistant en prison, lieu avec une forte prévalence des addictions et des maladies infectieuses. 17 associations réclament la publication du décret d’application de ladite loi sur son volet RDR en prison.

En France, la prévalence des addictions parmi les personnes incarcérées est bien plus importante qu’en milieu ouvert : on estime qu’un tiers des personnes qui entrent en prison présentent une problématique addictive hors tabac et que la quasi-totalité continue à consommer en établissement pénitentiaire[1], dans des conditions qui présentent des risques importants pour leur santé. Ainsi, 40,5% d’entre elles déclarent avoir déjà partagé leur matériel de consommation[2]. La prévalence du VIH et des hépatites virales est aujourd’hui 6 à 10 fois plus importante en prison qu’à l’extérieur[3].

Face à ce constat, le Parlement inscrivait en 2016, dans la loi de modernisation de notre système de santé, un principe simple : « La politique de réduction des risques et des dommages en direction des usagers-ères de drogue s’applique également aux personnes détenues ». Cette politique inclut, entre autres, la distribution gratuite de matériel, notamment des seringues stériles et antidotes en cas de surdose.

Cette loi de modernisation de notre système de santé, qui fêtera ses 8 ans le 26 janvier, n’est pas appliquée. La réduction des risques en prison est encore extrêmement limitée. La distribution de matériel pour les usagers-ères de drogue varie très fortement d’un établissement pénitentiaire à l’autre.

Cette situation bafoue le respect des droits fondamentaux des personnes incarcérées, met en danger leur santé déjà particulièrement fragile et contribue à la propagation des épidémies de VIH et des hépatites.

En l’absence de décret, les associations attaquent l’Etat et interpellent les parlementaires

Depuis l’adoption de la loi de modernisation de notre système de santé le 26 janvier 2016, aucun gouvernement n’a pris le décret nécessaire à son application face à l’urgence sanitaire que représente la réduction des risques en prison.

Pourtant, 8 associations[4] ont déjà alerté sur ce sujet en déposant, le 18 octobre 2022, un recours au Conseil d’État afin de contraindre le gouvernement à appliquer la loi en prison.

Ce 26 janvier, à l’occasion de l’anniversaire de l’adoption de la loi de modernisation de notre système de santé, 17 associations actives dans la réduction des risques, les addictions, les droits des personnes détenues, et la lutte contre le VIH se mobilisent de nouveau.

Nous appelons les parlementaires à :

  • utiliser leur droit de visite dans les établissements pénitentiaires afin qu’ils y observent les conditions d’incarcération ;
  • interroger le gouvernement par des questions écrites ou orales sur la non application de la loi ;
  • ajouter la question de la réduction des risques au plan de travail du groupe d’études prison de l’Assemblée nationale ;
  • saisir la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté.

Nous appelons la direction générale de la santé, la direction de l’administration pénitentiaire et les ministères de la Santé et de la Justice à inclure nos recommandations (disponibles en pièce-jointe) dans la rédaction d’un décret qui pourra ainsi répondre à l’ampleur de la crise sanitaire actuelle en prison.

Nous appelons la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté et le défenseur des droits à contrôler l’application de la loi de santé 2016 sur son volet RDR en prison.

Signataires : Act Up Sud-Ouest, AIDES, ASUD (Autosupport des usagers de drogues), ASUD MARS SAY YEAH, Fédération Addiction, LDH (Ligue des droits de l’Homme), Médecins du Monde, Nouvelle Aube, Observatoire international des prisons, Prométhée, Safe, Sida Info Service, Sidaction, Syndicat des avocats de France, Syndicat de la magistrature, TRT-5 CHV

Paris, le 26 janvier 2024

[1] Protais C., Morel d’Arleux J., Roustide M.-J., Usages de drogues en prison – Pratiques, conséquences et réponses, Paris, OFDT, 2019, 40 p.

[2] Michel L, Gerfaux-Trouiller P, Chollet A, Molinier M, Duchesne L, Jauffret Roustide M. Self-reported injection practices among people who use drugs in French prisons: public health implications (ANRS-Coquelicot survey 2011-2013). Drud and Alcohol Review. 2017

[3] C. Semaille, Y. Le Strat, E. Chiron, K. Chemlal, M.A. Valantin, P. Serre, L. Caté, C. Barbier, M. Jauffret-Roustide, The Prevacar Group. Prevalence of Human Immunodeficiency Virus and Hepatitis C Virus Among French Prison Inmates in 2010: A Challenge for Public Health Policy, 2013

[4] AIDES, Fédération Addiction, Médecins du Monde, Nouvelle Aube, l’Observatoire International des Prisons, le Syndicat de la magistrature, le Syndicat des avocats de France et le TRT-5 CHV.

Télécharger le communiqué en pdf.

Source: Réduction des risques en prison : 17 associations réclament que la loi santé soit respectée

Budget pénitentiaire 2022 : la prison reste le seul horizon 28 octobre 2021

Communiqué commun dont la LDH est signataire

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2022, les membres de l’Assemblée nationale examinent aujourd’hui, lundi 25 octobre, les crédits de la mission Justice et, parmi eux, ceux dédiés à l’administration pénitentiaire. Une fois de plus, les priorités budgétaires sont aux antipodes des véritables besoins et traduisent une orientation stratégique où la prison reste, encore et toujours, la peine de référence.

Un budget phagocyté par la construction, au détriment des alternatives à la prison

Le budget alloué à l’extension du parc immobilier pénitentiaire concentre l’immense majorité des fonds publics. Aux près de 5 milliards d’euros de dettes de construction à épurer à ce jour[1], le budget pour 2022 prévoit d’ajouter près d’un milliard d’euros d’investissement immobilier[2]. Cette course à la construction, outre qu’elle représente un gouffre financier, grève le budget consacré au parc carcéral. Alors qu’une importante proportion de prisons existantes sont vétustes et insalubres, contribuant largement à l’indignité des conditions de détention, les dépenses d’entretien sont limitées à 80 millions d’euros. Une somme bien négligeable quand les pouvoirs publics estiment à 7 millions d’euros les montants nécessaires aux travaux de rénovation – partiels – pour la seule prison de Nouméa[3].

Surtout, ce budget colossal ne permettra pas de réduire la surpopulation carcérale. Le programme de construction est en effet voué à absorber l’augmentation prévue du nombre de personnes détenues. Le gouvernement en escompte 80 000 à l’horizon 2027, soit 15 000 de plus en six ans, sans lien avec une éventuelle évolution de la démographie ou de la délinquance[4].

Dans le même temps, le budget 2022 alloué aux alternatives à l’incarcération stagne à 39,8 millions d’euros, signe du manque d’ambition de la loi pour la programmation de la Justice (LPJ) dans ce domaine. Seuls 300 000 euros supplémentaires sont injectés dans le placement à l’extérieur. Une avancée dérisoire : en pratique, elle permettra seulement l’ouverture de 26 places supplémentaires[5]. Quant au renforcement des moyens humains, si l’ouverture de 170 postes de conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation[6] est bienvenue, elle reste insuffisante à combler le déficit humain actuel, et donc a fortiori à favoriser la mise en œuvre effective du « bloc peine » de la LPJ.

Les indicateurs d’impact pour 2022 traduisent d’ailleurs clairement l’ineffectivité des politiques mises en œuvre, preuve que le gouvernement ne croit pas lui-même en leur portée. Alors qu’il affiche, à travers la LPJ et aujourd’hui encore avec son projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, un objectif de réduction des très courtes peines de prison, « désocialisantes et n’ayant aucun impact favorable au titre de la récidive, au profit d’alternatives à l’incarcération »[7], le gouvernement prévoit que la part des personnes exécutant des peines de prison de moins de six mois s’élèvera à 21% des détenus condamnés. Une proportion en augmentation par rapport à 2020. Quant à l’impact de ces réformes sur la détention provisoire, le gouvernement affirme qu’il sera « positif sur l’ensemble des indicateurs, en particulier le contrôle judiciaire » tout en présentant des prévisions de performance sans évolution, tant sur le pourcentage des prévenus en détention – actuellement de près d’un tiers – que sur le nombre de contrôles judiciaires.

En ne prévoyant aucune diminution du taux d’occupation des établissements pénitentiaires en 2022 – à savoir 129% en maison d’arrêt et 94% en centre de détention –, le gouvernement anticipe l’échec de ses réformes. Pire, 2023 marquerait une nouvelle hausse. Un constat malheureusement attendu en l’absence de volonté du gouvernement de « tirer les leçons de [l’]inefficacité » des mesures prises depuis trente ans pour enrayer la surpopulation carcérale, comme l’y invitait pourtant le Comité européen pour la prévention de la torture en juin dernier[8].

Dans les prisons, la réinsertion éclipsée

S’il est une ligne du budget pour lequel le gouvernement se donne les moyens de ses ambitions, il s’agit des « évolutions substantielles en matière de sécurisation des établissements pénitentiaires ». C’est à ce poste de dépenses que s’observe la plus importante évolution budgétaire : une augmentation exponentielle de 120%, portant le budget de 60 à plus de 145 millions d’euros.

Un renforcement sécuritaire, qui mobilise les moyens au détriment d’une politique tournée vers la réinsertion et risque en outre d’accroître les tensions. Depuis une vingtaine d’années, le Conseil de l’Europe invite en ce sens à sortir d’une logique purement défensive de la sécurité, au bénéfice d’un modèle dit de « sécurité dynamique » qui mettrait l’accent sur la dignité des conditions de détention et la qualité des relations sociales qui y prennent place, comme le défendait également en 2008 un groupe de travail sur la violence constitué au sein de la direction de l’administration pénitentiaire[9].

À l’inverse, le budget dévolu à la prévention de la récidive et à la réinsertion (91 millions d’euros) reste rudimentaire face à la pénurie d’activités proposées en détention. Une évolution indispensable est certes engagée : la somme allouée à la lutte contre la pauvreté est quasiment doublée, afin de permettre la revalorisation de 10 euros de l’aide versée aux personnes dites sans ressources suffisantes en prison – figée depuis 2013 – et un relèvement des seuils d’indigence. Cette augmentation n’invite cependant malheureusement pas à se réjouir dès lors qu’elle a pour seul objectif « d’atténuer les effets de la très grande pauvreté », elle-même croissante[10].

En janvier 2020, la Cour européenne des droits de l’Homme condamnait la France pour l’indignité de ses conditions de détention et la surpopulation de ses prisons. Près de deux ans plus tard, force est de constater que les choix d’orientation budgétaire ne sont pas à la hauteur des enjeux.

Un communiqué commun de l’A3D, l’Acat, Aides, l’Anaec, l’ASPMP, Auxilia, Ban public, le Casp-Arapej, la CGT Insertion-probation, Citoyens&Justice, la Cimade, le Clip, le Courrier de Bovet, Emmaüs, la Farapej, la FAS, la Ligue des droits de l’Homme (LDH), Lire pour en sortir, l’OIP-SF, Possible, le SNPES-PJJ/FSU, le Syndicat des avocats de France, le Syndicat de la magistrature et le SNPES-PJJ/FSU.

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Paris, le 25 octobre 2021

[1] Somme du remboursement des loyers dus au titre des contrats de partenariat (1 322 millions d’euros) et des crédits relatifs aux opérations immobilières lancées avant le 31 décembre 2020 (3 505 millions d’euros).
[2] Opérations menées par l’Agence publique pour l’immobilier de la justice au titre du programme des 15 000 nouvelles places de prison (autorisations d’engagement à hauteur de 917 millions d’euros).
[3] Devis qui couvrent les travaux de peinture, électricité, plomberie, le remplacement du mobilier, la réfection des réseaux d’assainissement et de distribution d’eau, la prévention des remontées d’égout dans les cours de promenade.
[4] « Jean Castex s’engage sur les 15 000 places de prison supplémentaires », Le Monde, 19 avril 2021.
[5] Une place à l’extérieur coûte 11 432 €/an pour les services pénitentiaires : IGSJ – IGAS – IGF, Rapport sur l’évaluation des politiques interministérielles d’insertion des personnes confiées à l’administration pénitentiaire par l’autorité judiciaire, 2016.
[6] Parmi les 250 ouvertures de postes au sein des services pénitentiaires d’insertion et de probation. Source : CGT Insertion Probation, « Actualités dans les SPIP – Répartition 1500 emplois, déploiement du RPO 1 », 3 mai 2019.
[7] Étude d’impact du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, 13 avril 2021.
[8] Rapport relatif à la visite effectuée en France par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) du 4 au 18 décembre 2019.
[9] Groupe de travail, DAP, Recommandations, 15 octobre 2008.
[10] Le taux de PSRS est passé de 10 % de la population carcérale en 2010 à plus de 20 % en 2020. Source : Budget général – Projet annuel de performance de l’administration pénitentiaire, Annexe au projet de loi de finances 2022.

Source: Budget pénitentiaire 2022 : la prison reste le seul horizon

En finir avec la surpopulation carcérale : après l’espoir déçu, les citoyens appelés à se mobiliser 4 juin 2021

Communiqué commun dont la LDH est signataire

Le 3 juin 2020, face à une diminution exceptionnelle du nombre de détenus, quelque mille personnalités publiques et professionnels de la justice appelaient Emmanuel Macron à se saisir de cette occasion historique pour mettre fin au surpeuplement des prisons. Aujourd’hui, le constat est amer : le nombre de personnes détenues n’a cessé d’augmenter depuis juillet 2020. Face à la surdité de l’exécutif, des associations et organisations professionnelles du milieu prison-justice invitent les citoyens à interpeler de nouveau, un an après, le président de la République pour l’exhorter à agir.

Au printemps 2020, la conjugaison des mesures de libération et d’une baisse des entrées en détention dans les premiers temps de la crise sanitaire avait marqué une rupture avec l’inflation carcérale et la surpopulation systématique qui en résultait : il y avait alors en France moins de personnes détenues que de places de prison.

Saisissant cette occasion exceptionnelle, près de mille personnes faisaient part, dans une lettre ouverte au président, de leur « fol espoir » que cette décroissance de la population carcérale s’inscrive sur du long terme : cette situation inédite confirmait qu’un moindre emprisonnement était possible et n’était ni déraisonnable ni dangereux, mais au contraire unanimement salué. Se dessinaient ainsi les premiers contours d’une prise en compte de la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme le 30 janvier 2020 pour ses conditions de détention indignes, et de son injonction à prendre les mesures structurelles pour résorber définitivement la surpopulation carcérale.

La lettre ouverte sonnait l’alerte en soulignant l’impérieuse nécessité « de tout mettre en œuvre pour que la population carcérale ne reparte à la hausse dès la menace immédiate écartée ». Mais l’exécutif est resté sourd à cet appel : depuis juillet 2020, elle flambe de manière continue, avec 6 689 personnes détenues supplémentaires au 1er mai 2021.

Le garde des Sceaux, pourtant alors signataire de la lettre ouverte, n’a pas pris les mesures structurelles que l’urgence aurait dû rendre centrales, et porte même des mesures qui risquent d’accroître encore la population carcérale. Pire, le gouvernement a renoncé à inverser cette tendance, escomptant 80 000 personnes détenues à l’horizon 2027[1], soit 15 000 supplémentaires en six ans, sans lien avec une éventuelle évolution de la démographie ou de la délinquance. La France s’inscrit ainsi à rebours de la tendance européenne qui se caractérise par une baisse substantielle de la population carcérale ces dix dernières années[2]. Présentée comme une solution à la surpopulation carcérale, la construction de 15 000 nouvelles places de prison, qui ne semble vouée qu’à absorber l’augmentation du nombre de personnes détenues, s’avère être une réponse coûteuse et inefficace.

Emmanuel Macron l’affirmait lui-même en 2018 : « L’emprisonnement ne cesse d’augmenter, parce qu’au fond cela reste la solution qui contente symboliquement le plus de monde, ce qui évite de s’interroger sur le sens que cela recouvre »[3]. 17 associations et organisations professionnelles, militantes ou syndicales du milieu prison-justice lancent aujourd’hui une mobilisation citoyenne pour exhorter Emmanuel Macron à passer des paroles aux actes. Il est encore temps d’inverser la tendance et de mettre en place une politique volontariste de déflation carcérale. Le surpeuplement des prisons n’est pas une fatalité.

Signataires : A3D (Association des Avocats pour la Défense des Droits des Détenus) ; Acat (Action des chrétiens pour l’abolition de la torture) ; ANAEC (Association nationale des assesseurs extérieurs en commission de discipline des établissements pénitentiaires) ; ANJAP (Association nationale des juges de l’application des peines) ; ARAPEJ 41 (Association réflexion action prison et justice-Loir-et-Cher) ; ASPMP (Association des secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire) ; Auxilia ; Ban Public ; CASP ARAPEJ (Centre d’action sociale protestant – Association réflexion action prison et justice) ; CGT Insertion-Probation ; La Cimade ; Courrier de Bovet ; LDH (Ligue des droits de l’Homme) ; OIP-SF (Observatoire international des prisons-section française) ; SAF (Syndicat des avocats de France) ; Secours catholique/Caritas France ; SM (Syndicat de la magistrature).

Paris, le 3 juin 2021

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[1] « Jean Castex s’engage sur les 15 000 places de prison supplémentaires », Le Monde, 19 avril 2021.
[2] Baisse de 16 points du taux médian d’incarcération sur l’ensemble des pays membre : SPACE 1, Conseil de l’Europe, avril 2021. 
[3] Discours à l’École nationale de l’administration pénitentiaire, 6 mars 2018.

Source: En finir avec la surpopulation carcérale : après l’espoir déçu, les citoyens appelés à se mobiliser

Lettre ouverte aux députés : la société civile s’invite dans les débats sur la prison et l’exécution des peines 18 mai 2021

Communiqué commun dont la LDH est signataire

Alors que s’ouvrent ce mardi 18 mai les débats relatifs au projet de loi dit « pour la confiance dans l’institution judiciaire » en séance publique de l’Assemblée nationale, 18 associations et organisations intervenant dans le champ prison-justice adressent, dans une lettre ouverte aux députés, leurs observations et recommandations concernant les dispositions relatives à la détention et à l’exécution des peines privatives de liberté.

Cette interpellation collective s’inscrit en réaction à l’absence « de véritable concertation ni avec la société civile, ni avec les professionnels, négligeant ainsi la richesse des débats que les sujets abordés auraient pu susciter » dans le cadre de la préparation et de l’examen du projet de loi. Les signataires soulignent d’abord positivement les quelques mesures visant à réduire le recours à l’incarcération, tout en relevant que ces mesures, timides et dépourvues de caractère contraignant, ne pourront dès lors avoir l’effet escompté. Ils regrettent notamment, en ce qui concerne la détention provisoire, l’occasion manquée de « prendre le problème à la source » alors que la nécessaire refonte en profondeur des textes était attendue. Ils mettent également en garde contre la banalisation de la surveillance électronique et rappellent que la liberté doit toujours lui être privilégiée, si besoin assortie d’un contrôle judiciaire. Ils saluent en outre l’intention de favoriser les libérations anticipées et accompagnées dans le cadre d’une généralisation de la libération sous contrainte, tout en déplorant que certaines catégories de personnes en soient exclues, en particulier les personnes ne disposant pas d’hébergement, qui sont également les plus précaires et isolées.

Les signataires sont en revanche « particulièrement préoccup[és] » par les effets négatifs de la réforme envisagée du système des réductions de peine : « Alors même que la France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’Homme à prendre des mesures urgentes pour résorber de manière définitive sa surpopulation carcérale, le législateur propose un dispositif qui aura nécessairement pour conséquence l’augmentation du nombre de prisonniers ». Ils relèvent également que les conditions cumulatives de bonne conduite et d’efforts sérieux de réinsertion exigées pour l’octroi des réductions de peine « font fi de la réalité carcérale et de l’absence généralisée d’activités proposées par l’administration pénitentiaire dans de nombreuses prisons ».

Par ailleurs, tandis que les personnes détenues sont actuellement exclues du champ d’application du droit du travail, les signataires saluent le fait que le législateur s’empare enfin de cette question et consacre des avancées positives, en particulier en termes de droits sociaux. Mais, outre le caractère inabouti de ces avancées, ils regrettent que le projet de loi entérine la flexibilité du travail en prison « sans prévoir les protections qui doivent venir compenser cette précarité » et que certains sujets centraux comme la rémunération soient passés sous silence. Ils rappellent qu’au-delà du travail, l’ensemble des dispositifs mobilisables en matière de réinsertion restent largement insuffisants et fortement sous-dotés budgétairement.

Enfin, les signataires ne peuvent que déplorer l’absence de réforme concernant l’expression collective des personnes détenues, aujourd’hui interdite. Alors que le projet de loi place la discipline au cœur de l’accès aux nouveaux dispositifs, que ce soit en matière de libération sous contrainte, de réduction de peine ou de travail, il ne reconnaît aux personnes incarcérées aucune place dans la gestion et l’organisation quotidienne de leur détention. « S’il est évident que leur exercice appelle des aménagements, des droits collectifs doivent être reconnus dans leur principe et donner lieu à un encadrement et à des modalités d’exercice compatibles avec l’état de détention », soulignent les signataires qui espèrent que, malgré le temps limité consacré aux discussions du projet de loi, des améliorations pourront être apportées en ce sens dans le cadre des débats à venir à l’Assemblée nationale.

Associations et organisations signataires :
 
–    A3D (Association des Avocats pour la Défense des Droits des Détenus)
–    ANAEC (Association Nationale des Assesseurs Extérieurs en
     Commission de discipline des établissements pénitentiaires)
–    ANJAP (Association nationale des juges de l’application des peines)
–    ANVP (Association nationale des visiteurs de prison)
–    Ban Public
–    Auxilia
–    CASP ARAPEJ (Centre d’Action Sociale Protestant –
     Association Réflexion Action  Prison Et Justice)
–    CGT Insertion Probation
–    Citoyens et justice
–    CLIP (Club informatique pénitentiaire)
–    Courrier de Bovet  
–    Emmaüs-France
–    FARAPEJ (Fédération des Associations Réflexion Action Prison Et Justice)
–    LDH (Ligue des droits de l’Homme)
–    Lire pour en sortir
–    OIP-SF (Observatoire International des Prisons – Section Française)
–    SAF (Syndicat des Avocats de France)
–    Secours Catholique / Caritas France
–    SM (Syndicat de la Magistrature)

Paris, le 18 mai 2021

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Source: Lettre ouverte aux députés : la société civile s’invite dans les débats sur la prison et l’exécution des peines

Violences de surveillants pénitentiaires sur des personnes détenues : l’omerta doit prendre fin 18 mars 2021

Communiqué commun signé par la LDH

Le 4 janvier 2021, le directeur de l’administration pénitentiaire interdisait la diffusion du numéro 52 du journal L’Envolée dans toutes les prisons françaises en raison d’un dossier consacré au décès de plusieurs personnes détenues dans des conditions suspectes. Dans le même temps, il portait plainte pour diffamation. Il est reproché au journal, relais de la parole des personnes détenues et de leurs proches depuis près d’une vingtaine d’années, d’avoir « allégué des faits de violences volontaires commis par des personnels de l’administration pénitentiaire, dans l’exercice de leurs fonctions » et « imputé aux responsables hiérarchiques des auteurs de ces violences alléguées de ne pas les avoir dénoncées ».

Cette interdiction ne saurait occulter le problème de fond dénoncé par le journal : les violences commises par des agents de l’administration pénitentiaire sur des personnes détenues sont une réalité désormais largement documentée, tout comme les rouages institutionnels permettant qu’elles se perpétuent.
La section française de l’Observatoire international des prisons rapportait ainsi dans un rapport de juin 2019 être saisie de plusieurs témoignages par semaine de personnes détenues ou de leurs proches dénonçant des violences subies de la part de personnels pénitentiaires. Le décès récent de Jimony R. alors incarcéré au centre pénitentiaire de Meaux après avoir été, selon le témoignage d’un surveillant pénitentiaire, « roué de coups » notamment « à la tête (…) alors qu’il était menotté et maîtrisé au sol » vient également rappeler la tragique actualité de cette réalité.

Les mécanismes institutionnels qui permettent à cette réalité de perdurer sont également aujourd’hui parfaitement connus et identifiés : difficultés à réunir les preuves de faits qui se déroulent le plus souvent à l’abri des regards et des caméras de vidéosurveillance, manque d’information sur les modalités de dépôt de plainte et d’accompagnement juridique dans ces démarches, représailles pour les personnes détenues, leurs proches ou toute autre personne qui entendrait dénoncer des violences subies en détention, mutisme des autorités hiérarchiques qui préfèrent bien souvent détourner le regard, manque de diligence des autorités administratives et judiciaires dans la réalisation des enquêtes, et un « parole contre parole » qui tourne presque systématiquement à l’avantage de l’uniforme.

La censure du numéro 52 du journal L’Envolée, pour avoir relayé la parole de personnes détenues et de leurs proches sur cette réalité, est une nouvelle illustration de la chape de plomb que l’administration pénitentiaire met sur un phénomène qui devrait au contraire alerter et inquiéter. Plutôt que de s’en saisir à bras le corps, pour qu’aucune suspicion de comportement violent de la part d’un agent pénitentiaire sur une personne détenue ne puisse plus rester sans suite, l’administration pénitentiaire préfère tenter de faire taire celles et ceux qui s’en font l’écho. Attachées au respect des droits fondamentaux et de la dignité de toute personne, nos organisations continueront à soutenir toutes celles et tous ceux qui œuvrent pour que la lumière soit faite sur une réalité encore trop souvent ignorée et cachée. Pour que l’omerta qui règne sur les violences de surveillants pénitentiaires sur des personnes détenues prenne fin.

Paris, le 16 mars 2021

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Source: Violences de surveillants pénitentiaires sur des personnes détenues : l’omerta doit prendre fin

Lettre ouverte collective pour une véritable politique de déflation carcérale 3 juin 2020

Lettre ouverte de plusieurs personnalités, dont Malik Salemkour, président de la LDH, concernant la surpopulation carcérale

Monsieur le Président,

Pour la première fois depuis près de vingt ans, il y a en France moins de prisonniers que de places de prison. Conséquence d’une crise sanitaire sans précédent, ce qui était hier impossible est devenu réalité : en deux mois, le nombre de personnes détenues a été réduit de plus de 13 500.
Cette situation fait naître un fol espoir. Car si elle résulte de circonstances exceptionnelles, elle impose une évidence incontestable : réduire la population carcérale, prendre en charge en milieu libre ceux qui peuvent ou doivent l’être, n’est ni déraisonnable, ni dangereux. C’est, au contraire, une mesure de salut public. Ces vingt dernières années, la France a connu une inflation carcérale continue qui a contraint les personnes détenues à vivre dans la promiscuité et l’indignité, et a condamné l’institution pénitentiaire à une quête vaine pour donner du sens à une peine de prison avant tout synonyme de désolation, désocialisation et déshumanisation. La baisse inédite que nous venons de connaître nous rappelle qu’une autre voie est possible. Que la volonté politique alliée à la mobilisation de l’ensemble des acteurs de la justice permet de remettre ou de maintenir en liberté des milliers de personnes sans que cela ne présente de danger en termes de sécurité.

Monsieur le Président, nous appelons à ce que cet espoir ne soit pas tué dans l’œuf. Il est essentiel de tout mettre en œuvre pour que la population carcérale ne reparte à la hausse dès la menace immédiate écartée. Le 30 janvier dernier, la Cour européenne des droits de l’homme condamnait la France pour les conditions de détention indignes qui règnent dans ses prisons et, surtout, sommait le gouvernement de prendre des mesures en vue de « la résorption définitive de la surpopulation carcérale ». Avec l’expiration du délai d’appel, cette décision historique est devenue, ce 30 mai, définitive.

La crise que nous traversons amène chacun à faire la preuve de sa capacité à se réinventer : nous demandons que, dans le domaine des prisons comme dans tant d’autres, les enseignements soient tirés. Qu’à la gestion de l’urgence succède une véritable politique de déflation carcérale à même de garantir l’encellulement individuel et des conditions de détention dignes et de favoriser la prise en charge en milieu libre de ceux qui peuvent ou doivent l’être. Nous attendons de la France qu’elle ne soit plus pointée du doigt par les instances européennes pour les traitements inhumains et dégradants qu’elle inflige aux prisonniers.

En mars 2018, vous affirmiez : « Je sais qu’une nation est jugée aussi à travers ses prisons. Beaucoup ne voudraient plus les voir, considérant que c’est la part maudite d’une nation. Mais nous serons regardés à l’aune de ce que nous ferons de cette part de nous-mêmes. » Le moment est venu, l’occasion est là : ne la manquez pas.

Paris, le 3 juin 2020

Premiers signataires : Estellia ARAEZ, présidente du Syndicat des avocats de France · Pierre-Martin AUBELLE, président de Possible · Aurélien BEAUCAMP, président de Aides · Esther BENBASSA, sénatrice (EELV) · Ugo BERNALICIS, député (LFI) · Delphine BOESEL, présidente de l’Observatoire international des prisons-section française · Philippe de BOTTON, président de Médecins du Monde France · Rachida BRAKNI, comédienne · Guy-Bernard BUSSON, président de l’Association nationale des assesseurs extérieurs en commission de discipline (ANAEC) · Olivier BRUNHES, dramaturge et écrivain · Dr Béatrice CARTON, présidente de l’Association des professionnels de santé exerçant en prison (APSEP) · Yvon CORVEZ, président du Club informatique pénitentiaire (CLIP) · Sorj CHALANDON, écrivain et journaliste · Philippe CLAUDEL, écrivain et réalisateur · Olivier COUSI, bâtonnier de Paris · Cécile DANGLES, présidente de l’Association nationale des juges de l’application des peines (ANJAP) · Marie DARRIEUSSECQ, écrivaine · Benoît DAVID, président de Ban Public · Dr Michel DAVID, président de l’Association des secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire (ASPMP) · Christophe DELTOMBE, président de la Cimade · Xavier DENECKER, président de l’Association nationale des visiteurs de prison (ANVP) · Brice DEYMIÉ, aumônier national protestant · Rokhaya DIALLO, journaliste et réalisatrice · Flore DIONISIO, secrétaire nationale CGT insertion-probation · Marie DESPLECHIN, écrivaine · Katia DUBREUIL, présidente du Syndicat de la magistrature · Éric DUPOND-MORETTI, avocat · Antoine DURRLEMAN, président du Casp-Arapej · Alexandre DUVAL-STALLA, président de Lire pour en sortir · Annie ERNAUX, écrivaine · Didier FASSIN, anthropologue · Éric FASSIN, sociologue · Véronique FAYET, présidente du Secours catholique · Christiane FÉRAL-SCHUHL, présidente du Conseil national des Barreaux · Hélène FONTAINE, présidente de la Conférence des bâtonniers · Bernadette FORHAN, présidente de l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (Acat) · Florent GUEGUEN, directeur général de la Fédération des acteurs de la solidarité · Marie HARDOUIN, présidente du Courrier de Bovet · Nancy HUSTON, écrivaine · Stéphane JACQUOT, fondateur de l’Association nationale pour la justice réparatrice · Grégoire KORGANOW, photographe · Jacqueline LAFFONT, avocate · Guy LARIBLE, président d’Auxilia · Christine LAZERGES, professeure émérite de l’Université Paris 1, ancienne présidente de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) · Henri LECLERC, avocat · Laurence LE LOUËT, co-secrétaire nationale du Syndicat national des personnels de l’éducation et du social-Protection judiciaire de la jeunesse (SNPES-PJJ/FSU) · Pierre LEMAITRE, écrivain · Amélie MORINEAU, présidente de l’association des avocats pour la défense des droits des détenus (A3D) · Florence MORLIGHEM, députée (LREM) · Jean-François PENHOUET, Aumônier national catholique · Franck PITIOT, comédien · Olivier PY, directeur du Festival d’Avignon · Nathalie QUINTANE, écrivaine · Dominique RAIMBOURG, ancien député (PS) · Flavie RAULT, secrétaire générale du Syndicat national des directeurs de prison (SNDP-CFDT) · Laurence RICHARD, secrétaire générale du Syndicat national de l’ensemble des personnels de l’administration pénitentiaire (SNEPAP-FSU) · Sophie ROCHE, vice-présidente d’Emmaüs France · David ROCHEFORT, écrivain · Christian SAINT-PALAIS, président de l’Association des avocats pénalistes (ADAP) · Malik SALEMKOUR, président de la Ligue des droits de l’Homme (LDH) · Lydie SALVAYRE, écrivaine · Alexis SAURIN, président de la Fédération des associations réflexion action prison et justice (Farapej) · Anne SINCLAIR, journaliste · Marielle THUAU, présidente de Citoyens & Justice · Bruno SOLO, comédien · Patrice SPINOSI, avocat · Alain VILLEZ, président des Petits frères des Pauvres · Aumônerie musulmane · Aumônerie bouddhiste des prisons…

Source: Lettre ouverte collective pour une véritable politique de déflation carcérale

Lettre ouverte à Mme Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la Justice 22 novembre 2018

Lettre ouverte signée par plusieurs organisations dont la LDH

La décision de la direction de l’administration pénitentiaire de ne pas renouveler la convention la liant au Genepi met cette association étudiante en péril. Considérant que « le rôle du Genepi est essentiel pour le respect de la dignité (des personnes détenues) comme pour notre démocratie » de nombreuses associations et personnalités demandent à la garde des Sceaux de rétablir cette convention.

Le Genepi est une association étudiante œuvrant auprès des personnes incarcérées depuis 42 ans. Le 20 septembre 2018, la direction de l’administration pénitentiaire (DAP) a annoncé de manière brutale au Genepi le non-renouvellement de la convention qui les liait. Suite à cette décision, ses bénévoles se sont déjà vu refuser l’accès à de nombreux établissements pénitentiaires dans toute la France entraînant un arrêt des activités auprès des personnes incarcérées. Cette décision menace aujourd’hui la raison d’être, le décloisonnement du monde carcéral, et l’existence même du Genepi en remettant en cause son fonctionnement, sa liberté d’expression et son indépendance.

Cette volonté de faire taire une association qui compte plus de 800 jeunes bénévoles nous choque. Elle constitue un très mauvais signal pour encourager l’engagement de la jeunesse dans les associations.

Il apparaît que le Genepi est la cible d’une sanction politique visant à empêcher les étudiants du Genepi d’entrer dans les établissements pénitentiaires, de témoigner de ce qu’ils y voient et d’alerter sur les conditions de détention des personnes qu’ils y rencontrent.

Alors que 37 établissements ont été condamnés par la Cour européenne des droits de l’Homme et la justice française, que la surpopulation carcérale bat des records et que les conditions de vie des personnes détenues se détériorent gravement, il nous semble que le rôle du Genepi est essentiel pour le respect de leur dignité comme pour notre démocratie.

D’autre part, le Genepi est un lieu d’apprentissage citoyen pour la jeunesse. Depuis 42 ans, elle a permis à des dizaines de milliers d’étudiantes et étudiants de se sensibiliser et réfléchir aux problématiques en lien avec les institutions carcérales et judiciaires. Ces jeunes citoyens, formés et engagés, se retrouvent souvent par la suite dans des parcours professionnels qui croisent ceux de nos organisations, universités ou institutions. Parmi eux se trouvent de futurs acteurs et actrices du monde prison-justice, qui reçoivent ainsi une première formation de qualité dans le cadre d’une structure historique et au contact de la réalité du terrain.

Le non-renouvellement de la convention nationale pourrait signer la mort du Genepi tel qu’il existe depuis 42 ans, alors qu’aucun des gouvernements successifs n’a remis en cause l’utilité publique de l’association ni sa liberté d’expression. Sanctionner une association critique qui est un témoin des conditions de détention au sein des prisons françaises est un fait grave et un déni de démocratie.

Nous vous demandons, Madame la Garde des Sceaux, d’intervenir au plus vite pour rétablir la convention nationale liant le Genepi et la direction de l’administration pénitentiaire, car cette convention est indispensable pour le bon déroulement des actions de ces bénévoles auprès des personnes détenues.

Veuillez agréer, Madame la Ministre, notre considération distinguée.

Associations signataires : A3D, Association des avocats pour la défense des droits des détenus ; ACAT, Action des chrétiens pour l’abolition de la torture ; Afev, Association de la Fondation étudiante pour la ville, Aides ; Anafé, association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers ; Artag, accompagnement social des Gens du voyage, des tsiganes, des voyageurs ; Artogalion ; Bamm, bureau d’accueil et d’accompagnement des migrants ; Ban public ; Bruxelles laïque ; Collectif des associations citoyennes (CAC) ; CGT Syndicat SPIP ; Champ libre ; Coexister ; Comede ; Confluences ; Fédération des acteurs et actrices des danses traditionnelles (FAMDT) ; Fédération des associations réflexion-action, Prison et justice (Farapej) ; Fédération addiction ; Fédération des acteurs de la solidarité ; FièrEs ; Filmogène, Production de films de fiction et de documentaires, courts et longs métrages ; Genepi Belgique ; Gisti, groupe d’information et de soutien des immigré.e.s ; Ingénieurs sans frontières ; La Cimade ; La clé des ondes Bordeaux ; L’Etincelle, pour une éducation populaire politique ; Le Collectif des associations citoyennes ; Le MAG, jeunes LGBT ; Les Désobéissants ; Les Petits frères des pauvres ; Ligue des droits de l’Homme ; Observatoire de l’enfermement des étrangers (OEE) ; OSB IV ; Ovale citoyen ; Radio Campus Paris ; Refeed, Réseau français des étudiants pour le développement durable; RESF, Réseau éducation sans frontières ; Saf, Syndicats des avocats de France ; Secours Catholique ; SNEPAP-FSU, Syndicat national de l’ensemble des personnels de l’administration pénitentiaire ; SNPES-PJJ-FSU, Syndicat national des personnels de l’éducation et du social ; Solidaires Etudiants ; Solidaires Jeunesse et Sports ; Solidaires Justice ; Solidaires national ; SOS pour les prisonniers ; Syndicat Asso-Solidaires ; Syndicat de la magistrature, Syndicat pour la protection et le respect des prisonnier.e.s ; UFISC, Union fédérale d’intervention des structures culturelles ; Unef, Union nationale des étudiants de France.

Personnalités : Cécile Duflot, directrice générale d’Oxfam France, ancienne secrétaire nationale, ministre et députée ; Christian Daniel, Directeur des Services pénitentiaires d’insertion et de probation honoraire ; Etienne Noël, avocat ; Gabriel Mouesca, ancien président de l’Observatoire International des Prisons ; Henri Leclerc, avocat pénaliste ; Marie-Pierre De la Gontrie, sénatrice socialiste, Stéphane Mercurio, cinéaste ; Xavier Renou, des Désobéissants.

 

Source: Lettre ouverte à Mme Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la Justice

ENFERMEMENT DES MINEUR-E-S, JUSTICE DES ENFANTS ET DES ADOLESCENT-E-S : UN ENJEU MAJEUR 3 février 2018

Communiqué commun

Un anniversaire de plus et toujours rien à l’horizon du côté d’une réforme ambitieuse de l’ordonnance du 2 février 1945 régissant la justice des enfants et des adolescent.e.s. Après les rares modifications adoptées en 2016, ce texte fondateur est promis à une réforme à nouveau parcellaire, perdue dans la loi de programmation pour la justice, bien loin des besoins de la jeunesse.

Et les dispositions éparses qui s’annoncent, encore une fois, ne reviennent pas sur l’enfermement et le contrôle et ne tiennent pas compte de la variété des outils éducatifs. En effet, le projet de simplification de la justice des mineur.e.s avalise la création de 20 nouveaux centres éducatifs fermés. Face, au constat d’échec des prises en charge dans ces structures, il est question d’en « ouvrir les portes », notamment par des possibilités de périodes de placement sous d’autres formes sans peur de l’injonction paradoxale qui en découle. Il prévoit également l’expérimentation sur trois ans d’une activité d’accueil de jour, proposition qui loin d’être une nouveauté maintient le présupposé simpliste qu’en occupant les adolescent.es, en les contenant dans un emploi du temps, on évite la commission d’un nouveau délit, le tout sans les moyens, ni les garanties pédagogiques de rigueur.

Là où la Convention internationale des droits de l’enfant et l’ordonnance de 1945 prévoient le caractère exceptionnel de l’emprisonnement, au 1er décembre 2017, 799 mineur.e.s étaient encore incarcéré.es en France, dans les 44 quartiers mineur.es des maisons d’arrêt et les 6 établissements pénitentiaires pour mineur.es.

Au-delà de ce chiffre déjà inquiétant à lui seul, la population adolescente concernée par l’enfermement est bien plus importante : il faut y ajouter le chiffre « gris » des jeunes majeur.e.s incarcéré.e.s – statistique hélas inconnue – pour des faits commis pendant leur minorité, et qui subissent les conditions de détention des majeurs, sans prise en charge adaptée.

Cette inflation de l’incarcération trouve son prolongement dans l’enfermement dans les 52 centres éducatifs fermés, dont la nature prévaut sur l’éducatif, qu’elles que soient les intentions des professionnel.le.s y exerçant. Enfin, les mesures de probation – largement empreintes, aujourd’hui, de surveillance et de contrôle – prennent le pas sur les mesures éducatives, produisant mécaniquement des situations d’enfermement via la sanction du non respect des mesures. Entre 2005 et 2016, la part de contrôles judiciaires sur les mesures confiées à la Protection judiciaire de la jeunesse suite à la commission d’une infraction est en effet passée de 6,21% à 11,91%.
La Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) a été saisie d’une demande d’avis sur l’enfermement des mineurs. Cela témoigne de la prise de conscience de la ministre de la Justice, que nous avions à plusieurs reprises interpellée sur le sujet. Il est désormais urgent d’agir pour faire cesser cette situation.

Réorienter les moyens exorbitants dédiés aux lieux privatifs de liberté, dont les centres éducatifs fermés, vers les lieux destinés à l’accompagnement éducatif en milieu ouvert, dont les hébergements dits « classiques » et les services d’insertion, préférer les mesures éducatives aux mesures de probation, limiter voir supprimer la détention provisoire, renforcer la spécialisation des acteurs et actrices judiciaires sont autant de pistes à explorer pour remettre efficacement l’action éducative au cœur des prises en charge.

C’est pour raviver l’esprit de l’ordonnance de 1945, à proximité de sa date anniversaire que nous organisons un colloque les 9 et 10 février prochain à la Bourse du travail de Paris, revenant sur les mécanismes à l’œuvre dans les lieux d’enfermement, leurs effets spécifiques sur des adolescent.e.s et les implications sur le travail éducatif effectué avec ces jeunes.

Il ne s’agit pas, ici, de cultiver la nostalgie d’un texte qui, au gré des modifications y a perdu une partie de son essence, mais d’explorer des perspectives de nature à réhabiliter son objet même, contenu dans son préambule : la France n’est pas assez riche d’enfants pour qu’elle ait le droit d’en négliger tout ce qui peut en faire des êtres sains.

 

Paris, le 2 février 2018

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Source: ENFERMEMENT DES MINEUR-E-S, JUSTICE DES ENFANTS ET DES ADOLESCENT-E-S : UN ENJEU MAJEUR

Budget pénitentiaire 2018 – Pour un vote éclairé 25 octobre 2017

Lettre ouverte de 27 associations et syndicats impliqués dans le champ pénitentiaire, dont la LDH, interpellant les parlementaires sur le projet de budget 2018 (examiné mercredi 25 octobre à 21h à l’Assemblée nationale)

 

Mesdames, Messieurs les Député-e-s,

Vous allez être amenés le 25 octobre à examiner le budget de l’administration pénitentiaire. Celui d’une institution en crise, frappée par une surpopulation endémique dans les prisons, qui tient structurellement en échec la préservation de la dignité des personnes et l’objectif de prévention de la récidive assigné à l’exécution des peines.
La réalité carcérale ne peut être ignorée : la promiscuité est insoutenable dans les maisons d’arrêt, où deux à trois personnes, voire plus, s’entassent dans des cellules de moins de 9 m², 22 heures sur 24. Près de 1 400 personnes sont contraintes chaque nuit de dormir sur des matelas à même le sol. Une part importante du parc carcéral est insalubre. Le droit à la santé est malmené et l’oisiveté subie est massive. Les constats en ce sens ne cessent de s’accumuler – qu’ils proviennent du Contrôleur général des lieux de privation de liberté ou du Comité pour la prévention de la torture du Conseil de l’Europe.

Dans un récent rapport, les inspections générales des services judiciaires, des affaires sociales et des finances, chargées d’évaluer les politiques d’insertion des personnes placées sous main de justice, concluent à un « échec collectif » d’une « profondeur historique » et invitent à « regarder la situation en face, avec lucidité et courage, et à agir ». Selon elles, « la valorisation du milieu ouvert et la maîtrise du recours à la détention » sont plus que jamais « indispensables dans un système pénal arrivé à saturation ». Un choix qui « répond à la fois à une logique de réinsertion et de réduction du coût pour les finances publiques »[1].
Des déclarations gouvernementales ont fait résonance. En juillet 2017, le Premier ministre a affirmé : « Le recours à l’enfermement ne doit pas traduire une paresse de l’esprit qui s’interdirait de réfléchir au sens de la peine, à la nécessité d’empêcher la récidive et à l’obligation de préparer la réinsertion. »[2]. En octobre, la ministre de la Justice a surenchéri en soulignant qu’il ne « faut plus faire de la prison la seule peine de référence : ce ne sont pas que des mots, c’est un changement de paradigme ». Pourtant, le budget 2018 ne traduit pas ces orientations.

L’accroissement du parc carcéral toujours en première ligne

Le budget de la Justice est certes en hausse, mais l’administration pénitentiaire ne profite pas d’augmentation de moyens. Et, comme les années passées, son budget reste grevé par le poids de l’immobilier et l’accroissement du parc carcéral. Ce poste de dépense représente 42 % des autorisations d’engagement (hors dépenses de personnel). Et la facture est lourde. 299,7 millions d’euros3 sont notamment prévus pour la construction de nouvelles prisons correspondant aux programmes initiés par le gouvernement précédent et l’amorce d’un nouveau programme (études et acquisitions foncières).

Des investissements qui se font encore et toujours au détriment de l’entretien du parc existant. Faute de crédits suffisants pour la rénovation, le parc a vieilli prématurément, si bien que plus d’un tiers des cellules (35,7 %) peut être aujourd’hui considéré comme vétuste. La sous-dotation se perpétue. Si les documents budgétaires prétendent qu’un « effort est entrepris sur la maintenance du parc existant », il n’en est rien dans la réalité : seulement 82,8 millions d’euros sont alloués à la rénovation, ce qui représente une baisse de 33 % par rapport à 2017, alors que l’administration pénitentiaire estime que 120 à 130 millions d’euros par an sont nécessaires pour maintenir les établissements « à un niveau correct ». Celle-ci a maintes fois déploré que l’on « sacrifie le parc classique de manière aussi constante »4. Elle n’a pas été entendue.

La réinsertion, le parent pauvre

Le budget de 24,9 millions d’euros prévu pour le déploiement des activités proposées aux personnes détenues fait aussi pâle figure, marquant l’absence de politique nationale réfléchie pour donner un sens à la peine. Les prisons françaises sont pourtant gangrénées par le désœuvrement massif, générateur de tensions et violences. Alors que le Conseil de l’Europe recommande un programme d’activités équilibré permettant aux détenus de passer au moins 8 heures par jour hors de leur cellule, la durée moyenne d’activités par personne plafonnait en 2014 à 1 h 30, une grande majorité des détenus en maison d’arrêt restant enfermés 22 heures par jour en cellule.

Cette durée serait remontée à 3 h 40 en semaine (et 24 minutes le week-end) fin 2016 en maison d’arrêt, avec l’allocation des crédits supplémentaires débloqués dans le cadre du plan de lutte anti-
terrorisme (PLAT). Le gouvernement s’était donné un objectif de cinq heures d’activités hebdomadaires. Une ambition qui semble difficilement atteignable sans augmentation significative des moyens. Or, si le budget consacré aux activités est légèrement supérieur à celui de 2016 (24,3 M€), cette hausse reste marginale et largement insuffisante par rapport aux besoins. « Tant que l’oisiveté sera la principale activité des personnes détenues, leurs capacités de réintégration sociale ne progresseront pas »5, soulignait fin 2016 l’ancien garde des Sceaux Jean-Jacques Urvoas.

À l’inverse, les crédits dévolus à la sécurisation des établissements ne connaissent pas de restriction. Avec plus de 101 millions d’euros, la sécurité est le deuxième poste budgétaire de l’administration pénitentiaire. 43,7 millions d’euros sont prévus pour la sécurisation des établissements, un budget en hausse (+7 %) alors qu’il avait déjà explosé en 2017 par rapport aux années précédentes, passant de 24,6 à 40,8 millions d’euros entre 2016 et 2017 (+ 65,8 %).
3 Tous les chiffres cités dans ce texte sont en autorisations d’engagement.
4 Directrice de l’administration pénitentiaire, audition devant la commission des finances, 14 juin 2016.
5 J.-J. Urvoas, ministre de la Justice, En finir avec la surpopulation carcérale, rapport au Parlement sur l’encellulement individuel, 20 septembre 2016.

Les alternatives à l’emprisonnement toujours négligées

Pivot de la politique de prévention de la récidive et de l’accompagnement des personnes placées sous main de justice, les services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) souffrent sans conteste d’une pénurie constante de moyens humains et financiers. 150 recrutements supplémentaires sont prévus dans le budget 2018 (une hausse d’environ 4,5 % des effectifs), mais cet effort est bien en deçà des besoins. Pour parvenir à l’objectif fixé par le président Emmanuel Macron de 40 dossiers par conseiller d’insertion et de probation – contre en moyenne 100 actuellement – il faudrait en fait doubler les effectifs.

Pire, les budgets de fonctionnement de ces services ont été sensiblement réduits (-9,8 %), amputant tout particulièrement les moyens dédiés à la prise en charge en milieu ouvert, dans le cadre d’alternatives à l’emprisonnement ou d’aménagements de peine. Les inspections générales chargées d’évaluer les politiques d’insertion ont pourtant rappelé – comme nombre d’études avant elles – les effets délétères de l’enfermement, qui renforce les facteurs de précarité sociale et de fragilité psychologique, quand d’autres types de réponses pénales pourraient être privilégiés. L’incarcération est par ailleurs la sanction qui produit le plus fort taux de récidive : 61 % des sortants de prison sont recondamnés à de l’emprisonnement ferme dans les cinq ans. Le taux tombe drastiquement en cas de prononcé d’une peine alternative : 34 % pour le travail d’intérêt général ; 32 % pour le sursis avec mise à l’épreuve6. C’est aussi la plus onéreuse : le coût d’une journée de détention pour l’administration pénitentiaire est en moyenne de 104 euros, quand celui d’un placement extérieur est de 34 euros par jour et le placement sous surveillance électronique de 10 euros. Pourtant, le projet de budget 2018 prévoit une baisse des financements alloués à ces aménagements de peine en milieu ouvert, en contradiction avec la volonté affichée par le gouvernement de renforcer les alternatives à l’emprisonnement.

Ainsi, les crédits alloués à la location des bracelets électroniques passent de 15,4 à 11,2 millions d’euros. Une diminution de 27,2 %. Idem, les fonds dévolus au placement extérieur, mesure reconnue pour être la plus adaptée aux personnes condamnées isolées et fragilisées, car elle permet un hébergement social et un suivi global et individualisé par les services pénitentiaires et le secteur associatif, diminuent de 26,3 % par rapport à 2017. Une baisse qui fragilise encore un peu plus les associations chargées de porter cette mesure – déjà sous financée – et empêchera indéniablement son déploiement.

Le projet de 15 000 nouvelles places de prison : un choix incompatible avec le « changement de paradigme » souhaité

Le projet d’accroissement du parc carcéral de 15 000 places au cours du quinquennat, qui doit être inscrit dans une future loi de programmation, ne peut qu’alarmer. A fortiori dans un contexte de grande tension budgétaire.

Comme l’a relevé la commission sur le Livre blanc pénitentiaire en avril dernier, un tel programme impliquerait un effort budgétaire considérable. Entre les dépenses liées à l’acquisition foncière et la construction des bâtis, le recrutement de personnels supplémentaires (estimés à 13 270 nouveaux agents) et les frais de fonctionnement, ces nouveaux établissements alourdiraient de 1,4 milliards les charges du ministère de la Justice sur le quinquennat, alors qu’il doit d’ores et déjà faire face à une dette de 5,7 milliards au titre de constructions passées. À l’issue du programme, le budget de l’administration pénitentiaire devrait être augmenté d’un quart pour faire face aux différents coûts d’exploitation, sans compter les nouveaux besoins en personnels judiciaires pour accompagner cet accroissement du parc.
6 Ministère de la Justice, Prévention de la récidive et individualisation des peines, chiffres-clés, juin 2014.

Comment imaginer, dans ce cadre, que des sommes importantes pourront être débloquées à l’avenir, ne serait-ce que pour doubler le nombre de conseillers d’insertion et de probation ? Comment croire que des fonds adéquats seront un jour dégagés pour mettre un terme à l’oisiveté subie en prison et rénover les établissements vétustes, alors que ces secteurs ont toujours été les parents pauvres du budget ? Comment penser que les moyens nécessaires seront déployés pour développer l’offre d’alternatives et d’aménagements de peine ?

Ce projet de construction est d’autant plus regrettable qu’il est inutile pour résoudre le problème de surpopulation. En effet, si toutes les personnes détenues exécutant actuellement un reliquat de peine de moins d’un an (environ 19 000) bénéficiaient d’une libération sous contrainte comme la loi le permet, il n’y aurait d’ores et déjà plus de surpopulation carcérale dans les maisons d’arrêt.
Ce choix de réduire la population carcérale, la plupart des grands pays européens l’ont fait, alors que celle-ci ne cesse d’augmenter en France. Le nombre de personnes détenues dans les prisons européennes a baissé de presque 7 % en un an, selon une enquête réalisée par le Conseil de l’Europe. Il a même réduit de moitié aux Pays-Bas, au point de fermer des prisons.
À l’instar des pays scandinaves, l’Allemagne a diminué sa population carcérale de 23 % ces treize dernières années. Et ce, en limitant la détention provisoire, en misant sur les alternatives et en diminuant la durée des peines prononcées.

Pour toutes ces raisons, nous vous invitons à remettre en cause les choix budgétaires qui vous sont soumis et à proposer des affectations alternatives. Nous vous invitons à vous engager en faveur d’une politique pénale basée sur les recommandations des instances nationales et internationales qui, toutes, appellent à mettre un terme à l’inflation carcérale et à privilégier la décroissance pénale et les mesures alternatives, mieux à même de favoriser la prise en charge des personnes et leur sortie de délinquance.

Nous vous remercions pour l’attention accordée à ce courrier et sommes à votre disposition pour débattre de ces questions de vive voix. Veuillez agréer, Mesdames, Messieurs les Député·e·s, l’expression de notre considération distinguée.

 

Signataires : Sylvain Gauché, président de l’association des avocats pour la défense des droits des détenus, Florence Couprie, présidente de l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture, Christian Saint-Palais, président de l’Association des avocats pénalistes, Aurélien Beaucamp, président de Aides, Guy-Bernard Busson président de l’Association nationale des assesseurs extérieurs en commission de discipline des établissements pénitentiaires, Cécile Dangles, première vice-présidente adjointe de Association nationale des juges de l’application des peines, Paul Marconot, président de l’Association nationale des visiteurs de prisons, Benoit David, président de Ban public, Gilles Petit-Gats, directeur général du Centre d’action sociale protestant-Association réflexion action prison justice, Sarah Silva-Descas, secrétaire nationale de la CGT Insertion-Probation, Sylvain Lhuissier, délégué général de Chantiers-Passerelles/Forum du TIG, Jean-Claude Mas, secrétaire général de la Cimade, Thierry Lebéhot, président de Citoyens et justice, Annick Berthelot, présidente du Courrier de Bovet, Thierry Kühn, président d’Emmaüs France, Alexis Saurin, président de la Fédération des associations réflexion action prison justice, Louis Gallois, président de la Fédération des acteurs de la solidarité, Naomi Chaussat, présidente du Génépi, Malik Salemkour, président de la Ligue des droits de l’Homme, Alexandre Duval-Stalla, président de Lire pour en sortir, Delphine Boesel, présidente de la section française de l’Observatoire international des prisons, Bernard Bolze, directeur de Prison insider, Bertrand Couderc, président du Syndicat des avocats de France, Véronique Fayet, présidente du Secours catholique, Rémy Moreuille-Tassart, secrétaire général du Syndicat national de l’ensemble des personnels de l’administration pénitentiaire-FSU, le secrétariat national du Syndicat national des personnels de l’éducation et du social-Protection judiciaire de la jeunesse-FSU, Clarisse Taron, présidente du Syndicat de la magistrature.

Paris, le 24 octobre 2017

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1 IGSJ, IGAS, IGF, Mission d’évaluation des politiques interministérielles d’insertion des personnes confiées à l’administration pénitentiaire par l’autorité judiciaire, juillet 2016.
2 Déclaration de politique générale du Premier ministre, 4 juillet 2017.
3 Tous les chiffres cités dans ce texte sont en autorisations d’engagement.
4 Directrice de l’administration pénitentiaire, audition devant la commission des finances, 14 juin 2016.
5 J.-J. Urvoas, ministre de la Justice, En finir avec la surpopulation carcérale, rapport au Parlement sur l’encellulement individuel, 20 septembre 2016.
6 Ministère de la Justice, Prévention de la récidive et individualisation des peines, chiffres-clés, juin 2014.








Source: Budget pénitentiaire 2018 – Pour un vote éclairé

Des prisons pour mineur-e-s saturées ! 27 juin 2017

Communiqué commun : CGT-PJJ, FSU, LDH, OIP, Saf, Sneps-PJJ, Syndicat de la magistrature

Au 1er juin 2017, 851 mineur-e-s étaient détenu-e-s en France. Un seuil qui n’avait plus été atteint depuis 15 ans. Le nombre de mineur-e-s détenu-e-s suit depuis octobre 2016 une courbe de croissance exponentielle particulièrement inquiétante (+16,2 %). Cette hausse est par ailleurs marquée par un recours de plus en plus fréquent à la détention provisoire, et par des condamnations à des peines de plus en plus longues.

Les effets destructeurs de l’incarcération, désormais connus et largement documentés, sont décuplés pour les jeunes : fragilisation des liens familiaux, isolement sensoriel, augmentation de l’angoisse, exacerbation de la violence et des tensions, socialisation dans un milieu criminogène… Mener un travail éducatif individualisé dans un environnement où le collectif est omniprésent, entravé par des contraintes pénitentiaires, s’avère extrêmement difficile. Le taux de récidive suite à une détention en est la preuve : le taux de recondamnation des mineur-e-s dans les cinq ans suivant la détention est de l’ordre de 70 % – plus élevé encore que chez les majeurs (63 %). Afin de réguler cet afflux de détenu-e-s, l’administration pénitentiaire organise des transferts d’un lieu de détention à l’autre, éloignant parfois encore davantage l’adolescent-e du lieu de vie de ses parents ou/et de son service éducatif de référence.

Dans de nombreux quartiers et établissements pénitentiaires pour mineur-e-s, cette situation contraint des jeunes à partager leur cellule. Et ce, alors que le principe de l’encellulement individuel a été réaffirmé par la loi pénitentiaire du 29 novembre 2009 et a fait l’objet de recommandations régulières du Contrôleur général des lieux de privation de liberté. L’article R. 57-9-12 du code de procédure pénale ne permet par ailleurs des dérogations pour les mineur-e-s qu’à titre exceptionnel, pour motif médical ou en raison de leur personnalité.

Le nouveau ministère de la Justice doit se saisir de cette situation en urgence. Il doit donner à la Protection judiciaire de la jeunesse des moyens supplémentaires conséquents pour développer les structures éducatives ouvertes permettant de lutter contre l’incarcération : foyers éducatifs, services d’insertion, milieux ouverts. Et remettre en cause les dispositions sécuritaires qui engendrent cette surincarcération dans une réforme courageuse de la justice des enfants et des adolescent-e-s.

Paris, le 22 juin

Insérer, accompagner, soutenir, éduquer devront être les mots constitutifs de ce projet !

 

 

Source: Des prisons pour mineur-e-s saturées !