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Ligue des droits de l'Homme

Section du Pays d'Aix-en-Provence

Archives de l'auteur : psenegas

Aide médicale d’État : les femmes précaires dans le collimateur du gouvernement ? 18 avril 2024

Communiqué commun dont la LDH est signataire

Le gouvernement s’oriente vers une réforme de l’Aide médicale d’Etat (AME) via une série de mesures techniques, sans information de l’opinion publique ni débat parlementaire et malgré les alertes de nos associations. Si le texte est adopté, il aura pour conséquence de priver de soins des dizaines de milliers de femmes étrangères en situation de précarité. Une stratégie qui interroge alors même que le gouvernement affirmait avoir hissé la défense des droits des femmes comme Grande cause nationale.  

En décembre 2023, le gouvernement reconnaissait, par la voix de sa Première Ministre, que “l’AME est un dispositif sanitaire utile, globalement maîtrisé et qu’il ne constitue pas en tant que tel un facteur d’incitation à l’immigration irrégulière dans notre pays”. Il envisage pourtant aujourd’hui d’introduire une série de mesures d’apparence technique qui affecteraient tout particulièrement les femmes les plus précaires, qui étaient près de 193 000 à bénéficier de l’AME en 2023.

L’AME est réservée aux personnes gagnant moins de 847 euros par mois (pour une personne seule). Le gouvernement veut désormais prendre en compte les ressources du conjoint (français ou étranger en situation régulière), si celui-ci est affilié à la sécurité sociale. Dans un couple où seule une personne est sans-papiers, celle-ci pourrait alors être privée de l’AME si son conjoint dispose de ressources dépassant le seuil. S’ajouterait à cela un durcissement de la justification de l’identité, qui entraînerait des conséquences désastreuses pour nombre de femmes victimes de violences qui se voient confisquer, voire détruire, leur document d’identité ou font face à un chantage aux papiers.

Avec une telle réforme, promise par le gouvernement face aux pressions de la droite et de l’extrême-droite pendant les débats parlementaires sur la loi immigration et élaborée aujourd’hui à l’abri des regards, bon nombre de femmes étrangères risquent de ne plus pouvoir se soigner.

Ces femmes, nos organisations les connaissent : elles présentent des risques accrus de précarité économique et sociale par rapport aux hommes. La pauvreté s’aggrave en France et, on le sait, touche plus violemment les femmes, qui étaient 4,9 millions sous le seuil de pauvreté en 2019 (Insee).

Ces femmes menacées d’une exclusion des soins sont, par exemple, celles qui travaillent, à temps partiel, caissières de supermarché et aides à domicile, détentrices d’un contrat de travail pour un métier “essentiel”, de manière déclarée avec paiement de cotisations sociales, sans qu’elles disposent d’un titre de séjour ou d’un justificatif d’identité en bonne et due forme. D’autres sont obligées de travailler sans être déclarées, ce qui les prive de l’assurance maladie.

Ce sont aussi des femmes mariées à une personne française ou en situation régulière, en attente de régularisation depuis des mois, voire plusieurs années, notamment du fait d’innombrables difficultés administratives (impossibilité de prendre rendez-vous, absence de délivrance de récépissés ou d’attestation de prolongation de l’instruction, etc.).

Ce sont également ces femmes victimes de violences sexistes : conjugales, intrafamiliales ou sexuelles, ou de chantages aux papiers, qui peinent à quitter leur conjoint disposant lui, d’un salaire, mais qui n’ont pas personnellement les moyens de financer un divorce, et qui restent de ce fait juridiquement liées à leur ex-conjoint. Nous savons que l’une des manifestations des violences conjugales est précisément la violence financière, l’auteur de violences maintenant sa partenaire sous sa domination, l’obligeant à lui demander de l’argent pour la moindre dépense, même personnelle.

Nos organisations refusent que des dizaines de milliers de femmes n’aient accès à aucune couverture maladie pour se soigner. Nous appelons le gouvernement à renoncer à cette réforme.

Signataires

Women for Women France, Réseau européen des femmes migrantes, Le Rajfire, Planning familial, Osez le féminisme, Maison des femmes de Paris, Maison des femmes de Montreuil, Maison des femmes d’Asnières sur Seine, Ligue des femmes iraniennes pour la démocratie, Fédération Nationale des CIDFF, Fédération nationale Solidarité Femmes, Excisions parlons-en, Elles aussi, La CLEF, Amicale du Nid, La Cimade, Comede, Emmaüs France, Fondation Abbé Pierre, France Assos Santé, Fasti, Le GISTI, La LDH (Ligue des droits de l’Homme), Samu social de Paris, Secours catholique – Caritas France, Uniopss.

Source: Aide médicale d’État : les femmes précaires dans le collimateur du gouvernement ?

Mayotte, démolitions des quartiers pauvres sous couvert de la loi Elan 18 avril 2024

Rapports de la LDH

Lire le rapport 2021

La démolition des quartiers pauvres de Mayotte sous couvert de la loi Elan se caractérise toujours par des contradictions entre les arrêtés et les réalisations, le nombre d’habitations détruites est toujours supérieures à celui annoncé dans les arrêtés. Les annexes des arrêtés sont également contradictoires entre elles : les rapports de la gendarmerie, de l’ARS et de l’ACFAV ne s’accordent jamais sur le nombre d’habitations installées sur les parcelles concernées. Les familles et les habitations ne sont pas clairement identifiées ; l’obligation de relogement qui figure dans l’article 197 de la loi n’est jamais remplie : il ne s’agit que d’un hébergement d’urgence de trois semaines dont le principe aurait été rappelé aux familles, comme seule obligation supposée par le préfet. Seule apparait la mention « une solution d’hébergement a été proposée » aux familles.

Lire le rapport 2022

La politique de résorption de l’habitat insalubre sous couvert de la loi Elan, notamment de son article 197 spécifique aux départements d’outre-mer de Guyane et de Mayotte, a été marqué par quelques contentieux fin 2021, début 2022.

Ces contentieux ont eu pour principal effet de ralentir le programme de destruction affiché au rythme d’un bidonville par mois dans les communiqués de presse de la préfecture.

Alors qu’officiellement 1652 cases avaient été détruites dans le courant de l’année 2021, le bilan de l’année 2022 en cours n’a pas fait l’objet de communiqué ni du fameux baromètre de l’habitat illégal dont les parutions ont été interrompues.

Finalement le préfet est arrivé à ses fins. Le tribunal administratif l’a autorisé à exécuter tous les arrêtés pris en 2021, notamment ceux de La Pompa et Miréréni sur la commune de Tsingoni, et celui de Mnyambani sur la commune de Bandrélé.

Si l’on se fie aux chiffres annoncés dans les communiqués de presse qui ont suivi les exécutions, un premier bilan des opérations peut être esquissé.

Lire le rapport 2023

L’année 2023 fut marquée par l’affaire du Wuambushu qui a défrayé la chronique durant les deux ou trois premières semaines de l’opération. Sur son volet résorption de l’habitat insalubre, le projet de détruire mille habitations en tôle dans huit quartiers, à raison d’un par semaine, s’est heurté à des questions juridiques. La préfecture voulait inaugurer le cycle de démolition par la destruction du quartier Talus 2 pourtant sous protection de justice depuis la suspension de l’arrêté par le tribunal administratif. Une telle erreur de stratégie fut fatale à l’opération : au lieu de 1000 logements détruits en huit semaine, le bilan annuel, toutes démolitions comprises, affiche un nombre de 667 habitations en tôle démolies.

Mais il semble aussi que les obligations légales n’avaient pas été envisagées, en témoigne le fait que, au début de l’opération, seul un arrêté avait été publié, celui concernant le quartier Barakani dans la commune de Koungou. Sauf à fonder la démolition des quartiers ciblés sur d’autres dispositifs que la loi Elan, le programme n’était juridiquement pas réalisable puisque l’article 197 de la loi prévoit un délai de cinq semaines entre la notification aux habitants et l’exécution de l’arrêté. Nous n’en saurons rien, car l’opération s’est grippée. Prévu pour durer huit semaines, le programme n’est à ce jour pas achevé.

Il y a plus grave : tout recours à la justice sur la politique de démolitions des quartiers est à présent compromis. L’arrêté du 19 septembre ordonnant la démolition du quartier de Doujani avait été dénoncé par cinq familles accompagnées par la LDH et suspendu par l’ordonnance du 8 décembre 2022. Une petite astuce a cependant permis au préfet de procéder malgré tout à la démolition du quartier le 17 janvier 2023 : rejetant l’intérêt à agir de la LDH, le président du tribunal administratif limitait de facto les effets de l’ordonnance aux seules familles requérantes.

La Ldh déposa un recours devant le Conseil d’État qui, dans sa décision du 19 juillet 2023, cassa l’ordonnance de première instance et confirma l’intérêt à agir de l’association.

Documents réalisés par Daniel Gros, référent de la LDH à Mayotte




Source: Mayotte, démolitions des quartiers pauvres sous couvert de la loi Elan

Violences policières au CRA de Lyon 2 : briser le silence 18 avril 2024

Communiqué de l’Observatoire de l’enfermement des étrangers dont la LDH est membre

L’Observatoire de l’enfermement des étrangers (OEE)[1] a pris connaissance par voie de presse[2] de la dénonciation, par une personne étrangère enfermée au centre de rétention administrative (CRA) de Lyon 2, de violences graves – notamment des coups de poings sur les organes génitaux après qu’elle ait été attachée au lit – qui auraient été commises à son encontre par plusieurs agents de la police aux frontières agissant de concert alors qu’elle était placée en cellule d’isolement.

La plainte déposée par la victime à la suite de ces faits intervient dans le contexte de ce qui apparaît bien comme une banalisation des violences volontaires par personnes dépositaires de l’autorité publique au sein du CRA de Lyon, relevée par le contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) dans ses recommandations publiées le 22 mai 2023[3].

À l’issue de la première visite de cet établissement, fraîchement inauguré et présenté comme modèle de « CRA du futur », le CGLPL relevait en outre le caractère illégal des placements à l’isolement infligés aux personnes retenues « dans des pièces d’une saleté repoussante » et des pratiques de contention qu’elles y subissent, auxquelles « il doit être mis fin sans délai ».

Depuis des années, l’OEE dénonce la surexposition aux violences policières des personnes étrangères enfermées dans les lieux privatifs de liberté, et montre en quoi la rétention favorise l’impunité des forces de l’ordre[4].

Constatant avec le CGLPL que les conditions d’enfermement des personnes étrangères dans les CRA sont « gravement attentatoires à leur dignité et à leurs droits fondamentaux » et que les recommandations récurrentes de ce dernier sont « laissées sans suite face à l’inertie des autorités compétentes », l’OEE :

– demande que la plainte dénonçant ces nouvelles violences policières au sein d’un CRA soit instruite avec la diligence nécessaire pour que toute la lumière soit faite sur les faits rapportés ;

– réitère son appel à ce qu’il soit définitivement mis fin à ce régime d’enfermement administratif, incompatible avec l’exercice des droits et libertés de toute personne.

[1]https://observatoireenfermement.blogspot.com/
[2]https://www.rue89lyon.fr/2024/03/10/violences-policieres-apres-plainte-cra-justice-contredit/
[3]Après avoir relevé que « 21 procédures judiciaires ont été ouvertes pour violences volontaires par personne dépositaire de l’autorité publique en 2021 » le contrôleur général déclare avoir été « témoin au CRA no 2 de Lyon de faits susceptibles de caractériser des violences commises par deux agents de la police aux frontières sur deux retenus » pour lesquels il « a par ailleurs procédé à leur signalement au procureur de la République de Lyon le 24 mars 2023 au titre des dispositions de l’article 40 du code de procédure pénale ».
[4]Voir la réunion publique de l’OEE « Les personnes étrangères et les violences policières en France », 9 mai 2016,  https://www.youtube.com/watch?v=sQbE4VF_PD4

Paris, le 12 avril 2024

Source: Violences policières au CRA de Lyon 2 : briser le silence

10 avril 2024 – tribune collective “La France doit interdire le commerce avec les colonies israéliennes” publiée dans Le Monde 13 avril 2024

Tribune signée par Patrick Baudouin, président de la LDH

Lire la tribune dans Le Monde

Un collectif de dirigeants d’ONG et de personnalités engagées pour le respect du droit international appelle Emmanuel Macron à agir pour mettre fin à l’importation par la France de biens et services provenant des colonies israéliennes.

Nous appelons le président de la République et les parlementaires français à mettre fin à l’importation de biens et de services produits dans les colonies israéliennes en Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est. Alors que la Cour internationale de justice (CIJ) a reconnu, le 26 janvier, le risque de génocide à l’encontre de la population civile de la bande de Gaza, la France doit prendre des mesures concrètes pour contraindre l’Etat d’Israël à s’attaquer aux causes profondes des cycles répétés de violences, liés à la colonisation territoriale et économique du territoire palestinien occupé. Elle doit interdire le commerce avec les colonies israéliennes.

La question de la colonisation du territoire occupé de Cisjordanie peut paraître éloignée de la catastrophe humanitaire dans la bande de Gaza. Pourtant, la colonisation, qui constitue un crime de guerre au regard de la quatrième convention de Genève, est au cœur de la spirale de tensions et de violences entre Israéliens et Palestiniens. Aujourd’hui, environ 700 000 colons israéliens sont installés en Cisjordanie, dont plus de 225 000 à Jérusalem-Est, au prix, notamment, d’accaparements de terres et de biens de la population palestinienne, de violences, de déplacements forcés et d’un système inégal d’accès aux services essentiels comme l’eau, l’électricité ou encore le transport.

Plus de 32 500 personnes ont été tuées dans la bande de Gaza, en majorité des femmes et des enfants. Mais les attaques et les violences des colons et de l’armée israélienne contre les communautés palestiniennes ont aussi atteint un niveau inégalé en Cisjordanie, où plus de 430 Palestiniens ont été tués depuis le 7 octobre 2023.

Occupation illégale

Le président de la République a rappelé à juste titre qu’à la réponse d’urgence d’un cessez-le-feu dans la bande de Gaza doit se joindre une réponse politique à la question israélo-palestinienne. Or, la colonisation, outre d’être facteur de violences, rend irréalisable une issue politique entre les deux peuples en déniant aux Palestiniens une égalité en droits à même de leur permettre de négocier une solution de paix juste et durable.

En 2016, la résolution 2334 du Conseil de sécurité, adoptée à l’unanimité des membres permanents, a reconnu l’illégalité de l’occupation israélienne du territoire palestinien. En conséquence, elle exige de l’Etat d’Israël l’arrêt immédiat et complet de « toutes ses activités de peuplement dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est » et « demande à tous les Etats (…) de faire une distinction, dans leurs échanges en la matière, entre le territoire de l’Etat d’Israël et les territoires occupés depuis 1967 ».

Deux ans plus tard, en 2018, la loi Israël Etat-nation du peuple juif indique cependant que « l’Etat considère le développement des colonies juives comme une valeur nationale et agit pour encourager et promouvoir leur création et leur renforcement ». L’accélération de la colonisation en Cisjordanie démontre l’impunité dont bénéficie l’Etat d’Israël et le manque de volonté des Etats occidentaux, dont la France, à faire respecter le droit international.

L’importation par la France de produits et de services issus des colonies, encourage de fait la commission du crime de guerre que sont la colonisation et son cortège de violences envers les Palestiniens. En 2022, la France a importé 1,5 milliard d’euros de biens israéliens, dont une partie proviennent des colonies. Cela concerne notamment les fruits et légumes cultivés de manière intensive dans la vallée du Jourdain et vendus en France.

Principe de différenciation

Le commerce des produits des colonies permet leur viabilité économique et, par effet d’entraînement, joue un rôle indéniable dans le maintien de la colonisation et son expansion territoriale et économique. En outre, de nombreuses entreprises françaises ont des activités dans les colonies. C’est le cas du groupe Carrefour, qui a noué des partenariats avec des entreprises liées à la colonisation, et distribue des produits estampillés de son logo dans des magasins situés dans les colonies.

Le développement d’une relation économique entre la France et Israël autour de l’activité des colonies viole par ailleurs l’obligation des Etats de ne pas reconnaître et de ne pas prêter assistance au maintien d’une situation illégale telle que la colonisation, et le principe de différenciation qui vise à exclure les activités et organisations liées aux colonies israéliennes des relations bilatérales avec Israël, régulièrement rappelé par la diplomatie française.

En interdisant l’importation des biens et services des colonies sur son territoire, la France se mettrait en accord avec ses nombreuses déclarations condamnant la colonisation israélienne de la Cisjordanie et jouerait un rôle moteur au sein de l’Union européenne pour faire respecter le droit international et agir en faveur de l’arrêt de la colonisation.

Notre pays ferait par ailleurs preuve de cohérence politique, en envoyant le message clair à l’Etat d’Israël qu’un ordre international fondé sur le droit international et les droits humains est seul capable de créer un avenir de paix entre Israéliens et Palestiniens.

Premiers signataires : Patrick Baudouin, président de la LDH (Ligue des droits de l’Homme) ; Rony Brauman, ancien président de Médecins sans frontières ; Véronique Bontemps, anthropologue, CNRS/IRIS-EHESS ; Sylvie Bukhari-de Pontual, présidente du CCFD-Terre solidaire ; Stéphanie Latte Abdallah, directrice de recherche CNRS (Centre d’études en sciences sociales du religieux-EHESS) ; François Leroux, président de la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine ; Eléonore Morel, directrice générale de la Fédération internationale pour les droits humains ; Elias Sanbar, écrivain, ancien ambassadeur de la Palestine auprès de l’Unesco ; Jean-Claude Samouiller, président d’Amnesty International France ; Dominique Vidal, journaliste et historien.

Liste complète des signataires ici.

Source: 10 avril 2024 – tribune collective “La France doit interdire le commerce avec les colonies israéliennes” publiée dans Le Monde

Pour ramener le député Zulesi à la raison et contre l’instrumentalisation de la Justice 13 avril 2024

Pétition soutenue par la LDH publiée le 15 mars 2024

cliquerici pour Signer la pétition sur change.org

Nous demandons au député Zulesi de cesser d’intimider celles et ceux qui sont en désaccord avec sa politique, et d’instrumentaliser la police et la justice à des fins personnelles.

Le député macroniste Jean-Marc Zulesi s’est récemment fait connaître en tentant de truquer un vote à l’Assemblée. Dans sa circonscription, il utilise la justice pour faire taire les administrés en désaccord avec sa politique.

Alexandre Beddock, habitant de Salon-de-Provence sera jugé le 16 avril au tribunal correctionnel d’Aix-en-Provence, il risque jusqu’à un an de prison.

Le Député Zulesi a déposé plainte pour violences ayant entraîné 15 jours d’ITT, affirmant avoir été touché par un jet “de confettis” lors d’un rassemblement contre la réforme des retraites.

Alexandre B. a été interrogé plusieurs heures au commissariat. La police a tenté de perquisitionner son domicile, et dissuadé une témoin de la scène de déposer une main courante.

Une nouvelle plainte contre Alexandre pour “usurpation d’identité”, a été initiée par le député. D’après MediaPart, cette plainte, “à la construction hasardeuse” reposerait sur des allégations mensongères, le député ayant affirmé qu’Alexandre B. aurait usurpé l’identité d’un journaliste de Besançon.

Nous nous inquiétons des agissements du député. Ceux-ci s’inscrivent dans un climat général de répression politique. Attaquer et cibler de la sorte des citoyens, en tentant d’intimider et décourager toute opposition ou expression politique, est contraire aux principes démocratiques.

Police et Justice sont des services publics financés par l’ensemble des citoyens, et appartiennent à toutes et tous. Ils ne doivent pas être instrumentalisés par les élus à des fins personnelles ou politiques.

Source: Pour ramener le député Zulesi à la raison et contre l’instrumentalisation de la Justice

Génocide des Tutsi au Rwanda, 30 ans après, où en est la justice ? La faillite des autorités françaises 13 avril 2024

Communiqué commun LDH et FIDH

Trente ans après le génocide, la justice française peine encore à juger les auteurs présumés, faute de moyens suffisants, et faute de volonté politique lorsqu’il s’agit de mettre en cause la responsabilité de la France dans le génocide. La Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et ses organisations membres ont poursuivi leur engagement aux côtés des victimes, en devenant parties civiles dans plusieurs affaires en France, mais aussi dans des cas mettant en cause le rôle de la France dans le génocide. Pour l’immense majorité des victimes, la justice se fait toujours attendre.

En France, où la FIDH, la LDH (Ligue des droits de l’Homme) et l’Observatoire des droits de l’Homme au Rwanda (ODHR) ont leur siège, il y a actuellement une trentaine de procédures en lien avec le génocide ouvertes devant le pôle crimes contre l’humanité, crimes et délits de guerre du Tribunal de Paris. La FIDH et la LDH se sont constituées parties civiles dans 14 procédures judiciaires visant des présumés génocidaires rwandais et ont initié l’ouverture d’informations judiciaires dans les affaires Paul Barril et Turquoise mettant en cause le rôle des autorités françaises dans le génocide.

La FIDH est particulièrement investie dans la poursuite des génocidaires rwandais à travers le monde. Le Groupe d’Action Judiciaire (GAJ), un réseau d’avocats, de magistrats, de juristes et de professeur⋅es de droit, s’applique à ce que les victimes de crimes internationaux aient accès à la justice, qu’elles soient rétablies dans leurs droits, dans leur dignité et qu’elles puissent bénéficier de mesures de réparation.

Dans le cas du Rwanda, la Résolution 955 du Conseil de sécurité des Nations unies instituant le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) a doté les États-membres des Nations unies d’une compétence universelle pour poursuivre les auteurs présumés des crimes de génocide et de crimes contre l’humanité commis au Rwanda devant leurs propres juridictions. Les juridictions françaises ont ainsi une compétence universelle sur ces crimes, soumis à la présence du suspect sur le territoire français, en application de la loi n° 96-432 du 22 mai 1996 portant adaptation de la législation française aux dispositions de la Résolution 955.

Grâce au mécanisme de la compétence universelle, de nombreuses procédures ont pu être ouvertes dans plusieurs  pays, notamment en France, en Allemagne, au Royaume-Uni, en Espagne, en Belgique, au Canada, en Suède et en Norvège.

Justice française et génocide rwandais: entre avancées et obstacles dans la lutte contre l’impunité

En France, la mise en place d’un pôle spécialisé compétent pour les crimes de génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et de torture au sein du Tribunal judiciaire de Paris en 2012 a permis de coordonner les poursuites à l’encontre des auteurs présumés. La mise en place de ce pôle spécialisé a été le résultat d’un intense plaidoyer mené par la FIDH, la LDH et ses organisations partenaires, né du constat que ces affaires, par leur complexité et leur extranéité, nécessitaient la présence d’enquêteur-trice-s et de magistrat-e-s spécialisé⋅es afin de mener à bien ces procédures.

En 2014, 20 ans après le génocide, la justice française rendait le premier verdict dans une affaire liée au génocide et concluait ainsi le procès de Pascal Simbikangwa, ancien capitaine de la garde présidentielle, condamné par la cour d’assises de Paris à 25 ans de réclusion pour crime de génocide et complicité de crimes contre l’humanité. Depuis, la cour d’assises d’appel de Bobigny a confirmé la peine en date du 3 décembre 2016, tandis que la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé le 24 mai 2018. Il a en revanche été acquitté pour certains faits de complicité d’atteintes volontaires à la vie, d’atteintes graves à l’intégrité physique des personnes, et de crimes contre l’humanité, supposément commis dans la préfecture de Gisenyi en 1994.

Depuis 2014, plusieurs cas dans lesquels la FIDH et la LDH sont parties civiles ont connu une évolution. Trois affaires ont été clôturées, dans lesquelles les accusés ont été condamnés par la justice française. Il s’agit de Octavien Ngenzi et Tito Barahirwa, anciens bourgmestres de Kabarondo, condamnés à des peines de prison à perpétuité pour crime de génocide et crimes contre l’humanité en octobre 2019 par la cour de cassation, confirmant les décisions d’appel de juillet 2018 et de première instance de juillet 2016. En juillet 2022, Laurent Bacyibaruta, ancien préfet de la préfecture de Gikongoro, a été condamné à 20 ans de réclusion criminelle pour complicité de génocide et de crimes contre l’humanité par la cour d’assises de Paris. Au cours de son procès, il avait notamment invoqué l’irresponsabilité pénale en affirmant avoir agi sous la contrainte, par peur des représailles à son encontre. Il a interjeté appel de la décision et est décédé au mois de décembre 2023, avant l’audiencement des assises d’appel, entraînant l’extinction de l’action publique. Il s’agissait du plus haut responsable jamais jugé en France pour les crimes liés au génocide. Enfin, en décembre 2023, Sosthène Munyemana, gynécologue exerçant dans la préfecture de Butare, a été condamné à 24 ans de prison pour génocide, crimes contre l’humanité et participation à un groupement formé en vue de la préparation de ces crimes par la cour d’assises de Paris. La Cour a notamment souligné que Sosthène Munyemana était pleinement inscrit dans la politique génocidaire du régime à laquelle il a participé moralement et matériellement, en usant notamment de son influence et de la notabilité conférée par sa fonction de médecin. Un appel a été interjeté par l’accusé.

Deux accusés sont en attente de procès. Le cas de Laurent Serubuga, ancien chef d’Etat major adjoint des Forces armées rwandaises, dont l’instruction a été clôturée en mai 2017, et Eugène Rwamucyo, médecin chef du centre universitaire de santé publique de Butare au moment du génocide, dont la mise en accusation a été confirmée en  septembre 2022 par la cour d’appel de Paris, devant la cour d’assises de Paris, pour complicité de génocide et de crimes contre l’humanité.

L’instruction continue dans au moins quatre affaires. En mai 2015, Charles Twagira, ancien médecin rwandais, anciennement directeur de l’Hôpital de Kibuye, a été libéré de sa détention provisoire pour crimes de génocide et crimes contre l’humanité et placé sous contrôle judiciaire. La FIDH a été entendue en tant que partie civile par les juges d’instruction en décembre 2022. Le 16 septembre 2021, Isaac Kamali, ancien agent du ministre des Travaux publics et de l’Energie rwandais, a été mis en examen et placé sous contrôle judiciaire pour son implication présumée dans le génocide et les crimes contre l’humanité. Dans l’affaire contre Agathe Habyarimana, veuve du président Habyarimana, en août 2022, le procureur a pris un réquisitoire supplétif demandant de nouvelles mesures d’instruction.

Le 8 janvier 2024, une ordonnance de non-lieu a été rendue par les juges d’instruction dans l’affaire de Marcel Bivubagabago, un ancien lieutenant-colonel de l’armée rwandaise. Un appel a été interjeté par les parties civiles.

Enfin, en octobre 2019, la Cour de cassation rejetait le pourvoi des parties civiles contre le non-lieu ordonné par les juges d’instruction et confirmé en appel, de Wenceslas Munyeshyaka, prêtre rwandais, qui est donc depuis hors de cause.

S’il est certes plutôt satisfaisant de voir que des procédures ont été ouvertes en compétence universelle par la justice française, en particulier depuis la mise en place du pôle spécialisé en 2012, de manière générale, les procédures restent lentes pour les victimes, au niveau de l’instruction en particulier. Dans le cadre de l’affaire Wenceslas Munyeshyaka, près de 10 ans après l’ouverture de l’enquête, la France avait été condamnée en 2004 par la Cour européenne des droits de l’Homme pour la lenteur de ses procédures dans les dossiers rwandais. Ces lenteurs sont également dues aux moyens insuffisants (juges et enquêteur-trice-s) mis à la disposition du pôle crimes contre l’Humanité du tribunal de Paris, en charge d’instruire les plaintes contre les génocidaires rwandais.

En outre, les sept affaires déjà terminées en France ont toutes connues le chemin procédural le plus long, depuis le dépôt de la plainte jusqu’au pourvoi en cassation. En 2023, le procès de Sosthène Munyemana s’est tenu près de 28 années après les faits, rendant parfois hasardeux les témoignages et complexifiant la restitution de la vérité judiciaire. Ce dernier est d’ailleurs le premier à être condamné en France pour la participation à un groupement formé ou à une entente établie en vue de la préparation du crime de génocide et du crime contre l’humanité.

Au-delà des affaires en compétence universelle en France, deux autres cas méritent une attention particulière en ce qu’elles mettent en cause la responsabilité de l’Etat français dans le génocide, et sont soutenus également par la FIDH et la LDH comme parties civiles.

Dans l’affaire Paul Barril d’abord, c’est la fourniture d’armes et de munitions par cet ancien chef de la gendarmerie française, mais aussi de formation et d’encadrement militaire avec le Premier ministre rwandais de l’époque, en violation de la résolution sur l’embargo sur les armes des Nations Unies, qui est en jeu. Une plainte pour complicité de génocide contre M. Barril a été déposée en 2013 par la FIDH. Une procédure a été ouverte rapidement après le dépôt de la plainte dans ce cas, mais elle est aujourd’hui au point mort et l’état de santé de M. Barril pourrait compromettre la suite de la procédure.

Dans l’affaire Turquoise, c’est l’armée française qui est mise en cause depuis 2005 pour faits de torture, traitements inhumains et dégradants et complicité de génocide et crimes contre l’humanité, pour ne pas être intervenue entre les 27 et 30 juin 1994 pour empêcher la commission d’exactions sur les collines de Bisesero sur lesquelles s’étaient réfugié⋅es des survivant-e-s tutsi.

Suite à l’annulation par la cour d’appel de Paris de l’ordonnance de non-lieu dans l’affaire, les parties civiles attendent l’audience du 29 mai prochain pour contester le non-lieu devant la chambre de l’instruction, en demandant un renvoi devant la cour d’assises sur la base des charges qui pèsent sur les militaires français, ainsi que la poursuite des enquêtes sur la responsabilité des autorités militaires et politiques françaises au plus haut niveau par les juges d’instruction. La cour d’appel de Paris avait constaté que l’ordonnance n’avait pas été rendue dans les formes prévues par la loi.

Selon l’association Survie, partie civile aux côtés de la FIDH et de la LDH dans cette procédure, “Il est vraisemblable que les juges d’instruction, à qui le dossier a été renvoyé par la cour d’appel, se contenteront de le fermer dans les formes, sans réaliser de nouveaux actes d’enquête”.

Pourtant, des documents militaires dont la déclassification a été refusée par l’Etat français aux juges d’instruction ont pu être consultés par la commission Duclert, commission d’historien-ne-s qui a été créée en 2019 par le Président de la République française pour faire la lumière sur le rôle de la France durant le génocide. Un rapport issu des recherches effectuées a été publié en 2021 en écartant une complicité de l’Etat français. Ce constat juridique effectué par une commission d’historien-ne-s a été critiqué par les organisations parties civiles dans la procédure judiciaire en cours, dont la FIDH et la LDH.

Le rapport Duclert a pourtant confirmé le rôle décisionnel de l’Etat-major des armées lors de l’opération Turquoise. La FIDH et ses organisations membres continuent d’affirmer que l’audition par les juges des plus hauts responsables de l’armée en 1994 s’impose et que les documents militaires doivent être versés au dossier d’instruction.

Cette affaire est importante parce qu’elle soulève des questions sur la politique et la justice française sur le génocide. Elle dévoile les décisions de blocage de la justice française sur la politique de la France à l’égard du régime génocidaire rwandais de l’époque. Principal soutien du régime Habyarimana, la France a armé et formé les auteurs du génocide; elle a couvert les exactions, fait obstacle à l’accès du Conseil de sécurité à des informations fiables, soutenu le gouvernement intérimaire, aidé les acteurs du génocide à quitter le Rwanda, mis en place en juin 1994 l’Opération Turquoise qui, même si elle a sauvé quelques vies, a servi à exfiltrer les responsables du génocide vers le Zaïre et d’autres pays.

Trente ans après le génocide des Tutsi au Rwanda, la FIDH et la LDH restent résolument engagées, notamment dans des procédures judiciaires en France et en Belgique, pour mettre fin à l’impunité dont ont joui les présumés génocidaires pendant de trop nombreuses années, mais aussi des responsables militaires et politiques français impliqués dans l’opération Turquoise. La France aurait pu enrayer la machine génocidaire, et empêcher le massacre de Bisesero. Le rapport Duclert remis au Président Emmanuel Macron il y a trois ans, a souligné “un ensemble de responsabilités lourdes et accablantes” de l’État français dans le génocide. La volonté politique affichée ne suffit pas. L’État français doit poser des actes forts pour faire avancer la lutte contre l’impunité : renforcer les moyens du pôle crimes contre l’humanité, participer activement à la manifestation de la vérité en mettant à disposition, sans restriction, les archives politiques et militaires sur le génocide aux magistrats, et permettre l’audition des plus hauts responsables politiques et militaire français en 1994 par les juges d’instruction. En 30 ans, seulement 7 procès sont allés à leur terme en France sur plus d’une trentaine de procédures. C’est trop peu et beaucoup trop long pour les familles des victimes et les survivant-e-s du génocide qui attendent toujours que justice leur soit pleinement rendue. 

Des organisations engagées pour lutter contre l’impunité pour toutes les parties au conflit

L’opération Turquoise a causé l’exfiltration d’une partie des responsables du génocide vers le Zaïre (aujourd’hui République démocratique du Congo – RDC) , où ils ont par la suite formé le groupe rebelle armé des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) à l’est du pays, avec pour objectif de retourner au Rwanda et de renverser le régime en place. Ce groupe reste actif aujourd’hui, bien que très affaibli, et collabore avec d’autres groupes locaux et les Forces armées de la RDC (FARDC).

Dès les années 90, depuis le début de la guerre, et puis avec la traque de ces responsables au Zaïre par l’Armée patriotique rwandaise (APR), de nombreux massacres de civil-e-s ont été commis au Zaïre et au Rwanda, comme démontré dans le rapport du projet Mapping de 2010 du Bureau du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, qui répertorie les violations les plus graves des droits humains et du droit international humanitaire commises sur le territoire de la RDC entre 1993 et 2003. L’extrême violence perdure jusqu’à aujourd’hui dans l’est de la RDC. On observe le pillage des ressources congolaises par le Rwanda, dans les zones contrôlées par sa milice le M23, avec parfois la complicité de militaires ou proxy congolais. Récemment, un accord a été conclu entre l’Union européenne et le Rwanda concernant l’exploitation de matières premières, notamment des minerais stratégiques pour la transition verte en Europe, en dépit des nombreuses violations des droits humains associées à leur extraction déjà largement dénoncées.

La FIDH et ses organisations membres sont mobilisées aux côtés de la société civile pour lutter contre l’impunité de ces crimes dans la région des Grands Lacs, une impunité qui perdure pour toutes les parties au conflit et à tous les niveaux, y compris au plus haut niveau.

La Ligue rwandaise pour la promotion et la défense des droits de l’Homme (LIPRODHOR) de l’époque et certains de ses membres ont été menacés après le génocide pour leur travail de dénonciation des abus commis par le régime du Front patriotique rwandais (FPR) dans le cadre des poursuites liées au génocide. Certains de ses membres ont  même été contraints à l’exil et la situation actuelle des droits civils et politiques au Rwanda demeure très inquiétante, dans un contexte de forte répression à l’égard de toute voix dissidente au régime. La FIDH et ses organisations membres souhaitent néanmoins saluer la libération, le 8 mars dernier, de François-Xavier Byuma, ancien Vice-président de la LIPRODHOR , après 17 ans de prison pour des accusations qu’il a toujours niées et dans le cadre d’un procès entaché d’irrégularités.

Paris, le 8 avril 2024

Source: Génocide des Tutsi au Rwanda, 30 ans après, où en est la justice ? La faillite des autorités françaises

5 avril 2024 – Tribune collective ” Rwanda : « Seul un accès aux fonds documentaires permettra à la justice d’éclaircir l’engagement de la France au côté des génocidaires »” publiée dans Le Monde 7 avril 2024

Tribune signée par Patrick Baudouin, président de la LDH

Lire la tribune dans Le Monde

Un collectif d’associations qui se sont portées partie civile dans des affaires judiciaires concernant le rôle de la France au Rwanda demande, dans une tribune au « Monde », à Emmanuel Macron, trente ans après le génocide, de permettre à la justice de pouvoir accéder aux pièces et documents demandés dans ces procédures.

Trente ans. Une génération nous sépare du dernier génocide du XXe siècle et trois années depuis que la Commission de recherche sur les archives françaises relatives au Rwanda et au génocide des Tutsi a remis son rapport. Les conclusions de ce travail ont paru implacables quant aux « responsabilités » et à la « faillite de la France ». Pourtant, de nombreuses questions restent en suspens.

Plusieurs fonds d’archives sont toujours inaccessibles et force est de constater que nos institutions judiciaires ne peuvent toujours pas suivre le fil qui mène à des responsables politiques et militaires français de l’époque. Nous nous refusons à attendre la mort de tous les rescapés et de celles et ceux qui portent leurs voix pour que la vérité éclate. Le génocide, c’est aussi le silence des vivants.

A l’occasion du débat parlementaire de novembre 2023 sur la politique africaine de la France, la ministre des Affaires étrangères Catherine Colonna expliquait le besoin de « briser certains tabous » et de « regarder notre passé en face ». « Nous l’avons fait avec le Rwanda », ajoutait-elle justement. Mais peut-on réellement parler d’un tabou brisé quand la justice se heurte encore au mur du secret-défense et qu’aucune instruction n’a abouti à un procès dans les dossiers concernant le rôle de la France ?

Une transparence artificielle

Il est indéniable que le rapport Duclert, de la Commission de recherche sur les archives françaises relatives au Rwanda et au génocide des Tutsi, remis au président de la République le 26 mars 2021, a ouvert une brèche dans le mur du déni qui entoure une des plus atroces compromissions de la Ve République. En permettant à une commission d’historiens d’analyser des milliers de documents d’archives inaccessibles jusque-là, le président a voulu envoyer un signal d’ouverture, de transparence.

Une transparence qui reste pourtant artificielle, nos tribunaux en sont les témoins : pour que justice puisse être rendue, la totalité des archives concernant le Rwanda en 1994, en particulier celles de la mission d’information parlementaire de 1998 et celles des unités et de l’état-major conservées au service historique de la défense, doivent être déclassifiées et rendues réellement accessibles en pratique.

Des zones d’ombre persistent

Seul un accès à l’ensemble des fonds documentaires permettra d’éclaircir les points les plus délicats sur l’engagement de la France au côté des génocidaires, et surtout de comprendre comment certains responsables et représentants de l’Etat ont pu compromettre celui-ci avec ceux qui commettaient l’horreur absolue.

En attendant, les zones d’ombre qui persistent sur le rôle de la France permettent aux « assassins de la mémoire », comme les nommait l’historien de la Shoah Pierre Vidal-Naquet, de raconter une histoire manipulée et de laisser perdurer l’idéologie raciste et xénophobe qui fut à l’origine du génocide des Tutsi du Rwanda en 1994. Les conclusions somme toute floues du rapport Duclert quant à la complicité française esquivent la nécessité de tirer des leçons, sanctionner, réparer, réformer en profondeur.

Emmanuel Macron le déclarait, en mai 2021, dans son discours au Mémorial du génocide de Kigali : « Reconnaître ce passé, c’est aussi et surtout poursuivre l’œuvre de justice. » Il s’agit également d’une mesure préventive : la compréhension des mécanismes ayant mené aux décisions d’engagement de la France auprès d’un régime fasciste doit permettre de prévenir de futures complicités de génocides.

Faire la lumière sur les faits

Trois ans après les conclusions du rapport Duclert, force est de constater que le débat n’est pas clos. Malgré les dénégations, tout tend à montrer que le soutien français actif aux génocidaires n’avait rien d’aveugle. Informée dès l’automne 1990 du projet d’extermination visant les Tutsi, la France pouvait arrêter son soutien matériel et économique au régime extrémiste rwandais.

Notre pays pouvait faire pression sur celui-ci pour enrayer son escalade génocidaire. Il n’en fit rien. Cette coopération matérielle, diplomatique et militaire s’est même poursuivie pendant et après le génocide. Aujourd’hui, des démarches judiciaires tentent de faire la lumière sur ces accusations, documentées, de complicité.

Des instructions – bien trop lentes – sont en cours concernant l’appui de mercenaires français (les fameux « corsaires de la République »), des livraisons d’armes et leur financement par des banques françaises, ou encore la possible complicité dans les massacres qui se sont poursuivis dans les collines de Bisesero, au vu et au su de l’armée française, du 27 au 30 juin 1994. Sur ce point, une audience d’appel contre l’ordonnance de non-lieu est même prévue en pleine période de commémorations, le 27 mai 2024.

Donner de véritables moyens à la justice

Récemment, une requête a été faite par des rescapés et des associations au tribunal administratif contre l’Etat français pour faire reconnaître la gravité des illégalités, et leur caractère fautif, lors du soutien à un régime qui prépare puis exécute un génocide. Monsieur le président, vous avez donné à des historiens la possibilité d’accéder à des documents qui sont toujours refusés à la justice. Comment l’accepter ?

S’il ne vous appartient évidemment pas de vous ingérer dans des procédures judiciaires, nous vous demandons de donner enfin les moyens à la justice, tant administrative que pénale, de faire toute la lumière sur cette complicité de génocide. Cela passe nécessairement, en ce trentième anniversaire, par la dissipation de toutes les zones d’ombre.

Le pouvoir exécutif que vous incarnez doit donc enfin mettre à disposition des juges, sans souffrir la moindre exception, toutes les pièces demandées dans ces procédures, parfois depuis des années. Le refuser encore, trente ans après les faits, ne peut qu’entacher sérieusement les déclarations d’intention politique.

Les signataires de cette tribune sont : Patrick Baudouin, président de la LDH (Ligue des droits de l’Homme) ; Patrice Garesio, coprésident de l’association Survie ; Alain Gauthier, président du Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR) ; Eleonore Morel, directrice de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH)

Source: 5 avril 2024 – Tribune collective ” Rwanda : « Seul un accès aux fonds documentaires permettra à la justice d’éclaircir l’engagement de la France au côté des génocidaires »” publiée dans Le Monde

Tribune d’Agnès Tricoire : “Que certains profitent du contexte artistique pour assouvir un désir sexuel ne peut être généralisé à tout le cinéma d’auteur” publiée dans le monde 7 avril 2024

Tribune d’Agnès Tricoire, présidente de l’Observatoire de la liberté de création et membre du Comité national de la LDH

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Pour Agnès Tricoire, présidente de l’Observatoire de la liberté de création, dont la LDH est membre, le sociologue Eric Fassin, auteur d’une récente tribune au « Monde », se livre à des généralisations abusives à propos du cinéma d’auteur, en le réduisant aux violences sexuelles auxquelles certains réalisateurs se sont livrés.

Qu’est-ce que l’exception culturelle ? Un système par lequel l’Europe a accepté de déroger, en 1993, au dogme de la libre circulation des marchandises qui s’oppose à ce que les pays membres de l’Union protègent leurs marchés intérieurs et aident leurs productions locales. Cette exception a permis à la France d’instaurer une politique protectionniste des œuvres françaises, par le biais de quotas de diffusion et une politique de redistribution confiée au Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) : des taxes sont prélevées sur la diffusion de tous les films, y compris non européens, et redistribuées sous forme d’aides aux créateurs, aux producteurs, aux exploitants et aux distributeurs. Grâce à cela, il existe encore un cinéma français d’auteur, non formaté, quand tant de pays, qui ont moins investi dans leurs politiques culturelles, ont perdu leur cinéma, et le producteur de films n’a pas tous les pouvoirs, contrairement aux Etats-Unis. Le droit d’auteur, en France, est protecteur de la création.

La réalisatrice et scénariste Justine Triet, recevant la Palme d’or, à Cannes en mai 2023, a critiqué à juste titre les menaces contre ce système : « La marchandisation de la culture que le gouvernement néolibéral défend est en train de casser l’exception culturelle française. » Ces remarques lui ont aussitôt valu une volée de bois vert.

Le cinéma d’auteur et l’exception culturelle sont les bêtes noires de l’extrême droite, qui y voit un emploi contestable de fonds publics et un dirigisme politique favorisant les artistes de la critique sociale. Tandis que l’association intégriste Promouvoir s’emploie, depuis vingt ans, à limiter la diffusion des films d’auteur, contestant les visas du ministère de la culture, les élus du Rassemblement national s’opposent par leurs votes aux aides départementales et régionales destinées à la production et à la diffusion des œuvres.

Les films sont donc pris en tenailles entre libéralisme et idéologie morale et identitaire. La liberté de création, qui a force de loi depuis 2016, est un rempart qui protège le droit que les œuvres soient financées et diffusées.

Courage des femmes

Pour autant, elle ne saurait être un paravent pour protéger des comportements déviants et relevant de la loi pénale. Certains hommes ont – ou sont accusés d’avoir – violé, agressé verbalement ou physiquement, battu, manipulé, voire se sont échangé des jeunes femmes : des réalisateurs, Roman Polanski, Benoît Jacquot et Jacques Doillon, mais aussi Gérard Depardieu, comédien qui a tourné dans nombre de films à très gros budget, et Harvey Weinstein, producteur de cinéma hollywoodien. On le sait grâce au courage de femmes qui ont osé briser la loi du silence, malgré les connivences ayant permis que ces rapports de prédation aient lieu et soient tus.

Pour comprendre comment ces comportements individuels et collectifs déviants et critiquables sur le plan légal, moral et politique sont advenus, le cinéma a besoin qu’on l’étudie sérieusement. Dans une tribune au Monde, publiée le 21 mars (« Le cinéma doit en finir avec l’exception sexuelle, sous peine de mettre en danger l’exception culturelle »), Eric Fassin vise les réalisateurs en général, et non ceux, peu nombreux, qui ont commis ces abus, sans étayer son propos par aucune méthode d’analyse et enquête de terrain. Il en oublie ainsi les comédiens et les producteurs déviants ou accusés de l’être pour dénoncer le seul cinéma d’auteur. Pareille démarche ne fait qu’ajouter à la confusion.

L’outrance du trait d’égalité tiré entre exception culturelle et « exception sexuelle », expression par laquelle il désigne de façon générale le cinéma d’auteur, l’outrance de sa désignation du réalisateur, en général, comme coupable d’« appropriation sexuelle », sont d’autant plus contestables qu’elles ne sont étayées par aucun travail scientifique.

Enfin, si la liberté de création n’est pas un paravent pour les crimes, pour autant, contester la distinction entre personne, auteur, œuvre, personnages, de façon générale, ne paraît pas plus fondé. L’autonomie de l’œuvre est élaborée au début du XIXe siècle pour lutter contre la censure morale, religieuse et politique. Alfred de Vigny, critiqué par Sainte-Beuve, revendique le droit de la fiction à ne pas se laisser imposer de règles de représentation. Théophile Gautier, accusé d’être dépravé par le quotidien Le Constitutionnel, conteste, dans la préface de Mademoiselle de Maupin, que les œuvres entraînent au vice : « Je ne sais qui a dit je ne sais où que la littérature et les arts influaient sur les mœurs. Qui que ce soit, c’est indubitablement un grand sot – c’est comme si l’on disait : les petits pois font pousser le printemps…  »

Mécanisme de distanciation

Les spécialistes en analyse filmique ou littéraire s’appliquent à comprendre ce mécanisme de distanciation entre l’auteur, son œuvre et le public. La distinction opérante n’est pas tant celle de l’homme et de l’artiste que celle de l’homme (ou artiste) et l’œuvre.

Faut-il, parce que certains artistes ont commis des crimes, remettre en cause cette distinction ? Le désir de faire œuvre est artistique, esthétique, ou documentaire. Que certains profitent du contexte de création pour assouvir un autre désir, sexuel, ne permet pas pour autant de généraliser et de faire du corps la matrice de l’auteur, comme l’écrit Eric Fassin. Celui qui viole dévie et commet un crime. Il doit être jugé et mis hors d’état de nuire. Au cinéma, les aides du CNC sont conditionnées désormais au respect du code du travail : le producteur doit prendre toutes dispositions pour prévenir les faits de harcèlement sexuel, y mettre un terme et les sanctionner. Le droit progresse.

Prétendre que le même corps filme et viole, c’est l’argument déjà utilisé par certaines féministes contre le J’accuse de Polanski, pour en demander la déprogrammation. Or, il ne vaudrait que si l’œuvre montrait le crime dont l’auteur est accusé, et alors en effet sa diffusion serait très discutable. En dehors de cette hypothèse, chacun doit pouvoir juger s’il est opportun, pour soi, de voir les films des auteurs mis en cause. Enfin, les déviances de certains ne doivent certainement pas abolir de façon générale la distinction entre l’auteur et l’œuvre, nécessaire pour lutter contre la censure ou l’entrave à la diffusion des œuvres.

Paris, le 30 mars 2024

Source: Tribune d’Agnès Tricoire : “Que certains profitent du contexte artistique pour assouvir un désir sexuel ne peut être généralisé à tout le cinéma d’auteur” publiée dans le monde

4 avril 2024 – Tribune “La vision de services publics à vocation universelle est largement remise en cause” publiée dans le monde 7 avril 2024

Tribune à l’initiative du collectif Nos services publics et signée par Patrick Baudouin, président de la LDH

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Depuis plus d’un mois, des milliers d’enseignants, d’élèves et de parents d’élèves de Seine-Saint-Denis sont mobilisés pour obtenir des recrutements en adéquation avec le nombre d’élèves, des chaises en état et des bâtiments sans fuites d’eau. Depuis plus d’un mois, au Mans, les équipes des urgences du centre hospitalier sont en grève pour un accueil décent de leurs patients en service psychiatrie. Dans le même temps, cheminots et militants écologistes font entendre leur voix pour la défense du fret ferroviaire.

Ces mobilisations sont marquées par un sentiment commun d’être au pied du mur. Elles ne réclament ni plus ni moins que l’essentiel : de la décence dans les conditions de travail et le respect des droits élémentaires des usagers. Mais leur portée va bien au-delà de ces revendications, de leur territoire ou de leur secteur. Elles disent l’attachement, partout en France, à la vocation universelle des services publics et le refus de la dualisation de la société en cours devant ce qu’il est en train de devenir : un service public pour les pauvres, donc un pauvre service public.

Le glissement est enclenché depuis plusieurs décennies déjà. Au-delà même de l’évolution démographique, les besoins de la population ont progressé – hausse du nombre de jeunes allant jusqu’au baccalauréat, augmentation massive des maladies chroniques, urgence climatique –, pourtant, les moyens des services publics, comprimés, n’ont pas suivi cette évolution des besoins. Un écart croissant s’est constitué entre les besoins de la population et les moyens de l’école publique, de l’hôpital ou de la justice, disparaissant ou construisant un espace pour le développement de services privés.

Changement de nature

Les collèges privés sous contrat ont vu la proportion d’enfants de parents diplômés passer de 29 % en 2003 à 40 % en 2021, pendant que la composition sociale des établissements publics restait stable. Les cliniques privées à but lucratif se sont spécialisées dans les actes les plus programmables et les plus rentables – elles effectuent 75 % des actes de chirurgie ambulatoire –, là où l’hôpital public continue d’assurer la majorité des urgences, des soins les plus lourds et de l’accueil des patients précaires. Transports, justice, Sécurité sociale : tous les secteurs sont concernés par cette évolution. Même le domaine régalien de la sécurité, que l’on pourrait penser sanctuarisé, voit se multiplier les emplois de vigiles privés.

Ces transformations vont bien plus loin que la seule dégradation des conditions de travail et d’accueil. Lorsque la possibilité est donnée à une fraction de la population de faire sécession, c’est l’ensemble du service public qui change de nature. Quand le service public n’accueille plus que les moins aisés, il devient un moindre service public. Résulte de ce processus la cristallisation d’une société à deux vitesses. Un service public inaccessible et aux moyens limités pour les moins favorisés, qui demande à ses agents de classer et de contrôler plutôt que d’accompagner, et des offres de services payantes pour ceux qui en ont les moyens. Ces services onéreux n’offrant, au demeurant, pas la moindre garantie de qualité, comme l’ont récemment montré les scandales des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes ou des crèches privées.

C’est ce basculement que refusent les mobilisations actuelles : de moins en moins à même de répondre aux besoins essentiels de la population, les services publics perdent leur capacité à maintenir la cohésion de la société. Les agents en éprouvent tous les jours les conséquences, à rebours de leur éthique professionnelle : tri des patients, sélection des élèves, recul des droits des usagers. Si c’est en Seine-Saint-Denis, dans les zones rurales, auprès des patients atteints de maladies psychiatriques, parmi les personnes étrangères ou celles qui sont le plus éloignées du numérique que cette fragilisation commence à se faire sentir, le mouvement en cours est bien celui d’une fracturation de l’ensemble de notre société. Et les gouvernements successifs ont aggravé cette fracture : d’une main, en faisant de la « baisse des dépenses » l’horizon indépassable des services publics, et, de l’autre, en finançant sur les fonds publics les écoles sous contrat, les cliniques commerciales, ou en favorisant l’accroissement des assurances complémentaires, et parmi elles de celles à but lucratif.

Rendre les droits aux citoyens

Aujourd’hui, la vision de services publics à vocation universelle est largement remise en cause. Des décisions politiques, très concrètes, pourraient au contraire en réaffirmer le caractère essentiel, à rebours des discours et des actes les plus récents : en systématisant la présence de guichets de proximité en complément d’une offre « dématérialisée », en garantissant l’accès à un logement social sur l’ensemble du territoire, en réaffirmant la vocation de mixité sociale et scolaire de l’école publique, en travaillant à un droit, à une alimentation et à une eau de qualité pour toutes et tous, en refusant le vote de lois de préférence nationale, en assurant un accueil digne aux droits à l’aide médicale de l’Etat, à l’asile et au séjour, etc. Revendiquer des services publics universels n’est pas une abstraction : c’est au contraire rendre, très concrètement, leurs droits aux citoyennes et aux citoyens, et leur liberté et leurs moyens de faire leur travail aux agents des services publics.

Les défis auxquels nous faisons face, au premier rang desquels l’urgence écologique, ne pourront être relevés qu’à condition d’une mobilisation réelle pour construire du commun et préparer l’avenir. Les évolutions actuelles des services publics, qui engagent notre société, appellent un débat de société majeur. A rebours de cette nécessité démocratique, les décisions budgétaires passent désormais exclusivement outre le vote du Parlement, par 49.3, voire, à l’instar des récents plans d’économies, par décret. Il nous appartient aujourd’hui de revendiquer cet horizon de services publics pour toutes et tous, et d’organiser le débat dans la société.

Premiers signataires : Patrick Baudouin, président de la LDH (Ligue des droits de l’Homme) ; Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT ; Arnaud Bontemps, coporte-parole du collectif Nos services publics ; Julia Cagé, économiste ; Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France ; Claire Lemercier, historienne, directrice de recherche du CNRS à Sciences Po ; François Molins, ancien procureur général près la Cour de cassation ; Louise Paternoster, enseignante en maternelle et syndicaliste en Seine-Saint-Denis ; Gilles Perret, réalisateur ; Kim Reuflet, présidente du Syndicat de la magistrature ; Florence Rigal, présidente de Médecins du monde ; Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre.

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Source: 4 avril 2024 – Tribune “La vision de services publics à vocation universelle est largement remise en cause” publiée dans le monde

Sortir de l’impasse pour la libération de Georges Abdallah 7 avril 2024

Communiqué et lettre ouverte commune, dont la LDH est signataire, adressée au président de la République

Au mépris du droit, la France retient Georges Ibrahim Abdallah en détention depuis 37 ans. En détention depuis 1984, cela fait 25 ans qu’il aurait dû être libéré. Le 6 avril, il passera une nouvelle fois son anniversaire en prison. Il est aujourd’hui le prisonnier politique le plus ancien dans une prison française, et l’un des plus anciens en Europe. Cette situation est totalement contraire à la tradition de la France en matière de droits humains. Par deux fois, alors que la justice d’application des peines avait décidé la libération de Georges Ibrahim Abdallah, les ambassades des Etats-Unis et d’Israël, et même Hillary Clinton, alors secrétaire d’Etat des Etats-Unis, sont intervenues pour peser sur le cours de la justice de notre pays, et obtenir qu’il ne soit pas libéré et conduit au Liban. Nous le réaffirmons : ce n’est ni aux Etats-Unis ni à Israël de dicter la justice en France. Le 8 juin dernier, Georges Ibrahim Abdallah a déposé une nouvelle demande de mise en liberté. Le 29 juin, nos 14 organisations ont écrit au président de la République, pour lui demander de faire prendre sans tarder, par le ministre concerné, son arrêté d’expulsion vers le Liban. Nous lui avons demandé de prendre cette décision bien avant le jugement du tribunal de l’application des peines, en la mettant à l’abri de toute pression, et en rétablissant ainsi son caractère purement technique. Une fois ces conditions réunies, c’est à la Justice qu’il appartiendra, en toute responsabilité, en toute indépendance et de manière pleinement effective, de se prononcer sur sa libération comme elle l’a déjà fait à deux reprises. Nous n’avons toujours pas reçu de réponse à ce courrier. La durée de la détention de Georges Ibrahim Abdallah, et le blocage des décisions de justice par le pouvoir exécutif, sont une honte pour la France. Il est urgent d’y mettre fin. Il est grand temps que Georges Ibrahim Abdallah soit enfin libéré, et puisse rejoindre sa famille au Liban ! À l’occasion de son anniversaire le 6 avril, nous tenons à rappeler ce déni de justice et envoyons de nouveau notre courrier au président de la République.

Signataires : Anne Tuaillon, présidente de l’Association France Palestine Solidarité, Patrick Baudouin, président de la LDH (Ligue des droits de l’Homme), François Sauterey, co-président du Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les peuples, Mouvement de la Paix, Union Juive Française pour la Paix, Une Autre Voix Juive, Confédération Générale du Travail, Fédération Syndicale Unitaire, Union syndicale Solidaires, Syndicat national des enseignements de second degré, Confédération paysanne, Parti Communiste Français, Parti de Gauche, Ensemble ! Mouvement pour une alternative de gauche, écologiste et solidaire.

Lettre ouverte adressée au président de la République

Monsieur le Président de la République,

Le 29 juin 2023, nous vous avons adressé ce courrier resté sans réponse à ce jour.
Par ce courrier, nous nous souhaitions attirer votre attention sur le cas de M. Georges Ibrahim Abdallah, condamné en 1987, libérable depuis 1999, et toujours en prison, alors que le tribunal de l’application des peines s’est prononcé par deux fois pour sa libération. En nous adressant à vous, nous nous plaçons sur le strict terrain du Droit.
En l’absence d’une décision d’expulsion par le gouvernement français, les décisions de la Justice pour sa libération conditionnelle n’ont pas pu être appliquées, et il est aujourd’hui le prisonnier politique le plus ancien dans une prison française, et l’un des plus anciens en Europe. Cette situation est totalement contraire à la tradition de la France en matière de droits humains.
Rappelons qu’en 2012 le tribunal de l’application des peines s’était prononcé pour la libération de Georges Ibrahim Abdallah, sous réserve de son expulsion. Par la voix du ministre de l’Intérieur de l’époque, l’exécutif français, soumis à de fortes pressions internationales, avait refusé de signer l’arrêté d’expulsion. C’est donc le pouvoir exécutif qui, en dernier ressort, a rendu impossible la libération d’un détenu décidée par la Justice, une situation totalement anormale dans un système démocratique de séparation des pouvoirs.
Les spécificités juridiques du dossier de George Ibrahim Abdallah, dont la peine n’avait pas été assortie d’une interdiction de territoire sur l’ensemble du territoire français, font que sa libération ne pourra intervenir que si un arrêté d’expulsion (en l’occurrence vers le Liban comme il le demande) est pris à son sujet.
Le 8 juin dernier, Georges Ibrahim Abdallah a formulé une nouvelle demande de liberté conditionnelle. Dans ces conditions, nous vous demandons de faire prendre sans tarder, par le ministre concerné, son arrêté d’expulsion vers le Liban. En prenant cette décision bien avant le jugement du tribunal de l’application des peines, en la mettant à l’abri de toute pression, vous en rétablirez le caractère purement technique. Une fois ces conditions réunies, c’est à la Justice qu’il appartiendra, en toute responsabilité, en toute indépendance et de manière pleinement effective, de se prononcer sur sa libération.
Monsieur le Président de la République, nous vous demandons solennellement de ne pas manquer cette occasion d’en finir avec une détention dont la durée est une honte pour la France. Par la signature rapide d’un arrêté d’expulsion, le pouvoir exécutif n’a pas à décider sur le fond de la libération de Georges Ibrahim Abdallah, il remettra simplement la décision entre les mains de la Justice.
Nous sollicitons de votre part un rendez-vous pour évoquer avec vous plus précisément cette affaire, et la manière de sortir enfin d’une impasse qui est un déni de justice et qui ternit l’image de la France.
Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de notre très haute considération.

Signataires : Anne Tuaillon, présidente de l’Association France Palestine Solidarité, Patrick Baudouin, président de la LDH (Ligue des droits de l’Homme), François Sauterey, co-président du Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les peuples, Mouvement de la Paix, Union Juive Française pour la Paix, Une Autre Voix Juive, Confédération Générale du Travail, Fédération Syndicale Unitaire, Union syndicale Solidaires, Syndicat national des enseignements de second degré, Confédération paysanne, Parti Communiste Français, Parti de Gauche, Ensemble ! Mouvement pour une alternative de gauche, écologiste et solidaire.

Paris, le 3 avril 2024

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Source: Sortir de l’impasse pour la libération de Georges Abdallah